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Onde gravitationnelle

Onde de gravitation

Ondes gravitationnelles engendrées par un systÚme binaire. La déformation se produit dans un plan perpendiculaire à la direction de propagation de l'onde.

En physique, une onde gravitationnelle, appelée parfois onde de gravitation, est une oscillation de la courbure de l'espace-temps qui se propage à grande distance de son point de formation.

Albert Einstein a prĂ©dit l'existence des ondes gravitationnelles en : selon sa thĂ©orie de la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale qu’il venait de publier, de mĂȘme que les ondes Ă©lectromagnĂ©tiques (lumiĂšre, ondes radio, rayons X, etc.) sont produites par les particules chargĂ©es accĂ©lĂ©rĂ©es, les ondes gravitationnelles seraient produites par des masses accĂ©lĂ©rĂ©es et se propageraient Ă  la vitesse de la lumiĂšre dans le vide. Cependant, la rĂ©alitĂ© des ondes gravitationnelles a Ă©tĂ© longuement dĂ©battue. Einstein changea plusieurs fois d'avis Ă  ce sujet, la question Ă©tant de savoir si ces ondes avaient effectivement une existence physique ou bien constituaient un artefact mathĂ©matique rĂ©sultant d'un choix du systĂšme de coordonnĂ©es. Pour statuer, et disposer Ă  cette occasion d'un nouveau test de la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale, seule la recherche expĂ©rimentale pouvait lever le doute. Les efforts dans ce sens ont Ă©tĂ© engagĂ©s Ă  partir des annĂ©es 1960, avec la rĂ©alisation des premiĂšres barres de Weber.

Depuis , l'existence des ondes gravitationnelles est confirmĂ©e, grĂące Ă  une premiĂšre observation faite le . Cette observation ouvre un champ nouveau d'observation de l'univers Ă  grande Ă©chelle, d'autant que les ondes gravitationnelles ne sont pas arrĂȘtĂ©es par la matiĂšre. En revanche elle laisse encore ouverte la question de l’existence du graviton.

Le succĂšs des dĂ©tecteurs interfĂ©romĂ©triques Ă  dĂ©tecter un dĂ©placement maximal de ± 2 Ă— 10−18 m permet, en 2016, d'espĂ©rer un Ă©largissement du spectre d'observation avec les dĂ©veloppements techniques Ă  venir.

Historique

Prédiction

Les principes de la relativité restreinte amÚnent à postuler que l'interaction gravitationnelle se propage (au plus) à la vitesse de la lumiÚre, ce qu'avait déjà remarqué Henri Poincaré en en parlant d'une « onde gravifique »[1] - [2]. Albert Einstein prédit plus précisément l'existence d'ondes gravitationnelles en , en se fondant sur sa théorie de la relativité générale[3] - [4].

Cependant, la rĂ©alitĂ© des ondes gravitationnelles a Ă©tĂ© longuement dĂ©battue, Einstein changeant lui-mĂȘme plusieurs fois d'avis Ă  ce sujet[5] - [6] - [7]. La question Ă©tait de savoir si ces ondes avaient effectivement une existence physique ou bien rĂ©sultaient d'un « pur effet de jauge », autrement dit d'un choix de systĂšme de coordonnĂ©es. Cette question fut dĂ©finitivement tranchĂ©e lors de la confĂ©rence de Chapel Hill (Caroline du Nord) (États-Unis) en 1957[8]. Les contributions de Felix Pirani et Hermann Bondi furent dĂ©terminantes. Pirani montra qu'en prĂ©sence d'une onde gravitationnelle, un ensemble de masses en chute libre est animĂ© d'un vĂ©ritable mouvement les unes par rapport aux autres (tel qu'illustrĂ© plus haut). Bondi suggĂ©ra qu'en connectant deux masses aux extrĂ©mitĂ©s d'un piston, on absorberait l'Ă©nergie de l'onde en la transformant en chaleur (« sticky bead » argument), ce qui dĂ©montre que l'onde doit possĂ©der une rĂ©alitĂ© physique. Ce fut le point de dĂ©part du dĂ©veloppement d'instruments permettant la mise en Ă©vidence expĂ©rimentale des ondes gravitationnelles.

