Révolution des Œillets
La révolution des Œillets (Revolução dos Cravos en portugais), également surnommée le (25 de Abril en portugais), est le nom donné aux événements d' qui ont entraîné la chute de la dictature salazariste qui dominait le Portugal depuis 1933. Elle doit son nom à l'œillet rouge que les conjurés portaient à leur boutonnière et dans le canon de leur fusil en signe de ralliement[1].
Autre nom | Revolução dos Cravos |
---|---|
Date | |
Lieu | Portugal |
Résultat | Renversement de la dictature salazariste ; Processus Révolutionnaire en cours |
Coup d'État militaire | |
Mário Soares rentre au Portugal | |
Adoption de la nouvelle Constitution |
Ce que l'on nomme « révolution » a commencé par un coup d'État organisé par des militaires qui se sont progressivement radicalisés par rejet des guerres coloniales menées par le Portugal. Ce coup d'État, massivement soutenu par le peuple portugais, a débouché sur une révolution qui a duré deux ans, marquée par de profondes divisions sur la façon de refonder le Portugal, mais qui, finalement, a profondément changé le visage de celui-ci.
La révolution des Œillets a la particularité de voir des militaires, porteurs d'un projet démocratique (mise en place d'un gouvernement civil, organisation d'élections libres et décolonisation), renverser un régime, sans pour autant instaurer un régime autoritaire.
Cet événement est le début de la démocratisation du Sud de l'Europe, celui-ci étant suivi par la chute des dictatures espagnole et grecque.
Contexte
Depuis 1926, le Portugal est une dictature. L’Estado Novo, un régime conservateur et nationaliste créé en 1931 s'appuie sur l'armée, sur les États-Unis et sur la police secrète d'État et militaire (la PSDEM). Il est dirigé depuis 1968 par Marcelo Caetano qui a succédé à António de Oliveira Salazar (resté au pouvoir de 1933 jusqu'à son accident en 1968).
Toutefois, l'Estado Novo est affaibli par de nombreux problèmes. D'abord, il ne réussit pas à développer le pays (l'un des plus pauvres d'Europe). Ensuite, une grande partie de la population rejette, de plus en plus, le conservatisme moral et le manque de liberté. Enfin, depuis , en Angola, le régime a déclenché des « guerres de pacification » visant à maintenir la colonisation portugaise face aux révoltes indépendantistes (Angola, Mozambique, Cap-Vert, Sao-Tomé-et-Principe et Guinée-Bissau). Mais c'est l'enlisement après plus de dix années de guerre, qui font de plus en plus de victimes parmi les jeunes enrôlés par la conscription et parmi les officiers engagés. Les guerres coloniales deviennent ainsi l'un des terreaux de la révolution.
Naissance de la protestation
La contestation du haut commandement
Dès 1972, le gouverneur et commandant des Forces Armées en Guinée, António de Spínola tente de convaincre le président du Conseil, Marcelo Caetano, de trouver une solution politique aux guerres coloniales qu'il considère comme perdues car les pertes en hommes sont énormes et le moral des troupes très affecté.
Caetano refuse. Le régime préfère une défaite à une quelconque négociation. Il espère en sortir blanchi et faire porter la responsabilité de la défaite sur l’armée (armée déjà rendue responsable de la perte des possessions indiennes – opération Vijay).
En , à l'occasion d'un congrès de soutien au régime, des officiers proches de Spinola contestent, pour la première fois, et publiquement, la stratégie du régime tout en déclarant vouloir défendre eux aussi l’intérêt de la nation[2].
La naissance du MFA
Parallèlement, une partie des officiers subalternes commence à tourner le dos au régime. En 1973, cette opposition s'organise autour du rejet par des officiers de carrière de deux décrets-lois (nos 353/73 et 409/73) censés faciliter le recrutement d'officiers nécessaires sur le front africain en y incluant des civils ayant déjà fait leur service. Ils créent alors le Mouvement des Forces Armées (MFA).
Cette contestation est d'abord plus d'ordre corporatiste que politique[3]. Mais, malgré le retrait des décrets, les réunions du MFA se poursuivent. Elles débouchent sur l'idée que la guerre est à l'origine de tous les problèmes et que la sortie de la guerre passe forcément par un changement politique. Si certains participants évoquent déjà l'idée d'un coup d'État, la majorité est alors pour une solution légaliste.
