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PremiĂšre guerre sino-japonaise

La premiĂšre guerre sino-japonaise ou sino-nippone ( - ) oppose la Chine Ă  l’empire du Japon, Ă  l’origine pour le contrĂŽle de la CorĂ©e. AprĂšs plus de six mois de succĂšs continus des forces navales et terrestres japonaises, ajoutĂ©s Ă  la perte du port de Weihai, les Qing demandent la paix en .

Guerre sino-japonaise (1894-1895)
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Batailles et principaux mouvements de troupes.
Informations générales
Date –
Lieu Corée, Taïwan, Mandchourie, mer Jaune
Issue Victoire japonaise
Traité de Shimonoseki
Perte de prestige importante pour la dynastie Qing
Changements territoriaux La Chine cÚde Taïwan, la péninsule du Liaodong, les ßles Pescadores, et abandonne sa suzeraineté sur la Corée
Forces en présence
240 616 hommes630 000 hommes
Pertes
1 132 tués
3 758 blessés
285 morts des blessures
11 894 morts de maladie
35 000 tués ou blessés

Batailles

PremiĂšre guerre sino-japonaise

Le navire japonais Matsushima (1885).

La guerre trahit l’échec du mouvement d'auto-renforcement visant Ă  moderniser l’armĂ©e impĂ©riale chinoise et Ă  repousser les menaces pesant sur sa souverainetĂ©, surtout comparĂ© au succĂšs du Japon aprĂšs la restauration de Meiji[1]. Pour la premiĂšre fois, la domination rĂ©gionale de l’Asie orientale passe de la Chine au Japon. Le prestige de la dynastie Qing, tout comme la tradition classique en Chine, subissent un revers considĂ©rable. La perte humiliante de la CorĂ©e comme État vassal suscite une importante vague de protestation. En Chine, la dĂ©faite prĂ©cipite une sĂ©rie de changements politiques (rĂ©forme des Cent Jours de juin Ă  ) de Kang Youwei, finalement arrĂȘtĂ© par l'impĂ©ratrice douairiĂšre Cixi, et rĂ©volutions, avec notamment le soulĂšvement de Wuchang (1911), par Sun Yat-sen.

Le conflit est appelĂ© en Chine guerre de Jiawu (chinois traditionnel : ç”Čćˆæˆ°çˆ­ ; chinois simplifiĂ© : ç”Čćˆæˆ˜äș‰ ; pinyin : Jiǎwǔ ZhĂ nzhēng), en rĂ©fĂ©rence Ă  l’annĂ©e 1894 nommĂ©e d’aprĂšs le calendrier traditionnel. Au Japon, elle est appelĂ©e guerre Japon-Qing (旄枅戊äș‰, Nisshin sensƍ). En CorĂ©e, oĂč une grande partie du conflit a eu lieu, elle est appelĂ©e guerre Qing-Japon (corĂ©en : ìČ­ìŒì „ìŸ, hanja : 淞旄戰爭).

Contexte

Situation du Japon en 1894

Bien que beaucoup plus petit que la Chine, le Japon a connu, durant les années qui ont précédé la guerre, un fort développement économique.

Une Ăšre nouvelle, instaurĂ©e dĂšs 1868, a transformĂ© le Japon, jusque-lĂ  rĂ©gi par un rĂ©gime fĂ©odal, l’a ouvert aux Ă©trangers et introduit de grands changements : le Japon s’est organisĂ© comme un État moderne, au pouvoir central fort, dotĂ© d’un rĂ©gime parlementaire, d’une presse importante et de structures favorisant le dĂ©veloppement de la grande industrie et du commerce extĂ©rieur. La modernisation du pays s’est Ă©tendue Ă  l’armĂ©e, constituĂ©e selon le modĂšle europĂ©en, et la marine, en faisant appel Ă  Louis-Émile Bertin, un ingĂ©nieur naval français de renommĂ©e internationale, s’est dotĂ©e d’une flotte puissante qui montrera son incontestable supĂ©rioritĂ© face Ă  la Chine.

