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Renaissance Paléologue

On appelle Renaissance PalĂ©ologue, du nom de la dynastie rĂ©gnante Ă  cette Ă©poque, le renouveau culturel allant de la reprise de Constantinople par Michel VIII en 1261 Ă  la chute finale aux mains de Mehmet II en 1453, pĂ©riode au cours de laquelle l’empire byzantin, gĂ©ographiquement fragmentĂ© et Ă©conomiquement affaibli, voit pourtant sa culture s’affirmer grĂące Ă  de brillants intellectuels, s’ouvrir Ă  d’autres cultures, et se rĂ©pandre au-delĂ  de ses frontiĂšres.

Mais alors que la « Renaissance macĂ©donienne » avait Ă©tĂ© un retour aux sources au cours duquel on s’était efforcĂ© de recopier les modĂšles datant des pĂ©riodes fastes de l’empire, de les commenter et de les classer, la « Renaissance PalĂ©ologue » retournera plus loin en arriĂšre et, se tournant vers la GrĂšce antique, redĂ©couvrira des auteurs perdus depuis des centaines d’annĂ©es. La chute de Constantinople aux mains des croisĂ©s ayant remis en question l’image d’un empire universel dont la fin coĂŻnciderait avec celle du monde, l’image de l’homme idĂ©al devient celle d’un homme « dont les qualitĂ©s morales Ă©taient complĂ©tĂ©es par un savoir universel, et la sensibilitĂ© religieuse par un attachement trĂšs vif Ă  la beautĂ© des Ɠuvres d’art et l’attachement Ă  la nature[1] ». ÉbranlĂ©s dans leur certitude sĂ©culaire que la civilisation byzantine Ă©tait supĂ©rieure Ă  toutes les autres, intellectuels et artistes byzantins qui fraient depuis la conquĂȘte avec Latins, GĂ©nois, VĂ©nitiens et de plus en plus avec les Turcs qui ont pris le relais des Arabes, commencent Ă  s’ouvrir aux civilisations Ă©trangĂšres et Ă  traduire des textes du latin vers le grec. Dans ces annĂ©es sombres, l’Église orthodoxe demeure l’institution vers laquelle se tournent ceux qui cherchent Ă  conserver leurs valeurs traditionnelles.

En mĂȘme temps, cette culture qui revendique de plus en plus le qualificatif d’ « hellĂšne », se rĂ©pand dans les pays voisins. On la voit rayonner en Serbie oĂč les NĂ©manjides construiront des monastĂšres jusqu’à Constantinople, en Bulgarie, Ă  Novgorod, au mont Athos, de mĂȘme que dans les États ayant fait partie de l’ancienne empire : despotat d’Épire, Ă©phĂ©mĂšre Empire de Thessalonique, Empire de TrĂ©bizonde.

Contexte historique

La « renaissance macédonienne »

L’enluminure fut un des domaines privilĂ©giĂ©s de la renaissance macĂ©donienne; ici le roi David dans le Psautier de Paris (Xe siĂšcle).

Sous la dynastie macĂ©donienne fondĂ©e par Basile Ier (r. 867 -888) et se terminant avec les impĂ©ratrices ZoĂ© et ThĂ©odora PorphyrogĂ©nĂšte (qui rĂ©gnĂšrent conjointement en 1042), la sociĂ©tĂ© byzantine avait vĂ©cu une autre renaissance intellectuelle, au cours de laquelle, aprĂšs une pĂ©riode troublĂ©e tant sur le plan intĂ©rieur (pĂ©riode iconoclaste, dĂ©clin des villes, 
) qu’extĂ©rieur (progression arabe en CrĂȘte, en Sicile et dans le sud de l’Italie), on avait assistĂ© non pas Ă  une transformation des valeurs traditionnelles, mais plutĂŽt Ă  un vĂ©ritable « retour aux sources » se traduisant par la recherche de textes anciens perdus, leur compilation, la rĂ©daction de commentaires et de « manuels » ou « encyclopĂ©dies » en tous genres dont l’aboutissement le plus complet sera la « Souda » Ă  la fin du IXe siĂšcle[2].

Cette pĂ©riode avait Ă©tĂ© illustrĂ©e par des personnages exceptionnels, pour la plupart polymathes, comme LĂ©on le Philosophe (aussi appelĂ© le MathĂ©maticien), le patriarche Photios Ier, Jean Mavropous, Jean Xiphilin et Michel Psellos, encouragĂ©s par des empereurs qui seront eux-mĂȘmes sinon des intellectuels tel Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte, du moins, comme Michel III ou Constantin IX Monomaque, des souverains sachant reconnaitre les personnages brillants dans leur entourage et leur permettre de dĂ©ployer leurs talents.

Cependant ce renouveau devait s’estomper relativement rapidement, les empereurs de la fin du Xe siĂšcle et du premier quart du XIe siĂšcle (NicĂ©phore Phokas [963-969], Jean TzimiskĂšs [969 – 976]), Basile II [976 – 1025]) ne s’intĂ©ressant guĂšre aux arts[3].

L’ùre des Comnùnes

AprĂšs la cuisante dĂ©faite de Manzikert (1071), moins importante par ses consĂ©quences militaires que politiques en ce qu’elle ouvre une pĂ©riode de guerres civiles entre les grandes familles de l’empire, la vie intellectuelle pĂ©riclite. Il faudra attendre l’arrivĂ©e au pouvoir d’Alexis Ier ComnĂšne (r. 1081 – 1118) et la pĂ©riode de stabilitĂ© qu’il instaure pour que celle-ci reprenne de la vigueur[4]. La propre fille de l’empereur, Anne ComnĂšne, illustre bien cette nouvelle vigueur puisque non seulement elle s’illustrera comme l’une des meilleures historiennes de son temps[N 1], mais elle contribua aussi Ă  l’essor de la philosophie en commanditant une sĂ©rie de commentaires sur certaines Ɠuvres d’Aristote, jusque-lĂ  peu connues. Deux personnages-clĂ©s de cette pĂ©riode apporteront leur contribution Ă  ce travail : Eustrate de NicĂ©e et Michel d’ÉphĂšse.

Au siĂšcle suivant, ThĂ©odore Prodromos (vers 1100 – vers 1170) continua la tradition des commentaires dĂ©taillĂ©s sur les Ɠuvres d’Aristote notamment sur les Seconds Analytiques oĂč se sent l’influence dĂ©terminante d’Eustrate de NicĂ©e[5]. Au contraire, Nicolas de MĂ©thone, Ă©vĂȘque de cette ville vers 1150, rĂ©digea une rĂ©futation dĂ©taillĂ©e des ÉlĂ©ments de thĂ©ologie de Proclus, les influences nĂ©oplatoniciennes sur le dogme chrĂ©tien ne pouvant selon lui et les orthodoxes conservateurs que dĂ©tourner les fidĂšles de la vraie foi[6].

