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Musique limousine

La musique limousine est la musique traditionnelle du territoire correspondant au moins à la province historique française du Limousin, et davantage l'ancienne région administrative du même nom, voire encore plus justement l'aire culturelle fondée sur la zone traditionnelle de locution de l'occitan limousin. Suivant cette dernière acception, ce territoire correspond approximativement aux trois départements de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne, ainsi qu'à des marges de quelques départements voisins, dans le sud-ouest de la France.

Musique limousine
Danseurs de sautière en bal
DĂ©tails
Origines stylistiques
Instruments typiques
Popularité
Scènes régionales

La musique limousine est une des variantes locales de la musique occitane, aux côtés de la musique auvergnate par exemple. Elle présente aussi des caractéristiques voisines des musiques de tradition d'oïl du Berry ou du Poitou[1].

Au-delĂ , plusieurs spĂ©cificitĂ©s instrumentales (la chabrette), rythmiques, socio-culturelles (comme le rĂ´le des migrations Ă©conomiques rĂ©currentes dans la fabrique des traditions) ou liĂ©es au rĂ©pertoire chantĂ© justifient que l'on parle de traditions proprement limousines. Cependant, le territoire recèle des pratiques parfois très localisĂ©es et donc très variĂ©es[2]. Françoise Étay parle ainsi de la rĂ©gion comme d'une « mosaĂŻque Ă  grands carreaux Â»[3] ; par exemple, certaines traditions de l'est du territoire (Combrailles, Xaintrie) prĂ©senteront d'importantes similitudes avec les traditions de pays auvergnats tels l'Artense, le Mauriacois ou le Bourbonnais.

Le terme de musique traditionnelle limousine renvoie aux traditions populaires recueillies aux XIXe et XXe siècle, mais aussi par extension aux pratiques d'interprétation ou de ré-interprétation et de recréation observées dès lors et aujourd'hui encore, revendiquant une filiation avec les traditions précitées.

Les traditions musicales limousines sont indissociables de traditions de danses bien identifiées et documentées, dont la bourrée et la sautière sont les plus spécifiques[2].

Histoire

Quelles origines ?

Joueur de cornemuse sur un chapiteau de l'ancienne église d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), XIIe siècle.

Il est difficile de relier les traditions populaires limousines, de transmission orale, à des pratiques pluriséculaires. On peut affirmer qu'elles sont issues des pratiques de communautés essentiellement rurales[2], comme c'est le cas d'un grand nombre de traditions musicales occidentales, identifiées au début de l'époque contemporaine. Elles ont aussi été largement façonnées par les mouvements migratoires qui ont apporté leur lot d'influences extérieures, a fortiori urbaines[1] - [4]. À partir du XIXe siècle, les sociétés citadines composées de nombreux ruraux expatriés ont contribué à enrichir et renouveler le répertoire rural en intégrant des danses importés de l'étranger (mazurka, polka), ou en adaptant leurs propres instruments (c'est le cas de la cabrette inventée par les Auvergnats de Paris). Les traditions de cornemuses doivent probablement en partie à la pratique de la musette de cour[5]. En retour, les musiques populaires ont aussi inspiré la musique savante (Camille Saint-Saëns et sa Rhapsodie d'Auvergne par exemple).

Premiers collectages, premières re-créations

Contrairement Ă  ce que semble indiquer le titre de l'Ĺ“uvre, les paysans peints ici par Jeanron n'ont probablement rien de limousin.

Les premiers collectages sont écrits : dans les années 1850, plusieurs informateurs corréziens contribuent au Recueil des poésies populaires de la France d'Hippolyte Fortoul ; certains comme Oscar Lacombe collectent même en autonomie[6]. George Sand (Les Maîtres sonneurs, Le marquis de Villemer) ou Alfred Assollant[Note 1] évoquent les pratiques de musique populaire du centre de la France dans leur œuvre littéraire[7]. Les peintres représentent peu les traditions musicales : Paysans limousins de Philippe-Auguste Jeanron mentionne de façon très certainement abusive une scène limousine ; le paysage comme l'allure des personnages ne paraissent pouvoir attester cette hypothèse.