Situation de la Chine en 1894

La Chine n’a encore entamĂ© ni sa rĂ©volution industrielle, ni ses rĂ©formes politiques. L’économie du pays est surtout agricole ; et malgrĂ© ses grandes richesses (les cĂ©rĂ©ales, le riz, le mĂ»rier, le thĂ© et le coton), les rendements sont mĂ©diocres, la sylviculture trĂšs peu exploitĂ©e et les mĂ©thodes peu perfectionnĂ©es. La Chine est encore peu ouverte Ă  l’étranger, malgrĂ© la prĂ©sence de quelques concessions occidentales en zone cĂŽtiĂšre.

À cette Ă©poque, la Chine s’oppose Ă©galement Ă  l’établissement de chemins de fer (une ligne a Ă©tĂ© construite en 1873, de Shanghai Ă  Woosung (en), mais est rapidement abandonnĂ©e Ă  la suite de l’opposition de la population chinoise).

De plus, la Chine exerce un protectorat de fait sur la Corée.

Situation de la Corée en 1894

Au XVIIe siĂšcle, la pĂ©riode Joseon est marquĂ©e par les invasions mandchoues. Ayant chassĂ© l’occupant, les rois corĂ©ens empĂȘchĂšrent alors tout contact avec les pays Ă©trangers, autre que la Chine mandchoue Ă  laquelle le pays verse alors un tribut. Le terme « royaume-ermite » dĂ©signe cette pĂ©riode.

Cette situation entraßne un certain déclin de la dynastie régnante qui, durant le XIXe siÚcle, ne peut résister aux visées des puissances étrangÚres, provoquant des tensions sociales importantes.

L’intervention des puissances Ă©trangĂšres commence avec l’expĂ©dition française en CorĂ©e en 1866 et continue avec l’expĂ©dition amĂ©ricaine en CorĂ©e de 1871. La guerre de 1894-1895 n’est donc pas une surprise, mais l’acte final d’un lent dĂ©clin.

Guerre de 1894-1895

L'armĂ©e japonaise lance une attaque sur les troupes chinoises Ă  Pyongyang, 1894. Triptyque d'Adachi Ginkƍ.

À partir de 1870 les tensions Ă  propos de la CorĂ©e, situĂ©e entre ces deux pays, s'accroissent. Les Nippons reprochent aux Chinois de diriger et d’influencer la pĂ©ninsule de maniĂšre trop insistante. Plusieurs conflits (1882, 1884) s'achĂšvent par la convention de Tien-Tsin en 1885 prĂŽnant la non-ingĂ©rence des deux pays dans la pĂ©ninsule corĂ©enne[2].

En 1894, Ă  la suite de l’appel du roi de CorĂ©e Ă  la Chine pour mater une rĂ©volte de paysans, les Nippons utilisent ce prĂ©texte pour intervenir Ă©galement. Le traitĂ© de Tien-Tsin rend obligatoire une consultation diplomatique rĂ©ciproque en cas d'ingĂ©rence de l'un ou de l'autre pays dans la pĂ©ninsule. Bien qu’avisĂ© de l’intervention chinoise, le Japon dĂ©pĂȘche 18 000 hommes, sous prĂ©texte de vouloir aider la CorĂ©e. La guerre, longue de deux annĂ©es, commence officiellement le 1er aoĂ»t de la mĂȘme annĂ©e. Des combats violents entre les deux pays, particuliĂšrement des combats maritimes, se dĂ©roulent, principalement sur mer. Ainsi, le , la flotte chinoise fut dĂ©truite Ă  l’embouchure du fleuve Yalu[2].

AprĂšs mars 1895 et plusieurs dĂ©faites militaires, la Chine impĂ©riale de la dynastie Qing doit signer le traitĂ© de Shimonoseki. Le Japon se retire de la CorĂ©e contre le versement d’indemnitĂ©s, mais colonise l’üle de TaĂŻwan, placĂ© sous sa domination jusqu’en 1945. La Chine, trĂšs affaiblie, en est rĂ©duite Ă  accorder des concessions au Japon, mais aussi aux pays occidentaux.

Chronologie des principaux événements

À partir de 1870 : les relations entre la Chine et le Japon se tendent. La pomme de discorde est la CorĂ©e, que les Japonais veulent soustraire Ă  l’influence et au contrĂŽle de la Chine.

