Serge Ayoub
Serge Ayoub, né le à Bagnolet, est un militant d'extrême droite français. Il dirige les Jeunesses nationalistes révolutionnaires dans les années 1980-1990, puis le mouvement Troisième Voie dans les années 2010.
Naissance | |
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Nom de naissance |
Serge Élie Ayoub |
Surnom |
Batskin |
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Homme politique, extrémiste de droite, militant |
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Condamné pour |
Biographie
Enfance
Fils d'une magistrate[1] française et d'un haut fonctionnaire d'origine libanaise ancien combattant français de la guerre d'Algérie[2] - [3], Serge Élie Ayoub[4] naît le [5].
Politisation
Il devient l'un des meneurs des skinheads parisiens, il reçoit le surnom « Batskin » en raison de l'utilisation fréquente qu'il faisait des battes de baseball lors des affrontements physiques avec ses adversaires politiques, notamment lors d'un affrontement au lycée Charlemagne de Paris[6]. Il est affilié à la bande de Gambetta, puis du quartier du Luxembourg.
Très actif durant les années 1980 avec sa bande de skinheads ayant déménagé pour des raisons policières à St Michel celle-ci prend le nom de Klan, avec pour symbole une rune d'Odal rouge. En 1987 il fonde les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) dans une suite logique de passage de bande de quartier à un mouvement politique proche du Mouvement Nationaliste Révolutionnaire de Maliarakis. Il s'inscrit comme étudiant à l'université de Paris VI (Jussieu) où il aurait été coutumier d'affrontements avec les divers groupes antifascistes et redskins[7]. Il tente de devenir le leader des hooligans du Parc des Princes dans les années 90 afin de les politiser, avec le Pitbull Kop[8], sans véritable succès.
MĂ©diatisation puis retrait de l'action politique
Les JNR sont médiatisées, dans les années 1980-1990, du fait de la violence de leur engagement et Serge Ayoub fit plusieurs apparitions télévisées lors de débats ou de reportages[1]. Après avoir été associées à Jean-Gilles Malliarakis, dirigeant du Mouvement nationaliste révolutionnaire, puis de Troisième Voie, les JNR s'en dissocient dès 1989[9], à la suite de la « droitisation » de ce dernier. En 1993, Ayoub se présente aux élections législatives et obtient 0,17 % des voix dans les Hauts-de-Seine[10] - [11].
Il ouvre ensuite plusieurs boutiques de fanzines et d'accessoires pour skinheads d'extrême droite[12] : Dark Side (dans le 14e arrondissement), dynamité fin 1993, puis un autre magasin, Dark Lords (dans le 15e), fermé par décision préfectorale, en mai 1994, à la suite d'une manifestation marquée par la mort du militant nationaliste Sébastien Deyzieu[13].
Le , il est condamné, avec Joël Giraud et Éric Rossi, à 8 mois de prison avec sursis après l’attaque d’un groupe de jeunes, le [14] - [15] ainsi que pour l'agression de Karim Diallo à Paris en 1990 sous l'œil des caméras de la Cinq[16] - [17].
Dans les années 1990, Ayoub s'éloigne de l'action politique. Il rejoint un club de bikers proche des Hells Angels et tente sans succès d'y monter un chapitre[18]. Il effectue un séjour de neuf mois en prison pour trafic de stéroïdes[19], s'essaie à la production de films pornographiques[20], et dit avoir travaillé plusieurs années à l'étranger : au Salvador, en Lituanie et en Russie[21].
De retour en France, il ouvre le bar Le Garage, pendant l'été 2006, dans le quartier d'Oberkampf à Paris (11e arrondissement)[22].
Retour au militantisme
Il participe les 8 et à l'université d'été du mouvement Égalité et Réconciliation présidé par Alain Soral dont il s'éloigne pourtant rapidement en raison d'un désaccord avec les vues de Soral sur l'immigration[23].
