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Redgauntlet

Redgauntlet : histoire du XVIIIe siècle (en anglais, Redgauntlet. A Tale of the Eighteenth Century ) est un roman historique de l'auteur écossais Walter Scott, publié le sous la signature « l'auteur de Waverley ».

Redgauntlet
histoire du XVIIIe siècle
Image illustrative de l’article Redgauntlet
première édition

Auteur Walter Scott
Pays Drapeau de l'Écosse Écosse
Genre roman historique
Version originale
Langue anglais
Titre Redgauntlet: A Tale of the Eighteenth Century
Éditeur • Constable, Édimbourg
• Hurst, Londres
Lieu de parution Édimbourg, Londres
Date de parution
Version française
Traducteur Defauconpret
Éditeur Gosselin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1824
Type de mĂ©dia 4 vol. in-12
Chronologie

Le récit, entièrement fictif, situé en 1766, évoque les derniers soubresauts du jacobitisme après les rébellions de 1715 et 1745 matées dans le sang par la maison de Hanovre. Groupés autour de Charles Édouard Stuart, égarés dans des valeurs désuètes, résolument à contre-courant de la marche de l'Histoire, des nobles conspirent contre George III.

Scott, homme de loi nourri des Lumières, défend la bourgeoisie. Actif partisan des Hanovres, il voit avec satisfaction la société passer d'un état de civilisation à un autre, plus réaliste. Au temps révolu de la noblesse, nous dit-il, la force primait sur le droit, la justice était confiée à des incompétents. Les hommes de loi issus de la bourgeoisie incarnent le présent. Ils défendent « la liberté et le droit de propriété ».

Le récit comporte le plus célèbre des contes de Walter Scott, l'histoire de Willie le voyageur.

Genèse

Sources

Après Waverley (1814), Le Nain noir (1816) et Rob Roy (1817), Scott s'intéresse une nouvelle fois aux jacobites. Il s'inspire principalement des Political and Literary Anecdotes of His Own Times de l'universitaire jacobite William King (1685-1763)[1]. Ce livre rapporte le séjour clandestin de Charles Édouard Stuart à Londres en 1750, et les vaines tentatives de ses partisans pour lui faire répudier sa maîtresse, Clementina Walkinshaw[2].

Scott peut avoir eu vent des rumeurs de ses visites ultérieures en Grande-Bretagne, en 1761 et en 1763. George III aurait été informé de celle de 1763. Voulant éviter de faire du prétendant un martyr, il aurait ordonné de ne pas l'inquiéter[2].

Écriture

Scott a coutume de tenir ses éditeurs et ses amis informés de ses projets de roman et de l'avancement du travail. Étrangement, de à début , il ne souffle mot de Redgauntlet et il aiguille sur de fausses pistes (notamment sur Les Fiancés et Le Talisman qui ne paraîtront qu'en 1825). Cette réserve provient peut-être du fait que Redgauntlet est le plus personnel de ses romans[2]. Le récit contiendrait des références autobiographiques[3] : apprentissage du métier d'homme de loi, passion contrariée pour Williamina Belsches, voyage dans le Lake District (dans le Cumberland, au nord-ouest de l'Angleterre) où Scott rencontre sa future épouse[4], déplacement professionnel dans le Dumfries et le Galloway en 1807… Le personnage du jeune Alan Fairford apparaît comme un autoportrait. Le père du jeune homme, Saunders Fairford, ressemble au père de l'auteur. Darsie Latimer semble inspiré de deux condisciples de l'étudiant Walter Scott[2]. Les personnages d’Alan et de Darsie pourraient aussi être deux facettes du propre caractère de Scott[3] - [5], à la fois homme de loi réaliste et poète rêveur.

On a donc peu de renseignements sur la genèse de l'œuvre. Le précédent roman, Les Eaux de Saint-Ronan, paraît le [6]. On suppose que Scott commence à écrire Redgauntlet à ce moment-là, durant les vacances de Noël. Il l'intitule Herries, ou Herris. C'est l'imprimeur et coéditeur Ballantyne qui suggère le titre Redgauntlet. Le livre est terminé le [2].

Publication

Redgauntlet. A Tale of the Eighteenth Century (Redgauntlet : histoire du XVIIIe siècle) paraît en trois volumes le sous la signature « l'auteur de Waverley » :

Contexte historique

drapeau rouge comportant un carré blanc au centre
Drapeau jacobite.