Pour agir, le MFA se structure avec la création d'une commission coordinatrice en 1973 dont font partie Dinis de Almeida, Vasco Correia Lourenço (pt), Rodrigo de Castro, Mario Frazao, Mariz Fernandes, Campos Andrade, Sanches Osorio (pt), Hugo dos Santos, Otelo Saraiva de Carvalho et Correia Bernardo[4].
Le MFA met en avant trois propositions (programme des trois D)[5] :
- démocratisation : conquête du pouvoir confié à une junte en vue de la démocratisation du pays ;
- décolonisation : organisation par le gouvernement, sous la tutelle de l’armée, d’élections libres et d’un référendum sur l’outre-mer ;
- développement économique : redonner sa grandeur au pays.
Convergence des contestations
En 1973, Spinola accepte le poste de vice-chef des armées, créé spécialement pour lui par le gouvernement. Mais, le , il se rapproche du MFA en dénonçant une tentative de coup d’État droitiste par le général Kaulza de Arriaga. Il multiplie les contacts avec le MFA, cherchant à unir les contestataires sous son commandement et en leur demandant de rester dans la légalité en attendant la sortie de son livre qui devrait porter un coup au régime. Le rapprochement est difficile car le MFA se pose des questions sur le projet politique de Spinola.
La sortie du livre de Spinola Le Portugal et l'avenir le fait l'effet d'une bombe. Même s'il ne parle pas de renverser le régime, il prône la démocratisation du pays et une progressive autonomie des colonies dans une structure fédéraliste. Il remet ainsi en question l’un des piliers et source de fierté du régime, l’empire. Le livre décomplexe ceux qui n’osaient s’opposer publiquement à la poursuite de la guerre.
Marcelo Caetano comprend la menace pour son pouvoir. Il sait qu’il ne peut continuer à gouverner sans le soutien des principaux officiers dont Francisco da Costa Gomes et Spinola. Il les convoque le et leur propose de revendiquer le pouvoir auprès du chef de l’État. Spinola refuse, estimant qu’il est de toute façon trop tard pour le régime[6].
Parallèlement, le MFA s'organise. Son effectif augmente, son organisation s’améliore. Il décide de sonder les positions des principales unités militaires du pays quant à la solution du coup d’État. Les forces militarisées comme la GNR (gendarmerie), la PSP (police) et la GF (douane) restent pro-gouvernementales. Le MFA tente un rapprochement avec les autres corps des forces armées composés majoritairement d’officiers de l’armée de terre (les forces aériennes participent aux réunions du mouvement mais la marine reste à l’écart méfiante ; ni les unes ni l’autre ne participeront au ).
Face aux événements, le MFA prend clairement parti pour le coup d’État et fixe les grands objectifs politiques du mouvement.
Le régime réagit en changeant d’unité certains officiers dont Vasco Lourenço (pt), qui finissent par être arrêtés.
La tentative de coup d’État du
En , Spínola et Costa Gomes démissionnent de leur poste. Leurs prises de position sur le cours de la politique coloniale portugaise sont devenues intenables face aux ultras du régime.
Un groupe d’officiers décide alors d'intervenir sans attendre. Le , les unités de Caldas da Rainha avancent vers Lisbonne. Elles échouent, et 200 militaires sont arrêtés[7].
Dans le même temps, Spínola tente de plus en plus d’influencer le MFA sur les préparatifs du coup d'État mais aussi sur son programme.
Le 25 avril 1974 : le renversement de la dictature par le MFA
Le , le MFA lance les opérations pour renverser le régime dictatorial. La diffusion par la radio de Grândola, Vila Morena, chanson de Zeca Afonso interdite par le régime, annonce le départ des militaires révoltés du MFA pour s'emparer des points stratégiques du pays. En quelques heures, le pouvoir s'effondre.
Durant ces opérations, malgré les appels réguliers des « capitaines d'avril » du MFA à la radio incitant la population à rester chez elle, des milliers de Portugais descendent dans la rue, se mêlant aux militaires insurgés. L'un des points centraux de ce rassemblement est le marché aux fleurs de Lisbonne, alors richement fourni en œillets. Celeste Caeiro, fleuriste, en donne à plusieurs militaires[8]. Certains militaires insurgés mettront cette fleur dans le canon de leur fusil, donnant ainsi un nom et un symbole à cette révolution.
