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Pile (monument)

La pile, dite plus prĂ©cisĂ©ment pile romaine, pile gallo-romaine, pile funĂ©raire, est une sorte de tour Ă©levĂ©e, de plan carrĂ© ou rectangulaire, plus rarement circulaire, constituant un monument funĂ©raire. Les piles, Ă©levĂ©es entre le Ier et le IVe siècle, se retrouvent dans les zones d’occupation romaine. Les piles portent souvent un nom local, comme « tourasse Â» ou « tourraque Â» en Gascogne ou en Languedoc.

Pile romaine à Labarthe-Rivière (Haute-Garonne)
Pile de Labarthe-Rivière
Le mausolée des Flavii à Kasserine (Tunisie)
Pile de Saint-Lary (Gers), 1882

Terminologie

Le terme de pile, dĂ©signant indistinctement toute sorte de construction massive s’apparentant Ă  un pilier, s’est naturellement imposĂ© dans le langage populaire pour ces Ă©difices. En Guyenne et Languedoc, on emploie les mots tourrasse ou, en Gascogne, tourraque, augmentatifs occitans de « tour Â». Le nom de Peyrelongue (« pierre longue Â») habituellement donnĂ© aux mĂ©galithes, se retrouve en plusieurs endroits, avec les formes Pirelongue ou Pirelonge (tour de Pirelonge Ă  Saint-Romain-de-Benet, près de Royan). En Saintonge, on trouve les noms de lieux Fana ou Fa, dĂ©rivĂ©s du latin fanum, « temple Â» (voir le site gallo-romain du Fâ). Il existe parfois une variante fanal, qui se rapproche d’une des hypothèses avancĂ©es jadis, selon laquelle ces monuments auraient servi de tours Ă  signaux. Il n’est pas impossible, car ressortant d’une tradition romaine, qu’une lumière ait Ă©tĂ© placĂ©e en haut de la construction pour honorer les morts, pratique qui se retrouvera après le XIe siècle avec la lanterne des morts placĂ©e dans les cimetières et qui prĂ©sente certaines similitudes avec la pile romaine. Le toponyme Montjoie, dĂ©signant frĂ©quemment l’emplacement d’un monument Ă©levĂ© Ă  un carrefour, se retrouve parfois associĂ© Ă  une pile (pile de la Montjoie Ă  Roquebrune, Gers).

En dehors des régions françaises, on emploie le terme plus générique de mausolée, soit que le caractère funéraire soit demeuré évident par la bonne conservation du monument, soit qu’on lui ait attribué d’autres fonctions : borne, monument commémoratif, etc., qui l’auraient protégé du vandalisme.

Caractéristiques

La pile est constituĂ©e d’une tour de base carrĂ©e ou rectangulaire, dressĂ©e sur un socle et entourĂ©e d’un enclos qui recevait les tombes des dĂ©funts de la famille du principal rĂ©cipiendaire. La base ou socle est gĂ©nĂ©ralement de dimensions supĂ©rieures au reste de la construction, puis suivent des « Ă©tages Â» simulĂ©s par des bandeaux ou des corniche, parfois par un lĂ©ger retrait. Un dernier niveau prĂ©sente une niche, le plus souvent voĂ»tĂ©e en berceau ou en cul-de-four, orientĂ©e Ă  l’est ou au sud, qui abrite une statue, dont la tĂŞte amovible pouvait ĂŞtre changĂ©e et remplacĂ©e par le portrait du dernier dĂ©funt. Le sommet de la pile est en forme de dĂ´me, de cĂ´ne ou de pyramide. La tour est pleine : les murs extĂ©rieurs sont en pierre ou en brique, d’appareil soignĂ© comportant souvent des motifs dĂ©coratifs, parfois des bas-reliefs ou des statues, tandis que l’intĂ©rieur reçoit un blocage de matĂ©riaux grossiers. Les excavations pratiquĂ©es par les curieux au XIXe siècle n’ont jamais rĂ©vĂ©lĂ© la moindre cavitĂ© intĂ©rieure. La pile n’était pas un tombeau, mais un cĂ©notaphe. Les tombeaux se trouvaient vraisemblablement dans l’enclos qui entourait la pile.