Contrairement Ă  ce qui s’était passĂ© pendant la « renaissance macĂ©donienne » les auteurs ne se contentent plus de colliger les Ɠuvres, de les annoter ou d’en recycler des passages pour en faire de vĂ©ritables encyclopĂ©dies; ils font preuve de pensĂ©e personnelle, commentant et prenant position sur les thĂ©ories des auteurs anciens. Une Ă©volution similaire est sensible dans le domaine des arts, spĂ©cialement dans l’art religieux. RĂ©sultat de facteurs politiques et Ă©conomiques (les carriĂšres de matiĂšres premiĂšres tombent dans des mains ennemis; ces matiĂšres coutent maintenant trĂšs cher) et du fait que les Ă©glises se font plus petites, l’utilisation des fresques remplace progressivement les mosaĂŻques pour le dĂ©cor des Ă©glises et servent de plus en plus Ă  partir du XIe siĂšcle de support Ă  la liturgie, rappelant les grandes Ă©tapes de la vie du Christ et de sa MĂšre. L’utilisation de fresques rend plus facile l’expression des sentiments et on voit se modifier la reprĂ©sentation du Christ, vu non plus essentiellement comme triomphateur (suggĂ©rant un parallĂšle avec l’empereur), mais plutĂŽt comme l’homme des douleurs[7] - [8]. L’expression des sentiments, notamment de la douleur, prend une nouvelle importance spirituelle comme on le voit dans la douleur de la Vierge se penchant sur le corps inanimĂ© du Christ ou l’apparition des « Christ de PitiĂ© »[9].

Un point tournant sera l’arrivĂ©e au pouvoir de Manuel Ier (r. 1143-1180). Grand admirateur de l’Occident europĂ©en, mariĂ© d’abord Ă  une Allemande, puis Ă  une princesse latine d’Antioche, son rĂšgne voit l’art byzantin, jusque-lĂ  repliĂ© sur lui-mĂȘme, s’ouvrir aux influences Ă©trangĂšres, tant celles venant de l’Ouest que de l’Est. En mĂȘme temps, les artistes sortent de l’anonymat : non seulement commencent-ils Ă  signer leurs Ɠuvres, mais certains, comme le peintre Eulalios, se mettent eux-mĂȘmes en scĂšne dans leurs Ɠuvres[10]. Certains tabous tombent et on voit l’empereur Andronic Ier (r. 1183-1185) se faire reprĂ©senter non pas en solennels vĂȘtements d’apparat, mais dans la tenue d’un paysan[10].

La deuxiĂšme moitiĂ© du XIIe siĂšcle est ainsi porteuse d’un ferment de transformation que viendra interrompre brusquement la conquĂȘte de Constantinople par les croisĂ©s en 1204.

Un empire fragmenté

Un empire morcelĂ© : l’empire byzantin en 1265.

Si Michel VIII PalĂ©ologue (r. 1261 – 1282) parvint Ă  reconquĂ©rir Constantinople en 1261, cet empire n’était plus qu’une fraction de ce qu’il avait Ă©tĂ© naguĂšre. DĂ©jĂ  l’autonomie de la Bulgarie et de la Serbie au milieu des annĂ©es 1180, l’établissement de territoires autonomes Ă  Chypre, dans le PĂ©loponnĂšse et en Anatolie des annĂ©es 1180 Ă  1200 et la crĂ©ation d’un « Empire de TrĂ©bizonde » quelques mois avant la chute de Constantinople avait considĂ©rablement rĂ©trĂ©ci le pourtour de l’empire. S’ajoutera aprĂšs la conquĂȘte la crĂ©ation d’États latins en GrĂšce continentale : le royaume de Thessalonique de Boniface de Montferrat, la principautĂ© d’AchaĂŻe de Guillaume de Champlitte et Geoffroy de Villehardouin, le duchĂ© d’AthĂšnes et de ThĂšbes subsisteront bien aprĂšs la reprise de Constantinople, pour ne pas mentionner les colonies vĂ©nitiennes et gĂ©noises le long des cĂŽtes et dans les iles grecques[11] - [12] - [13] - [14].

Dans l’empire restaurĂ© de 1261, les empereurs peu fortunĂ©s ne tiendront plus le rĂŽle de grands mĂ©cĂšnes qu’ils avaient jouĂ© avant la conquĂȘte; Michel VIII et ses successeurs immĂ©diats s’emploieront surtout Ă  restaurer la capitale qu’ils retrouvent en bien piteux Ă©tat : restauration d’Hagia Sophia, reconstruction des dĂ©fenses de la ville ainsi que des Ă©difices publics (bains, marchĂ©s, ports)[15] - [16]. Ce sont les grandes familles de l’empire qui prennent le relais : les Ange, les Doukas, certains PalĂ©ologue, les CantacuzĂšne, les VatatzĂšs, les Lascaris et les MĂ©lissĂšne. À celles-ci s’ajoutent des familles Ă©trangĂšres : les NĂ©manjide (Serbie) les Asen (Bulgarie), les Anjou, les Montferrat (États latins) ou les Orsini[17], ainsi que de nouveaux riches comme le ministre des finances devenu grand logothĂšte, ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs, immensĂ©ment riche grĂące Ă  ses charges, grand collectionneur de livres qu’il rĂ©unira dans le monastĂšre du Sauveur-de-Chora[N 2] qu’il fera reconstruire[18].

La vie intellectuelle

Dans cet empire Ă©clatĂ©, Constantinople grĂące Ă  son universitĂ© crĂ©Ă©e par Manuel II (r. 1391 – 1425), Ă  son Ă©cole patriarcale, demeure un centre intellectuel important, mais il n’est plus le seul : NicĂ©e, Thessalonique, Mistra, le Mont Athos, participent au nouveau rayonnement intellectuel[19].

Les grandes Ă©coles

ExilĂ©s Ă  NicĂ©e, les empereurs byzantins avaient eu Ă  cƓur de fonder des Ă©coles assurant la survie de la culture traditionnelle. Jean VatatzĂšs (r. 1222-1254) avait crĂ©Ă© des bibliothĂšques publiques dans toutes les villes de ses possessions, avait ordonnĂ© aux dirigeants municipaux d’allouer un salaire aux professeurs de mĂ©decine, de mathĂ©matiques et de rhĂ©torique, et avait instituĂ© une Ă©cole de philosophie dirigĂ©e Ă  partir de 1238 par NicĂ©phore BlemmydĂšs[20] - [21].

DĂšs la reconquĂȘte de Constantinople, Michel VIII dĂ©chargea le grand logothĂšte Georges Acropolite de ses fonctions politiques pour prendre charge de l’enseignement officiel et le nomma professeur de philosophie aristotĂ©licienne[22]. L’école patriarcale[23] quant Ă  elle semble avoir Ă©tĂ© reconstituĂ©e par le patriarche Germain III, mais on ignore sous quelle forme exactement[24] et il demeure difficile de distinguer « enseignement officiel » et « enseignement privĂ© », tout comme il est difficile d’établir une distinction entre une « Ă©cole » structurĂ©e et des « professeurs mandatĂ©s » par une autoritĂ© supĂ©rieure pour enseigner telle ou telle matiĂšre.

Toutefois, sous Andronic II (r. 1282 – 1328) fut crĂ©Ă©e une « Ă©cole impĂ©riale » (Scholeion basilikon), aussi appelĂ©e Mouseion en souvenir de l'Ă©tablissement d'Alexandrie fondĂ© par PtolĂ©mĂ©e Ier. Elle dĂ©pendait du grand logothĂšte ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs ; le professorat y Ă©tait considĂ©rĂ© comme une charge publique (« liturgie ») qu'on ne pouvait abandonner qu'avec l'autorisation de l'empereur ; les enseignants recevaient Ă  la fois un traitement du gouvernement et des indemnitĂ©s des familles de leurs Ă©lĂšves, mais l'enseignement public n'Ă©tait plus gratuit comme au XIe siĂšcle[N 3]. Mais une fois encore, on ignore si les enseignements Ă©taient regroupĂ©s dans un local particulier et il est difficile de distinguer dans les sources ceux qui relevaient du Mouseion et ceux qui correspondaient Ă  des Ă©coles privĂ©es.