Marcelo Caetano, réfugié dans la caserne principale de la gendarmerie de Lisbonne, est encerclé par le capitaine Salgueiro Maia et ses hommes, tous membres du MFA. Voulant à tout prix éviter que le pouvoir ne tombe dans la rue (ou aux mains du MFA qu'il considère comme un mouvement communiste), il accepte de se rendre à condition de remettre le pouvoir au général Spínola, ce qui sera fait après accord du MFA. Caetano est alors emmené sous escorte et envoyé en exil vers le Brésil.
Seule la PIDE, police politique, oppose une résistance armée et tire dans la foule, faisant quatre morts, uniques victimes de cette révolution[9]. Cette résistance est anéantie dans la nuit du 25 au 26.
Comme prévu le pouvoir est aussitôt confié à une Junte de Salut National (JSN). Elle est composée de militaires prestigieux : Spínola, Costa Gomes, Jaime Silvério Marques, Galvão de Melo, Pinheiro de Azevedo et Rosa Coutinho. Vers 1 h 30, elle se présente aux Portugais en lisant une proclamation rédigée par le MFA. Cette proclamation affirme que le pouvoir sera remis aux civils à l'issue de la tenue d'élections libres, et insiste sur la volonté d'une politique dite des Trois D : « démocratiser, décoloniser et développer ». Pourtant, très vite, les divergences entre les différents protagonistes vont se faire jour et provoquer une longue période de troubles au Portugal plus connue sous le nom de Processus Révolutionnaire en Cours (PREC).
Les prisonniers politiques sont également libérés. Les dirigeants des partis politiques en exil peuvent dès lors rentrer triomphalement au Portugal : le socialiste Mário Soares le et le communiste Alvaro Cunhal le .
24 avril
Le journal República attire l'attention de ses lecteurs sur l'émission Limite de cette nuit-là.
- 22 h 55
- La chanson E depois do Adeus (pt) (« Et après les Adieux ») de Paulo de Carvalho, qui représentait le Portugal à l'Eurovision au début du mois, est diffusée par le journaliste João Paulo Diniz (pt) à la Emissores Associados de Lisboa. Alors qu'elle n'avait pas de portée politique ou polémique, c'est le signal choisi par le MFA pour indiquer à tous le début des opérations[10].
25 avril
- 0 h 20
- Le signal définitif est lancé par la diffusion de la chanson interdite par le régime Grândola, Vila Morena de José Afonso, par Rádio Renascença dans l'émission Limite. Ce signal confirme que les opérations sont en marche de manière irréversible dans tout le pays. Les troupes se dirigent vers leurs objectifs. Par la suite, deux poèmes de Carlos Albino (journaliste au República) sont lus à la radio.
- 0 h 30
- Les troupes de l'École Pratique de l'Administration Militaire se mettent en route vers leur objectif.
- 1 h
- Les troupes de l'École Pratique de Cavalerie de Santarém, commandées par le capitaine Salgueiro Maia se préparent à se mettre en route vers Lisbonne, alors que les troupes d'Estremoz, Figueira da Foz, Lamego, Lisbonne, Mafra, Tomar, Vendas Novas, Viseu, et d'autres points du pays se mettent également en route vers leur objectif.
- 3 h
- Les révoltés commencent à occuper, de manière synchronisée, les points de la capitale considérés comme vitaux pour le succès de l'opération : l'aéroport de Lisbonne, les locaux de Rádio Clube Português (RCP) d’où seront lus les premiers communiqués du MFA au pays, de l'Emissora Nacional (l'émetteur national), de la RTP et de Rádio Marconi. Tout cela se fait sans résistance significative.
- Dans le nord, le CICA 1 commandé par le lieutenant-colonel Carlos Azeredo (pt) s'empare du quartier général de la région militaire de Porto. Il est soutenu par les troupes venues de Lamego. Les Forces du BC9 de Viana do Castelo prennent l'aéroport de Porto.
- 3 h 30
- Les troupes de l'École Pratique de Cavalerie quittent la caserne de Santarem avec Salgueiro Maia à leur tête. Pendant ce temps des militaires du MFA commencent le siège du quartier général de la région militaire de Lisbonne. Le gouvernement est alerté.
- 4 h
- Étant donné le manque d'information sur la prise de contrôle de l'aéroport de Lisbonne, la transmission du premier communiqué du MFA par la RCP, initialement prévue à 04h00 est retardée de 30 minutes
- 4 h 15
- Le régime réagit. Le ministre de la Défense ordonne aux forces installées à Braga d'avancer sur Porto, avec pour but de reprendre le QG, mais celles-ci ont déjà adhéré au MFA et ignorent les ordres.