1874 : le premier conflit a lieu Ă  Formose (TaĂŻwan) : les Japonais attaquent l'Ăźle avant de se retirer.

: signature de la convention sino-japonaise de Tientsin (chinois : äž­æ—„ć€©æŽ„äŒšèźźäž“æĄ, aussi appelĂ©e convention de Li-Ito) par les deux pays. Cette convention oblige ces pays Ă  demander l’accord de l’autre avant d’envoyer des troupes en CorĂ©e.

: une armĂ©e de rebelles, les Donghaks, se dirige vers SĂ©oul. Le gouvernement corĂ©en demande l’aide du gouvernement chinois pour mater la rĂ©bellion.

: conformément aux obligations de la convention de Tientsin, le gouvernement chinois informe le gouvernement japonais de son opération militaire.

: environ 4 000 soldats japonais et 500 soldats de marine dĂ©barquent Ă  Chemulpo (Incheon) en dĂ©pit des protestations corĂ©ennes et chinoises.

: le gouvernement japonais tĂ©lĂ©graphie au commandant des forces japonaises en CorĂ©e, Otori Keisuke, l’ordre de rester en CorĂ©e.

: le ministre des Affaires Ă©trangĂšres du Japon, Mutsu Munemitsu, rencontre Wang Fengzao (æ±Șéłłè—»), l’ambassadeur chinois au Japon, pour discuter du futur statut de la CorĂ©e. Wang dĂ©clare que le gouvernement chinois prĂ©voit de se retirer de la CorĂ©e et s’attend Ă  ce que le Japon en fasse autant. Cependant, la Chine nomme Ă©galement un gouverneur pour s’occuper des intĂ©rĂȘts chinois en CorĂ©e et pour rĂ©affirmer le statut traditionnel de la CorĂ©e en Chine.

: la mĂ©diation organisĂ©e par l’ambassadeur britannique en Chine, entre la Chine et le Japon, Ă©choue.

: crĂ©ation d’une flotte japonaise, se composant de presque tous les navires de la Marine impĂ©riale japonaise, en vue d’une guerre prochaine.

: les troupes japonaises entrent dans SĂ©oul, dĂ©posent l’empereur corĂ©en et Ă©tablissent un nouveau gouvernement pro-japonais, qui annule tous les traitĂ©s sino-corĂ©ens et accorde Ă  l’armĂ©e japonaise le droit d’expulser les Chinois de CorĂ©e.

: les forces chinoises et japonaises s’affrontent à Asan. Les Chinois s’enfuient vers Pyongyang.

: la flotte nippone gagne contre la marine impĂ©riale chinoise lors de leur affrontement dans la baie d’Asan.

: déclaration de guerre entre la Chine et le Japon.

: l’armĂ©e impĂ©riale japonaise se dirige vers Pyongyang, et investit la ville le lendemain.

: une bataille entre les flottes nippone et chinoise se dĂ©roule sur le fleuve Yalou. Tous les navires chinois sont dĂ©truits, sauf les deux cuirassĂ©s construits en Allemagne. La victoire des Japonais permet Ă  leur pays de gagner Port-Arthur (LĂŒshunkou) et la pĂ©ninsule du Liaodong.

: l’armĂ©e terrestre japonaise franchit le fleuve Yalou et entre en Mandchourie.

: les Japonais prennent la ville de LĂŒshunkou oĂč ils perpĂštrent un massacre.

: les Chinois rĂ©clament l’ouverture de nĂ©gociations de paix et les premiers pourparlers commencent Ă  Hiroshima.

Le musée de la Guerre sino-japonaise sur l'ßle Liugong à Weihai.

: aprÚs la bataille de Weihaiwei (aujourd'hui Weihai, dans la province et péninsule du Shandong), les troupes japonaises avancent vers le Nord de la Chine et le Sud de la Mandchourie.

: la bataille de Yingkou est gagnée par les troupes japonaises.

: les troupes japonaises envahissent les üles Pescadores (Penghu) et l’üle de Taïwan (Formose).

: fin de la guerre. Le traitĂ© de Shimonoseki est signĂ©. La Chine reconnaĂźt l’indĂ©pendance de la CorĂ©e, et cĂšde Ă  perpĂ©tuitĂ© au Japon la pĂ©ninsule de Liaodong, l’üle de TaĂŻwan et les Ăźles Pescadores. La Chine se voit aussi obligĂ©e de payer d’importants dommages de guerre au Japon.

Traité de Shimonoseki (17 avril 1895)

Par ce traitĂ©, appelĂ© aussi traitĂ© de Maguan (马關/é©Źć…ł), la Chine, vaincue, s’engage Ă  cĂ©der au Japon l’üle de Formose (actuellement TaĂŻwan), l’archipel des Pescadores (actuellement Penghu), la presqu’üle du Liaodong (avec Port-Arthur (LĂŒshunkou) en Mandchourie), et Ă  payer une considĂ©rable indemnitĂ© de guerre.

La Chine abandonne Ă©galement sa suzerainetĂ© sur la CorĂ©e, avec laquelle le Japon avait dĂ©jĂ  signĂ© un traitĂ© d’alliance militaire (1894), avant qu’elle ne devienne un protectorat (1905), puis une province japonaise en 1910.

L’ensemble de ces territoires reste sous domination nippone jusqu’à sa dĂ©faite en 1945 Ă  l'issue de la Seconde Guerre mondiale.

Conséquences et impact international

C’est Ă  la suite du choc de sa dĂ©faite dans la guerre contre le Japon de 1894-1895 que la Chine a commencĂ© Ă  se dĂ©velopper. De nombreuses voies ferrĂ©es ont Ă©tĂ© construites (plus de 5 000 km) et les Ă©changes avec l’extĂ©rieur ont Ă©tĂ© encouragĂ©s.

MalgrĂ© la victoire du Japon, celui-ci n’obtient pas tous les territoires qu’il convoitait et son impĂ©rialisme se voit contenu par les pays occidentaux, particuliĂšrement la Russie, qui obtient une partie de la Mandchourie du nord et installera une base navale Ă  Port-Arthur en 1898. La Russie confirme ainsi sa volontĂ© d’occuper des territoires Ă  l’est de la SibĂ©rie et donnant accĂšs Ă  la mer du Japon. Les deux impĂ©rialismes, russe et japonais, s’affronteront Ă  nouveau par une guerre en 1904. Aujourd’hui encore la Russie, Ă  l’issue de la dĂ©faite japonaise de 1945 occupe des territoires revendiquĂ©s par le Japon, dans l'archipel des Iles Kouriles, au nord de la grande ile d'Hokkaido.

Le Japon montre ainsi avec cette premiĂšre guerre (1894–1895) sa puissance Ă©conomique, sa capacitĂ© Ă  s’approprier les dĂ©couvertes techniques modernes et sa volontĂ© de conquĂ©rir des territoires sur le continent chinois. L’impĂ©rialisme japonais se manifestera ainsi pendant les cinquante annĂ©es suivantes jusqu’à la capitulation en 1945 face aux troupes amĂ©ricaines. Ce passĂ© impĂ©rialiste japonais a toujours des consĂ©quences aujourd'hui dans les Relations entre la CorĂ©e du Sud et le Japon et les Relations entre la Chine et le Japon.

L’üle de TaĂŻwan est restĂ©e sous l’occupation japonaise jusqu’en 1945 et ce contrĂŽle politique et Ă©conomique est une consĂ©quence directe du traitĂ© de Shimonoseki.

Notes et références

  1. « Japan Anxious for a Fight; The Chinese Are Slow and Not in Good Shape to Go to War », The New York Times du 30 juillet 1894.
  2. Champs de Batailles thématiques, no 23 de novembre 2011, p. 7.

Voir aussi

Filmographie

Pour une liste plus étoffée voir Liste de films relatifs à la premiÚre guerre sino-japonaise (en).

  • Saka no Ue no Kumo (en), (杂ぼ侊ぼé›Č), « Nuage (ou Nuages) au-dessus de la colline » (2009-2011) sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e historique japonaise produite par la NHK et tirĂ©e du roman Ă©ponyme.

Bibliographie

  • Maxime Joseph Marie Sauvage: La guerre sino-japonaise 1894-1895. Librairie militaire de L. Baudoin, Paris 1897.

Articles connexes

Liens externes

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