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Préhistoire du Maroc

La PrĂ©histoire du Maroc commence avec les premiĂšres traces d'occupation humaine trouvĂ©es au Maroc, au PlĂ©istocĂšne infĂ©rieur .Les plus anciens vestiges lithiques dĂ©couverts au Maroc appartiennent Ă  l'AcheulĂ©en et sont datĂ©s d'environ 1,3 million d'annĂ©es, tandis que les plus anciens fossiles humains exhumĂ©s Ă  ce jour sont plus tardifs, vers 650 000 ans.

Paléolithique inférieur

Vestiges lithiques

La carriÚre Thomas I, unité L1, à Casablanca, a livré les plus anciens outils lithiques connus à ce jour au Maroc, datés d'environ 1,3 million d'années. Ils représentent les plus anciens outils de type acheuléen (bifaces, hachereaux, et autres grands outils façonnés) trouvés en Afrique du Nord, devant ceux de Tighennif, en Algérie, datés d'environ 1 million d'années. La datation a été obtenue par la combinaison du paléomagnétisme et de la géochimie de la couche archéologique la plus basse de l'unité L. Elle correspond à une période comprise entre les stades isotopiques 43 et 37. La méthode Kombewa, caractéristique du second Acheuléen et présente sur le site de Tighennif, est absente de la carriÚre Thomas I, unité L1, ce qui est cohérent avec le différentiel de datation[1].

Aucun site oldowayen n'a encore Ă©tĂ© dĂ©couvert au Maroc, contrairement Ă  l'AlgĂ©rie, oĂč le site de AĂŻn Boucherit est datĂ© d'environ 2 millions d'annĂ©es.

Fossiles humains

Jean-Paul Raynal et son équipe ont découvert dans la carriÚre Thomas I des vestiges fossiles humains du PléistocÚne moyen ancien :

  • en 2008, une mandibule datĂ©e de 500 000 ans[2] ;
  • en 2019, des vestiges datĂ©s d'environ 650 000 ans, qui sont les plus anciens fossiles humains du Maroc connus Ă  ce jour[3].

Le fragment de tibia fossile d'‘Ayn Maaruf est datĂ© d'environ 500 000 ans.

Le crĂąne fossile de SalĂ©, dĂ©couvert en 1971 par le palĂ©oanthropologue français Jean-Jacques Jaeger, est datĂ© d'environ 400 000 ans. Il est attribuĂ© Ă  l'espĂšce Homo rhodesiensis. Cet individu devait souffrir d’une pathologie, d'aprĂšs l’aspect des insertions musculaires dans les rĂ©gions pariĂ©tale et occipitale de la tĂȘte, les dimensions de l’aire nucale et les asymĂ©tries affectant la base du crĂąne, mais aussi sa voute. L’ensemble du plan nucal est considĂ©rablement raccourci, de dimension trĂšs infĂ©rieure comparĂ© Ă  toutes celles des spĂ©cimens de cette Ă©poque. Cette disposition est inhabituelle, puisque les humains archaĂŻques prĂ©sentent normalement une Ă©caille occipitale courte et un plan nucal allongĂ©. Il est trĂšs probable qu’un individu Ă  ce point handicapĂ© ne devait sa survie qu’à l’aide de la communautĂ© Ă  laquelle il appartenait, ce qui suppose un environnement social, ou tout du moins un minimum d’altruisme Ă  l’intĂ©rieur du groupe[4].

Paléolithique moyen

Djebel Irhoud

CrĂąne Irhoud 1

Le site de Djebel Irhoud, situĂ© Ă  environ 55 km au sud-est de Safi, dans la rĂ©gion administrative de Marrakech-Safi, a livrĂ© les plus anciens fossiles d'Homo sapiens connus Ă  ce jour, Ă  savoir 22 fossiles dĂ©couverts entre 1960 et 2016, et datĂ©s en 2017 d'environ 300 000 ans[5].