DĂ©tections

L'observation du pulsar binaire PSR B1913+16[9] permit aux physiciens Russell Hulse et Joseph Taylor de disposer d’un indice sĂ©rieux en faveur de l'existence des ondes gravitationnelles, en montrant que la diminution de pĂ©riode de ce systĂšme binaire s'expliquait avec prĂ©cision par l'Ă©mission de telles ondes[10]. Ce travail fut rĂ©compensĂ© par le prix Nobel de physique en 1993[11].

Le , les chercheurs du LIGO annoncent avoir dĂ©tectĂ© directement des ondes gravitationnelles ; cette annonce est confirmĂ©e officiellement le [12] - [13], le rĂ©sultat est publiĂ© le jour mĂȘme dans la revue Physical Review Letters[14]. Ces ondes gravitationnelles ont Ă©tĂ© produites par la coalescence de deux trous noirs, situĂ©s Ă  1,3 milliard d'annĂ©es-lumiĂšre[15]. Ce serait aussi « la premiĂšre preuve directe de l’existence des trous noirs », affirme Thibault Damour, physicien thĂ©oricien français[16]. Le phĂ©nomĂšne est observĂ© une deuxiĂšme fois en dĂ©cembre 2015 (annoncĂ© en juin 2016), la dĂ©tection ayant Ă©tĂ© Ă  nouveau rĂ©alisĂ©e par l'expĂ©rience LIGO[17]. Ce nouveau signal est baptisĂ© GW151226[18]. Le 3 octobre 2017, le prix Nobel de physique 2017 a Ă©tĂ© attribuĂ© conjointement Ă  Rainer Weiss, Barry C. Barish et Kip Thorne pour rĂ©compenser leurs recherches sur les ondes gravitationnelles.

Le 17 aoĂ»t 2017, une contrepartie Ă©lectromagnĂ©tique est captĂ©e aprĂšs la dĂ©tection d'un signal d'ondes gravitationnelles, permettant une Ă©tude fine de la source : une fusion d’étoiles Ă  neutrons. Cette double dĂ©tection est l'acte de naissance d'une nouvelle discipline, l'astronomie multimessager.

Le , la coopĂ©ration LIGO/Virgo dĂ©tecte la collision d'un trou noir et d'un objet de nature inconnue : avec une masse de 2,50 Ă  2,67 M⊙, il est en principe trop lourd pour une Ă©toile Ă  neutrons, mais trop lĂ©ger pour un trou noir.

PhénomÚne physique

Dans la théorie de la relativité générale, la gravité provient de la courbure de l'espace-temps. Cette courbure est causée par la présence d'objets possédant une masse. Plus la masse de l'objet est grande, plus la courbure produite est grande et ainsi plus la gravité est intense. Lorsque des objets massifs se déplacent dans l'espace-temps, la courbure de l'espace-temps s'ajuste pour refléter le changement de la position de ces objets. Sous certaines circonstances, les objets accélérés peuvent produire une perturbation de l'espace-temps qui s'étend et se propage de maniÚre analogue à « des vagues à la surface de l'eau ». On désigne par onde gravitationnelle[5] - [19] (ou parfois onde de gravitation[20] - [21] - [22]) ce type de perturbation, et on prédit qu'elles se propagent à la vitesse de la lumiÚre. Ces ondes sont inexistantes dans la théorie newtonienne qui suppose une propagation instantanée de la gravitation.

L'analogie entre des charges Ă©lectriques en mouvement et des masses en mouvement permet de mieux apprĂ©hender le phĂ©nomĂšne : de la mĂȘme maniĂšre que l'accĂ©lĂ©ration de particules chargĂ©es produit des ondes Ă©lectromagnĂ©tiques, l'accĂ©lĂ©ration de particules possĂ©dant une masse produit des ondes gravitationnelles. La plupart des thĂ©ories de gravitĂ© quantique postulent l'existence d'une particule Ă©lĂ©mentaire correspondante appelĂ©e le graviton[5], de façon analogue Ă  l'Ă©lectrodynamique quantique dans laquelle le vecteur de la force Ă©lectromagnĂ©tique n'est autre que le photon. Le graviton est associĂ© Ă  l'onde gravitationnelle, les caractĂ©ristiques de cette derniĂšre donnent de prĂ©cieuses informations sur cette particule. Cependant, mĂȘme aprĂšs la mise en Ă©vidence des ondes gravitationnelles, l’existence du graviton reste hypothĂ©tique.