La hauteur moyenne d’une pile, difficile à établir en raison de la dégradation des monuments subsistants, pouvait atteindre ou dépasser une dizaine de mètres. Celle de Cinq-Mars (Indre-et-Loire), la plus haute, atteint 29,50 m. La Tourasse à Aiguillon (Lot-et-Garonne) est de plan circulaire, mais son statut de pile funéraire, quoique probable, n’est pas assuré. La Pyramide de Couhard, à Autun, affecte comme son nom l’indique la forme d’une pyramide romaine, c’est-à-dire assez aiguë.

Fonction

Les piles ont Ă©tĂ© longtemps qualifiĂ©es de « mystĂ©rieuses Â», la connaissance de leur fonction s’étant d’autant plus perdue que leur dĂ©cor extĂ©rieur avait souvent disparu.

Bornes

Parmi les hypothèses les plus souvent proposĂ©es, figurent les « bornes Â», compte tenu de leur prĂ©sence le long des voies romaines. Mais, mĂŞme en tenant compte des Ă©difices disparus, leur nombre n’est pas suffisant pour justifier leur usage systĂ©matique dans ce sens, et leur grande taille apparaĂ®t quelque peu disproportionnĂ©e avec le rĂ´le d’une simple borne. Enfin, certaines piles se trouvaient en dehors des grands axes de circulation. Il est certain qu’en revanche les piles pouvaient servir de repère.

Dans le même ordre d’idées, elles auraient marqué la limite de certains territoires, ou servi d’amer dans les régions côtières.

Temples

Enfin, on a souvent pensé qu’il s’agissait de temples dédiés à divers dieux, dont Mercure, patron des voyageurs. De nombreuses statues de divinités et d’objets de culte ont été retrouvés aux abords des piles.

Monument funéraire

Il est communément admis aujourd’hui que les piles sont des monuments funéraires, destinés à célébrer la mémoire de personnages importants. Les tombeaux se trouvaient dans l’enceinte entourant la pile, qui pouvait être une nécropole de quelque importance.

Cette fonction funéraire n’est pas forcément en contradiction avec les diverses hypothèse précédentes, car les tombeaux étaient souvent bâtis aux carrefours, selon les règles mêmes établies par les arpenteurs romains[1], et leurs enceintes, presque toutes disparues, contenaient objets de culte et statues de divinités.

Conservation

Un grand nombre de piles ont disparu, faute d’entretien, car étant pleines, elles ne pouvaient être d’aucune utilité de logement ou de stockage, si ce n’est de servir de carrières de pierres. Beaucoup ont disparu lors de la christianisation (saint Martin de Tours se serait employé à en détruire un grand nombre). Certaines, comme la seconde tourraque de Labarthe-de-Rivière (Haute-Garonne) ont dû laisser la place à une voie de chemin de fer, une route ou d’autres aménagements. Longtemps objets de mystère, à l’origine mal définie, les piles ont été étudiées tardivement. Aujourd’hui la totalité des piles sont inscrites comme monuments historiques. Elles sont classées en tant que colonne monumentale.

Localisation

Les piles se retrouvent dans tout l’espace de la colonisation romaine, avec une nette prĂ©dominance pour le Sud-Ouest de la France. Le dĂ©partement du Gers en compte 8 subsistantes, après en avoir possĂ©dĂ© 12 recensĂ©es[2]. Des monuments funĂ©raires dont on peut comparer le principe Ă  celui des « piles Â» françaises se trouvent aussi en Espagne (Tour des Scipion Ă  Tarragone), en Allemagne (Igel), en Tunisie (Kasserine, Henchir-em-Naam), en Libye (Ghirza), etc.

Indre-et-Loire

Charente-Maritime

  • Authon-EbĂ©on : la Pyramide ou fanal, très dĂ©gradĂ©e, surtout Ă  la base Elle mesure environ 16 m de haut.
  • Aumagne : pile de Chagnon, ou de Villepouge (dĂ©truite au XIXe s. mais dont les fouilles ont Ă©tĂ© riches d’enseignements).
  • Saint-Romain-de-Benet : tour de Pirelonge : base de 6 x 6 m, hauteur 25 m, elle a conservĂ© son couronnement conique.
  • Le Fanal d’ÉbĂ©on
    Le Fanal d’Ébéon
  • Haut de la tour de Pirelonge
    Haut de la tour de Pirelonge

Lot-et-Garonne

  • Aiguillon : la Tourasse. Cette pile, dite aussi de Pirelongue, est de plan circulaire, d’un diamère de 9 mètres pour une hauteur actuelle de 5[3]. Deux autres piles, Ă  Buzet et Ă  Bourran, se trouvaient Ă  des distances Ă©gales de 3 lieues gauloises (soit environ 7 kilomètres), ce qui a accrĂ©ditĂ© l’idĂ©e qu’il pouvait s’agir de bornes[4]. Des fouilles alentour ont permis de dĂ©couvrir en 1827 diverses pièces romaines, gardes d’épĂ©es et autres objets archĂ©ologiques.
  • Saint-Pierre-de-Buzet : tour de Peyrelongue, en petit appareil cubique très rĂ©gulier. La niche voĂ»tĂ©e en cul-de-four s’ouvre Ă  4,50 m du sol[5].

RĂ©gion Occitanie

Pile de Luzenac, photographie ancienne du fonds photographique Eugène Trutat

Ariège

Haute-Garonne

  • Labarthe-Rivière : la Tourraque, en bordure d’une voie romaine, fortement dĂ©gradĂ©e depuis la gravure de 1884 qui montre encore son couronnement pyramidal, aujourd’hui disparu. Une autre pile situĂ©e Ă  proximitĂ© fut dĂ©truite pour l’établissement de la voie de chemin de fer au XIXe siècle.
  • Beauchalot, en bordure d’une voie antique. Petit appareil, niche, hauteur 12,80 m.
  • Valcabrère : restes d’une pile dont les parements ont presque entièrement disparu.
  • MontrĂ©jeau, rive gauche de la Garonne, niche, dĂ©cor en alternance de pierres noires et jaunes.

Gers

  • Saint-Lary. « La plus intĂ©ressante du Gers Â», dit Ph. Lauzun. Elle a conservĂ© une grande partie de son revĂŞtement extĂ©rieur et de sa dĂ©coration.
  • Ordan-Larroque : pile de Lasserre, ou d’Encassou-Pancaran : hauteur actuelle 6 m, très dĂ©gradĂ©e ; pile de Larroque-Mengot, dite aussi Peyrelongue, hauteur 10 m, le parement et la niche supĂ©rieure ont disparu. La petite niche a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e au XIXe s.
  • Biran : tourraque de Lacouture, 11,30 m de hauteur, c’est la plus imposante des piles gersoises. La niche, voĂ»tĂ©e en cul-de-four, s’ouvre vers le sud.
  • Roquebrune : pile de Montjoie. De faible hauteur, elle comporte une niche voĂ»tĂ©e en berceau et sa nature n’est pas connue avec prĂ©cision, il pourrait s’agir d’un temple.
  • Saint-Arailles : tourraque de Merlieu. La pile commence Ă  ĂŞtre dĂ©molie en 1856[6]. Après disparition de la partie supĂ©rieure, la hauteur est de 5 m, la base de 3,80 m sur 2,70 m.
  • Mirande : pile d’Artigues ou de Betbèze, dont ne subsiste que la base (3 m de haut) (une seconde pile situĂ©e Ă  proximitĂ© a disparu au XIXe s.)
  • Lamazère : tourraque d’Ortolas, hauteur 5,50 m.
  • Tourraque de Lacouture, Ă  Biran
    Tourraque de Lacouture, Ă  Biran
  • Niche, tourraque de Lacouture
    Niche, tourraque de Lacouture
  • Pile de Larroque-Mengot
    Pile de Larroque-Mengot

Notes

  1. Anonyme, Les Piles gallo-romaines et les textes antiques de bornage et d’arpentage, sd, Caen, imp. H. Delesques. Bib. num. Sorbonne
  2. DĂ©couverte des piles gallo-romaines gersoises
  3. Base Mérimée
  4. G. Tholin, Origines de l’Agenais
  5. Base Mérimée
  6. M. Mastron, La pile gallo-romaine de Saint-Arailles, Bulletin de la Société archéologique du Gers, 1902, p. 125 Gallica

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Philippe Lauzun, Inventaire gĂ©nĂ©ral des piles gallo-romaines dans le Sud-Ouest de la France et plus particulièrement du dĂ©partement du Gers, Bulletin Monumental, Caen, Henri Delesques, imprimeur-Ă©diteur, 1898
  • Camille Jullian, La Question des piles et les fouilles de Chagnon (Saintonge), MĂ©moires de la SociĂ©tĂ© nationale des antiquaires de France, T. LVII, Paris, 1897
  • Pascale Clauss-Balty (sous la dir.), Les piles funĂ©raires gallo-romaines du Sud-Ouest de la France, Pau, Presses Universitaires de Pau et des Pays de l'Adour, 2016
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