- 4 h 20
- Les forces de l'École Pratique d'Infanterie de Mafra contrôlent l'aéroport de Lisbonne qui est fermé. Le trafic aérien est détourné vers Madrid et Las Palmas.
- 4 h 26
- Premier communiqué du MFA par le journaliste Joaquim Furtado au micro de la RCP (Rádio Clube de Portugal) :
« Ici le poste de commandement du Mouvement des Forces Armées. Les forces armées portugaises demandent à tous les habitants de Lisbonne de rentrer chez eux et d'y rester avec le maximum de calme. Nous espérons sincèrement que la gravité des heures que nous vivons ne sera pas tristement marquée par un accident. C'est pourquoi nous en appelons au bon sens des commandements des forces militarisées, afin d'éviter la moindre confrontation avec les Forces Armées. Une telle confrontation, outre le fait qu'elle soit inutile, ne pourra que conduire à de sérieux préjudices individuels qui endeuilleraient et créeraient des divisions entre les Portugais, ce qu'il faut éviter à tout prix. Nonobstant la préoccupation qui est la nôtre de ne faire couler le sang d'aucun Portugais, nous en appelons à l'esprit civique et professionnel du corps médical, espérant qu'il se dirigera vers les hôpitaux afin d'apporter son éventuelle collaboration, que nous souhaitons, sincèrement, inutile. »
- Après la lecture de ce communiqué, l'hymne portugais est joué sur les ondes, suivi de marches militaires, parmi lesquelles la marche A Life on the Ocean Waves de Henry Russell (1812-1900), qui sera adoptée comme hymne par le MFA.
- À 4 h 20, l'aéroport militaire de Figo Maduro (Aérodrome de Transit no 1), accolé à l'aéroport de Lisbonne, est occupé par un homme seul, le capitaine pilote-aviateur Costa Martins (pt). Une fois contrôlé l'AT1, grâce à un coup de bluff consistant à faire croire que la Compagnie de l'École Pratique de l'Infanterie l'encerclait, le capitaine Costa Martins[11] s'adresse à la tour de contrôle de l'aéroport de Lisbonne avec le même bluff. Il ordonne d'arrêter tout le trafic aérien civil au-dessus du Portugal.
- 4 h 45
- Second communiqué du MFA à l'antenne du RCP (Rádio Clube de Portugal) :
« À tous les éléments des forces militarisées et policières, le commandement des forces armées conseille la plus grande prudence afin d'éviter toute confrontation dangereuse. Il n'y aucune intention de faire couler le sang inutilement mais c'est ce qui arrivera en cas de provocation avérée. Nous vous appelons à rentrer immédiatement dans vos casernes en attendant les ordres qui vous seront donnés par le MFA. Les commandements qui tenteront par un quelconque moyen de mener leurs subordonnés à la lutte contre les forces armées seront sévèrement punis. »
- 5 h
- La PIDE/DGS contacte Marcelo Caetano et lui demande d'aller se protéger au QG de la GNR (Guarda Nacional Republicana).