Les Ă©ventuels objets constituĂ©s de matiĂšre noire, ainsi que leurs Ă©vĂ©nements de fusion, pourraient eux aussi Ă©mettre des ondes gravitationnelles dĂ©tectables par les dispositifs LIGO[23]. En fait, de nombreux types d'Ă©vĂ©nements astrophysiques pourraient en principe crĂ©er des ondes gravitationnelles, avec des frĂ©quences allant de quelques kHz Ă  quelques nHz. Dans la gamme de frĂ©quences nHz les sources potentielles comprennent les cordes cosmiques, les fluctuations quantiques de l'Univers primordial et, notamment, les binaires de trous noirs supermassifs (SMBHB, pour supermassive black hole binary). Certaines sources d'ondes gravitationnelles sont si nombreuses qu'elles devraient contribuer Ă  un fond d'ondes gravitationnelles (GWB, pour gravitational wave background). Ce fond est la cible des rĂ©seaux de synchronisation de pulsars (PTA, pour pulsar timing array) depuis des dĂ©cennies, et pourrait ĂȘtre dĂ©tectĂ© prochainement[24].

Effet

Déformation d'un anneau de particules au passage d'une onde gravitationnelle polarisée "+", dans le plan du front de l'onde.
Déformation d'un anneau de particules au passage d'une onde gravitationnelle polarisée "x", dans le plan du front de l'onde.

On considÚre un cercle de particules test en chute libre (soumises uniquement à la gravité). Les ondes gravitationnelles étant « transverses », leur effet sur les particules est nul dans la direction de propagation. Par contre, une onde gravitationnelle qui se propage perpendiculairement au plan du cercle entraßne la déformation de ce cercle. Il est étiré de maniÚre alternée dans une direction tandis qu'il est comprimé dans l'autre, tout en gardant une surface constante, comme indiqué dans les animations ci-contre. L'amplitude des oscillations montrées dans les animations est grandement exagérée. En réalité, l'amplitude des ondes gravitationnelles est trÚs petite.

Les animations permettent de visualiser les oscillations associĂ©es Ă  une onde gravitationnelle sinusoĂŻdale, ce qui explique l'Ă©volution des figures dans les animations. Une telle onde peut ĂȘtre produite par le systĂšme physique idĂ©al constituĂ© d'une paire de masses identiques en orbite circulaire. Dans ce cas, l'amplitude de l'onde est constante[Note 1] et son plan de polarisation tourne continĂ»ment Ă  deux fois la frĂ©quence orbitale.

On note usuellement l'amplitude des ondes gravitationnelles h, qui est un nombre sans dimension, quantifiant l'importance relative de la compression ou de l'Ă©tirement dans les animations. L'amplitude montrĂ©e ci-contre est d'environ h = 0,5 (soit 50 %). Dans la rĂ©alitĂ©, les ondes gravitationnelles reçues sur Terre sont imperceptibles: typiquement, on estime que h ≈ 10-20, c'est-Ă -dire qu'un cercle de la taille de la Terre subirait une dĂ©formation d'environ 10−13 m, soit mille fois plus petite qu'un atome.

Polarisation

Il existe deux polarisations, ce qui est équivalent à dire que les ondes gravitationnelles possÚdent deux degrés de liberté indépendants notés et .