Depuis 1707, l’Écosse est unie à l’Angleterre en un royaume de Grande-Bretagne. Les Stuarts ont été chassés du pouvoir. Les rébellions jacobites de 1715 et de 1745 ont été écrasées. Après une sauvage répression, le pardon général a été accordé. L’acte de 1748 a aboli le vasselage et les juridictions héréditaires[7]. Le jacobitisme est en déclin. Le gouvernement ferme à présent les yeux sur la survivance de quelques proscrits qui n’ont pas obtenu leur grâce[8].

Carte localisant Édimbourg, le comté de Dumfries (sud-ouest de l'Écosse), séparé du Cumberland (nord-ouest de l'Angleterre) par un golfe, le Solway Firth.
L'action principale prend place de part et d'autre du Solway Firth, qui sépare l'Écosse de l'Angleterre.

Certaines provinces sont mécontentes — principalement de l’administration —, ce qui peut encourager les jacobites à recommencer leurs intrigues[9]. Mais, juge l’un des personnages du roman, les conspirateurs ne rallieront pas les mécontents : « toutes ces émeutes, tous ces tapages » n’ont aucun rapport avec leur cause. Et une nouvelle entreprise jacobite serait « la meilleure manière de rétablir l’union dans tout le royaume[10] ».

Le , le prétendant Jacques François Stuart meurt à Rome. Un dernier complot pour soutenir le nouveau prétendant, Charles Édouard, est déjoué à Londres, en 1767. C’est l’ultime soubresaut jacobite qu’évoque Walter Scott, à travers une trame totalement fictive[2] qu’il situe en 1766[11].

Dates et lieux du récit

Le récit se déroule en juillet et août 1766[2], principalement dans le comté de Dumfries (Écosse) et dans le Cumberland (Angleterre), c’est-à-dire « sur les frontières », là où les deux nations sont séparées par le Solway Firth, là où trafiquent « des espèces de diables amphibies, qui ne vivent ni sur terre ni dans l’eau, qui ne sont ni anglais ni écossais », et qui échappent aux lois.

Résumé

Golfe à marée basse. En arrière-plan, la côte anglaise.
Le Solway Firth, au sud de Dumfries.

Darsie Latimer, Ă©tudiant en droit Ă  Édimbourg, est nĂ© en Angleterre, pays vers lequel se tournent tous ses vĹ“ux, « avec tous les prĂ©jugĂ©s de l’orgueil national ». Orphelin de mère, il a Ă©tĂ© conduit en Écosse Ă  l’âge de six ans. Il ignore qui est son père, position affligeante « dans un pays oĂą grands et petits sont gĂ©nĂ©alogistes de profession ». Son tuteur lui promet une immense fortune, qui lui appartiendra quand il aura 25 ans. D’ici lĂ , il doit Ă©viter de visiter l’Angleterre, comme d’enquĂŞter sur sa famille.

Deux cavaliers Ă©cossais fuient devant le flot. L'un d'eux a fait monter un jeune homme devant lui sur sa monture.
Darsie sauvé et enlevé par Herries.

Alors qu’il fait du tourisme dans le comté de Dumfries, tout près de l’Angleterre, il est enlevé par un personnage mystérieux. Son ami Alan Fairford, apprenant la nouvelle, se lance à son secours.

Après bien des intrigues, Darsie découvre que son ravisseur, Herries de Birrenswork, de son vrai nom sir Hugues Redgauntlet, est son oncle. Darsie fait également la connaissance de sa sœur, Lilias. Il découvre par ailleurs que plusieurs jacobites éminents et le prétendant Charles Édouard Stuart sont réunis dans un cabaret du Cumberland, en Angleterre, dans le but d’organiser une révolte. Hugues Redgauntlet est à l’origine de ce nouveau complot jacobite, et il veut que Darsie, fils de son frère aîné et chef légitime de la famille, le rejoigne.

Lors de la réunion, Hugues Redgauntlet se rend compte que les conspirateurs sont très réticents à se lancer dans l’aventure. Soit prudence légitime, soit prétexte, ils font valoir qu’ils soupçonnent la maîtresse du prétendant d’espionner pour le compte du gouvernement de Londres. Sa présence menace la réussite de l’entreprise. Cette femme doit être renvoyée. Charles Édouard refuse, considérant que ses partisans n’ont pas de condition à mettre à leur ralliement.