Le site, une ancienne grotte Ă©ventrĂ©e par une mine de barytine, a livrĂ© son premier fossile humain en 1960, un crĂąne assez complet trouvĂ© par un ouvrier de la mine, notĂ© Irhoud 1. Un second crĂąne moins complet a Ă©tĂ© dĂ©couvert ensuite par le chercheur français Émile Ennouchi, notĂ© Irhoud 2, puis successivement 4 autres fossiles Ă  la fin des annĂ©es 1960. Leur datation est restĂ©e longtemps imprĂ©cise, notamment en raison de la destruction de la stratigraphie par l'activitĂ© miniĂšre. Les palĂ©oanthropologues français Jean-Jacques Hublin et marocain Abdelouahed Ben-Ncer ont repris les fouilles en 2004 et ont trouvĂ© de 2007 Ă  2016 16 nouveaux fossiles humains, dans des couches stratigraphiques Ă©pargnĂ©es par l'exploitation miniĂšre. Ils ont publiĂ© leurs rĂ©sultats et analyses en 2017 avec une nouvelle datation fondĂ©e sur deux mĂ©thodes indĂ©pendantes qui ont produit des rĂ©sultats convergents : la thermoluminescence appliquĂ©e Ă  des outils en silex qui avaient Ă©tĂ© recouverts par un foyer, et la rĂ©sonance paramagnĂ©tique Ă©lectronique appliquĂ©e Ă  l'Ă©mail d'une dent de la mandibule Irhoud 3[5].

L'analyse des fossiles en morphométrie 3D montre qu'Homo sapiens avait à cette époque une morphologie faciale déjà moderne, malgré un torus sus-orbitaire plus développé que chez les humains actuels, mais présentait en revanche une morphologie de la boite crùnienne encore archaïque, loin de la forme globulaire des crùnes modernes, tout en ayant un volume endocrùnien comparable au volume actuel[6].

Autres fossiles humains

L'Homme de Kebibat, Ă  Rabat, est datĂ© d'environ 145 000 ans. Il prĂ©sente une morphologie plus archaĂŻque que l'Homme de Djebel Irhoud, pourtant plus ancien.

Outils lithiques moustériens trouvés à Djebel Irhoud

Moustérien

Les fossiles de Djebel Irhoud étaient accompagnés d'une industrie lithique de type moustérien[6].

Atérien

Pointe pédonculée atérienne

L'AtĂ©rien est une industrie lithique couvrant l'Afrique du Nord et le Sahara. Il doit son nom au site de Bir el-Ater, situĂ© au sud de Tebessa, en AlgĂ©rie, oĂč il a Ă©tĂ© dĂ©crit par Maurice Reygasse en 1922[7].

Le site atĂ©rien le plus ancien est datĂ© de 145 000 ans avant le prĂ©sent, Ă  Ifri n'Ammar, au Maroc[8]. Les sites atĂ©riens se multiplient Ă  partir d'environ 130 000 ans, quand le climat devient plus favorable en Afrique du Nord. Cette industrie disparait il y a environ 30 000 ans, et ne semble pas avoir influencĂ© les cultures lithiques postĂ©rieures dans la rĂ©gion, notamment l'IbĂ©romaurusien qui apparait dans le Maghreb il y a environ 25 000 ans, aprĂšs un hiatus archĂ©ologique de plusieurs milliers d'annĂ©es.

L'AtĂ©rien se distingue d'abord par la prĂ©sence d'outils pĂ©donculĂ©s destinĂ©s Ă  ĂȘtre emmanchĂ©s[9]. Il associe la mise en Ɠuvre du dĂ©bitage Levallois Ă  la confection d'outils sur Ă©clat diversifiĂ©s (racloirs, denticulĂ©s, etc.), ainsi que d'outils foliacĂ©s bifaciaux.

L'Atérien se déploie sur de nombreux sites du Maroc, notamment la grotte des Pigeons, à Tafoughalt, Ifri n'Ammar, Dar es-Soltan[10]. Quelques restes humains fossiles ont été mis au jour en association avec des industries atériennes, notamment à Dar-es-Soltan, Témara, et Harhoura, prÚs de Rabat. Il s'agit de fossiles d'Homo sapiens, plus ou moins modernes selon leur ancienneté[11] - [12] - [13].