Les deux polarisations indépendantes d'une onde gravitationnelle, aux propriétés identiques à l'unique polarisation d'une onde lumineuse, ont un angle entre elles de 45 degrés. L'effet d'une onde rectilignement polarisée avec la polarisation « plus » est identique à celui avec la polarisation « croix » mais tourné de 45 degrés comme illustré dans les animations ci-dessus. La polarisation des ondes gravitationnelles résulte de la nature de leur source et le degré de polarisation dépend de l'orientation de la source par rapport à l'observateur. Les ondes gravitationnelles sont définies comme les perturbations de la métrique qui du point de vue des équations d'Einstein sont découplées des perturbations du tenseur énergie-impulsion. Les ondes gravitationnelles ont une symétrie tensorielle (mathématiquement, on parle de spin 2), par opposition aux perturbations de la matiÚre qui ont soit une symétrie scalaire (spin 0), soit une symétrie vectorielle (spin 1, par exemple pour la lumiÚre). Ceci est directement relié au nombre de polarisations.

Pour trouver l'origine de ce nombre, il faut considérer le tenseur métrique dans son ensemble, qui est décrit par une matrice symétrique contenant dix entrées indépendantes, et soustraire tout d'abord les degrés de liberté non-physiques associés à l'invariance de la théorie sous la symétrie de reparamétrisation de l'espace-temps. Ceux-ci sont au nombre de quatre. Il faut également soustraire les degrés de liberté qui sont couplés aux perturbations du tenseur énergie-impulsion. Il y a un tel degré scalaire et trois degrés vectoriels. Finalement, il ne reste donc que deux degrés de propagation physique[Note 2].

Sources

Amplitude des ondes gravitationnelles Ă©mises par un systĂšme physique

La formule du quadrupĂŽle obtenue par Albert Einstein en 1916 permet de relier l'amplitude de l'onde Ă©mise par un systĂšme physique Ă  la variation de son moment quadrupolaire :

Pour un systĂšme continu dotĂ© d'une densitĂ© volumique de masse , celui-ci est[25] oĂč les indices correspondent aux coordonnĂ©es cartĂ©siennes et est le symbole de Kronecker.

La petitesse du facteur traduit la grande rigidité de l'espace-temps. Il faut la compenser par de grandes variations du moment quadrupÎlaire pour produire des ondes gravitationnelles détectables.

Ceci a plusieurs conséquences importantes. Les systÚmes dont la dynamique est à symétrie sphérique (sphÚre en expansion ou en contraction) ou à symétrie cylindrique (disque en rotation sur son axe) n'émettent pas d'ondes gravitationnelles puisque leur moment quadrupolaire reste constant.

Un dispositif simple pour la production d'onde gravitationnelle est un haltÚre en rotation autour du centre de son axe. Un tel systÚme avec deux masses m séparées d'une distance R en rotation à la vitesse angulaire donne . Cette estimation, appliquée à des systÚmes aux dimensions réalistes pour une expérience construite par l'homme, montre que la production d'ondes gravitationnelles détectables est impraticable en laboratoire.

C'est pourquoi l'on s'intéresse à des sources astrophysiques, qui font généralement intervenir des objets compacts (comme les étoiles à neutrons et les trous noirs) présentant de grandes masses et capables de soutenir de trÚs grandes accélérations.

Binaires compactes coalescentes

Modélisation des orbites d'un systÚme binaire, de la phase spiralante, jusqu'à la coalescence.
Signal gravitationnel de type "chirp" Ă©mis par un systĂšme binaire en phase de coalescence.

Les systĂšmes binaires d'Ă©toiles Ă  neutrons et/ou trous noirs proches de la coalescence sont l'Ă©quivalent astrophysique de l'haltĂšre en rotation mentionnĂ© plus haut. Les deux objets composant le systĂšme orbitent l’un autour de l’autre. Le systĂšme perd de l'Ă©nergie par rayonnement gravitationnel ce qui cause le rapprochement des deux objets jusqu’à la coalescence. La frĂ©quence orbitale augmente au fur et Ă  mesure que le rayon orbital diminue. Ceci conduit Ă  l'Ă©mission d'un signal gravitationnel caractĂ©ristique comme illustrĂ© ci-contre.

Fond stochastique

On distingue le fond stochastique d'onde gravitationnelle d’origine astrophysique dĂ» Ă  la superposition des signaux provenant d'un grand nombre de sources irrĂ©solues (qu'il est impossible de dĂ©tecter sĂ©parĂ©ment) et celui d'origine cosmologique produit lors des premiers instants de l’Univers peu de temps aprĂšs le Big Bang. L'observation de ce rayonnement donnerait des informations importantes sur l'Univers primordial, en particulier sur la pĂ©riode dite d'inflation cosmique[26].

Sources continues

Si elles possĂšdent un certain degrĂ© de non-axisymĂ©trie, les Ă©toiles Ă  neutrons Ă©mettent une onde gravitationnelle monochromatique Ă  la frĂ©quence double de la frĂ©quence de rotation de l’étoile. L'Ă©mission Ă©tant permanente, constante en frĂ©quence et amplitude, on peut alors « intĂ©grer » le signal pendant plusieurs mois afin de le distinguer du bruit instrumental.

DĂ©tecteurs

Barres résonnantes

Les barres de Weber sont des instruments simples permettant de détecter l'effet d'une onde gravitationnelle. Il s'agit d'une barre rigide de métal isolée des vibrations externes. La distorsion de l'espace causée par une onde gravitationnelle incidente excite la barre à sa fréquence de résonance, perturbation ensuite amplifiée jusqu'à des niveaux détectables. Ce type de détecteur a été proposé et utilisé initialement par Joseph Weber de l'université du Maryland. Weber a déclaré à plusieurs reprises avoir observé un excÚs de coïncidence entre les événements observés par deux barres identiques séparées de 2 km[27], ce qui l'a conduit à déclarer la découverte des ondes gravitationnelles en 1969[28]. Ce résultat n'a pas été confirmé par les expériences de validation conduites ultérieurement[29].

Le principe du dĂ©tecteur de Weber a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par la suite par plusieurs Ă©quipes. La cryogĂ©nie a Ă©tĂ© introduite afin d'atteindre une meilleure sensibilitĂ© en attĂ©nuant le bruit thermique causĂ© par l'agitation brownienne des atomes composant la barre. On dĂ©nombre plusieurs instruments de ce type dans le monde, dont certains sont encore en service : ALLEGRO (BĂąton-Rouge, États-Unis, actuellement dĂ©mantelĂ©), AURIGA (Legnaro/Padoue, Italie), Explorer (CERN, Suisse) et NAUTILUS (Rome Frascati, Italie). La gĂ©omĂ©trie sphĂ©rique, plutĂŽt que cylindrique gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©e, a Ă©tĂ© proposĂ©e pour le projet de dĂ©tecteur miniGrail (Pays-Bas).

DĂ©croissance orbitale des pulsars binaires

L'observation du pulsar binaire PSR B1913+16, dĂ©couvert en 1974, a permis aux physiciens Russell Hulse et Joseph Taylor de disposer d’un indice sĂ©rieux en faveur de l'existence des ondes gravitationnelles. Ce systĂšme binaire est composĂ© de deux Ă©toiles Ă  neutrons. L'une au moins est un pulsar. Hulse et Taylor en ont observĂ© les impulsions radio pendant plusieurs annĂ©es et ont suivi l'Ă©volution de ses paramĂštres orbitaux, notamment la pĂ©riode orbitale, de l’ordre de 8 heures. La courbe de rĂ©duction de la pĂ©riode en fonction du temps qu’ils ont mesurĂ©e montre que le systĂšme perd de l'Ă©nergie et que la rĂ©duction correspond avec une extrĂȘme prĂ©cision, dans le cas d’une perte d’énergie par rayonnement gravitationnel, Ă  celle que prĂ©voit la relativitĂ© gĂ©nĂ©rale[30] :

DĂ©croissance de la pĂ©riode orbitale rĂ©gie par l’équation .
PrĂ©cision des mesures : pĂ©riode orbitale Ă  prĂšs. Valeur jours. Autre paramĂštre : excentricitĂ© de l’orbite Ă  prĂšs : , etc.

Le modĂšle indique que la coalescence des deux Ă©toiles devrait se produire dans 300 millions d’annĂ©es. Russell Hulse et Joseph Taylor furent rĂ©compensĂ©s par le prix Nobel de physique en 1993 pour cette dĂ©couverte.

Polarisation et mode B du fond diffus cosmologique

En mars 2014, des chercheurs du Centre d'astrophysique Harvard-Smithsonian annoncent la détection des ondes gravitationnelles produites lors de l'inflation cosmique grùce à la mesure de la polarisation du fond diffus cosmologique par le télescope BICEP2 (Background Imaging of Cosmic Extragalactic Polarization)[31] - [32] - [33] - [34] - [35] - [36]. Cette étude est toutefois remise en cause plusieurs mois plus tard[37]. En effet, une analyse des données de BICEP2/Keck Array et du satellite Planck[38] qui utilise un modÚle amélioré des émissions de la poussiÚre galactique fournit une nouvelle limite supérieure sur la contribution à la polarisation du fond diffus cosmologique due aux ondes gravitationnelles primordiales. La conclusion est qu'il n'est plus exclu que cette contribution soit nulle (et que la polarisation observée soit presque intégralement due à la poussiÚre galactique et aux effets de lentille gravitationnelle).

Détecteurs interférométriques terrestres

Schéma d'un interféromÚtre laser.
Vue aérienne de l'antenne Virgo à Cascina dans la plaine de l'Arno en Toscane

La premiĂšre gĂ©nĂ©ration de dĂ©tecteurs interfĂ©romĂ©triques d'ondes gravitationnelles comprend six instruments de grandes dimensions. Le projet amĂ©ricain LIGO consiste en trois instruments kilomĂ©triques situĂ©s au complexe nuclĂ©aire de Hanford WA (ce site accueille deux interfĂ©romĂštres dans la mĂȘme enceinte) et Livingston LA[39]. Le projet franco-italien Virgo situĂ© Ă  Cascina prĂšs de Pise (Italie) possĂšde un instrument de mĂȘme classe. Le projet germano-britannique GEO600 localisĂ© Ă  Hanovre (Allemagne) aux dimensions plus modestes (300 mĂštres) vient complĂ©ter cet ensemble. Le projet japonais TAMA de taille similaire Ă  GEO est actuellement dĂ©mantelĂ©. MalgrĂ© des diffĂ©rences technologiques importantes, tous ces instruments suivent le mĂȘme principe[Note 3]. Tous captent la distorsion de l'espace-temps qu'exerce une onde gravitationnelle en mesurant avec une grande prĂ©cision la diffĂ©rence de longueur du chemin optique suivi par deux faisceaux laser se propageant dans deux directions orthogonales. En pratique on utilise l'interfĂ©romĂ©trie pour rĂ©aliser cette mesure comme indiquĂ© sur le schĂ©ma ci-contre. Observer une variation de la diffĂ©rence de longueur revient Ă  observer une variation de la diffĂ©rence de phase entre les deux faisceaux, donc une variation de leur figure d'interfĂ©rence.

Le signal reçu par le LIGO à Hanford (à gauche) et à Livingston (à droite) le 14 septembre 2015 comparé à celui prédit pour la fusion de deux trous noirs (en bas).

Le bruit de mesure (principalement le bruit thermique causĂ© par l'agitation brownienne des atomes constituant les optiques et le bruit de photons dĂ» Ă  la nature quantique de la lumiĂšre) peut ĂȘtre rĂ©duit pour atteindre la prĂ©cision de (cela correspond Ă  l'Ă©paisseur d'un cheveu sur la distance des Ă©toiles proches), oĂč reprĂ©sente l'amplitude de l'onde gravitationnelle, la longueur de chaque bras de l'interfĂ©romĂštre[40] (Ă©gale Ă  plusieurs kilomĂštres), et le dĂ©faut de frange de l’ordre de mĂštres (soit mille fois infĂ©rieur Ă  la taille du proton, 10−15 m)[41].

Une seconde génération de détecteurs avancés, dix fois plus sensible, a permis la premiÚre détection d'une onde gravitationnelle le par les Ligo de Livingston et de Hanford encore en phase de tests. Cette onde a été générée par la coalescence de deux trous noirs (respectivement de 29 et 36 fois la masse du soleil) il y a 1,3 milliard d'années. Une seconde détection de signal a été effectuée fin 2015. En Europe, l'interféromÚtre Virgo est entré en fonction en 2017.

En 2023, aprÚs trois ans de développements technologiques destinés à en augmenter la sensibilité, les détecteurs Ligo et Virgo, rejoints par le détecteur japonais Kagra, entament une nouvelle campagne d'écoute du cosmos, dénommée O4. Cette coopération internationale espÚre détecter plusieurs fusions de systÚmes binaires par semaine, et aussi observer des événements moins puissants comme l'effondrement en supernova d'une étoile massive, voire l'émission continue d'ondes gravitationnelles par les pulsars[42].

InterféromÚtres spatiaux

eLISA est un détecteur d'ondes gravitationnelles en projet.

Un moyen de s'affranchir du bruit sismique (terrestre) est de rĂ©aliser l'expĂ©rience dans l'espace. C'est l'objectif de la mission spatiale eLISA constituĂ©e de trois satellites en formation qui rĂ©alise dans l'espace un interfĂ©romĂštre Ă  deux bras de prĂšs d'un million de kilomĂštres. (Initialement, il Ă©tait prĂ©vu trois bras de cinq millions de kilomĂštres avant que la NASA abandonne la direction du projet LISA. C'est alors que l'Agence spatiale europĂ©enne (ESA) a pris la tĂȘte du projet et que celui-ci fut rebaptisĂ© eLISA.) Le 28 novembre 2013, l'ESA a annoncĂ© que la recherche des ondes gravitationnelles serait la thĂ©matique principale de la mission L3[43] avec un lancement prĂ©vu en 2034. Les technologies clefs d'eLISA ont Ă©tĂ© validĂ©es par le succĂšs des tests rĂ©alisĂ©s avec le dĂ©monstrateur LISA Pathfinder (LPF)[44] - [45] lancĂ© le 3 dĂ©cembre 2015.

Perspectives

Si l’on tient compte du fait que les ondes gravitationnelles ne sont pas arrĂȘtĂ©es par la matiĂšre comme le sont les ondes Ă©lectromagnĂ©tiques, les astrophysiciens disposent dĂ©sormais avec elles d’un champ nouveau d’observation qui leur permettra de « voir » certains aspects de l’univers Ă  grande Ă©chelle, et notamment de se rapprocher de ses dĂ©buts, jusqu’alors inaccessibles, allant du big bang Ă  380 000 ans.

L'observation des ondes gravitationnelles signe aussi le succÚs des détecteurs interférométriques et leur capacité à détecter d'infimes variations de distance : lors du passage de l'onde gravitationnelle de GW150914, les miroirs des cavités des interféromÚtres de LIGO ont subi un déplacement maximal de m, un millier de fois inférieur à la taille du proton.

En revanche, l'existence des ondes gravitationnelles laisse ouverte la question de l’existence du graviton, une particule Ă©lĂ©mentaire dont certaines thĂ©ories spĂ©culatives de gravitĂ© quantique impliquent l’existence en association avec la gravitation (Ă  l’instar du photon associĂ© Ă  l’électromagnĂ©tisme) : cette particule reste hypothĂ©tique.