Cette imprĂ©cision quant aux structures se retrouve sous Manuel II (r. 1391 – 1425) qui crĂ©a au dĂ©but du XVe siĂšcle une institution appelĂ©e Katholikon Mouseion. Elle Ă©tait situĂ©e dans un hĂŽpital (xĂ©nƍn) fondĂ© au dĂ©but du XIVe siĂšcle par le roi de Serbie Stefan UroĆĄ II Milutin (r. 1282 – 1321) et rattachĂ©e au monastĂšre Saint-Jean-Prodrome dans le quartier de Petra dont la riche bibliothĂšque Ă©tait Ă  la disposition des professeurs. On voit ici s’élargir les domaines d’études pour englober la mĂ©decine et plusieurs professeurs comme Georges ChrysococĂšs seront Ă  la fois professeurs et mĂ©decins. Et si l’école eut comme Ă©tudiant le futur cardinal Bessarion qui s’installera par la suite en Italie, elle accueillera Ă©galement nombre d’Italiens venus Ă  Constantinople pour y apprendre la langue et la culture grecques[25] - [26].

Deux grandes controverses contribueront Ă  mettre de l’avant le concept d’ « hellĂ©nisme » qu’élaborera par la suite GĂ©miste PlĂ©thon Ă  Mistra. Jusqu’au XIIIe siĂšcle, ce mot Ă©tait un synonyme de « paĂŻen » ou du mot « gentil » que l’on trouve dans la Bible. Dans l’empire rĂ©duit gĂ©ographiquement Ă  la GrĂšce continentale, ethniquement relativement homogĂšne et quelque peu xĂ©nophobe, il prend le sens d’un retour aux sources profondes de la GrĂšce antique[27].

L’hĂ©sychasme

GrĂ©goire Palamas d’aprĂšs une fresque de l’église Saint-Georges (XIVe siĂšcle).

PremiĂšre grande controverse, la querelle de l’hĂ©sychasme, qui mettait en cause la culture grecque classique que l’on redĂ©couvrait, fera s’opposer « mystiques » et « humanistes ». La crise de la vie monastique au temps des ComnĂšne et des Ange avait Ă©branlĂ© la vie contemplative qui avait pourtant survĂ©cu en Palestine et au SinaĂŻ. Quittant cette rĂ©gion, un moine du nom de GrĂ©goire s’établit au mont Athos oĂč il introduisit l’ « hĂ©sychia » permettant par une voie purement contemplative d’obtenir l’union avec Dieu sans passer par la raison. Par ailleurs, un moine de l’ordre de Saint-Basile, originaire de Calabre et du nom de Barlaam, Ă©tabli Ă  Constantinople, avait Ă©tĂ© mandatĂ© pour donner la rĂ©plique Ă  des thĂ©ologiens latins venus discuter de questions thĂ©ologiques qui opposaient les deux Églises. Fortement opposĂ© Ă  certains aspects de la thĂ©ologie latine de son Ă©poque qui prĂ©tendait "connaĂźtre" Dieu et "dĂ©montrer" la procession du Saint-Esprit Ă  partir du Fils, il fit valoir que, Dieu Ă©tant "inconnaissable", il n'y avait pas lieu de continuer la discussion sur la "procession du Saint Esprit". Ses positions lui valurent une rĂ©plique de GrĂ©goire Palamas, qui rĂ©futa la thĂšse selon laquelle Dieu serait inaccessible. Selon lui, Dieu avait donnĂ© aux hommes une connaissance surnaturelle, distincte de la comprĂ©hension intellectuelle, bien plus rĂ©elle que toute connaissance philosophique.

Rapidement, la querelle dĂ©passa le cadre thĂ©ologique pour devenir une lutte entre culture universitaire attachĂ©e Ă  la tradition classique reprĂ©sentĂ©e par Barlaam et des humanistes comme NicĂ©phore GrĂ©goras, et la spiritualitĂ© monastique reprĂ©sentĂ©e par Palamas, laquelle mĂ©prisant « la science du dehors » confondait « hellĂ©nisme » et paganisme. La victoire finale palamiste conduira chez les gens de cette mouvance Ă  l’apparition d’un humanisme chrĂ©tien qui tout en privilĂ©giant la thĂ©ologie ne se dĂ©sintĂ©resse pas de la culture profane, alors que chez les anti-palamistes, nombreux sont ceux qui opteront pour le catholicisme et Ă©migreront en Italie[28] - [29].

La rĂ©unification des Églises de Rome et de Constantinople

La deuxiĂšme concernera l’union des Églises catholique romaine et orthodoxe grecque, laquelle mettra en contact de plus en plus Ă©troit, mĂȘme si opposĂ©, intellectuels latins et grecs.

L’un des premiers gestes d’Andronic II (r. 1282 – 1328) fut de dĂ©noncer l’Acte d’Union de 1274 rĂ©unissant les deux Églises Ă  la suite des nĂ©gociations menĂ©es par Michel VIII dans le but politique de conjurer toute tentative de l'Occident pour reprendre Constantinople et rĂ©tablir l'Empire latin de Constantinople. Cette dĂ©cision de politique Ă  long terme avait Ă©tĂ© trĂšs mal accueillie tant au sein de la population que de l’Église orthodoxe oĂč s’était envenimĂ© un conflit interne entre partisans de l’ancien patriarche ArsĂšne et ceux de l’actuel patriarche Joseph[30]. MalgrĂ© la rapide succession de patriarches qui s’ensuivit, l’Église orthodoxe devenait une force d’opposition significative, reprĂ©sentant les valeurs traditionnelles de l’Empire byzantin. Cette force se traduisit en 1312, l’empereur Andronic dĂ©crĂ©tant que l’ensemble des monastĂšres du Mont Athos, jusque-lĂ  soumis Ă  la seule autoritĂ© de l’empereur, serait dorĂ©navant placĂ© sous celle du patriarche[31] - [N 4].

La question de l’unification des deux Églises devait refaire surface en 1369 lorsque Jean V (r. 1341 – 1376; 1379 – 1390; 1390 – 1391), se rendit en Italie pour faire sa soumission personnelle au pape. Encore une fois l’opposition entre l’empereur d’une part, l’Église et la population d’autre part Ă©tait manifeste : le peuple n’était pas reprĂ©sentĂ© dans la dĂ©lĂ©gation qui accompagnait l’empereur non plus que la hiĂ©rarchie ecclĂ©siastique qui avait refusĂ© de s’y joindre[32].

Quoi qu’il en soit de sa dimension thĂ©ologique, ce dossier fut un facteur d’échanges important entre Latins et Grecs, renforçant chez ces derniers leur sentiment d’appartenance Ă  une civilisation plus ancienne et intellectuellement supĂ©rieure.

Architecture

AprĂšs six dĂ©cennies d’occupation latine pendant lesquelles les empereurs latins dĂ©sargentĂ©s n’avaient pu s’occuper de leur capitale Constantinople, Michel VIII entreprit de restaurer le palais des Blachernes, Hagia Sophia, les dĂ©fenses de la ville et les services publics, pendant que des mĂ©cĂšnes privĂ©s faisaient de mĂȘme pour les diverses Ă©glises de la ville[15]. Dans celles-ci on sent que l’inspiration manque et les Ă©glises du XVe siĂšcle offrent peu de diffĂ©rences avec celles du XIe siĂšcle[33], le modĂšle demeurant le mĂȘme : un noyau en croix grecque souvent entourĂ©e d’une galerie en « Pi »[34].

Toutefois les diffĂ©rences rĂ©gionales prennent de l’ampleur et s’affirment dans de nouveaux centres comme NicĂ©e, TrĂ©bizonde sur la mer Noire et Mistra dans le PĂ©loponnĂšse[33]. Chacun de ces territoires grecs se trouvait dans une zone gĂ©opolitique diffĂ©rente, soumise Ă  des influences diverses : l’Empire de NicĂ©e Ă©tait une enclave dans le sultanat de Konya et divers Ă©mirats arabes; TrĂ©bizonde Ă©tait coincĂ©e entre le royaume de GĂ©orgie Ă  l’est et les Turcs au sud; le despotat d’Épire Ă©tait entourĂ© de Francs et devait faire face aux voisins balkaniques serbes, bulgares et albanais[35].

À TrĂ©bizonde, le plan basilical avec dĂŽme rĂ©apparait dans trois Ă©glises du XIIIe siĂšcle : Chrysokephalos, Saint-EugĂšne et Hagia Sophia[33]. À Mistra, Guillaume de Villehardouin avait fait construire en 1249 un chĂąteau fort au sommet de la colline abrupte, ceinturĂ©e d’un mur. En 1262, les Grecs de LacĂ©dĂ©mone, toujours occupĂ©e par les Latins, y Ă©migrĂšrent. Trois ans plus tard Ă©tait complĂ©tĂ©e la premiĂšre Ă©glise d’importance dĂ©diĂ©e aux saints ThĂ©odore. Quelques annĂ©es plus tard, le clerc PacĂŽme, chargĂ© de l’administration de la ville, se retira dans un monastĂšre, le Brontochion, dont il devint abbĂ©, y ajoutant vers 1310 une nouvelle Ă©glise, celle de la Vierge HodĂšgĂštrai, dont l’élĂ©gance architecturale et la sophistication des dĂ©cors tranchaient avec les prĂ©cĂ©dentes. Entre 1312 et 1322, il obtint d’Andronic II l’adjudication de nombreux domaines ainsi que la permission de ne plus dĂ©pendre des mĂ©tropolites locaux mais directement du patriarche de Constantinople, ce qui lui assurait une autonomie pratiquement complĂšte[36].

Mais c’est en Serbie que l’architecture religieuse prend une importance particuliĂšre coĂŻncidant avec la formation de l’État serbe. Rapidement les rois serbes dont les moyens financiers sont considĂ©rables voudront Ă©muler les splendeurs de Constantinople. Ils pourront ainsi s’attacher architectes et artistes de premier plan qui n’hĂ©siteront pas Ă  venir s’y installer pour des dĂ©cennies. FondĂ©e par Étienne Nemanja et destinĂ©e Ă  ĂȘtre son mausolĂ©e, l’église-forteresse de la MĂšre de Dieu de Studenica (Rascie) fut dĂ©corĂ©e en 1208-1209 et servit de point de dĂ©part pour toute une sĂ©rie de monuments : Ă©glise de l’Ascension de Ćœiča (1207-1219), Ă©glise de l’Ascension de MileĆĄeva (vers 1220), Ă©glise de la TrinitĂ© de Sopoćani (vers 1265), Ă©rigĂ©e par des architectes de Dalmatie mais reprenant des Ă©lĂ©ments byzantins. À partir de Ćœiča toutefois l’extĂ©rieur des Ă©difices est nĂ©gligĂ© au profit de l’intĂ©rieur dĂ©corĂ© de fresques[37] - [38].

  • Église de la MĂšre de Dieu, Studenica (Serbie).
    Église de la Mùre de Dieu, Studenica (Serbie).
  • La cathĂ©drale Panaghia Chrysokephalos, maintenant mosquĂ©e Fatih (TrĂ©bizonde).
    La cathédrale Panaghia Chrysokephalos, maintenant mosquée Fatih (Trébizonde).
  • Palais des despotes de Mistra (GrĂšce continentale).
    Palais des despotes de Mistra (GrĂšce continentale).
  • EntrĂ©e du monastĂšre de Ćœiča (Serbie).
    EntrĂ©e du monastĂšre de Ćœiča (Serbie).
  • MonastĂšre de MileĆĄeva (Serbie).
    MonastĂšre de MileĆĄeva (Serbie).
  • MonastĂšre de Gračanica, (XIVe siĂšcle, Kosovo).
    Monastùre de Gračanica, (XIVe siùcle, Kosovo).

MosaĂŻques et fresques

Contrairement Ă  l’architecture, c’est dans la peinture monumentale que s’instaure un vĂ©ritable renouveau, continuation de tendances dĂ©jĂ  apparues au siĂšcle prĂ©cĂ©dent[39]. Que ce soit dans les mosaĂŻques ou dans les fresques qui les remplacent progressivement, on sent naitre un nouvel humanisme. Les visages sont plus personnels, plus individuels, les dĂ©cors plus colorĂ©s, plus vivants, et on donne une nouvelle importance aux dĂ©tails[40]. En mĂȘme temps que les artistes affirment leur individualitĂ©, ils sortent de l’anonymat et leur nom apparait sur les Ɠuvres[10] - [41]. Si ces Ɠuvres n’ont pas le caractĂšre monumental de la peinture byzantine traditionnelle, on y voit une multiplication des personnages et des scĂšnes ainsi qu’un nouvel intĂ©rĂȘt pour la perspective et un retour Ă  d’anciens modĂšles comme les manuscrits enluminĂ©s du Xe siĂšcle. D’abord limitĂ© aux Balkans et Ă  la petite partie d’Asie mineure encore contrĂŽlĂ©e par l’empire, cet art atteint au XIVe siĂšcle Novgorod et Moscou oĂč, grĂące au prestige de ThĂ©ophane le Grec, il influencera profondĂ©ment le dĂ©veloppement de la peinture religieuse russe[12].

Du point de vue iconographique, le passage de la mosaĂŻque Ă  la fresque permet de dĂ©velopper l’importance de la liturgie dans le programme dĂ©coratif des Ă©glises[39]. En mĂȘme temps, le dĂ©cor hiĂ©rarchisĂ© ordonnĂ© autour des grandes FĂȘtes liturgiques se diversifie. S’y ajoutent des scĂšnes comme les reprĂ©sentations de la vie de saint Joseph (Ă©glise de la TrinitĂ©, Sopoćani). Les images se multiplient et au monastĂšre de Dečani, le fidĂšle se retrouve au milieu de centaines d’images, lesquelles deviennent de plus en plus petites, ce qui permet la reprĂ©sentation de scĂšnes plus nombreuses qu’auparavant et la multiplication des icĂŽnes sur le templon[N 5] - [42]. Et Ă  partir du XVe siĂšcle, les icĂŽnes deviendront la principale dĂ©coration des Ă©glises en Russie[43].

En mĂȘme temps, une place particuliĂšre est donnĂ©e aux reprĂ©sentations des donateurs davantage mis en valeur que dans les siĂšcles prĂ©cĂ©dents. En Serbie, au XIIIe siĂšcle, le souverain s’entoure de ses parents et ancĂȘtres considĂ©rĂ©s comme des liens dans l’offrande de l’église au Christ. Au XIVe siĂšcle, la lĂ©gitimitĂ© dynastique se traduira par la lignĂ©e des NĂ©manjides reprĂ©sentĂ©e Ă  la maniĂšre de l’arbre de JessĂ©[44]. À Constantinople, l’image de ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs offrant au Christ le modĂšle de l’église du Saint-Sauveur-in-Chora qu’il a fait restaurer reste cĂ©lĂšbre[45].

Cette Ă©volution dans le temps est Ă©galement influencĂ©e par divers centres d’attraction. Ainsi le despotat d’Épire qui bĂ©nĂ©ficie de l’apport artistique de Thessalonique qui en a briĂšvement fait partie prĂ©sente un caractĂšre diffĂ©rent de celui de Mistra, capitale du PĂ©loponnĂšse byzantin depuis 1262 et, de 1348 Ă  1460, rĂ©sidence du despote de MorĂ©e, oĂč se dĂ©veloppe une vitalitĂ© artistique propre, proche des Ɠuvres constantinopolitaines des environs de 1300 et dont on peut suivre l’évolution dans les Ă©glises de Saint-DĂ©mĂ©trius (1291/1292), de l’église de la HodĂšgĂštria (vers 1310) de la PĂ©ribleptos (fin du XIVe siĂšcle) et de la Pantanassa de 1428[46].

  • MosaĂŻque de la DĂ©isis, Hagia Sophia (Constantinople).
    MosaĂŻque de la DĂ©isis, Hagia Sophia (Constantinople).
  • Étienne Dečanski, fondateur du monastĂšre de Visoki Dečani.
    Étienne Dečanski, fondateur du monastùre de Visoki Dečani.
  • MosaĂŻque de la Vierge Ă  l’Enfant (esonarthex de l’église Saint-Sauveur-en-Chora).
    MosaĂŻque de la Vierge Ă  l’Enfant (esonarthex de l’église Saint-Sauveur-en-Chora).
  • Partie reprĂ©sentant les Ă©vangĂ©listes de la fresque « Dormition de la MĂšre de Dieu, Sopocani.
    Partie représentant les évangélistes de la fresque « Dormition de la MÚre de Dieu, Sopocani.
  • Fresque de l’Ascension dans l’église Saint-Sauveur-en-chora.
    Fresque de l’Ascension dans l’église Saint-Sauveur-en-chora.
  • ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs offrant le modĂšle de l’église du monastĂšre de Saint-Sauveur-en-chora.
    ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs offrant le modĂšle de l’église du monastĂšre de Saint-Sauveur-en-chora.

Arts liturgiques

Sous ce titre, nous regrouperons les livres enluminés, les objets liturgiques et les icÎnes.

L’illustration des manuscrits permet le mĂȘme genre de remarques. Si la majoritĂ© des scribes et enlumineurs reste anonyme, plus nombreux sont ceux qui sont connus et sur les vingt-deux manuscrits conservĂ©s de ThĂ©odore HagiopetritĂšs, copiste des environs de 1300 Ă  Thessalonique, dix-sept sont signĂ©s[47]. Toutefois la production de livres se fait plus rare, probablement parce que nombre de copistes se sont exilĂ©s sous la domination latine. NĂ©anmoins le scriptoria du monastĂšre de la Panaghia Hodegetria Ă  Constantinople demeure actif pendant tout le XIVe siĂšcle. Il existe aussi une production Ă  Thessalonique, probablement Ă  NicĂ©e et certainement Ă  Mistra[47].

En dehors de l’Empire byzantin, divers manuscrits proviennent du DeuxiĂšme Empire bulgare, de Serbie, de Russie, de GĂ©orgie et d’ArmĂ©nie[47].

En raison de la proximitĂ© dans le temps, nous possĂ©dons encore quantitĂ© de vĂȘtements liturgiques de l’époque sur lesquels des travaux de broderie fine montrent des innovations dans le dĂ©cor. Les riches vĂȘtements des Ă©vĂȘques entre autres illustrent des scĂšnes de la vie du Christ, mettant l’accent sur le fait que celui qui les porte en est le reprĂ©sentant[48].

Pour les objets Ă©maillĂ©s, l’Ɠuvre la plus cĂ©lĂšbre est probablement le Pala d’Oro, retable dorĂ© dĂ©corĂ© de panneaux Ă©maillĂ©s aujourd’hui derriĂšre le maĂźtre-autel de la basilique Saint-Marc de Venise. CommandĂ©e en 976 par le doge Pietro Orseolo et rĂ©alisĂ©e par des artistes byzantins, le retable fut enrichi par diffĂ©rents doges, notamment aprĂšs la conquĂȘte de 1204 grĂące Ă  des Ă©maux provenant du monastĂšre du PantokrĂĄtor de Constantinople[43].

Enfin, nous avons dĂ©jĂ  notĂ© l’évolution des icĂŽnes. À l’époque des PalĂ©ologue se multiplient les icĂŽnes en mosaĂŻques, beaucoup de grandes dimensions destinĂ©es Ă  ĂȘtre vĂ©nĂ©rĂ©es dans les Ă©glises, mais d’autres plus petites destinĂ©es Ă  la dĂ©votion privĂ©e. Se multiplient Ă©galement les icĂŽnes dont le cadre et le fond sont revĂȘtues de mĂ©tal prĂ©cieux, finement ouvragĂ©. D’autres innovations apparaissent : icĂŽnes oĂč la figure centrale est entourĂ©e par des scĂšnes de la vie du personnage reprĂ©sentĂ©, icĂŽnes traduisant le cycle des grandes FĂȘtes, icĂŽnes montrant des icĂŽnes portĂ©es en procession, ainsi que des icĂŽnes qui, sans ĂȘtre des copies, sont des reproductions d’icĂŽnes particuliĂšrement cĂ©lĂšbres[49].

  • La “Theotokos de Vladimir” (XIIe siĂšcle), devenue le symbole de la Russie
    La “Theotokos de Vladimir” (XIIe siùcle), devenue le symbole de la Russie
  • L’Annonciation, typique du maniĂ©risme de l’époque (Ohrid)
    L’Annonciation, typique du maniĂ©risme de l’époque (Ohrid)
  • IcĂŽne reliquaire de la NativitĂ©, Constantinople, Venise (?), XIIe siĂšcle (MusĂ©e du Louvre)
    IcÎne reliquaire de la Nativité, Constantinople, Venise (?), XIIe siÚcle (Musée du Louvre)
  • IcĂŽne avec fond en mĂ©tal (Constantinople XIVe siĂšcle)
    IcÎne avec fond en métal (Constantinople XIVe siÚcle)
  • Le Pala d’Oro (Basilique Saint-Marc de Venise)
    Le Pala d’Oro (Basilique Saint-Marc de Venise)
  • Iconostase de la cathĂ©drale de l’Annonciation (Moscou)
    Iconostase de la cathĂ©drale de l’Annonciation (Moscou)

Rayonnement de la culture byzantine

Tant les croisades en ce qui concerne l’Occident, que les conquĂȘtes turques en ce qui concerne l’Orient avaient amenĂ© la culture byzantine Ă  ĂȘtre connue et apprĂ©ciĂ©e Ă  l’étranger. À cette Ă©poque l’art Ă©tait en plein essor en Occident d’oĂč l’on envoyait des manuscrits Ă  Constantinople pour ĂȘtre enluminĂ©s et les croisĂ©s passaient souvent commandes Ă  des artistes grecs. NĂ©anmoins, un grand nombre d’artistes constantinopolitains furent contraints Ă  s’expatrier, ne trouvant plus suffisamment de commandes dans un empire Ă©conomiquement affaibli[50].

C’est surtout dans les pays orthodoxes que l’influence byzantine se fit sentir sur l’architecture et la peinture religieuse.

Dans ces pays, le style architectural byzantin dut s’adapter aux conditions locales et Ă  Novgorod, au XIVe siĂšcle, des Ă©glises comme Saint-ThĂ©odore-Stratelites et l’église de la Transfiguration, avec leur dĂŽme et abside uniques se rattachent Ă  la tradition des Ă©glises en bois[51]. Vers la fin du XVe siĂšcle, Moscou, capitale des tsars, devint le centre d’une nouvelle esthĂ©tique, mais malgrĂ© l’arrivĂ©e d’artistes italiens, l’influence byzantine se fait toujours sentir dans la cathĂ©drale de la Dormition (1475 – 1479) mĂȘme si l’architecte fut un Italien, Aristotile Fioravanti, originaire de Bologne[52].

En peinture, nous avons dĂ©jĂ  mentionnĂ© l’influence byzantine en Serbie sous les NĂ©manjides. DĂ©jĂ  prĂ©sente au Xe siĂšcle en Bulgarie, on en trouve trace Ă  Bačkovo (XIIe siĂšcle), Ă  Boiana (XIIIe siĂšcle) et Ă  Tirnovo (XIVe siĂšcle). De mĂȘme plusieurs artistes, dont ThĂ©ophane le Grec, Ă©migrĂšrent en Russie. Ce dernier devait peindre les fresques de l’église de la Transfiguration (1378) et contribua Ă  l’essor de l’école de Novgorod, laquelle Ă  la fin du XIVe siĂšcle produisit des fresques de pur style byzantin[53].

  • Église de la Transfiguration (Novgorod)
    Église de la Transfiguration (Novgorod)
  • Église russe traditionnelle en bois (Novgorod)
    Église russe traditionnelle en bois (Novgorod)
  • CathĂ©drale de la Dormition (Moscou)
    Cathédrale de la Dormition (Moscou)
  • Église des archanges Michel et Gabriel, MonastĂšre de Bačkovo (Bulgarie)
    Église des archanges Michel et Gabriel, Monastùre de Bačkovo (Bulgarie)
  • IntĂ©rieur de l’église de Boiana (Bulgarie)
    IntĂ©rieur de l’église de Boiana (Bulgarie)
  • Le Christ Pantocrator, fresque de ThĂ©ophane le Grec
    Le Christ Pantocrator, fresque de Théophane le Grec

Les artisans du renouveau

Ces artisans furent nombreux et on ne peut en citer ici que les principaux, tant parmi les souverains que parmi les intellectuels de l’époque.

Andronic II

Andronic II PalĂ©ologue, d’aprĂšs une fresque du monastĂšre de Saint-Jean-le-PrĂ©curseur prĂšs de SerrĂšs.

Parmi les souverains de la dynastie PalĂ©ologue, deux se distinguent pour leur amour des arts et des lettres : Andronic II ( – ) et Manuel II ( – ).

Andronic II hĂ©rite d'un Empire restaurĂ© par son pĂšre, Michel VIII, en 1261. Mais cet État est Ă©puisĂ© par une politique extĂ©rieure trop ambitieuse face aux nombreux ennemis sur ses diffĂ©rentes frontiĂšres et par la question de l’union des Églises, laquelle empoisonne l’atmosphĂšre politique Ă  l’intĂ©rieur. S’il manque « de jugement, de sens politique, de diplomatie, de compĂ©tence militaire et de prĂ©voyance »[54] - [55] - [56], l’empereur s’affirme comme le protecteur de la culture. Son rĂšgne marque la redĂ©couverte de l’AntiquitĂ© hellĂ©nique; ce nouvel « hellĂ©nisme » n’est toutefois plus synonyme de paganisme, mais de culture traditionnelle dont il traduit la fiertĂ©. Dans l’empire d’Andronic II se dĂ©veloppe non pas un « humanisme » comme en Europe occidentale, mais une « theosis », vision de l’homme nouveau qui peut s’unir Ă  Dieu par un strict retour aux prĂ©ceptes de la religion chrĂ©tienne orthodoxe que prĂŽne le trĂšs puissant patriarche Athanase Ier[57].

Non seulement l’empereur prĂ©side-t-il lui-mĂȘme des assemblĂ©es savantes sur des sujets aussi bien littĂ©raires que philosophiques, thĂ©ologiques et scientifiques, mais iI s'entoure de nombreux intellectuels, au nombre desquels ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs et NicĂ©phore Choumnos qui l'Ă©paulent dans le gouvernement de l'Empire[54]. Si, dĂ©sargentĂ©, l’empereur n’est plus le premier mĂ©cĂšne, il encourage les membres de l’aristocratie Ă  prendre la relĂšve; le grand connĂ©table (marĂ©chal) Michel Glabas TarchaniotĂšs finance diverses Ɠuvres et fait restaurer le monastĂšre de la Vierge Pammakaristos Ă  Constantinople, pendant que ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs fait de mĂȘme avec l'Ă©glise Saint-Sauveur-en-Chora[58].

Manuel II Paléologue

Manuel II Paléologue (r.1391-1425)

MĂȘme si le rĂšgne de Manuel II, impliquĂ© d’abord dans des querelles dynastiques, souverain d’un empire en lambeaux, devant quĂ©mander pendant un voyage de trois ans l’aide des souverains d’Europe occidental, ne fut guĂšre glorieux, cet empereur laissa l’image d’un homme de culture Ă©nergique qui fut constamment entourĂ© d'un cercle de lettrĂ©s, comme DĂ©mĂ©trios CydonĂšs, avec qui il Ă©tait trĂšs liĂ©, et les cousins Manuel et DĂ©mĂ©trios Chrysoloras. On conserve de lui plusieurs Discours et plusieurs Dialogues, notamment sur les rapports du christianisme et de l'islam, sur la politique et sur des sujets moraux comme le mariage ou l'Ă©ducation, un traitĂ© sur les sept conciles ƓcumĂ©niques, un poĂšme sur la maniĂšre de convertir les incroyants, une rĂ©futation de la doctrine catholique sur la procession du Saint-Esprit, ainsi qu’une abondante correspondance[59] - [60].

Sous l’impulsion de ces empereurs, nombreux furent les hommes politiques, savants, Ă©crivains et Ă©rudits de toutes sortes qui prirent part Ă  cette renaissance.

Georges PachymĂšre

Georges PachymĂ©rĂšs d’aprĂšs un manuscrit mĂ©diĂ©val.

Georges PachymĂšre (grec : Î“Î”ÏŽÏÎłÎčÎżÏ‚ ΠαχυΌέρης/Georgios PachymĂ©rĂšs; nĂ© vers 1242, mort vers 1310) fut un homme d’Église, juge et professeur de droit, ainsi qu’un Ă©crivain et historien. NĂ© en Bithynie, il retourna Ă  Constantinople aprĂšs la reconquĂȘte et Ă©tudia le droit sous la direction de Georges Akropolite. EntrĂ© dans les ordres, il fut reçu diacre et enseigna Ă  partir de 1277 avant d’accĂ©der aux fonctions soit ecclĂ©siastiques d’avocat des droits et des intĂ©rĂȘts de l’Église, soit civiles de juge. GrĂące Ă  ses fonctions officielles, il eut accĂšs Ă  de nombreuses sources qui lui permirent d’écrire l’histoire de l’empire depuis la naissance d’Andronic II en 1259 jusqu’à la retraite du dernier aventurier catalan en 1308. Il se passionna Ă©galement pour les questions religieuses qui dĂ©chiraient la sociĂ©tĂ© de l’époque; trĂšs attachĂ© Ă  la tradition grecque, il s’opposa fermement Ă  l’Union avec l’Église de Rome[61] - [62].

Son Ɠuvre la plus importante, les Relations historiques (Î§ÏÎżÎœÎčÎșᜎ ÏƒÏ…ÎłÎłÏÎ±Ï†Îź) en treize volumes, prolonge celle de Georges Acropolite et couvre les rĂšgnes de Michel VIII (6 premiers volumes) et d’Andronic II PalĂ©ologue (7 volumes suivants), dont il fut tĂ©moin. Il Ă©crivit Ă©galement un rĂ©sumĂ© de la philosophie d’Aristote ainsi qu’une synthĂšse des Ă©tudes de deuxiĂšme cycle en quatre volumes, le Quadrivium, dont chacun correspond Ă  l’une des quatre sciences enseignĂ©es, et qui appartient au genre « encyclopĂ©die » en vogue durant la renaissance macĂ©donienne[63] - [64].

Maxime Planude

Maxime Planude (en grec ÎœÎŹÎŸÎčÎŒÎżÏ‚ Î Î»Î±ÎœÎżÏÎŽÎ·Ï‚/PlanudĂšs, nĂ© vers 1255/1260 Ă  NicomĂ©die, mort vers 1305/1310), fut un grammairien, philologue et thĂ©ologien qui vĂ©cut sous les rĂšgnes de Michel VIII et Andronic II. D’abord copiste et scribe au palais impĂ©rial, il se fit moine en 1283. HigoumĂšne titulaire du monastĂšre du Mont Saint-Auxence, il vĂ©cut Ă  Constantinople oĂč il enseigna successivement dans plusieurs monastĂšres de la capitale (celui des Cinq Saints, puis celui du Christ Akataleptos, oĂč on sait qu'il se trouvait en 1299-1301). Il continua toutefois Ă  maintenir des rapports avec le Palais impĂ©rial, oĂč il prononça des discours officiels et participa Ă  diverses missions diplomatiques. Sous Michel VIII, il soutint la politique impĂ©riale d'union des Églises grecque et latine, mais changea de position aprĂšs l'avĂšnement d'Andronic II, dont il devint un proche.

Maxime Planude est, avec Thomas Magistros, DĂ©mĂ©trios Triclinios et Manuel Moschopoulos, l'un des quatre grands savants philologues de l'Ă©poque d'Andronic II. GrĂące Ă  ses traductions du latin vers le grec il fit connaitre aux Grecs saint Augustin (Anthologie palatine) et peut-ĂȘtre saint Thomas grĂące Ă  ses traductions, de mĂȘme que divers auteurs profanes (Ovide, CicĂ©ron, Macrobus, Boethius). S’intĂ©ressant aussi aux sciences, il a laissĂ© une Ă©dition commentĂ©e des deux premiers livres de l’ ArithmĂ©tique de Diophante et est l'auteur de scholies sur les ÉlĂ©ments d'Euclide[65] - [66].

Nicéphore Choumnos

NicĂ©phore Choumnos (en grec ΝÎčÎșÎ·Ï†ÏŒÏÎżÏ‚ Î§ÎżáżŠÎŒÎœÎżÏ‚ ; nĂ© vers 1250/1255, mort en 1327) fut un Ă©rudit et homme d’État dont la carriĂšre se dĂ©roula sous Andronic II PalĂ©ologue. EntrĂ© dans la carriĂšre diplomatique sous Michel VIII et comme l’empereur partisan de l’Union des Églises, il changea de camp lors de l’arrivĂ©e au pouvoir d’Andronic II et, aprĂšs avoir composĂ© un panĂ©gyrique dans lequel il soulignait non seulement les rĂ©ussites et les talents du nouvel empereur, mais aussi sa farouche opposition Ă  l'Union il fut rapidement promu mystikos (conseiller privĂ©) et mĂ©salƍn (premier ministre). L’empereur se dĂ©chargea sur lui des affaires courantes; ce faisant, il entra bientĂŽt en conflit avec le puissant patriarche Athanase Ier, puis avec ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs qui l’évincera. En 1309-1310 il devint gouverneur de Thessalonique, puis se retira progressivement des affaires publiques pour se faire moine au monastĂšre du Christ Philanthrope de Constantinople oĂč il mourut en 1327[67].

Philosophe Ă©clectique, il chercha Ă  concilier la physique et la cosmologie des Anciens avec la doctrine chrĂ©tienne. Son Ɠuvre inclut des textes de rhĂ©torique, des traitĂ©s de philosophie, de cosmologie, de thĂ©ologie et 172 lettres. GrĂące Ă  la grande fortune amassĂ©e pendant sa carriĂšre, il prit activement part Ă  la construction du monastĂšre ThĂ©otokos Gƍrgoepēkoos de Constantinople[68].

Théodore MétochitÚs

ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs prĂ©sentant au Christ le modĂšle de l’église qu’il a fait restaurer.

ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs (en grec Î˜Î”ÏŒÎŽÏ‰ÏÎżÏ‚ ÎœÎ”Ï„ÎżÏ‡ÎŻÏ„Î·Ï‚ ; 1270-1332) fut Ă  la fois homme d'État, Ă©crivain, philosophe, protecteur des arts et des sciences et est considĂ©rĂ© comme le savant le plus complet de son temps. Pourtant les dĂ©buts furent difficiles. Fils de l’archidiacre Georges MĂ©tochitĂšs, partisan de l’Union des Églises, il dut suivre son pĂšre en exil Ă  l’avĂšnement d’Andronic II. Toutefois cet empereur remarqua ses remarquables talents intellectuels en 1290 et le prit Ă  son service. Devenu logothĂšte, puis sĂ©nateur, il eut Ă  nĂ©gocier plusieurs mariages princiers. En 1312-1313, Ă  l'Ăąge de 42 ans, il se mit Ă  l'Ă©tude des sciences du quadrivium, notamment de l'astronomie. Andronic II lui confia entre autres la mise sur pied de l’institut universitaire qu’il venait de crĂ©er, le MouseĂźon. À partir de 1316, il consacra une partie de sa fortune (Ă  la demande d'Andronic II PalĂ©ologue, dit-il) Ă  restaurer et Ă  dĂ©corer l'Ă©glise du monastĂšre Saint-Sauveur-en-Chora, situĂ© prĂšs de sa rĂ©sidence. En 1321, il devint grand logothĂšte aprĂšs avoir Ă©vincĂ© NicĂ©phore Choumnos. Toutefois, la chute d’Andronic II provoqua aussi la sienne. Il fut emprisonnĂ©, son palais dĂ©truit et sa vaste fortune confisquĂ©e. Il devait finir ses jours au monastĂšre de Chora[69] - [70].

Son contemporain, NicĂ©phore GrĂ©goras, Ă©crivit de lui : "Du matin au soir, il se consacrait totalement et exclusivement aux affaires de l’État, comme si la vie intellectuelle lui Ă©tait totalement Ă©trangĂšre; mais, tard le soir, aprĂšs qu’il eut quittĂ© le palais, il s’absorbait dans les travaux intellectuels, comme s’il Ă©tait un intellectuel sans lien aucun avec quoi que ce soit d’autre[71]". Grand collectionneur de livres[N 6] qu’il donnera par la suite au monastĂšre de la Chora, on lui doit en bonne partie la redĂ©couverte de nombreux trĂ©sors de la littĂ©rature grecque antique. Toutefois, se rappelant l’hostilitĂ© de l’Église Ă  l’endroit des auteurs paĂŻens et instruit de l’expĂ©rience de Michel Psellos, il se garda de manifester un enthousiasme trop Ă©vident Ă  leur endroit et la restauration du monastĂšre de la Chora servit aussi Ă  manifester publiquement son attachement Ă  la foi orthodoxe[72].