Premiers ornements

On a trouvĂ© des Ă©lĂ©ments d'ornement personnel (des coquillages Nassarius percĂ©s et ocrĂ©s pour former un collier) dans la grotte des Pigeons, Ă  Tafoughalt, dans le Nord-Est du Maroc. Ils sont datĂ©s de 82 000 ans[14]. Ce sont les plus anciennes traces connues d'ornements humains, avec d'autres vestiges trouvĂ©s en Afrique du Sud d'Ăąge comparable.

Outillage en os

La grotte des Contrebandiers, sur la cĂŽte Atlantique, prĂšs de TĂ©mara, au sud de Rabat, a livrĂ© un outillage en os datĂ© sur une pĂ©riode allant de 120 000 Ă  90 000 ans avant le prĂ©sent (AP), qui a probablement Ă©tĂ© utilisĂ© pour travailler le cuir et la fourrure animale afin de confectionner des vĂȘtements. Il s'agit d'outils dĂ©libĂ©rĂ©ment façonnĂ©s Ă  cet effet, tels que des gouges, des spatules et des lissoirs, et non seulement d'ossements utilisĂ©s sous leur forme brute, comme on en trouve en Afrique du Sud depuis prĂšs de 2 millions d'annĂ©es. Cette dĂ©couverte est la plus ancienne preuve connue de fabrication de vĂȘtements Ă  l'aide d'outils en os[15].

Paléoclimat

À la fin du PalĂ©olithique moyen, de fortes pluies tombent au Sahara et au Maghreb, qui connaissent alors un climat humide favorisant le dĂ©veloppement des populations d'Ă©lĂ©phants, de girafes, de rhinocĂ©ros et autres, que les hommes chassent en grands nombres[16].

Paléolithique supérieur

À partir de 25 000 ans avant le prĂ©sent (AP) Ă©merge au Maghreb l'IbĂ©romaurusien, aprĂšs un hiatus archĂ©ologique de plusieurs milliers d'annĂ©es.

Les fouilles archĂ©ologiques ont mis en Ă©vidence des armes de chasse trĂšs raffinĂ©es, faites de pierre, de bois et mĂȘme de cordage. Les pointes de lances sont appelĂ©es oraniennes ou ibĂ©romaurusiennes.

MĂ©solithique

Le Capsien, originaire du Sud tunisien et daté entre environ 7500 et , ne touche le Maroc qu'à la marge, mais se perçoit à travers l'influence qu'il exerce sur les cultures locales.

NĂ©olithique

À partir d'environ apparaissent des sociĂ©tĂ©s sĂ©dentaires qui produisent leur nourriture grĂące Ă  l'agriculture et Ă  l'Ă©levage[17]. L'agriculture, apparue vers au Proche-Orient, s'est diffusĂ©e progressivement vers les rĂ©gions voisines. Les premiĂšres preuves de poterie, de cĂ©rĂ©ales domestiques et d'Ă©levage se trouvent dans le nord du Maroc environ deux siĂšcles plus tard que les sites de la pĂ©ninsule IbĂ©rique Ă  Kaf Taht el-Ghar (KTG) vers  cal[17]. Les vestiges des premiers contextes nĂ©olithiques montrent principalement une ascendance nĂ©olithique europĂ©enne, ce qui suggĂšre que l'agriculture a Ă©tĂ© introduite par des migrants europĂ©ens et a ensuite Ă©tĂ© rapidement adoptĂ©e par des groupes locaux[17].

Au Néolithique moyen, une nouvelle ascendance venant du Levant apparaßt au Maghreb, coïncidant avec l'arrivée du pastoralisme dans la région. Ces changements d'ascendance dans la néolithisation du nord-ouest de l'Afrique reflÚtent probablement un paysage économique et culturel hétérogÚne, dans un processus plus multiforme que celui observé dans d'autres régions[17].