Nomenclature

Les signaux significatifs dĂ©tectĂ©s par la collaboration LIGO-Virgo sont classĂ©s en deux catĂ©gories. Les signaux les plus significatifs sont effectivement nommĂ©s « onde gravitationnelle » et reçoivent comme dĂ©signation les deux lettres « GW » (initiales de l'anglais gravitational wave) suivies de la date de dĂ©tection dans le format AAMMJJ, oĂč AA sont les deux derniers chiffres de l'annĂ©e (par exemple 15 pour 2015), MM est le numĂ©ro du mois (par exemple 09 pour septembre) et JJ est le jour du mois. La premiĂšre onde gravitationnelle dĂ©tectĂ©e par LIGO, reçue le 14 septembre 2015, fut ainsi baptisĂ©e GW150914. À l'origine, les signaux moins significatifs, mais nĂ©anmoins suffisamment distincts du bruit de fond, sont classĂ©s comme « candidats ». Les signaux candidats reçoivent ainsi un nom composĂ© des trois lettres « LVT » (signifiant LIGO-Virgo Trigger) suivies de la date de dĂ©tection dans le mĂȘme format que prĂ©cĂ©demment. Un tel exemple est LVT151012, signal dĂ©tectĂ© le 12 octobre 2015 ayant une relativement faible probabilitĂ© d'ĂȘtre une fausse alarme (environ 2 %) mais pas suffisamment faible pour ĂȘtre considĂ©rĂ© de façon confiante comme une vĂ©ritable onde gravitationnelle, et donc recevoir une dĂ©signation commençant par « GW ». Puis, Ă  partir de novembre 2018, la dĂ©nomination « LVT » est abandonnĂ©e : « GW » est adoptĂ© pour tout nom de signal dĂ©tectĂ© significatif ou candidat. LVT151012 est ainsi renommĂ© en GW151012[46] - [47].

Lors du troisiĂšme run d'observation du rĂ©seau, les « superĂ©vĂ©nements », Ă©vĂ©nements dĂ©tectĂ©s par plusieurs pipelines, reçoivent une dĂ©signation de la forme « SAAMMJJx », oĂč AAMMJJ est la date de dĂ©tection (les deux derniers chiffres de l'annĂ©e, le numĂ©ro du mois sur deux chiffres et le jour du mois aussi sur deux chiffres) et « x » est une ou plusieurs lettres minuscules (a-z, puis aa-az, ba-bz, ..., za-zz, ...) attribuĂ©es de façon analogue aux supernovas (Ă  la diffĂ©rence que, pour les supernovas, les lettres simples sont en majuscule, A-Z, et seules les lettres multiples sont en minuscules, aa-zz, aaa-zzz, ...). Ainsi, le quarantiĂšme superĂ©vĂ©nement du 8 avril 2019 a la dĂ©signation S190408an. La majoritĂ© de ces superĂ©vĂ©nements ne sont pas des vrais signaux astrophysiques ; seuls les plus significatifs sont effectivement considĂ©rĂ©s comme candidats.

Notes et références

Notes

  1. À Ă©chelle perceptible.
  2. À titre indicatif, la gĂ©nĂ©ralisation en dimension N de ce rĂ©sultat aboutit Ă  un nombre N (N -3)/ 2 de degrĂ©s de libertĂ© pour les ondes gravitationnelles. Les ondes gravitationnelles dans des espaces Ă  dimensions supplĂ©mentaires sont utiles dans le cadre de la cosmologie branaire.
  3. Idée suggérée pour la premiÚre fois dans M. E. Gertsenshtein et V. I. Pustovoit, JETP 43, 603 (1962) et dont l'applicabilité a été démontrée par R. Weiss, Electromagnetically Coupled Broadband Gravitational Antenna, Quarterly Progress Report, Research Laboratory of Electronics, MIT 105: 54 (1972).

Références

  1. « J'ai d'abord Ă©tĂ© conduit Ă  supposer que la propagation de la gravitation n'est pas instantanĂ©e, mais se fait avec la vitesse de la lumiĂšre [
] Quand nous parlerons donc de la position ou de la vitesse du corps attirant, il s’agira de cette position ou de cette vitesse Ă  l’instant oĂč l’onde gravifique est partie de ce corps ; quand nous parlerons de la position ou de la vitesse du corps attirĂ©, il s’agira de cette position ou de cette vitesse Ă  l’instant oĂč ce corps attirĂ© a Ă©tĂ© atteint par l’onde gravifique Ă©manĂ©e de l’autre corps ; il est clair que le premier instant est antĂ©rieur au second » H. PoincarĂ©, Sur la dynamique de l'Ă©lectron, Comptes rendus de l'AcadĂ©mie des Sciences, t. 140, p. 1507 (5 juin 1905) ; texte sur wikisource.
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Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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