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Rectocolite hémorragique

La rectocolite hémorragique (RCH) ou colite ulcéreuse est une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) qui affecte l'extrémité distale du tube digestif, c’est-à-dire le côlon et le rectum qui est toujours touché[1]. Son étiologie est inconnue, bien qu'une composante génétique constitue une hypothèse. Elle est classée dans les maladies auto-immunes. C'est une maladie qui agit par poussée et qui ne se guérit pas, ce qui nécessite un traitement médicamenteux à vie. L'objectif des traitements est que les rémissions durent le plus longtemps possible.

Rectocolite hémorragique
Description de cette image, également commentée ci-après
Image endoscopique d'une partie des intestins (côlon sigmoïde) atteinte de rectocolite hémorragique. La muqueuse colique est sanguinolente et déchirée par endroits.

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

Son diagnostic repose essentiellement sur les examens cytologiques qui accompagnent les prélèvements lors d'une coloscopie.

Tout comme la maladie de Crohn, elle peut s'accompagner de manifestations extra-intestinales : articulaires, cutanées, oculaires, etc.

Les malades atteints de RCH ou de la maladie de Crohn sont parfois sujets Ă  la laxophobie.

SymptĂ´mes

Image endoscopique d'une RCH affectant la partie gauche du cĂ´lon

La maladie évolue par poussées inflammatoires de la muqueuse du côlon, qui peuvent durer des mois et se répéter plusieurs fois par an, entrecoupées de période d'accalmie.

Le diagnostic de la RCH est posé sur un ensemble d'éléments cliniques et paracliniques. Le tableau clinique regroupe des signes digestifs et des signes extradigestifs[2].

Les symptômes digestifs sont principalement constitués d'une diarrhée chronique et sanglante (plusieurs semaines à plusieurs mois), hémorragique dans les poussées graves, très douloureuse et accompagnée fréquemment de glaires mélangées ou non aux selles. Les patients souffrent de brulures rectales (ténesme), de coliques expulsives et d'épreintes (faux besoins).

Il peut exister des manifestations extra-intestinales, principalement ostéoarticulaires (rhumatisme axial et périphérique) mais aussi hépatobiliaires (cholangites sclérosantes primitives), oculaires (conjonctivites et uvéites) ou cutanées (aphtes buccaux, érythèmes noueux, pyoderma gangrenosum).

La fatigue est un symptôme classique, présent même en dehors des poussées. Les poussées sévères s'accompagnent fréquemment d'amaigrissement, d'anémie et/ou de fièvre.

Diagnostic

La coloscopie montre typiquement un aspect inflammatoire du côlon, naissant au niveau du rectum et remontant plus ou moins haut de manière continue. Cette continuité des lésions est parfois inconstante[3]. La sévérité de la maladie dépend en partie de son extension.

La calprotectine fécale peut être utilisé comme un marqueur non invasif de l'activité de la maladie et pour évaluer la réponse à la thérapie ou une rechute[4].

Diagnostic différentiel

Le diagnostic de la RCH peut être difficile à faire car la maladie peut avoir, à tort, été étiquetée comme un trouble fonctionnel digestif, intestinal (TFD, TFI ou colopathie fonctionnelle).

On peut facilement la confondre avec la maladie de Crohn (pouvant toucher tout le tube digestif), car la RCH est aussi une MICI (maladie inflammatoire chronique intestinale). Cependant, les ulcères causés par la maladie de Crohn tendent à être transmuraux (d'erroder toute l'épaisseur de l'intestin), alors que ceux associés à la RCH se limitent à la muqueuse et la sous-muqueuse [5]. Au contraire de la maladie de Crohn, la RCH ou colite ulcéreuse se limite au gros intestin et au rectum, et ne peut toucher d'autres parties du tube digestif.

Si le diagnostic peut ne pas être porté avec certitude entre ces deux entités lors des premières poussées, on parle alors de colite indéterminée. Dans la plupart des cas, l'évolution de la pathologie et de ses signes cliniques permet, après plusieurs mois ou années, de finir par déterminer avec précision la maladie concernée et donc d'adapter au mieux la stratégie thérapeutique. Il arrive cependant que la colite reste indéterminée, le débat actuel étant de savoir si ce n'est pas une troisième entité des MICI.

Certaines colites infectieuses peuvent aussi présenter un tableau trompeur.