Le XIXe siècle est aussi marquĂ© par un essor des pratiques facilitĂ© par la plus grande accessibilitĂ© des instruments : l'abolition des privilèges et des corporations permet Ă  un nombre croissant de personnes d'acquĂ©rir des instruments et donc de diffuser les airs[5]. Les chorales et ensembles instrumentaux dĂ©veloppĂ©s par les Limousins de Paris Ă  partir des annĂ©es 1890 (comme la chorale de l'OrphĂ©on limousin de Jean ClĂ©ment) et les bals organisĂ©s par cette « colonie Â» (notamment par la Ruche corrĂ©zienne) contribuent aussi Ă  la popularisation des airs du pays[7] - [8], collectĂ©s par quelques figures comme le peintre saint-juniaud Jean Teilliet[9]. L'accordĂ©on investit le rĂ©pertoire rĂ©gional.

Dans le mĂŞme temps, de nombreux musiciens et poètes (François Sarre ou Jean Rebier par exemple) commencent Ă  renouveler le rĂ©pertoire en signant des compositions inĂ©dites. Les musiciens sont influencĂ©s par le mouvement fĂ©librĂ©en : bien souvent les airs sont doublĂ©s de paroles en occitan limousin. Certaines de ces crĂ©ations intègrent rapidement un corpus perçu encore aujourd'hui comme traditionnel[10]. Les groupes folkloriques qui naissent au dĂ©but du XXe siècle (L'Eicola dau barbichet, L'Eicola de la Brianço) prĂ©sentent dans des « reconstitutions Â» en costumes spectaculaires des airs traditionnels et des compositions[8]. Une partie du mouvement folkloriste, qui prĂ©tend pratiquer une tradition immuable et authentique, se compromet pendant l'Occupation[8]. Mais une autre partie demeure populaire mĂŞme après-guerre, portĂ©e par les succès musette tels Bruyères corrĂ©ziennes (Jean SĂ©gurel).

Au XXe siècle, les collectages deviennent sonores. Pour ses Archives de la parole, Ferdinand Brunot prospecte en 1913 en Corrèze, et y enregistre plusieurs airs chantés[7] - [11]. Dans les années 1930 à 1960, plusieurs enregistrements commerciaux (ceux de Martin Cayla notamment) permettent aussi de fixer et populariser une partie du répertoire ; l'essor du bal musette y contribue entre autres par la voix de Jacques Mario, auteur compositeur, l'un des chanteurs de l'accordéoniste corrézien Jean Ségurel, qui lui-même a appris d'oreille dans sa jeunesse. Dans les années 1950 et 1960, la radio locale (Robert Dagnas pour son émission Chez nous sur Radio France Limoges ou Antoinette Cougnoux et Jean Ségurel pour Le Limousin sur les ondes par exemple[12]) joue un rôle dans la sauvegarde de chants et airs traditionnels[7]. Les enquêtes du Musée national des Arts et Traditions populaires laissent peu de traces mais constituent un autre exemple des collectages à cette époque.

Le renouveau folk

Les annĂ©es 1970 et 1980 sont marquĂ©es en France par la vague du « renouveau folk Â», en partie stimulĂ©e par les contestations populaires des annĂ©es 1960 qui aux États-Unis notamment mettent en lumière les cultures afro-amĂ©ricaines. En France, et notamment en Limousin, ce sont avant tout des anglo-saxons qui mettent en Ă©vidence la richesse du patrimoine musical hexagonal : Hugh Shields publie un disque French folk songs from Correze, John Wright entame de premiers collectages dans la rĂ©gion, au cĂ´tĂ© d'autres musiciens, originaires ou non du Limousin, engagĂ©s dans les premiers folk-clubs du pays (Le Bourdon Ă  Paris et surtout La Chanterelle Ă  Lyon)[7]. Le musicien folk Pete Seeger invite mĂŞme les « jeunes gens Â» qui s'intĂ©ressent aux traditions nord-amĂ©ricaines Ă  ne pas se laisser « coca-colaniser Â» et donc Ă  Ă©tudier leurs propres traditions[13].