- 5 h 15
- Troisième communiqué du MFA :
« Afin que la gravité des heures que nous vivons ne soit tristement marquée par un incident, nous en appelons au bon sens des commandements des forces militarisées qui doivent éviter les confrontations avec les Forces Armées. Une telle confrontation, inutile au demeurant, ne pourra qu'entraîner de sérieux préjudices qui endeuilleraient et créeraient des divisions chez les Portugais, ce qu'il faut éviter à tout prix. Nonobstant la préoccupation qui est la nôtre de ne faire couler le sang d'aucun Portugais, nous en appelons à l'esprit civique et professionnel du corps médical, espérant qu'il se dirigera vers les hôpitaux afin d'apporter son éventuelle collaboration, que nous souhaitons, sincèrement, inutile. À tous les éléments des forces militarisées et policières, le commandement du Mouvement des Forces Armées conseille la plus grande prudence, afin que soit évitée toute altercation dangereuse. Il n'y a aucune intention de faire couler inutilement le sang, mais c'est ce qui arrivera dans le cas de provocations avérées. C'est pourquoi nous vous demandons de retourner immédiatement à vos casernes et d'attendre les ordres qui seront données par le MFA. Les commandements qui tenteraient par un moyen quelconque de pousser leurs subordonnés au combat contre les Forces Armées seraient sévèrement punis. Nous informons la population qu'afin d'éviter le moindre incident, qui serait forcément involontaire, elle doit rentrer chez elle et garder son calme. À tous les éléments des forces militarisées, nommément les forces de la GNR et de la PSP, ainsi que les forces de la Direction Générale de Sécurité[12] et de la Légion Portugaise qui ont été abusées par leur recruteurs, nous rappelons leur devoir civique qui consiste à maintenir l'ordre public, ce qui, dans la situation actuelle, ne pourra être effectif qu'en évitant la moindre opposition avec les Forces Armées. Une telle réaction n'apporterait aucun avantage, et entraînerait un indésirable bain de sang qui ne contribuerait en rien à l'unité de tous les Portugais. Confiants dans le bon sens et le civisme de tous les Portugais, et afin d'éviter toute confrontation armée, nous demandons néanmoins aux médecins et au personnel infirmier de se présenter dans les hôpitaux pour une collaboration que nous souhaitons être inutile. »
- 5 h 30
- Salgueiro Maia entre dans Lisbonne et croise des forces de police sans qu'il y ait de réaction. Ses troupes s'installent sur le Terreiro do Paço où se trouvent le ministère de l'Armée, le conseil municipal, la banque du Portugal ainsi que les bureaux de la PSP (police). Salgueiro annonce à un journaliste qu'ils sont là pour renverser le régime.
- 6 h 45
- Quatrième communiqué du MFA :
« Ici le poste de commandement du Mouvement des Forces Armées. À l'attention des éléments des forces militarisées et policières. Dès lors que les forces armées ont décidé de prendre en charge la situation actuelle, toute opposition des forces militarisées et policières envers les unités militaires qui occupent Lisbonne sera considérée comme un délit grave. Le non-respect de cet avertissement pourra entraîner un inutile bain de sang, dont la responsabilité leur serait entièrement attribuée. Elles doivent, par conséquent, rester dans leurs casernes jusqu'à nouvel ordre du Mouvement des Forces Armées. Les commandements des forces militarisées et policières seront sévèrement punis dans le cas où ils inciteraient leurs subordonnés à la lutte armée. »
- 7 h 30
- Cinquième communiqué du MFA :
« Ici le poste de commandement du Mouvement des Forces Armées. Comme il a été annoncé précédemment, les forces armées ont lancé, depuis ce matin, une série d'actions visant à libérer le pays de ce régime qui le dirige depuis longtemps. Dans leurs communiqués, les forces armées ont appelé à la non intervention des forces policières afin d'éviter tout bain de sang. Nous en tenant toujours au même désir, nous n'hésiterons pas à répondre, de manière ferme et implacable, à la moindre opposition manifeste. Conscients d'être l'interprète du véritable sentiment de la Nation, le MFA poursuivra son action libératrice et demande à la population de garder son calme et de rentrer chez elle. Vive le Portugal. »
- 8 h 45
- Sixième communiqué du MFA, cette fois au micro de l'émetteur national :
« Les forces armées ont lancé une série d'actions visant à libérer le pays de ce régime qui le dirige depuis longtemps. Dans leurs communiqués, les forces armées ont appelé à la non intervention des forces policières afin d'éviter tout bain de sang. Nous en tenant toujours au même désir, nous n'hésiterons pas à répondre, de manière ferme et implacable, à la moindre opposition manifeste. Conscient d'être l'interprète du véritable sentiment de la Nation, le MFA poursuivra son action libératrice et demande à la population de garder son calme et de rentrer chez elle. Vive le Portugal. »
- 16 h
- Les forces du CIOE contrôlent les installations de la RTP et de la RCP à Porto.
- 16 h 30
- L'ultimatum lancé à Marcelo Caetano arrive à son terme. Celui-ci fait savoir qu'il est prêt à se rendre à la condition que ce soit à un officier supérieur.
- 17 h 45
- Spínola arrive sur place.
- 19 h 30
- Marcelo Caetano est emmené dans un véhicule blindé vers le poste de commandement de Pontinha.
- 20 h
- La PIDE/DGS tire sur la foule et fait quatre morts. Elle finit par se rendre après l'intervention de Spínola. Début de la première réunion entre la JSN et le MFA.