Notes et références

  1. (en) Rosalia Gallotti, Giovanni Muttoni, David LefĂšvre et al., « First high resolution chronostratigraphy for the early North African Acheulean at Casablanca (Morocco) », Scientific Reports, vol. 11, no 15340,‎ (lire en ligne)
  2. HominidĂ©s.com, Homo erectus prĂ©sent au Maroc il y a 500 000 ans, 2008, lire en ligne
  3. Jean-Jacques Hublin, Colloque au CollÚge de France, Préhistoire et évolution humaine au Maghreb ; Jean-Paul Raynal, PremiÚres humanités au nord-ouest de l'Afrique : concepts et réalité terrain à Casablanca (Maroc), 14 juin 2019, voir la vidéo en ligne
  4. Jean-Jacques Hublin, « L'Homme de SalĂ© », dans Le deuxiĂšme homme en Afrique, Homo ergaster, Homo erectus, Paris, Éditions Artcom’ et Éditions Errance, , p. 200-202
  5. (en) Daniel Richter, Rainer GrĂŒn et al., « The age of the hominin fossils from Jebel Irhoud, Morocco, and the origins of the Middle Stone Age », Nature, vol. 546,‎ , p. 293-296 (DOI 10.1038/nature22335)
  6. (en) Jean-Jacques Hublin, Abdelouahed Ben-Ncer et al., « New fossils from Jebel Irhoud, Morocco and the pan-African origin of Homo sapiens », Nature, vol. 546,‎ , p. 289-292 (DOI 10.1038/nature22336)
  7. (en) William L. Langer, An Encyclopedia of World History : ancient, medieval, and modern : chronologically arranged, Boston, MA, Houghton Mifflin Company, , 5e Ă©d. (ISBN 978-0-395-13592-1), p. 9
  8. (en) Daniel Richter et al., « New chronometric data from Ifri n’Ammar (Morocco) and the chronostratigraphy of the Middle Palaeolithic in the Western Maghreb », Journal of Human Evolution, vol. 59, no 6,‎ , p. 672–679 (PMID 20880568, DOI 10.1016/j.jhevol.2010.07.024, lire en ligne)
  9. (en) Eleanor M. L. Scerri, « The Aterian and its place in the North African Middle Stone Age », Quaternary International, the Middle Palaeolithic in the Desert, vol. 300,‎ , p. 111–130 (DOI 10.1016/j.quaint.2012.09.008, lire en ligne)
  10. (en) Gwen Robbins Schug et Subhash R. Walimbe, A Companion to South Asia in the Past, John Wiley & Sons, , 512 p. (ISBN 978-1-119-05547-1, lire en ligne), p. 64
  11. Denise Ferembach, « Les restes humains de la Grotte de Dar-es-Soltane II (Maroc). Campagne 1975 », Bulletins et MĂ©moires de la SociĂ©tĂ© d'anthropologie de Paris, vol. 3, no 2,‎ , p. 183–193 (DOI 10.3406/bmsap.1976.1849, lire en ligne, consultĂ© le )
  12. Yves Coppens et Pascal Picq, Aux origines de l'Humanité, Paris, Fayard, , 642 p.
  13. D. Lubell, « ContinuitĂ© et changement dans l'ÉpipalĂ©olithique du Maghreb », in : Le PalĂ©olithique en Afrique, l'histoire la plus longue, Artcom', Errance, 2005, (ISBN 2-87772-297-X)
  14. (en) Abdeljalil Bouzouggar, Nick Barton et al., « 82,000-year-old shell beads from North Africa and implications for the origins of modern human behavior », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 104, no 24,‎ , p. 9964–9969 (ISSN 0027-8424, PMID 17548808, PMCID 1891266, DOI 10.1073/pnas.0703877104, lire en ligne)
  15. (en) Emily Y.Hallett, Curtis W.Marean et al., « A worked bone assemblage from 120,000–90,000 year old deposits at Contrebandiers Cave, Atlantic Coast, Morocco », iScience, vol. 24, no 9,‎ (DOI 10.1016/j.isci.2021.102988, lire en ligne)
  16. Debénath, A., Raynal, J.-P., Roche, J., Texier, P.-J. et Ferembach, D., « Stratigraphie, habitat, typologie et devenir de l'Atérien marocain : données récentes », L'Anthropologie, t. 90, no 2, p. 233-246, 1986
  17. (en) Luciana G. SimĂ”es, Torsten GĂŒnther, Rafael M. MartĂ­nez-SĂĄnchez et al., Northwest African Neolithic initiated by migrants from Iberia and Levant, nature.com, 618, p. 550–556, 7 juin 2023. doi.org/10.1038/s41586-023-06166-6

Voir aussi

Articles connexes

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