Incidence - Prévalence

L'incidence est supĂ©rieure Ă  celle de la maladie de Crohn et est estimĂ©e dans les pays occidentaux Ă  entre 9 et 20 cas annuels sur 100 000 personnes[6]. Les occidentaux sont plus touchĂ©s que les autres populations, notamment les blancs (2 Ă  5 fois plus)[7]. Elle dĂ©bute prĂ©fĂ©rentiellement chez les jeunes adultes entre 20 et 40 ans. Il existe des prĂ©dispositions familiales qui peuvent faire Ă©voquer un facteur gĂ©nĂ©tique[8].

En France, de nombreux nouveaux cas sont diagnostiquĂ©s chaque annĂ©e (probablement de l'ordre de 2 000 Ă  2 500 cas), avec un nombre total de cas d'environ 40 000. La RCH est ainsi une maladie peu frĂ©quente mais ne fait plus partie des maladies rares.

Facteurs de risque et facteurs protecteurs

Les causes de cette maladie sont encore en grande partie inconnues. C'est une maladie auto-immune, ce qui signifie que le système immunitaire s'attaque à ses propres cellules.

Il existe une prédisposition génétique avec plusieurs gènes identifiés[9] (20 % des malades ont un proche souffrant d'une MICI). La part génétique semble cependant plus en rapport avec la sévérité de la maladie qu'avec le risque de déclencher cette dernière[10]. Plusieurs mutations favorisant la rectocolite hémorragique sont également associées avec la maladie de Crohn[11].

Un facteur déclenchant environnemental (infection bactérienne digestive[12]) joue un rôle dans la survenue d'une cascade inflammatoire non contrôlée.

Il s'agit donc d'une maladie multifactorielle au mĂŞme titre que la maladie de Crohn ou la polyarthrite rhumatoĂŻde, autres maladies proches.

Les infections durant l'enfance pourraient être protectrices, ce qui expliquerait en partie la plus grande prévalence de la maladie dans les pays riches et dans les milieux urbains[13]. Le tabagisme serait également protecteur[14] avec même une possible aggravation de la maladie en cas d'arrêt du tabagisme[15]. La survenue d'une appendicite durant l'enfance ou l'adolescence semble diminuer le risque ultérieur de survenue d'une rectocolite, une appendicectomie faite à titre systématique ne semblant, par contre, pas protectrice[16]. L'explication de cette corrélation est peu claire.

Le stress ne semble pas avoir de rĂ´le favorisant[17].

La maladie peut s'exacerber pendant une grossesse[18] mais le fait d'allaiter serait protecteur[19].

Physiopathologie

La physiopathologie de la rectocolite hémorragique reste peu connue.

La lésion concerne les cellules de l'épithélium digestif séparant la lumière (contenant le bol alimentaire avec de nombreux germes), du reste de l'organisme. Il n'est toutefois pas clair si cette lésion est cause de la maladie ou conséquence. Il existe ainsi une diminution de sécrétion de mucus, une altération des jonctions inter-cellulaires, une augmentation de l'apoptose (mort programmée cellulaire), ces dernières étant probablement secondaires à la sécrétion de plusieurs cytokines dont l'interleukine 13[20].

Les germes du tube digestif (microbiote commensal) semblent jouer un rôle : la maladie ne se développe pas dans un modèle animal dont le tube digestif a été stérilisé[21]. Il existe des arguments pour que cela soit également le cas chez l'être humain[22].

Le facteur de nécrose tumorale-alpha (TNFα) est retrouvé en quantité élevée dans les selles[23] et le mucus intestinal, même dans les phases inactives de la maladie[24], ce qui peut expliquer l'efficacité des médicaments ciblant cette molécule dans le traitement de la rectocolite hémorragique. Il existe également une composante immunologique avec une activation de certains lymphocytes T[6].

Évolution

La maladie se caractérise par des phases de poussées entrecoupées de phases de rémissions. La sévérité des symptômes et le risque de récidive sont en rapport avec l'extension des lésions à la coloscopie[6].

Les complications sont, à court terme, la survenue d'une colectasie (dilatation toxique du côlon) ou une colite aigüe grave (poussée très sévère d'emblée).

Il existe, après 10 ans d'Ă©volution, une majoration du risque de cancer colorectal[25]. Ce risque est surtout important en cas d'atteinte Ă©tendue[26] et nĂ©cessite une surveillance rĂ©gulière par coloscopie. Le traitement mĂ©dical au long cours par mesalazine[27] ou par azathioprine[28] pourrait diminuer le risque de cancĂ©risation.

La mortalité ne semble pas être augmentée par rapport au reste de la population[29].

Personnalités atteintes de rectocolite hémorragique

Traitement

La prise en charge de la rectocolite hémorragique a fait l'objet de la publication de plusieurs recommandations. Les dernières européennes[33] datent de 2008, celles américaines de 2019[4].

Traitement d'attaque (aigu)

  • Pour les poussĂ©es lĂ©gères Ă  modĂ©rĂ©es, on utilise des salicylĂ©s (5ASA/mesalazine) Ă  forte dose. Dans les formes rectales, la voie d'administration locale (suppositoire) est prĂ©fĂ©rable[34]. Dans les formes plus Ă©tendues, une double voie d'administration (orale et suppositoire) est choisie[35].
  • Pour les poussĂ©es moyennes ne rĂ©pondant pas aux salicylĂ©s, on peut utiliser des corticoĂŻdes comme la bĂ©clomĂ©tasone en comprimĂ©s gastro-rĂ©sistants. La bĂ©clomĂ©tasone est un corticoĂŻde ayant l'avantage de n'agir que dans le cĂ´lon, il est donc quasiment dĂ©pourvu des effets secondaires classiques des corticoĂŻdes. La rĂ©ponse est bonne dans huit cas sur dix, avec cependant certaines formes exigeant la poursuite prolongĂ©e du traitement (cortico dĂ©pendance) dans un cas sur cinq[36].
  • Pour les poussĂ©es moyennes et sĂ©vères, on prescrit plutĂ´t des corticoĂŻdes (comme la prednisolone) par voie gĂ©nĂ©rale (orale ou injectable).

Dans les formes corticodépendantes (si on diminue la dose de corticoïde les signes cliniques réapparaissent) ou corticorésistantes (même les corticoïdes ne permettent pas de faire disparaitre les signes cliniques), et aussi dans les formes sévères de la maladie on introduit de plus en plus un traitement par immunosuppresseur (azathioprine[37] ou méthotrexate). Le gain d'efficacité reste cependant faible[38].

Le tofacitinib est aussi utilisé pour traiter la maladie. Il y a un intérêt pour ses propriétés inhibiteurs de la Janus kinase 1 et 3.

Le filgotinib a Ă©tĂ© efficace dans un essai contre placebo sur une cohorte de 1 348 malades Ă  la dose de 200 mg[42].

Ose Immunotherapeutics étudie l'impact d'un traitement à base de OSE-127, un anticorps monoclonal qui cible le récepteur CD127[43].

Chirurgie

Utilisée en dernier recours, la chirurgie est le seul traitement permettant de « guérir » la maladie (si le rectum et le côlon sont enlevés). Un tiers des formes sévères aboutissent à ce traitement[44] (statistiques datant de la période d'avant l'utilisation des inhibiteurs du TNF).

Traitement d'entretien (préventif)

Le traitement d'entretien utilise les salicylés (5ASA ou mesalazine)[45] ou dans les formes plus sévères, l'azathioprine, la mercaptopurine[46] ou la méthotrexate (immunosuppresseurs). les patients ayant répondu à l'infliximab peuvent poursuivre ce traitement pour la prévention des récidives des rechutes[6].

RĂ©gime

Le régime est d'un intérêt discuté car aucun essai clinique sérieux n'a été mené à ce sujet. Cependant les malades connaissent souvent des difficultés de digestion et sont sujets aux ballonnements. Il est recommandé d'éviter les aliments ou boissons aggravant ces symptômes.

Les probiotiques semblent avoir une efficacité pour entretenir la rémission de la rectocolite hémorragique[47].

RĂ©gime pauvre en fibres

En cas de poussée, le régime pauvre en fibres est généralement conseillé car il améliore le confort en diminuant les diarrhées et les douleurs abdominales. Si ce régime pauvre en fibres est instauré, celui-ci doit être riche en protéines et il faut également compenser les pertes en eau et en sels minéraux (particulièrement fer et calcium).

La principale restriction pourrait aussi être la consommation de sel en cas de traitement par corticoïde (habituellement l'utilisation de ce dernier est limitée à la période de poussée de la maladie).