Interrompant les discussions, Colin Campbell, lieutenant-général des forces régulières, apparaît soudain. Car le complot a été éventé par le gouvernement. Le roi George III veut bien pardonner aux conspirateurs, s’ils renoncent à leurs projets.

Charles Édouard repart en exil, tandis que ses partisans, trop heureux de s’en tirer à si bon compte, se dispersent. Hugues Redgauntlet, comprenant que la cause jacobite est définitivement perdue, accompagne Charles Édouard dans son exil. Darsie, qui est resté fidèle à la cause hanovrienne, est présenté à George III, tandis qu’Alan épouse Lilias.

L’histoire de Willie le voyageur

Le roman est écrit sous des formes variées : correspondance, journal, narration classique, confession du capitaine Nanty Ewart. Un moment très fort est le conte narré par Willie le voyageur. C’est une histoire de fantômes, dont la péripétie la plus impressionnante est la rencontre du grand-père de Willie, Steenie Steenson, avec le fantôme de son propriétaire, Robert Redgauntlet (l’arrière-grand-père de Darsie). Tous les événements surnaturels ont certes des explications raisonnables. Mais Willie les rejette avec véhémence. L’histoire de Willie le voyageur est le plus célèbre des contes de Walter Scott[12]. Il est considéré de nos jours comme une des toutes meilleurs histoires courtes[2].

Personnages

Le livre compte quelque 120 personnages.

  • Darsie Latimer approche de ses 21 ans. Protestant, il n’est « pas très pur du vieux levain de l’épiscopat ». Hanovrien, il aime cependant Ă  entendre les histoires des Highlanders sur les temps de trouble. Il montre peu d’inclination pour la carrière d’homme de loi. Paresseux, de caractère instable, mais d’humeur joviale, agrĂ©able compagnon, espiègle, extravagant. Peu de soliditĂ©, inconstant, Ă©tourdi. Bon et gĂ©nĂ©reux. « Brave garçon, quoique fort lĂ©ger », selon le père d’Alan. Une envie dĂ©sordonnĂ©e de courir après les aventures et les situations romanesques. Se laisse entraĂ®ner, sans rĂ©flĂ©chir, par le premier venu.
  • Alan Fairford de Clinkdollar, Ă©cuyer-avocat, ami de Darsie. Ses qualitĂ©s sont moins vives et moins brillantes que celles de son ami. Plus rĂ©aliste et plus solide que Darsie. SĂ©rieux, solennel et grave. Rigide et rĂ©servĂ©. « Jeune sophiste sec et enfumĂ© », de son propre aveu. « Fat ignare et pĂ©dant », selon Herries. Prudent, Ă©nergique, sensĂ©, gĂ©nĂ©reux, ferme, calme. Il est privĂ© du patronage personnel dont jouissent les jeunes aristocrates, protĂ©gĂ©s par les alliances de leurs familles. Il sait donc qu’il lui faut acquĂ©rir par de longs efforts les avantages que possèdent les autres « comme par droit de naissance ». Mais, dans une situation dramatique, il n’hĂ©site pas une seconde Ă  faire passer l’amitiĂ© avant sa carrière.
  • Saunders (Alexandre) Fairford, père d’Alan, writer to the signet[13]. Whig, hanovrien et presbytĂ©rien. Il a combattu du cĂ´tĂ© hanovrien lors de la rĂ©bellion jacobite de 1745. Cependant, il a des clients et des relations d’affaires dans les familles des deux partis. Aussi adopte-t-il un compromis de langage pour satisfaire tout le monde : d’une personne mĂŞlĂ©e Ă  « l’affaire » de 1745, il dit qu’elle s’est « absentĂ©e » Ă  une certaine Ă©poque.
  • William Crosbie, prĂ©vĂ´t de Dumfries. PrĂ©tend avoir portĂ© les armes contre les jacobites. Affirme abhorrer le papisme et tenir Ă  l’Église rĂ©formĂ©e. Magnifiques et nombreuses dĂ©clarations de zèle pour les principes de la Glorieuse RĂ©volution. Prononce de beaux discours contre le prĂ©tendant, ainsi qu’en faveur du roi George et du gouvernement Ă©tabli. Mais ses ennemis affirment qu’il n’oserait rien avancer de tout cela dans la chambre Ă  coucher conjugale. Prudent, il ne tient pas Ă  mĂ©contenter les jacobites. Nul n’ayant jamais pu dĂ©couvrir s’il est whig ou tory, il a Ă©tĂ© nommĂ© trois fois prĂ©vĂ´t.
  • Jenny Crosbie, Ă©pouse du prĂ©vĂ´t. « Proche parente » (cousine au quatrième degrĂ©) de Herries. Elle a d’effrayants sourcils, porte la culotte dans le mĂ©nage, impose Ă  son mari des vues jacobites, tout en affectant en sociĂ©tĂ© un air de profonde soumission.
  • Herries de Birrenswork, ou « le Laird des lacs ». Darsie n’est jamais Ă  court d’adjectifs pour le dĂ©finir : triste, sĂ©vère, sombre, fier, menaçant, terrible, froid, mĂ©lancolique, hautain, dĂ©daigneux, brusque, farouche, sauvage, silencieux, soucieux, grave, taciturne. Dominateur. MĂ©prisant. Arrogant. Alan le trouve dĂ©sagrĂ©able et impoli. Il est en rĂ©alitĂ© sir Hugues, laird de Redgauntlet, et l’oncle de Darsie. Tory. MĂŞlĂ© Ă  « l’affaire » de 1745, il a Ă©tĂ© proscrit et n’a pas obtenu sa grâce. S’obstine dans des intrigues politiques que tout le monde considère comme dĂ©sespĂ©rĂ©es. TĂ©mĂ©raire, passionnĂ©, dĂ©terminĂ©, « âme puissante », il possède « une confiance absolue dans sa force et son Ă©nergie supĂ©rieures ». C’est « un enthousiaste politique du genre le plus dangereux ». Il considère ses neveux comme « Redgauntlet Ă  moitiĂ© » : leur mĂ©tal a « perdu sa force et sa duretĂ© », puisque leur mère n’est pas une Redgauntlet.
  • Cristal Nixon, valet d’écurie et homme de confiance de Herries. Tory, matĂ©rialiste. RenfrognĂ©, misanthrope. ParaĂ®t d’une fidĂ©litĂ© Ă  toute Ă©preuve.
  • « La Mante verte », nièce de Herries, fine, hardie, rĂ©solue, calme dans le danger. Il s’agit de Lilias Redgauntlet, la sĹ“ur de Darsie. D’opinions libĂ©rales : elle Ă©prouve une inclination Ă  devenir whig et protestante.
  • Joshua Geddes, de Mont Sharon, quaker. Franc, calme, bienveillant, cordial, humain, jamais Ă  court de rĂ©ponse, un peu vain. Selon Herries, il est en rĂ©alitĂ© un grave et avare hypocrite, cupide, fanfaron et lâche. Plus de vivacitĂ© que n’en veulent laisser paraĂ®tre ses dĂ©monstrations de patience : il n’a pas rĂ©ussi Ă  dompter entièrement un naturel fougueux.
  • Willie Steenson, ou Willie le Voyageur, mĂ©nĂ©trier ambulant, aveugle.
  • Peter Peebles. Plaideur Ă©garĂ© depuis vingt ans dans un labyrinthe de procĂ©dures. A perdu dans les cours de justice « son temps, sa fortune et sa raison ». S’exprime en termes de prĂ©toire. Devenu un pathĂ©tique « vieil Ă©pouvantail », il pourrait exciter une certaine sympathie. Mais il ne peut faire oublier qu’il a Ă©tĂ© un propriĂ©taire cruel. ÉgoĂŻste forcenĂ©, il se comporte en parasite d’une noire ingratitude, insolent et dĂ©sagrĂ©able.
  • Matthieu Foxley de Foxley Hall, dans le Cumberland, juge de paix ignare, stupide et poltron.
  • MaĂ®tre Nicolas Faggot (Nick), Anglais, clerc de Foxley. Ayant un assez joli emploi dans le comtĂ©, il se croit tenu Ă  montrer du zèle pour le gouvernement. VĂ©nal et pleutre.
  • Pate Maxwell, de Summertrees, surnommĂ© TĂŞte-en-PĂ©ril pour avoir Ă©chappĂ© Ă  la potence. Vieux gentilhomme campagnard, « jacobite aussi noir que le vieux levain peut les faire ». Il est sarcastique, ce qui dĂ©signe un homme mĂ©content. PrĂ©tentieux, fanfaron, bavard, arrogant, mais aimable convive, joyeux compagnon. Ami du jacobite Henry Redgauntlet qui fut exĂ©cutĂ© Ă  Carlisle. Herries le traite parfois d’imbĂ©cile, mais le consulte nĂ©anmoins. ÉlevĂ© pour le barreau, il n’a jamais pris la robe, car il a refusĂ© de prĂŞter serment. Se montre donc très mĂ©prisant vis-Ă -vis des hommes de loi d’extraction plĂ©bĂ©ienne, qu’il appelle « les nouveaux parvenus, les nouveaux seigneurs ».
  • Peter MacAlpin, vieil horloger jacobite de Dumfries, portĂ© sur la bouteille. A fait jouer au carillon d’Édimbourg, un 10 juin[14], l’hymne jacobite Over the water to Charlie[15].
  • Tom Trumbull, dit Tam Turnpenny (« grippe-sou »), « homme très respectable », « jouissant d’une certaine considĂ©ration dans le monde », vieux trafiquant d’Annan, dĂ©vot dĂ©monstratif, donneur de leçons et, en parallèle, ivrogne. SpĂ©cialisĂ© dans l’exportation du whisky, qu’il met Ă  la mode en Angleterre. Selon le capitaine Nanty Ewart, c’est un « diable sordide et hypocrite » qui boit toujours aux frais d’autrui, qui croit commettre un pĂ©chĂ© quand il lui faut payer ce qu’il a bu, et qui a « le plus clair des profits sans courir aucun risque ».
  • Nanty (Antony) Ewart, contrebandier et proscrit, capitaine du brick Jenny la Sauteuse, (la Sainte Geneviève, de son vrai nom), ancien pirate. Ivrogne haut en couleur, dĂ©bordant d’une jolie verve. Fils d’un ministre presbytĂ©rien, il a fait des Ă©tudes avant de sombrer dans l’alcool : il a une « poignĂ©e de latin » et une « petite pincĂ©e de grec ». Lit Salluste dans le texte, cite la Bible, JuvĂ©nal et Virgile. Il n’apprĂ©cie guère les jacobites, ni ceux qui font « la contrebande de papisme ». Aime le roi George, « mais pas assez pour payer les droits de douane ».
  • Jess Cantrips, fille aux yeux noirs, bien dĂ©gourdie. AbandonnĂ©e par Nanty, elle tombe dans la prostitution et l’escroquerie. DĂ©portĂ©e aux colonies.
  • Le père Crackenthorp (Joe), Anglais du Cumberland, trafiquant et cabaretier, « le plus jovial compagnon qui soit au monde », « un gentilhomme, des pieds Ă  la tĂŞte ». Dans les meilleurs termes avec les autoritĂ©s, avec les contrebandiers et avec les conspirateurs jacobites. Ne boit que du rhum, jamais de whisky.
  • SĂ©raphine Arthuret de Fairladies, vieille fille charitable, « damnĂ©e papiste[16] » d’un esprit un peu Ă©troit, fortement entraĂ®nĂ©e vers une dĂ©votion superstitieuse.
  • AngĂ©lique Arthuret, sĹ“ur cadette de SĂ©raphine, vieille fille comme elle.
  • Dick (Richard), jardinier des sĹ“urs Arthuret. Garçon hardi et causeur. Feint de se rendre en pèlerinage, pour Ă©chapper au travail.
  • Ambroise, vieux domestique des sĹ“urs Arthuret, « moitiĂ© mĂ©decin, moitiĂ© aumĂ´nier, moitiĂ© sommelier » — et tout Ă  fait gouverneur des âmes, le père confesseur Ă©tant souvent absent.
  • Le rĂ©vĂ©rend père Bonaventure, solennel, majestueux, sĂ©rieux, triste. Il s’agit en rĂ©alitĂ© de Charles Édouard Stuart, figure historique dĂ©jĂ  croisĂ©e dans Waverley. Autoritaire, condescendant, voire mĂ©prisant, inflexible. Dans l’introduction, Scott Ă©voque l’éclatant Charles Édouard de 1745, vaillant, infatigable, remportant trois batailles sur des forces rĂ©gulières[17]. Il n’a rien Ă  voir avec cet homme vieilli avant l’âge, imbu de son importance, butĂ© d’une façon si prĂ©visible qu’il offre Ă  des partisans irrĂ©solus un prĂ©texte pour se dĂ©filer[18].
  • La maĂ®tresse de Charles Édouard. Scott ne la nomme pas dans le rĂ©cit, mais il dit s’inspirer de Clementina Walkinshaw[19]. BeautĂ© fière et superbe, aucune modestie. Les conspirateurs la prĂ©sentent comme une espionne, pensionnĂ©e du gouvernement hanovrien, ayant une sĹ“ur Ă  la cour « de l’électeur de Hanovre » (le roi George III). La pression que les conspirateurs exercent Ă  son sujet sur le prĂ©tendant a un fondement historique : un certain MacNamara avait Ă©tĂ© dĂ©pĂŞchĂ© Ă  Paris pour obtenir de Charles Édouard la mise au couvent de la suspecte[20].
  • Colin Campbell le Noir, lieutenant-gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e rĂ©gulière.

Personnages de l’histoire de Willie le Voyageur

  • Sir Robert Redgauntlet de Redgauntlet.
  • Steenie Stenson, grand-père de Willie le Voyageur.
  • Le vieux Dougal MacCallum, sommelier.
  • Lawrie Lapraik, voisin et crĂ©ancier de Steenie, un fin matois, whig ou tory suivant le cĂ´tĂ© d’oĂą vient le vent.
  • Le major Weir (du nom d’un sorcier brĂ»lĂ© Ă  Édimbourg), singe de sir Robert.
  • Sir John, fils de sir Robert.
  • Le vieil Hutcheon.
  • La mère Tibbie Faw, grande diablesse de femme tenant un petit cabaret solitaire, Ă  l’entrĂ©e du bois de Pitmurkie.
  • Un cavalier Ă©tranger.
  • FantĂ´mes de seigneurs sanguinaires.
  • FantĂ´mes de leurs exĂ©cuteurs de basses Ĺ“uvres.

Analyse

En 1824, avec Redgauntlet, Scott délaisse un moment l’exotisme et le passé lointain (Ivanhoé en 1819, Kenilworth en 1821, Quentin Durward en 1823) pour revenir à l’inspiration de ses débuts romanesques : l’Écosse du XVIIIe siècle, veine qui aurait fourni, selon certains, le meilleur de sa production[21]. On parle parfois de « cycle jacobite[22] », d’une trilogie qui réunirait Rob Roy (évoquant la rébellion jacobite de 1715), Waverley (évoquant la rébellion jacobite de 1745) et Redgaunlet (s’inspirant des derniers complots jacobites).

Respect des lois

Le respect des lois est au centre de ce livre qui défend vivement la bourgeoisie. Le récit fait apparaître que les survivances du passé ne permettent pas toujours d’assurer la protection des biens et des personnes : le prévôt de Dumfries ne voulant pas mécontenter les gentilshommes campagnards (catholiques et jacobites), la pêcherie des quakers est détruite sans que les coupables soient inquiétés ; Darsie est enlevé par un proscrit sans que des recherches soient entreprises ; un plaideur fou obtient d’un juge de paix fantoche un mandat d’amener contre son avocat… Toutes ces anomalies appartiennent à un temps révolu, au temps de la noblesse, où la force primait sur le droit, où la justice était confiée à des incompétents. Les hommes de loi issus de la bourgeoisie, tel Alan, incarnent le présent[23]. Ils sont là pour défendre « la liberté et le droit de propriété ».

Changement de société

« Scott est un fils des Lumières », dit James MacCearney. Il a appris chez David Hume, chez Adam Ferguson et chez Adam Smith[24]. Et ses romans historiques ont pour objet de démontrer comment une société passe d’un état de civilisation à un autre. Dans Redgauntlet, on trouve bien entendu le thème scottien récurrent d’une catégorie sociale réaliste, qui prend le pas sur des féodaux égarés dans des valeurs désuètes (honneur, bravoure), armes inadaptées à ce combat d’un type nouveau. Les vertus chevaleresques sont mortes avec Charles Édouard, dit Scott[25]. Le capitalisme marchand impose sa loi[26].

Courage civil

Le thème du courage est souvent évoqué[27]. Par opposition à la bravoure militaire (exaltée dans les rêveries romanesques de Darsie), le courage civil est vigoureusement défendu par l’avocat Alan[28] et par le quaker Joshua Geddes[29].

Destin

Une discussion sur le libre-arbitre (« la liberté des Anglais ») et la prédestination oppose Darsie à son oncle[30].

Comme dans une tragédie grecque, le destin semble punir les Redgauntlet d’un crime commis par un aïeul : cette famille n’embrasse que des causes qui vont échouer[31]. Les Redgauntlet sont résolus, ils luttent vigoureusement, ils font preuve du courage le plus désespéré, mais ils ne peuvent jamais avancer d’un seul pas[32].