Déclarant avoir décidé de fermer Le Garage pour se concentrer à nouveau sur une activité plus politisée, il lance, en 2007, la « Société des Égaux » ainsi que « Le Local » — monté avec l'aide de Frédéric Chatillon, ancien responsable du GUD dans les années 1990 et une participation initiale d'Alain Soral —, un bar situé au 92 de la rue de Javel et se présentant comme un espace de rencontre associatif pour les « nationaux “des deux rives” ». Des conférences sur l'histoire et l'actualité y sont régulièrement organisées. Le , à l'occasion d'une French Pride organisée au Local, Serge Ayoub y reçoit Marine Le Pen et les blogueurs influents de la « réacosphère »[24] - [25]. En avril 2009, Philippe Goujon, maire UMP du 15e arrondissement, annonce vouloir fermer le bar[26]. Le Local ferme en 2013[27], quelques mois après la mort de Clément Méric. L'enquête établira que les militants d'extrême droite impliqués dans la rixe se sont retrouvés tous ensemble au bar de Serge Ayoub avec qui ils ont été en communication téléphonique juste avant et juste après la rixe[28], puis tout au long de la nuit[29].
En 2008, il publie chez Scribedit son premier roman, Conte barbare.
Le , il diffuse sur Dailymotion un documentaire en cinq parties intitulé Sur les pavés, retraçant ses années skinhead qui se présente comme une réponse au DVD Antifa chasseurs de skins, réalisé l’année précédente par Marc-Aurèle Vecchione[30].
En octobre 2010, il lance « Troisième Voie, pour une avant-garde solidariste » avec pour projet « d'investir le champ syndical »[31]. Il réactive aussi le mouvement des Jeunesses nationalistes révolutionnaires. En janvier 2011, il participe avec le groupuscule Front comtois à une réunion au sujet du combat nationaliste, à Montbéliard[32].
En mai 2011, il copréside le Comité du 9-Mai, initialement prévu pour entretenir la mémoire de Sébastien Deyzieu ; ce défilé rassemble à Paris environ 700 personnes (selon la police)[33] de diverses mouvances nationalistes contre le « mondialisme » célébrant aussi la mémoire de Jeanne d’Arc. Ce défilé avait eu lieu précédemment en 2010 avec la présence de Serge Ayoub[34].
Le , à Lille, il organise une manifestation baptisée « Front populaire solidariste » en « hommage patriote » à Roger Salengro, dans la lignée de la récupération de l'image de ce dernier par le Front national. Le défilé rassemble de 500 à 600 participants sous les slogans « Europe, jeunesse, révolution », « Libre, social et national » ou « Crise mondiale, solution nationale ». Cette manifestation suscite, le même jour, une contre-manifestation rassemblant derrière une banderole « Hier, aujourd'hui, demain, résistance anti-fasciste » de 1 600 à 2 500 personnes venues notamment de SOS Racisme, du MRAP, de la CGT, de la Ligue des droits de l'homme, des syndicats SUD, du NPA et du Front de gauche[35].
Dissolution des JNR
En juin 2013, dans le cadre de l'affaire Clément Méric, il est sollicité par les médias pour s'exprimer sur la responsabilité des JNR suspectées d'être impliquées[36]. Najat Vallaud-Belkacem demande, le 7 juin, d'arrêter de lui offrir une tribune publique[37]. Le 12 juin, Le Canard enchaîné publie une photo le présentant avec Esteban Morillo, accusé principal de la mort de Clément Méric[38].
Le 25 juin, il annonce l'auto-dissolution des mouvements Troisième Voie et JNR, expliquant avoir « pris cette décision pour l'honneur, avant d'être dissous par d'autres »[39]. Le gouvernement avait en effet lancé deux semaines auparavant une procédure de dissolution de ces groupes et allait probablement signer le décret de dissolution lors du Conseil des ministres du 26 juin[40]. C'est finalement lors du Conseil des ministres du 10 juillet que le gouvernement prononce, en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, la dissolution des mouvements Troisième Voie et JNR ainsi que de l'association Envie de rêver, au motif que « ces trois entités propagent une idéologie incitant à la haine et à la discrimination envers les personnes à raison de leur non-appartenance à la nation française et de leur qualité d'immigrés »[41] - [42]. Serge Ayoub annonce le même jour qu'il compte engager un recours pour excès de pouvoir contre ce décret de dissolution devant le Conseil d'État car, selon lui, « aucun des écrits de Troisième Voie n'incite à la haine raciale » et les « JNR ne sont pas une milice privée, c'est un service d'ordre »[42]. Le , le Conseil d'État rejette sa requête formée contre le décret prononçant la dissolution des associations Troisième Voie, Jeunesses nationalistes révolutionnaires et Envie de rêver[43] - [44].
Gremium MC
En 2013, avec plusieurs anciens membres des JNR, il fonde le club de motards indépendant MC Praetorians, implanté à Berzy-le-Sec et se revendiquant « apolitique »[45].
En 2018, Serge Ayoub devient président de la branche française du Gremium Motorcycle Club (en), un groupe de motards criminalisés originaire d'Allemagne. Le MC Praetorians se dissout pour devenir un chapitre du Gremium[18]. Le groupe compte, en 2021, une cinquantaine de membres. Il serait cependant moins lié à la criminalité que d’autres gangs du Gremium, malgré des règlements de compte internes violents, et ferait surtout figure de milice privée de Serge Ayoub[46].
Les anciens des JNR ne sont plus nombreux, mais plusieurs autres personnes issues de groupes d'extrême droite (White Wolf Klan, Picard Crew, Génération identitaire) rejoignent le Gremium[18].
Publications
- Conte barbare, Paris, Le Retour aux sources, [47].
- G5G-Déclaration de guerre, Paris, Le Pont d’Arcole, , avec Michel Drac et Michel Thibaud[48].
- Doctrine du Solidarisme, Paris, Le Pont d’Arcole, [49].
- L'Affaire Clément Méric : du fait divers au scandale politique, Paris, Le Pont d’Arcole, [50].
- Pour un nouveau contrat social, Ă©ditions Kontre Kulture, 2018.
Notes et références
- Caroline Monnot, « Serge Ayoub, le chef de bande de la mouvance skinhead », Le Monde, .
- Patricia Tourancheau et Willy Le Devin, « Ayoub, nazi qui s’en dédit », Libération.fr,‎ 13 juin 2013 à 22:26 (mis à jour le à 11:03), p. 1 (lire en ligne, consulté le ).
- « Les supporters de la terreur », Le Nouvel Observateur, .
- Enregistrement de sa société Le Garage au Registre national du commerce et des sociétés et de sa société Dark Side sur Infogreffe.
- Sébastien Ramnoux, « L’ex-leader des Skinheads ouvre un bar dans le XIe », Le Parisien, 12 septembre 2006.
- Yan Morvan, Gang, Éditions Marval.
- Renaud Leblond, « Les skinheads voient rouge », L'Express, .
- Nicolas Hourcade, « L'engagement politique des supporters “ultras” français : Retour sur des idées reçues », Politix, Hermes Science, vol. 13, no 50 « Sport et politique »,‎ , p. 107-125 (115) (ISBN 2-7462-0150-X, ISSN 1953-8286 et 0295-2319, lire en ligne).
- Roland Gaucher, La Montée du Front, 1983-1997, éd. Picollec, 1997, 446 p. (ISBN 2-86477-164-0), p. 315.
- A. Chebel d'Appollonia, L'Extrême-droite en France. De Maurras à la Pen, Éditions Complexe, 1987, p. 389.
- L'élection est par la suite invalidée faute de présentation des comptes de campagne. Voir Emmanuel Lemieux 2011, p. 322.
- (en) B'nai B'rith (Nizkor Project), « The ADL's "Skinhead International: A Worldwide Survey of Neo-Nazi Skinheads" », .
- « Skinheads ou Le Pen prolétariat », REFLEXes, no 47, octobre-novembre 1995.
- « L’extrême droite musicale en France. Petite musique de nuit (et brouillard…) », REFLEXes, .
- Frédéric Haziza, Vol au-dessus d'un nid de fachos: Dieudonné, Soral, Ayoub et les autres, Fayard, 2014, 184 p., p. 49-50.
- « Skins tueurs à la bière empoisonnée. Les meurtriers d'un Mauricien au Havre démasqués huit ans après », Libération, .
- Emmanuel Lemieux, Génération tonton, Don Quichotte, 2011, 476 p., p. 404.
- Julien Rieffel, « Règlement de comptes chez les bikers néonazis de Serge Ayoub » , sur streetpress.com, (consulté le )
- (en) Paris - Skinheads Vs. Bikers, Vice, .
- Caroline Monnot, « Serge Ayoub, le chef de bande de la mouvance skinhead », Le Monde,‎ (lire en ligne).
- Pour Emmanuel Lemieux, qui fait état d'éventuelles activités d'Ayoub au Salvador, en Russie et en Lituanie, puis d'un retour plus discret à Paris au début des années 2000, « durant une quinzaine d’années, Serge Ayoub est un roman, avec beaucoup de blancs ». Voir Emmanuel Lemieux 2011, p. 404.