- 1 h 30
- Présentation des membres de la JSN (Junta de Salvação Nacional) à la télévision (RTP).
Conséquences de la « révolution des Œillets »
Les années qui suivent le sont marquées par la démocratisation du pays et la décolonisation. Ces transformations se font malgré des divisions majeures entre le MFA qui souhaite une révolution radicale, les socialistes et les sociaux-démocrates qui veulent modérer la révolution, et Spinola qui veut la limiter le plus possible. Le pays est durant deux ans marqué par une agitation importante appelée PREC (grèves, occupation des terres des grands propriétaires, tentatives de putsch…). Il faut attendre l'adoption de l'actuelle constitution portugaise, le , et l'élection de Ramalho Eanes à la tête de l'État pour que la situation se « normalise ». C'est durant ces deux années que les colonies portugaises deviennent indépendantes à la suite d'un vote du reconnaissant leur droit à l'autodétermination. Par conséquent, le la Guinée-Bissau déclare son indépendance, suivie du Mozambique (), du Cap-Vert (), de Sao Tomé-et-Principe () et de l'Angola et de Cabinda ().
Postérité
Le est un jour férié au Portugal, appelé « Fête de la liberté ».
En mémoire de la révolution du , le grand pont suspendu qui enjambe le Tage à Lisbonne, jusque-là nommé « pont Salazar », a été rebaptisé « pont du 25-Avril ».
De nombreuses rues portugaises portent depuis le nom Avenida da Liberdade (« avenue de la Liberté ») ou Avenida 25 de Abril (« avenue du 25-Avril »).
L'ordre de la Liberté a été créé en 1976 pour honorer les personnes et les collectivités qui se sont distingués dans la défense de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme.
La fleur d'oeillet est devenu un symbole de la Révolution d'Avril de 1974. Celeste Caeiro, qui travaillait dans un restaurant dans la "Rua Braamcamp" de Lisbonne, transportait des fleurs d'oeillet blancs et rouges dans les mains. Un soldat lui a demandé une cigarette, mais elle n'avait que des fleurs et a donc décidé de commencer a distribuer les fleurs aux soldats, qui eux les ont mis dans leurs armes. Plus tard, les fleuristes on refait le même geste. C'est pour cette raison que ce jour est aussi connu par "La Révolution des Oeillets"[13] - [14] - [15].
Notes et références
- Entrée « révolution des œillets » de l’Encyclopédie Larousse, sur le site des éditions Larousse [consulté le 21 juin 2017].
- 25 de abril, mitos de uma revoluçao de Maria Inacia Rezola, p. 30-33.
- Manuel Do Nascimento, Révolution des œillets au Portugal, Éditions L'Harmattan, , p. 23.
- (pt) Maria Inacia Rezola, 25 de abril, mitos de uma revoluçao, Esfera dos Livros, , p. 27-30.
- (pt) Lincoln Secco, A Revolução dos Cravos e a crise do império colonial português : economias, espaços e tomadas de consciências, Alameda, , p. 110.
- Abou Haydara, L'influence des guerres de libération sur la révolution des œillets, L'Harmattan, , p. 139.
- Albert-Alain Bourdon, Histoire du Portugal, Éditions Chandeigne, , p. 147.
- (es) Casa Editorial El Tiempo, « "No tengo cigarrillos, pero... tengo claveles" », sur El Tiempo, (consulté le ).
- « Centro de Documentação 25 de Abril », sur uc.pt (consulté le ).
- Christelle Canto, « Le coup d’État du Mouvement des Forces Armées du 25 avril 1974 au Portugal à partir des archives de la radio », Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin, , p. 113-122 (lire en ligne, consulté le ). Via Cairn.info.
- Par la suite, Costa Martins sera diffamé, vilipendé, sa promotion suspendue, il sera écarté des forces aériennes. Après une longue procédure judiciaire qui l'amena devant le Tribunal suprême de justice, le capitaine Costa Martins est réintégré et promu colonel, poste qu'il occuperait s'il n'avait pas été écarté.
- La Direction Générale de Sécurité (Direção-Geral de Segurança (1969-1974) est la force qui avait succédé, sous le gouvernement Caetano, à la police politique PIDE de triste réputation. La DGS sera la seule force à avoir ouvert le feu sur les révolutionnaires, faisant quatre morts (à 20 h dans la présente chronologie).