En dehors des poussées l'alimentation doit redevenir aussi normale et équilibrée que possible afin d'éviter une quelconque carence. Le patient doit néanmoins éviter les aliments non supportés selon sa tolérance personnelle.

Régime en glucides spécifiques

Le régime en glucides spécifiques exclut l'ingestion de certains glucides dits complexes. Cela affranchit le système digestif d'aliments qu'il ne peut pas digérer complètement. Ce régime semble procurer un mieux-aller pour certains patients[48].

Traitement traditionnel alternatif

L'encens de Boswellia elongata (en), arbre à encens endémique au Yémen, est préconisé par des tradipraticiens pour lutter contre les inflammations, notamment (dans les douleurs) dentaires, articulaires et intestinales. Chez l'animal de laboratoire a été montrée la capacité des acides boswelliques extraits de l'encens à inhiber la production des leucotriènes, des molécules impliquées dans les mécanismes inflammatoires responsables de la maladie de Crohn et de la rectocolite hémorragique[49] - [50].

La berbérine améliore un peu les symptômes[51]. D'après une méta-analyse, la combinaison de probiotiques et de formules de médecine traditionnelle chinoise est plus efficace que l'acide 5-aminosalicylique[52]. L'indigo naturel est hautement efficace contre la colite ulcéreuse pédiatrique mais peut causer des effets secondaires graves[53].

L'administration de Thymus kotschyanus a montré une amélioration des symptômes[54].

Restauration de la barrière intestinale

L’atteinte de l’intégralité de la barrière intestinale et particulièrement le mucus est un des facteurs qui semble à être impliqué dans la pathogénie de la rectocolite hémorragique. Les phospholipides jouent ont un rôle important dans l’intégrité de cette barrière. La phosphatidylcholine composant principal représente plus de 90 % des espèces phospholipidiques, est en concentration significativement moindre chez les patients atteints de RCH. La substitution orale en phosphatydilcholine au cours d'une étude prospective, randomisée et contrôlée contre placebo, en double aveugle chez des patients atteints de RCH légère à modérée semble sûre mais inefficace[55].

Bactériothérapie fécale

La bactériothérapie fécale est un traitement médical développé à la fin du XXe siècle par le Dr Thomas J. Borody (en) et son équipe à Sydney, en Australie, principalement comme un traitement alternatif pour la colite pseudomembraneuse, il est à ce jour destiné à des patients souffrant de quelques maladies intestinales résistant aux traitements antibiotiques classiques, dont la RCH[56].

Pour la RCH, aucun agent pathogène n'a été trouvé à ce jour. Mais l'efficacité de la bactériothérapie fécale dans ce cas suggère que la cause de la RCH pourrait être une infection antérieure par un agent pathogène encore inconnu.

Cette infection initiale peut parfois se résoudre naturellement. Mais dans certains cas, un déséquilibre du microbiote intestinal du côlon pourrait conduire à un cycle inflammatoire (ce qui expliquerait la nature cyclique et récurrente de cette maladie). Ce cycle semble, au moins dans de nombreux cas, pouvoir être rompu par la recolonisation du côlon du malade par un complexe bactérien prélevé dans un intestin sain[57] - [58]. Certains médecins estiment que le traitement, effectué dans de bonnes conditions, est sûr et que de nombreux malades pourraient bénéficier de cette thérapie[59].

Prise en charge en France

En France, la rectocolite hĂ©morragique (RCH) fait partie de la liste des ALD (affections de longue durĂ©e) uniquement en cas d'invaliditĂ© avĂ©rĂ©e, prise en charge Ă  100 % du ticket modĂ©rateur (après la signature de l'accord par le patient et son mĂ©decin rĂ©fĂ©rent). D'autres droits sont ouverts, notamment pour les salariĂ©s, les jours de carence des arrĂŞts de travail ne s'appliquent qu'au premier arrĂŞt sur une pĂ©riode de trois annĂ©es. Des indemnitĂ©s journalières (IJ) sont donc versĂ©es Ă  concurrence d'un maximum de 360 IJ pour une pĂ©riode de trois annĂ©es consĂ©cutives[60]. Ceci permet au malade de conserver une activitĂ© salariĂ©e sans pĂ©naliser sa prise en charge mĂ©dicale.

Notes et références

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