Tous ses Ă©crits, sauf ses lettres ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s. Ceux-ci comprennent des commentaires sur la philosophie naturelle d’Aristote, divers discours, deux ouvrages d’astronomie, des hymnes et autres ouvrages de poĂ©sie, des essais dits MiscellanĂ©es (textes composĂ©s sur des sujets divers, « mĂ©langĂ©s » avec une unitĂ© plus ou moins manifeste), ainsi que des oraisons funĂšbres. Toutefois son style « hellĂ©nisant » le rend souvent obscur et fait en sorte qu’une partie de l’Ɠuvre ne fut jamais publiĂ©e. Dans ses textes, il se montre conscient du dĂ©clin de l’empire et du fait que celui-ci comme les autres empires ne peut ĂȘtre Ă©ternel, tout comme il est conscient de la fragilitĂ© et de l’instabilitĂ© de la vie humaine[69].

Nicéphore Grégoras

Devenu trĂšs jeune orphelin, NicĂ©phore GrĂ©goras (vers 1295 – 1360) fit ses premiĂšres Ă©tudes sous la tutelle de son oncle Jean, mĂ©tropolite d’HĂ©raclĂ©e. Vers 1315, il arriva Ă  Constantinople oĂč il Ă©tudia la logique et la rhĂ©torique sous la direction du futur patriarche Jean XIII Glykys, la philosophie et l’astronomie sous celle de ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs qui lui fit dĂ©couvrir la philosophie d’Aristote. GrĂ©goras devait devenir le successeur intellectuel de MĂ©tochitĂšs, s’installant au monastĂšre de la Chora oĂč il dirigeait une Ă©cole[73].

Ayant atteint une enviable renommĂ©e dans le cercle des savants et humanistes byzantins, il fut mĂȘlĂ© aux querelles entre Andronic II et son petit-fils, Andronic III (r. 1328 – 1341), puis Ă  celles opposant Jean V PalĂ©ologue (r. 1341 - 1376, 1379 – 1390, - ) et le futur Jean VI CantacuzĂšne (r. 1347 – 1354). Mais ce qui marqua le plus son activitĂ© philosophique fut la longue lutte qu’il mena contre le Calabrais Barlaam, en 1330 d’abord lors d’un dĂ©bat public auquel le dĂ©fia ce dernier, puis Ă  partir de 1340 lorsque Barlaam alluma Ă  Thessalonique la controverse de l’hĂ©sychasme qui devait diviser l’empire pendant dix ans. Avant tout rhĂ©teur, c’est dans cette querelle qui se continuera jusqu’à la fin de sa vie qu’il touchera divers sujets philosophiques, notamment sa critique d’Aristote dans le dialogue Phlorentius, manifestement basĂ© sur sa premiĂšre rencontre avec Barlaam[74].

Gémiste Pléthon

GĂ©miste PlĂ©thon d’aprĂšs une fresque du palais MĂ©dici Riccardi (Florence).

NĂ© Ă  Constantinople entre 1355 et 1360, Georges Gemistos fit d'abord ses Ă©tudes au sein de l'Ă©cole platonicienne de Constantinople, puis en milieu cosmopolite Ă  Andrinople, oĂč enseignaient chrĂ©tiens, juifs et musulmans. Il revint par la suite Ă  Constantinople, mais ses cours sur Platon firent scandale et faillirent lui valoir d’ĂȘtre arrĂȘtĂ© pour hĂ©rĂ©sie. L’empereur Manuel II PalĂ©ologue, qui Ă©tait son ami et son admirateur, prĂ©fĂ©ra l’exiler Ă  Mistra, devenu un important centre intellectuel dans le despotat de MorĂ©e. Membre de la dĂ©lĂ©gation byzantine Ă  titre de dĂ©lĂ©guĂ© laĂŻc au concile de Florence (1437-1439) alors qu'il Ă©tait dĂ©jĂ  octogĂ©naire, il donna dans cette ville de nombreuses confĂ©rences qui firent revivre la pensĂ©e platonicienne en Europe de l’Ouest. C’est Ă  cette Ă©poque qu’il commença Ă  utiliser le pseudonyme de PlĂ©thon[N 7]. De retour Ă  Mistra, il fut nommĂ© au SĂ©nat et devint magistrat de la ville. Il passa ses derniĂšres annĂ©es Ă  enseigner, Ă  Ă©crire et Ă  poursuivre la lutte qui l'opposait Ă  Gennade II Scholarios, patriarche de Constantinople et dĂ©fenseur d’Aristote[75].

C’est Ă  la suite de ses conversations avec les intellectuels florentins qu’il devait Ă©crire son pamphlet « Sur les diffĂ©rences entre Aristote et Platon » dans lequel il cherche Ă  montrer comment Aristote est infĂ©rieur Ă  Platon, mĂȘme s’il Ă©tait plus admirĂ© en Europe de l’Ouest oĂč on avait redĂ©couvert les anciens auteurs grecs, en partie grĂące aux exilĂ©s de Constantinople ayant fui la ville aprĂšs la quatriĂšme croisade et les guerres civiles qui suivirent la restauration. Dans cet ouvrage, il compare le concept de Dieu chez Aristote et Platon, soulignant les faiblesses des thĂ©ories d’Aristote. Ceci lui valut une riposte immĂ©diate du patriarche Gennade II Scholarios, intitulĂ©e « À la dĂ©fense d’Aristote ». Ce sur quoi PlĂ©thon devait publier une RĂ©plique oĂč il soutient que le dieu de Platon ressemblait plus Ă  celui de la doctrine chrĂ©tienne que le dieu d'Aristote. La querelle devait durer trente ans et se terminer par la publication du "Contre les calomniateurs de Platon" (v. 1469) du cardinal Bessarion[76].

Notes et références

Notes

  1. Elle Ă©crivit l’Alexiade, long poĂšme Ă©pique en 15 livres s'inspirant de l'Illiade d'HomĂšre ainsi que de l'Heraclias de Georges de Pisidie et rapportant les exploits de son pĂšre qu’elle adulait.
  2. Littéralement « Sauveur aux champs », car le monastÚre, initialement construit au VIe siÚcle ou VIIe siÚcle, se trouvait en dehors des murailles de Constantin.
  3. Le fonctionnement du Mouseion d'Andronic II est connu par la correspondance de Théodore Hyrtakénos, qui y fut professeur de grammaire et de rhétorique.
  4. Le lien entre le religieux et le politique fut soulignĂ© par PachymĂšre qui Ă©crivit que l’empereur ayant ramenĂ© la paix dans l’Église, certains crurent sincĂšrement que Dieu avait frappĂ© d’impuissance tous les ennemis de l’empire [PachymĂšre, II, Ă©d. A. Fallier].
  5. Cloison de pierre ou de bois sĂ©parant le bĂ©ma ou sanctuaire, du naos ou nef. TantĂŽt plein tantĂŽt Ă  claire-voie, il Ă©tait constituĂ© de larges panneaux dĂ©corĂ©s de feuillages, d’animaux ou de reprĂ©sentations de personnages sacrĂ©s reprĂ©sentĂ©s en buste dans des mĂ©daillons. Par l’ajout progressif d’icĂŽnes, il deviendra l’iconostase actuel des Ă©glises orthodoxes.
  6. Sa bibliothùque comprenait des Ɠuvres attribuables à au moins quatre-vingts auteurs anciens.
  7. PlĂ©thon (Î Î»ÎźÎžÏ‰Îœ), est un synonyme de GĂ©miste (ΓΔΌÎčστ᜞ς), qui signifie « rempli, plein », mais Ă©voque aussi Platon.

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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • (en) Culture explorer. Hagia Sophia: Masterpiece Deesis Mosaic and the Byzantine Renaissance. YouTube. en ligne
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