De même un conspirateur, consterné de l’opiniâtreté du prétendant, va jusqu’à soupçonner la famille Stuart de subir quelque vengeance de Dieu (parole qui aurait été réellement adressée au prétendant par MacNamara[33]).

Grande cause perdue

On trouve dans le livre de Scott « le thème cher entre tous au romantisme, le chant funèbre d’une grande cause perdue[34] ».

Fantômes du passé

Lithographie. Un voyageur Ă  cheval poursuivi par un autre cavalier.
Steenie et le mystérieux cavalier, par Delacroix[35].

Des critiques interprètent l’histoire de Willie le Voyageur comme une parabole renvoyant au roman. Steenie serait Darsie. Le cavalier mystérieux qui accompagne Steenie jusqu'au château serait le cavalier qui sauve Darsie de la noyade. Le refus d’obéir à un ordre déraisonnable venu d’outre-tombe (jouer d’une cornemuse rougie à blanc) correspondrait au refus de Darsie de venger la mort de son père en adhérant à une cause perdue d’avance. Scott semble nous dire que les fantômes du passé sont à respecter, mais que nous ne devons pas pousser trop loin la dévotion. Nous devons savoir garder notre libre-arbitre[36].

RĂ©conciliation

Le livre est écrit deux ans après la première visite d’un souverain de la maison de Hanovre à Édimbourg. Scott, grand ordonnateur de cette venue, est aussi dans ses romans « le pacificateur ». S’il répète, livre après livre, qu’il convient de se soumettre aux verdicts de l’Histoire, il prend soin de respecter les vaincus. Dans Redgauntlet, il donne à l’épopée stuart « une dignité sereine et solennelle qu’elle était loin d’avoir dans les faits ». Il apprivoise les démons du passé, « qui sont aussi ceux de nos passions, car qu’est-ce que le progrès, pour l’homme des Lumières qu’il était, sinon la subordination des pulsions humaines à l’empire de la raison[37] ? »

Accueil

L'accueil du public est tiède. Les ventes ne décollent pas. Les critiques ne sont pas enthousiastes. Cependant, The Scotsman et Literary Gazette se montrent favorables ; ils encensent notamment l'histoire de Willie le voyageur. D'autres journaux reprochent le mélange de genre épistolaire et de narration classique. Ils voient dans l'échange de lettres un retour aux conventions romanesques du XVIIIe siècle. Les journalistes les plus sévères estiment que Scott ne travaille plus que pour l'argent, et que de tels livres ne méritent pas d'être soumis à leur examen. Redgauntlet est aujourd'hui considéré comme un des meilleurs romans de Scott[2].

Éditions en langue française

Gravure. Homme pensif devant des papiers, yeux au ciel, plume d'oie en main.
Albert Montémont.

Premières traductions

  • Redgauntlet : histoire du XVIIIe siècle, Paris, Charles Gosselin, 1824, 4 vol. in-12. Traduit par « le traducteur des romans historiques de sir Walter Scott ». Le nom du traducteur est donnĂ© en 1826 dans la rĂ©impression de cette traduction (intitulĂ©e Redgauntlet : roman du XVIIIe siècle) : Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret.
  • Redgauntlet : histoire du XVIIIe siècle, Paris, Armand-AubrĂ©e, 1831, in-8o. Traduction d'Albert MontĂ©mont[38].

Édition moderne

Redgauntlet : histoire du XVIIIe siècle, coll. « Motifs », Privat/Le Rocher, 2007, 2 vol. Traduction d'Albert Montémont, préface de James MacCearney.

Influence

La réunion des nobles conspirateurs prépare celle que Balzac met en scène dans Les Chouans. Le récit du capitaine Nanty Ewart et la terrible figure de Herries annoncent Le Maître de Ballantrae de Stevenson.