- « Paris - Skinheads Vs. Bikers », Vice Magazine, .
- Interview de Serge Ayoub.
- Peggy Corlin et Augustin Scalbert, « Un verre avec les extrémistes de la “réacosphère” », Rue89 sur nouvelobs.com, .
- Laura Thouny, « Marine Le Pen n'a-t-elle vraiment "aucun rapport" avec les JNR ? », L'Obs, (consulté le ).
- « Le bar de skinheads embarrasse Javel », Le Parisien, .
- Aurélie Sarrot, « Le local des "skinheads" de la rue de Javel bientôt fermé ? », metronews, .
- Thierry Vincent, Violences de l'extrême droite, Le retour, magazine Spécial Investigation, Canal+, diffusé le .
- Violette Lazard, Mort de Clément Méric : des SMS accablent un des skinheads, Libération, .
- Matthieu Goar, « Serge Ayoub, le skin qui passe entre les gouttes », 20 minutes, (consulté le ).
- « Les projets syndicaux d’un ancien chef skinhead », Droite(s) extrême(s), blog Le Monde, .
- « Mobilisation “antifasciste” à Montbéliard », MaCommune.info, .
- « L’extrême-droite groupusculaire manifeste à Paris », Les Inrocks, .
- « : de Jeanne d’Arc à Deyzieu, une même Occupation », REFLEXes, 2010.
- Jacques Leclercq, De la droite décomplexée à la droite subversive : Dictionnaire 2010-2012, Paris, L'Harmattan, , 256 p. (ISBN 978-2-296-96809-7), p. 224-225 ; Laurent Grenoble, « Lille : manif de l'extrême-droite et protestations. Profils de néonazis », LePost.fr, ; AFP, « Lille : manifestation d'extrême droite et contre-manifestation antifasciste », lexpress.fr, .
- « Serge Ayoub, starlette de la violence », marianne.net, .
- « Najat Vallaud-Belkacem demande aux médias de ne pas faire de publicité aux groupuscules d'extrême droite », sur lelab.europe1.fr, .
- Clément Méric : son agresseur et Serge Ayoub des JNR ensemble sur des photos
- « Groupuscules d'extrême-droite: Troisième voie et JNR annoncent leur dissolution », sur BFMTV (consulté le )
- Dissolution Ă l'extrĂŞme droite: une solution efficace?
- DĂ©cret du portant dissolution d'une association et de deux groupements de fait
- Le gouvernement dissout trois groupes d'extrĂŞme-droite
- 20 Minutes, Dissolution des associations Troisième Voie !, JNR et Envie de rêver, .
- Auparavant, le Conseil d'État avait déjà rejeté la requête en suspension du décret (procédure en référé-liberté) d'Envie de rêver demandant la suspension du décret, jusqu'à ce que le Conseil se prononce sur le fond de l'affaire. (cf. CE, juge des référés, , Association Envie de rêver et M. C.
- « D’anciens militants nationalistes fondent un club de motards près de Soissons », sur lunion.fr, (consulté le ).
- Julien Rieffel, « Règlement de comptes chez les bikers néonazis de Serge Ayoub », sur StreetPress, (consulté le ).
- Serge Ayoub, Conte barbare, Paris, Le Retour aux sources, , 184 p. (ISBN 978-2-35512-015-2).
- Serge Ayoub, Michel Drac et Michel Thibaud, G5G-Déclaration de guerre, Paris, Le Pont d’Arcole, (ISBN 978-2-35512-030-5).
- Serge Ayoub, Doctrine du Solidarisme, Paris, Le Pont d’Arcole, , 184 p. (ISBN 979-10-91966-02-3).
- Serge Ayoub (préf. Nicolas Gardères), L'Affaire Clément Méric : du fait divers au scandale politique, Paris, Le Pont d’Arcole, , 120 p. (ISBN 979-10-91966-03-0, présentation en ligne).
Voir aussi
Bibliographie
- Vol au-dessus d'un nid de fachos. Dieudonné, Soral, Ayoub et les autres, 180 p., Fayard, 15 janvier 2014.
- Emmanuel Lemieux, Génération tonton, Paris, Don Quichotte, , 476 p. (ISBN 978-2-35949-008-4)
Filmographie
- Sur les pavés, autonomiste media, 2009
- Serge Ayoub, Dieudonné : entretien sur l'affaire Méric, novembre 2013