Les collecteurs du mouvement revivaliste, qui s'érigent tant contre les codes de la musique savante, ceux d'une ethnomusicologie parfois perçue comme réactionnaire et prédatrice et ceux des groupes folkloriques, ont mis un point d'honneur à concilier collecte, apprentissage, jeu et transmission de ce patrimoine musical[7] - [14]. Parmi leurs idéaux figure la volonté de valoriser les cultures minoritaires comme créatrices de nouvelles sociabilités. Cet intérêt pour le milieu rural est assez novateur, alors que les traditions paysannes demeurent dans certaines consciences associées au ruralisme idéologique du régime de Vichy[15]. Quelques collectages sont également réalisés en milieu urbain, notamment auprès des témoins du quartier populaire des Ponts à Limoges[16] - [17] - [Note 2].

Ces nombreux collectages, rĂ©alisĂ©s pour la plupart Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1970[18] et jusque dans les annĂ©es 1990, ont permis dans l'urgence de restituer et de conserver des airs des joueurs qui disparaissent pour les derniers au seuil des annĂ©es 2000. Parmi ces musiciens collectĂ©s, figurent notamment les « vielleux Â» et « violoneux Â»[19] - [Note 3] de la montagne limousine, la vielle Ă  roue (en Creuse) et le violon (sur les hauteurs du plateau de Millevaches) Ă©tant deux instruments emblĂ©matiques du patrimoine musical rĂ©gional. Ă€ ces deux pratiques instrumentales, s'ajoutent l'accordĂ©on diatonique et la chabrette (cornemuse limousine, sauvĂ©e de l'oubli et Ă©rigĂ©e en emblème rĂ©gional[20]) ; ces quatre instruments sont ceux qui ont le plus laissĂ© de traces musicales au XXe siècle[21]. La chabrette est nĂ©anmoins le seul instrument qui soit rĂ©ellement spĂ©cifique au Limousin, et dont seulement trois musiciens ont pu ĂŞtre enregistrĂ©s[22].

Institutionnalisation

La pratique contemporaine des musiques de tradition a Ă©tĂ© facilitĂ©e et entretenue par la crĂ©ation, en 1971, Ă  Limoges, de l'Association des MĂ©nĂ©triers du Massif Central, une des premières associations nationales de formation mutualisĂ©e en musique et en danses traditionnelles, puis de l'association des Musiciens routiniers[21] et plus tard encore, en 1987, du premier dĂ©partement de « musiques et danses traditionnelles Â» en France, au sein du Conservatoire Ă  rayonnement rĂ©gional de Limoges (Ă  l'Ă©poque conservatoire national de rĂ©gion)[23] - [24]. Y sont depuis et encore en 2023 enseignĂ©s la pratique des danses et ensembles musicaux traditionnels (et pas folkloriques) et cinq instruments : la vielle Ă  roue, la cornemuse du Centre, le violon, l'accordĂ©on diatonique et la chabrette limousine[25].

Première nationale, le Conservatoire a également mis en place en 1998 un diplôme d'études musicales spécialité musique traditionnelle, qui prépare en deux ans les candidats aux épreuves de culture musicale et de pratique instrumentale et collective[14] - [26], et dont un nombre important de lauréats évolue depuis dans le milieu musical professionnel[27].

RĂ©pertoire traditionnel

Boîtiers ornés de chabrettes limousines, sources de nombreuses interprétations.

Instruments

La tradition de violon corrézien et la pratique originale de la chabrette constituent selon Françoise Étay deux des principales singularités musicales du Limousin[2].

Petite cornemuse très ornée, la chabrette est considérée comme héritière d'une cornemuse du Poitou jouée à la Renaissance, qui elle-même fut pratiquée à la Cour avant de gagner les campagnes du Centre-Ouest de la France et de perdurer plus longtemps en Limousin[5]. Sa facture a été arrêtée au cours du XXe siècle, avant que quelques passionnés ne redécouvrent le corpus instrument d'instruments et n'entreprennent d'en relancer le jeu et la fabrication[22].