Adaptations

Arts graphiques

Théâtre et opéra

Notes et références

  1. (en) William King, Political and Literary Anecdotes of His Own Times, Londres, Murray, 1818.
  2. (en) « Redgauntlet », sur walterscott.lib.ed.ac.uk, 19 décembre 2011 (consulté le 26 février 2018).
  3. Henri Suhamy, Sir Walter Scott, Paris, Fallois, 1993, p. 350.
  4. (en) « Williamina, Charlotte and Marriage », sur walterscott.lib.ed.ac.uk, 24 octobre 2003 (consulté le 28 février 2018).
  5. (en) MagnĂşs MagnĂşsson, Scotland: The Story of a Nation, Londres, HarperCollins, 2000, p. 637.
  6. (en) « Saint Ronan's Well », sur walterscott.lib.ed.ac.uk, 19 décembre 2011 (consulté le 22 février 2018).
  7. Walter Scott, Redgauntlet : histoire du XVIIIe siècle, coll. « Motifs », Privat/Le Rocher, 2007, t. II, p. 268.
  8. Redgaunlet, Ă©d. cit, t. II, p. 54.
  9. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. II, p. 9 et 267.
  10. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. II, p. 165-167.
  11. Darsie Latimer, personnage nĂ© en 1745, va sur ses 21 ans. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. II, p. 232, 243 et 247. — De plus, Charles Édouard est prĂ©sentĂ© comme le prĂ©tendant (« le roi », disent les jacobites), ce qu’il n’est devenu qu’à la mort de son père, le .
  12. Henri Suhamy, op. cit., p. 352.
  13. Writer to his majesty’s signet ou writer-signet : « Ă©crivain du sceau de sa majestĂ© Â», sorte de procureur ou d’avouĂ© Ă  la cour de justice, Ă  Édimbourg. Équivalent du procureur du roi dans la France de l’Ancien RĂ©gime. Il a plus de privilèges que le simple writer (avouĂ© en première instance). L’advocat plaide seulement. Albert MontĂ©mont, dans Walter Scott, op. cit., t. I, p. 191.
  14. Jacques François Édouard Stuart, dit « le Vieux Prétendant », est né le . (en) « House of Stuart - James Stuart - 'The Old Pretender' », sur britroyals.com (consulté le 26 février 2018).
  15. « Over The Water To Charlie Lyrics », sur lyricsondemand.com, 2018 (consulté le 28 février 2018).
  16. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. II, p. 175.
  17. Walter Scott, « Introduction », op. cit., t. I, p. 21 et 22.
  18. Walter Scott, « Introduction », op. cit., t. I, p. 31.
  19. Walter Scott, « Introduction », op. cit., t. I, p. 29.
  20. Walter Scott, « Introduction », op. cit., t. I, p. 29 et 30.
  21. « Le génie de Scott s’exprime surtout dans ses romans écossais. » James MacCearney, « Préface », dans Walter Scott, op. cit., t. I, p. 10. — Voir aussi Robert Louis Stevenson, « Rosa Quo Locorum », Essais sur l’art de la fiction, Payot & Rivages, 2007, p. 85 et 86. — Voir aussi Laffont, Bompiani, Le Nouveau Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 2002, t. III, p. 2920.
  22. Henri Suhamy, op. cit., p. 349. — James MacCearney, parle de « romans jacobites ». James MacCearney, op. cit., t. I, p. 10.
  23. Henri Suhamy, op. cit., p. 350 et 351.
  24. James MacCearney, op. cit., t. I, p. 16.
  25. Walter Scott, « Introduction », op. cit., t. I, p. 35.
  26. James MacCearney, op. cit., t. I, p. 16 et 17.
  27. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. I, p. 67, 73 et 74.
  28. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. I, p. 67 et 111.
  29. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. I, p. 131 et 355.
  30. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. II, p. 21-23.
  31. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. II, p. 18 et 19.
  32. Redgaunlet, Ă©d. cit., t. II, p. 245.
  33. Walter Scott, « Introduction », op. cit., t. I, p. 30. — MacNamara est l’émissaire chargé par les jacobites d’obtenir de Charles Édouard la mise au couvent de Clementina Walkinshaw.
  34. James MacCearney, op. cit., t. I, p. 9.
  35. Alfred Robaut, Ernest Chesneau, L'Œuvre complet d'Eugène Delacroix : peintures, dessins, gravures, lithographies, sur us.archive.org, Paris, Charavay, 1855, p. 85 (consulté le 28 février 2018).
  36. Henri Suhamy, op. cit., p. 351-353. Il cite Edgar Johnson. — Sur Edgar Johnson, voir Ronald Sullivan, « Edgar Johnson, 93, Biographer Of Dickens and Scott, Is Dead », sur nytimes.com, 29 avril 1995 (consulté le 28 février 2018).
  37. James MacCearney, op. cit., t. I, p. 19.
  38. Joseph-Marie Quérard, La France littéraire ou Dictionnaire bibliographique des savants, historiens, et gens de lettres de la France, sur books.google.fr, Paris, Didot, 1836, t. VIII, p. 568 (consulté le 26 février 2018).
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