- « Celeste dos Cravos » (consulté le )
- « Celeste dos Cravos, 48 anos depois… » (consulté le )
- (es) RTVE es / EFE, « Celeste Caeiro, la mujer cuyos claveles dieron nombre a la Revolución que cambió Portugal », sur RTVE.es, (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Daniel Bensaïd, Carlos Rossi, Charles-André Udry, Portugal : la révolution en marche, Paris, Christian Bourgeois éditeur, 1975.
- Gérard Filoche, Printemps portugais, Paris, Éditions Actéons, 1984.
- Yves Léonard, La Révolution des œillets, éditions Chandeigne, 2003.
- Manuel do Nascimento, La Révolution des Œillets au Portugal : chronologie d'un combat pacifiste / A Revolução dos Cravos em Portugal : cronologia de um combate pacífico, L'Harmattan, Paris, 2009, 176 p. (ISBN 978-2-296-09632-5).
- Ugo Palheta, « 40 ans après, grandeurs et limites de la Révolution portugaise », Contretemps, .
- Charles Reeve, Les œillets sont coupés, Paris-Méditerranée, Paris, 1999, 164 p. (ISBN 2-8427-2066-0).
- Charles Reeve, Claude Orsoni et al., Portugal, l'autre combat, éditions Spartacus, 1975.
- (pt) Maria Inácia Rezola, 25 de abril : mitos de uma revolução, A Esfera dos Livros, Lisbonne, 2007, 411 p. (ISBN 978-989-626054-5).
- Dominique de Roux, Le Cinquième Empire, éditions Belfond, 1977. Éditions du Rocher, 1997.
- Jaime Semprun, La Guerre sociale au Portugal, éditions Champ libre, 1975.
- José Saramago, Relevé de Terre, éditions du Seuil, 1980, 2012 pour l'édition française, 361 pages.
- (en) Phil Mailer, Portugal : the impossible revolution ?, PM press, 2012 (première édition : 1977).
- (en) Loren Goldner, Ubu saved from drowning : class struggle and statist containment in Portugal and Spain, 1974-1977, Queequeg publications, 2011.
- Vosstanie, Quand le peuple est populaire. Le Portugal, Les éditions Agone, Raquel Varela et le populisme chic de la petite bourgeoisie intello de gauche. Vosstanie Éditions [A paraitre en ]
- Danubia Mendes Abadia "Combate et les luttes sociales pour l'autonomie au Portugal durant la Révolution des œillets (1974-1978)", (traduit du portugais du Brésil), in Portugal: la révolution oubliée, tome I, Editions Ni patrie ni frontières, 228 pages, 2018 http://npnf.eu/spip.php?article530
Discographie
- (pt) Francisco Fanhais, Manuel Freire, José Jorge Letria (et al.), Portugal Revolution : 25 abril, 25 canções ante, após Revolução, Vincennes, Frémeaux et associés, Night and day, 2005, 2 CD + 1 livret.
Filmographie
- Film de fiction
- Capitaines d'avril (2000), par Maria de Medeiros
- Le Domaine (A Herdade, 2019) de Tiago Guedes
- Film documentaire
- Setúbal, ville rouge (1975), par Daniel Edinger, Iskra distrib., INA n° CPD92005771
- Œillets d’Avril (Cravos de Abril), 1976, par Ricardo Costa : les événements dès le matin du au illustrés par Maurice Sinet
- La Nuit du coup d'État : Lisbonne, avril 1974, par Ginette Lavigne, réalisatrice, et Otelo Saraiva de Carvalho, participant, L'Harmattan, Paris, Zarafas Films (distrib.), 2007, 106 minutes (DVD).
Liens externes
- ArqOperaria.net Archives et documents sur les luttes des classes au Portugal et le dépassement du cadre national des luttes.
- La révolution portugaise, par Alan Woods.
- www.herodote.net.
- « Portugal, 25 avril 1974 : Voyage au cœur d'une révolution », documentaire radio de La Fabrique de l'histoire sur France Culture.
- De la falsification ou du trotskisme universitaire : À propos de l’ouvrage, Histoire populaire de la révolution portugaise de 1974-1975 de Raquel Varela aux Éditions Agone (2018)
- Émission La lutte des classes au Portugal (Sur la révolution dite des « œillets » ou la transition démocratique portugaise) - 17h30 de son : Des témoignages et des analyses avec quelques protagonistes - Radio Vosstanie (2014)
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :