Organisation des Ătats turciques
L'Organisation des Ătats turciques est une organisation internationale regroupant les Ătats de langues turciques. Elle est fondĂ©e en tant que Conseil turcique (azĂ©ri : TĂŒrk Ćurası, kazakh : ĐąÒŻŃĐșŃ ĐșĐ”ÒŁĐ”ŃŃ, kirghize : ĐąÒŻŃĐș ĐșĐ”ÒŁĐ”Ń, turc : TĂŒrk KeneĆi, anglais : Turkic Council) le Ă Nakhitchevan (AzerbaĂŻdjan) par l'AzerbaĂŻdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Turquie. La Hongrie en est devenue un Ătat observateur en 2018[2]. Lors du 8e sommet Ă Istanbul, le Conseil turcique s'est reformĂ© en organisation et prend le nom d'Organisation des Ătats turciques[3]. Ă cette occasion, l'OuzbĂ©kistan rejoint l'organisation et le TurkmĂ©nistan en est devenu le second Ătat observateur avant de devenir membre en 2022[4].
Organisation des Ătats turciques | ||
Carte du Conseil turcique en 2021
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Devise : « Ensemble nous sommes plus forts !
Biz birlikdÉ daha gĂŒclĂŒyĂŒk!
ErĆsebbek vagyunk egyĂŒtt! Bız bırge myqtymyz! ĐОз бОŃгД ĐŽĐ°ĐłŃ ĐșÒŻŃŃÒŻÒŻĐ±ÒŻĐ·! Biz birlikte daha gĂŒĂ§lĂŒyĂŒz! Biz bilelikde has gĂŒĂœĂ§li! Biz birgalikda kuchliroqmiz! |
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Situation | ||
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Création | (accord de Nakhitchevan) |
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Type | Organisation régionale | |
SiÚge | Turquie, Istanbul (Secrétariat général) Azerbaïdjan, Bakou (Assemblée parlementaire) Kazakhstan, Nour-Soultan (Académie turcique) |
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CoordonnĂ©es | 41° 00âČ 28âł N, 28° 58âČ 21âł E | |
Langue | Azéri Kazakh Kirghize Turc Anglais[1] |
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Organisation | ||
Membres | Membres : Azerbaïdjan Kazakhstan Kirghizistan Ouzbékistan Turquie Turkménistan Observateurs : Hongrie République turque de Chypre du Nord |
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Secrétaire général | Kubanychbek Omuraliev | |
Site web | www.turkkon.org | |
L'objectif de cette coopĂ©ration est de promouvoir le dĂ©veloppement fraternel entre ces pays partageant des langues de la mĂȘme famille et de permettre une coordination gĂ©nĂ©rale. Leurs domaines dâactions sont, entre autres, Ă©conomiques et Ă©nergĂ©tiques mais aussi et surtout culturel. Au-delĂ d'une rĂ©elle approche multilatĂ©rale effective, cette organisation permet de mettre en rĂ©seau ces diffĂ©rents Ătats.
Composition
Ătats membres
Pays | Population | Superficie (km2) | Date de début |
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AzerbaĂŻdjan | 9 967 730 | 86 600 | 3 octobre 2009 |
Kazakhstan | 18 440 161 | 2 724 900 | 3 octobre 2009 |
Kirghizistan | 6 256 730 | 198 500 | 3 octobre 2009 |
Ouzbékistan | 32 653 885 | 447 400 | 3 octobre 2009 |
Turquie | 83 154 997 | 783 562 | 3 octobre 2009 |
Ătats observateurs
Pays | Population | Superficie (km2) | Date de début | Date de fin |
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Hongrie | 9 709 786 | 93 030 | 3 septembre 2018 | |
Turkménistan | 6 118 000 | 488 099 | 12 novembre 2021 | 11 novembre 2022 |
RĂ©publique turque de Chypre du Nord | 382 836 | 3 355 | 11 novembre 2022 |
Secrétaires généraux
no | Nom | Pays | DĂ©but de mandat | Fin de mandat |
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1 | Halil Akıncı | Turquie | 3 octobre 2009 | 16 septembre 2014 |
2 | Ramil Hasanov | AzerbaĂŻdjan | 16 septembre 2014 | 3 septembre 2018 |
3 | Baghdad Amreyev | Kazakhstan | 3 septembre 2018 | 11 novembre 2022 |
4 | Kubanychbek Omuraliev | Kirghizistan | 11 novembre 2022 |
Sommets
# | Date | Pays | Villes |
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1er du Conseil turcique | 20â21 octobre 2011 | Kazakhstan | Almaty |
2e du Conseil turcique | 22â23 aoĂ»t 2012 | Kirghizistan | Bichkek |
3e du Conseil turcique | 15â16 aoĂ»t 2013 | AzerbaĂŻdjan | Qabala |
4e du Conseil turcique | 5 juin 2014 | Turquie | Bodrum |
5e du Conseil turcique | 11 septembre 2015 | Kazakhstan | Astana |
6e du Conseil turcique | 3 septembre 2018 | Kirghizistan | Cholpon-Ata |
7e du Conseil turcique | 15 octobre 2019 | AzerbaĂŻdjan | Bakou |
8e du Conseil turcique | 12 novembre 2021 | Turquie | Istanbul |
1er de l'Organisation des Ătats turciques | 11 novembre 2022 | OuzbĂ©kistan | Samarcande |
Institution
Le Conseil turcique a trois capitales, Istanbul (Turquie), Bakou (Azerbaïdjan) et Nour-Soultan (Kazakhstan), et un bureau à Budapest depuis 2019[5]. Istanbul est la capitale administrative, Bakou est la capitale de l'Assemblée parlementaire et Nour-Soultan est la capitale de l'Académie turcique.
Drapeau
Le drapeau du Conseil turcique a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au public lors de la confĂ©rence de presse du Conseil des ministres des Affaires Ă©trangĂšres qui a prĂ©cĂ©dĂ© le deuxiĂšme sommet du Conseil turcique qui s'est tenu le 22 aoĂ»t 2012 Ă Bichkek. Il contient les Ă©lĂ©ments des drapeaux nationaux des Ătats membres fondateurs du Conseil turcique. Ainsi, il est composĂ© de l'Ă©toile du drapeau de l'AzerbaĂŻdjan, de la couleur bleue du drapeau du Kazakhstan, du soleil du drapeau du Kirghizistan et du croissant du drapeau de la Turquie. Ce drapeau, ainsi que ceux des Ătats membres, ont Ă©tĂ© solennellement hissĂ©s au mĂąt par Noursoultan NazarbaĂŻev, prĂ©sident fondateur de la rĂ©publique du Kazakhstan, et Abdullah GĂŒl, 11e prĂ©sident de la rĂ©publique de Turquie, au siĂšge administratif du Conseil turcique, Ă Istanbul, le 12 octobre 2012[6].
Origine historique
Ă la suite de la chute de lâUnion des rĂ©publiques socialistes soviĂ©tiques (URSS) en 1991, la Turquie va se rapprocher des ex-rĂ©publiques soviĂ©tiques dâAsie orientale. La zone territoriale du Caucase et de lâAsie orientale devient un enjeu stratĂ©gique pour Ankara. Ă la suite du retrait du « Grand voisin du Nord », la Turquie apparait pour les puissances de lâOuest comme un moyen de faciliter la transition Ă©conomique libĂ©rale et dĂ©mocratique des rĂ©publiques turcophones pour faciliter les Ă©changes avec lâOccident. InsĂ©rĂ©e dans lâOrganisation du TraitĂ© Atlantique Nord (OTAN) et proche de lâUnion europĂ©enne[7], la Turquie reprĂ©sente un moyen indirect de lutte contre les puissances fondamentalistes de lâIran et de lâArabie Saoudite.
NĂ©anmoins, les rĂ©publiques turcophones de lâAzerbaĂŻdjan, du Kazakhstan, de Kirghizistan et de lâOuzbĂ©kistan connaissent des difficultĂ©s Ă©conomiques importantes. Le revenu par habitant sâavĂšre ĂȘtre en dessous de la moyenne de lâex-URSS. La croissance est Ă©galement plus lente avec un rapport au revenu moyen par habitant de lâURSS passĂ© de trois quarts en 1970 Ă moins de deux tiers en 1990[8].
Sous le rĂ©gime soviĂ©tique ces difficultĂ©s Ă©taient compensĂ©es via des transferts budgĂ©taires. Toutefois, aprĂšs la fin de ce rĂ©gime les rĂ©publiques turcophones se retrouvent face Ă elles-mĂȘmes, ayant des dĂ©sĂ©quilibres internes trĂšs affaiblis ainsi que des besoins de financement important. Au niveau des Ă©changes commerciaux, les dĂ©ficits sont Ă©galement Ă©levĂ©s, hormis pour lâAzerbaĂŻdjan. En outre, ces Ătats connaissent un goulet dâĂ©tranglement dâordre structurel et financier.
Ă cette Ă©poque, les relations commerciales avec la Turquie sont relativement faibles. En 1992, le volume des Ă©changes sâĂ©tablissait Ă 283,7 millions de dollars, soit 0,8% du commerce extĂ©rieur de la Turquie. « Cependant, aprĂšs lâURSS, la Turquie va progressivement jouer le rĂŽle dâintermĂ©diaire auprĂšs des milieux occidentaux pour lâAzerbaĂŻdjan, le Kazakhstan, le Kirghizistan et lâOuzbĂ©kistan. En dĂ©veloppant lâidĂ©e dâun grand monde turc, la coopĂ©ration entre ces Ătats turcophones va sâaccroĂźtre grĂące Ă lâorganisation de la Turcophonie. Cet espace devient le sommet de coopĂ©ration principale entre la Turquie, lâAsie orientale et le Caucase. La Turquie va ainsi chercher Ă promouvoir le dĂ©veloppement Ă©conomique de ces pays mais aussi et surtout Ă encourager une unitĂ© turcophone. Ă travers lâAsie centrale et le Caucase, les Ătats turcophones reprĂ©sentent une population non nĂ©gligeable: 8 millions dâhabitants pour lâAzerbaĂŻdjan, 14 millions pour le Kazakhstan, 5 millions pour le Kirghizistan et 25 millions pour lâOuzbĂ©kistan[9]. Le souhait de construire un grand projet pan-Turc se fait donc ressentir pour la Turquie qui voit Ă cette Ă©poque un moyen de dĂ©velopper son influence rĂ©gionale et mondiale. Ainsi, le PrĂ©sident turc de lâĂ©poque, SĂŒleyman Demirel, dĂ©clara Ă cette Ă©poque sa volontĂ© de construire: « Un Monde turc sâĂ©tendant de lâAdriatique jusquâĂ la Grande Muraille de Chine »[10]. Avec ce projet, l'aspiration Ă lâimage romantique dâĂ©tendre une grande Turquie sur le monde est nette. Cependant, les rĂ©publiques turcophones Ă©tant marquĂ©es par des difficultĂ©s Ă©conomiques et structurelles hĂ©tĂ©rogĂšnes, cette coopĂ©ration va progressivement se concentrer sur des ambitions concrĂštes, souvent bilatĂ©rales, davantage que sur un Monde turc unifiĂ©. »
Domaines d'actions
Coopération économique
Ă lâoccasion de lâouverture de la Turcophonie, la Turquie sâest dotĂ©e de lâAgence Turque de CoopĂ©ration et de DĂ©veloppement (TIKA).
Le dĂ©cret-loi statutaire no 480 du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres a crĂ©Ă© cette organisation en 1999. En 2001, lâensemble des rĂšgles de lâorganisation a Ă©tĂ© dĂ©fini au travers la « loi no 4668 sur "l'organisation et les tĂąches de la Direction turque de la coopĂ©ration et du dĂ©veloppement".
Cette agence fut organisĂ©e en deux dĂ©partements aux missions diffĂ©rentes. Le premier dĂ©partement fut chargĂ© des questions Ă©conomiques, commerciales et techniques (Ekonomik Ticari ve Teknik Ä°ĆbirliÄi Dairesi) et le second chargĂ© des affaires sociales et culturelles (EÄitim KĂŒltĂŒr ve Sosyal Ä°ĆbirliÄi Dairesi).
La TIKA devient alors un instrument Ă©conomique privilĂ©giĂ© pour accroĂźtre les Ă©changes entre la Turquie, lâAsie centrale et les Balkans mais aussi avec lâAmĂ©rique latine, lâAfrique ou encore les Ăźles du Pacifique[11].
Au-delĂ de lâagence TIKA, la coopĂ©ration Ă©conomique des rĂ©publiques turcophones et de la Turquie passe par dâautres collaborations concrĂštes, notamment avec de grandes multinationales. Les petites et moyennes entreprises sont Ă©galement amenĂ©es Ă travailler conjointement afin de maintenir une activitĂ© Ă©conomique dynamique dans la rĂ©gion.
NĂ©anmoins, les rĂ©alisations Ă©conomiques du Conseil turcique sâavĂšrent peu effectives par rapport Ă dâautres domaines dâactions.
Coopération énergétique
LâĂ©nergie reprĂ©sente Ă©galement un enjeu de collaboration important pour les Ătats membres du Conseil turcique. En effet, la Turquie dispose de ressources Ă©nergĂ©tiques importantes dans la rĂ©gion dâAsie centrale. Depuis 2005, lâolĂ©oduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) transporte sur 1 776 km le pĂ©trole brut du champ pĂ©trolifĂšre d'Azeri-Chirag-Guneshli sur la mer Caspienne jusqu'Ă la mer MĂ©diterranĂ©e. Ce projet implique directement lâAzerbaĂŻdjan puisque lâolĂ©oduc prend racine Ă Bakou.
Le projet du Gazoduc transanatolien (TANAP) constitue Ă©galement un enjeu de coopĂ©ration Ă©nergĂ©tique majeur dans la rĂ©gion. Ayant pour but un acheminement en gaz naturel de lâAzerbaĂŻdjan jusquâĂ lâEurope via la Turquie, ce gazoduc est prĂ©sentĂ© comme le symbole de lâamitiĂ© et la fraternitĂ© entre la Turquie et lâAzerbaĂŻdjan en Anatolie. Lâinauguration du projet TANAP a eu lieu le 12 juin 2018 Ă Eskisehir, en Turquie en prĂ©sence de Mustafa Akinci, prĂ©sident de la rĂ©publique turque de Chypre du Nord, Aleksandar Vucic, prĂ©sident de la rĂ©publique de Serbie, Petro Porochenko, prĂ©sident dâUkraine, le prĂ©sident de la rĂ©publique dâAzerbaĂŻdjan, Ilham Aliyev et Recep Tayyip Erdogan, prĂ©sident de la rĂ©publique de Turquie. La coopĂ©ration Ă©nergĂ©tique constitue donc un enjeu important pour les Ătats membres du Conseil turcique mais lâaction concrĂšte de cette organisation au sein de cette thĂ©matique reste limitĂ©e.
Alphabet
Une des mesures les plus symboliques en matiĂšre culturelle fut lâadoption de lâalphabet latin au dĂ©triment de lâalphabet cyrillique par les rĂ©publiques turcophones, encouragĂ©es par la Turquie[12]. LâOuzbĂ©kistan, lâAzerbaĂŻdjan et le TurkmĂ©nistan ont en effet approuvĂ© lâalphabet latin, rejoints par le Kazakhstan. La Turquie a proposĂ© son assistance Ă ces pays pour changer dâalphabet sous la supervision du Ministre de la Culture Turc et de lâAssociation pour la Langue Turque afin de promouvoir une communication simplifiĂ©e entre les pays.
TĂRKSOY
LâOrganisation internationale pour la culture turque (TĂRKSOY[13]) constitue une institution dĂ©vouĂ©e Ă la promotion de la culture turque, pouvant ĂȘtre comparĂ©e Ă lâUNESCO pour le monde turc. En 1992, les ministres de la culture de l'AzerbaĂŻdjan, du Kazakhstan, du Kirghizstan, de l'OuzbĂ©kistan, de la Turquie, et du TurkmĂ©nistan dĂ©clarĂšrent leur engagement Ă coopĂ©rer pour un cadre culturel commun. Le 12 juillet 1993 Ă Almaty, un accord entre ces pays conduisit Ă la naissance de cette organisation internationale. Elle permet dĂ©sormais le travail entre plusieurs acteurs (associations, ministĂšres, municipalitĂ©s) dâAsie centrale pour promouvoir cette culture. Elle vise aussi Ă promouvoir des figures intellectuelles comme Oljas SouleĂŻmanov, Abdulla Oripov, and Tchinguiz AĂŻtmatov.
Ăducation
LâĂ©ducation reprĂ©sente Ă©galement un enjeu important pour la coopĂ©ration entre les Ătats turcophones. Beaucoup dâĂ©changes universitaires ont lieu entre la Turquie et les quatre Ătats turcophones, et inversement. Des programmes universitaires communs sont aussi permis notamment grĂące au « Big student projet », programme du ministre de lâĂ©ducation aprĂšs la chute de lâURSS pour dĂ©velopper les Ă©changes universitaires. Plusieurs bourses universitaires sont mises en place pour faciliter ces Ă©changes mais dans les faits celles-ci sont parfois insuffisantes pour que les ressortissants des quatre autres Ătats viennent Ă©tudier en Turquie. Deux grandes universitĂ©s ont jouĂ© un rĂŽle majeur pour faciliter ce partenariat universitaire dont lâuniversitĂ© Ahmet Yesevi, du nom du protagoniste ayant contribuĂ© au dĂ©veloppement dâun mysticisme islamique commun Ă lâAsie Centrale et lâAnatolie. Cette universitĂ© turque est implantĂ©e au Kazakhstan et Kirghizstan. LâuniversitĂ© de Manas dispose Ă©galement dâun rĂŽle majeur, crĂ©Ă©e au Kirghizstan en 1995, du nom de la figure littĂ©raire ayant contribuĂ© Ă lâhistoire et lâidentitĂ© littĂ©raire du Kirghizstan.
Religion
Ă la suite de la chute de lâURSS, la Turquie a participĂ© Ă lâexpansion de son modĂšle religieux, le sunnisme hanafi, au sein du monde turc. Cette exportation du modĂšle religieux turc fut perçue par lâOccident comme un moyen dâempĂȘcher la diffusion du fondamentalisme religieux de lâArabie saoudite ou de lâIran dans la rĂ©gion. Le Diyanet, lâinstitution sâoccupant de la religion, va mener une politique active dans la rĂ©gion. Ainsi, la Turquie va chercher Ă exporter son modĂšle en Asie centrale. Ce modĂšle de lâĂtat turc ayant des relations Ă©troites avec les instituions religieuses va plaire avec Ă partir de 1995 l'organisation de sommets oĂč le Diyanet va prendre la tĂȘte de cette coopĂ©ration. Depuis les annĂ©es 1990, lâĂtat turc a utilisĂ© cette congrĂ©gation religieuse comme tĂȘte de pont vis-Ă -vis de lâAsie centrale via des Ă©coles turcophones en Asie centrale, comme en AzerbaĂŻdjan. Sous la prĂ©sidence dâErdoÄan, cette influence religieuse est perpĂ©tuĂ©e via la construction de mosquĂ©es. En 2018, le prĂ©sident turc inaugura la Grande MosquĂ©e de Bichkek au Kirghizistan.
La religion sâillustre donc comme une forme de coopĂ©ration importante pour les Ătats membres du Conseil turcique, apparaissant comme un moyen de renforcer sa politique extĂ©rieure avec les pays membres de cette zone.
Enjeux et tensions
Le mouvement GĂŒleniste
Fethullah GĂŒlen est le chef de la confrĂ©rie des Fethullahci (adeptes de Fethullah), un courant affiliĂ© au mouvement religieux sunnite Nurcu (« adeptes de la lumiĂšre »). Ancien alliĂ© de Erdogan, son influence sâimposa progressivement en Turquie dans les annĂ©es 1990. De nombreuses organisations sont liĂ©es Ă ce mouvement GĂŒlen, comme des associations, des Ă©coles, des rĂ©seaux dâaffaires. Ces Ă©tablissements scolaires sâavĂšrent ĂȘtre particuliĂšrement implantĂ©s en Asie Centrale. Certains pays apparaissaient nĂ©anmoins hostiles Ă cette organisation. En 1999, lâOuzbĂ©kistan ferma lâaccĂšs au mouvement GĂŒleniste sur son territoire, suivi de la Russie. Câest aussi Ă cette Ă©poque que GĂŒlen sâexila aux Ătats-Unis.
En 2013 un conflit entre GĂŒlen et Erdogan Ă©clata sur fond de corruption. De premiĂšres vives tensions se firent alors sentir. Ă lâoccasion de la tentative de coup dâĂtat de juillet 2016, le PrĂ©sident Erdogan accusa son ennemi jurĂ© dâĂȘtre Ă lâorigine de ce complot. Selon le premier ministre Turc Binali Yildirim, 265 morts et 1 440 blessĂ©s ont Ă©tĂ© victimes de ces Ă©vĂšnements. Il sâest ensuivi une rĂ©pression massive du mouvement GĂŒleniste, le PrĂ©sident Erdogan implorant : « AprĂšs cette tentative de coup dâĂtat, une fois encore je demande Ă Barack Obama de transfĂ©rer cette personne de Pennsylvanie jusquâen Turquie ». » GĂŒlen va fermement nier toute implication au sein du Coup dâĂtat mais cet Ă©pisode a cristallisĂ© fermement les rapports entre les deux hommes, engendrant des consĂ©quences sur les rapports avec les rĂ©publiques turcophones. Le Tadjikistan, Kazakhstan, et AzerbaĂŻdjan dĂ©cidĂšrent de fermer toutes les Ă©coles gĂŒlennistes au sein de leurs pays. Le Kyrgyzstan quant Ă lui changea le nom de ces Ă©coles et accentua leur surveillance.
La neutralité du Turkménistan
Bien que turcophone, lâĂtat du TurkmĂ©nistan refuse de prendre part Ă la coopĂ©ration des Ătats turcophones au sein du Conseil turcique. Il revendique depuis toujours sa neutralitĂ© affichĂ©e, valeur importante du pays Ă©tant illustrĂ©e au sein de lâarchitecture par lâArche de la neutralitĂ© Ă d'Achgabat, capitale du TurkmĂ©nistan.
Une rĂ©solution de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies du [14] vient mĂȘme reconnaĂźtre cette neutralitĂ© vis-Ă -vis de toute politique Ă©trangĂšre[15]. Le 12 dĂ©cembre a ainsi Ă©tĂ© fixĂ© comme date de la journĂ©e internationale de la neutralitĂ© depuis 2015[16].
Le 12 dĂ©cembre 2020, le prĂ©sident turc Recep Tayyip ErdoÄan invite une nouvelle fois le TurkmĂ©nistan Ă rejoindre le Conseil turcique[17].
La Hongrie
Ă lâoccasion du sommet annuel du Conseil turcique de 2018, qui a eu lieu Ă Tcholpon-ata, au Kirghizistan, le Premier ministre hongrois Viktor OrbĂĄn a signĂ© le statut de pays observateur de son pays. Il a ainsi mis en avant lâorigine hunnique des Hongrois, qui seraient selon lui « les descendants des enfants dâAttila »[18].
Viktor OrbĂĄn a Ă©galement affirmĂ© qu'« Il est dĂ©sormais clair que lâordre mondial ancien sâest effondrĂ©, dont le dogme voulait que lâargent et le savoir venaient de lâOccident riche et puissant pour ruisseler vers les pauvres pays de lâEst », ajoutant que la Hongrie « se tient dĂ©sormais prĂȘte pour lâouverture dâun nouveau chapitre dans la coopĂ©ration hongro-turcique ». Cette nouvelle coopĂ©ration illustre lâintĂ©rĂȘt croissant de la Hongrie pour lâAsie centrale, dĂ©jĂ trĂšs impliquĂ©e dans dâautres partenariats euro-asiatiques comme le Format 16+1 et la nouvelle route de la soie, qui rassemblent la Chine et plusieurs pays dâEurope centrale et orientale. Via cette Ă©dition de 2018, la Hongrie a Ă©galement pris part aux Jeux mondiaux nomades organisĂ©s en marge du sommet. En affichant sa participation Ă cette manifestation sportive promouvant la culture traditionnelle dâAsie centrale, la Hongrie sâaffirme dans le souhait dâune coopĂ©ration approfondie avec les rĂ©publiques turcophones.
Notes et références
- (tr) Turkkon.org
- (en) Hungarian Free Press, « Hungary is now part of the assembly of âTurkic Speaking Countriesâ », (consultĂ© le ).
- « Communiqué du sommet de l'Organisation des Etats turciques », sur trt.net.fr, .
- « Le Turkménistan fait son entrée dans l'Organisation des Etats turciques », sur novastan.org (consulté le ).
- (en) Anadolou Agency, « Turkic Council inaugurates office in Budapest », (consulté le )
- (en) « Logo and Flag », sur turkkon.org (consulté le )
- Vaner Semih, « La Turquie dans les politiques amĂ©ricaine et europĂ©enne. Convergences, divergences et interactions. JournĂ©es d'Ă©tudes au CERI 10-11 dĂ©cembre 2001 », CEMOTI no 3, Drogue et politique,â , pp. 328-338
- AkagĂŒl Deniz, « L'insertion des rĂ©publiques turcophones dans l'Ă©conomie mondiale et le rĂŽle de la Turquie », CEMOTI no 16, Istanbul - Oulan Bator: autonomisation, mouvements identitaires et construction du politique,â , pp. 273-296
- Patrice de Beer, « Le monde turcophone », Le Monde,â (lire en ligne)
- Bertrand Buchwalter, Les sommets de la turcophonie in La Turquie en Asie centrale - La conversion au rĂ©alisme, Istanbul, Institut français dâĂ©tudes anatoliennes,
- (en) « History of TIKA », sur Turkish Cooperation and Coordination Agency
- (en) Bayram Balci & Thomas Liles, « Turkey's Comeback to Central Asia », Insight Turkey,â
- Interview Stéphane de Tapia pour les Cafés géographiques de Rennes
- ODS Team, « ODS HOME PAGE », sur documents-dds-ny.un.org (consulté le )
- « Présentation du Turkménistan », sur France Diplomatie
- « La Journée internationale de la Neutralité a été fixée au 12 décembre », sur Chambre de commerce France - Turkménistan
- (en) Kaan Bozdogan, « We hope to see Turkmenistan in Turkic Council: Erdogan », sur aa.com.tr, (consulté le )
- Ludovic Lepeltier-Kutasi et Novastan, « Viktor OrbĂĄn veut mettre la Hongrie sur la carte de lâAsie centrale », Le Courrier d'Europe Centrale,â