La tradition de vielle à roue est historiquement particulièrement présente en Creuse, en raison de la proximité du centre de production d'instruments de Jenzat, dans l'Allier. Elle s'est particulièrement développée au XIXe siècle, à l'époque où cet instrument était perçu comme bucolique et donc archétypal d'une tradition populaire et authentique[5].

Importé en France avec les migrations économiques de la Révolution industrielle, notamment en provenance d'Italie, l'accordéon diatonique prospère rapidement par la richesse harmonique et rythmique qu'il permet d'introduire dans les pratiques musicales. Il bénéficie spécifiquement en Limousin du développement de deux fabriques, Dedenis à Brive-la-Gaillarde, puis Maugein à Tulle[15]. Maugein est toujours en activité en 2023 ; il s'agit de la dernière entreprise de fabrication d'accordéons en France[28].

La pratique du violon, très énergique, semble avoir été très vivace dans la Montagne limousine, où la majorité des collectages ont été réalisés.

  • Instruments les plus couramment pratiquĂ©s
  • Joueur de vielle Ă  roue et d'accordĂ©on Maugein
    Joueur de vielle à roue et d'accordéon Maugein
  • Joueur de chabrette (chabretaire)
    Joueur de chabrette (chabretaire)
  • Violoneux
    Violoneux
  • Cornemuse dite Centre France
    Cornemuse dite Centre France

Facture d'instruments

InitiĂ©s ou inspirĂ©s par une facture plurisĂ©culaire, quelques luthiers se sont engagĂ©s dans un travail d'Ă©tude et de fabrication d'instruments, souvent destinĂ©s Ă  leur propre pratique musicale. Il peut s'agir d'instruments fidèles Ă  la tradition[29], ou cherchant Ă  la rĂ©interprĂ©ter comme dans le cas de la « vielle gĂ©ante Â» Ă  moteur Ă©lectrique de Philippe Destrem et Jean-Michel Ponty[30] et de la lutherie originale du premier citĂ©[31].

Chanson

Les chansons collectées sont très largement marquées par un contexte paysan et rural en voie de disparition depuis le milieu du XXe siècle. Elles décrivent avant tout les temps forts de la vie paysanne : mariages, départs à la guerre, fêtes populaires, migrations économiques saisonnières comme celles des maçons de la Creuse[7] - [32] - [33], ou encore les paysages du Limousin.

Depuis la fin du XIXe siècle, plusieurs générations de poètes et compositeurs (Joseph Mazabraud, François Célor, Lucien Lansade, Jacques Mario, Clody Musette, François Sarre, Jan dau Melhau, Didier Garlaschi, Bernard Comby[34]...) ont aussi enrichi et renouvelé un répertoire de chansons qui par leur langue, leur évocation du territoire, leur inspiration esthétique et instrumentale, à la fois puisent dans une tradition (et les collectages) et contribuent à la renouveler.

RĂ©pertoire de danses

Danse en ronde.

Les danses propres au territoire sont la sautière (pratiquĂ©e dans un territoire partagĂ© entre le sud de la Haute-Vienne, l'ouest de la Corrèze et l'est de la Dordogne) et la bourrĂ©e, dont la pratique diffère de la bourrĂ©e auvergnate, peut-ĂŞtre plus connue (peuvent aussi ĂŞtre Ă©voquĂ©es les giattes, bourrĂ©es de Combrailles, ou encore la « bourrĂ©e des MonĂ©dières Â»).

Comme dans de nombreuses autres régions françaises, les autres danses pratiquées dans les bals sont, parmi les plus communes, la valse, la scottish, la polka et la mazurka, dont il existe un répertoire spécifiquement limousin, ou les bourrées à deux temps.

Pratiques actuelles

Lieux et structures

De nombreux accordéonistes bien connus du Limousin, le département de musique traditionnelle du Conservatoire de Limoges (CRR)[25] - [24], le Conservatoire à rayonnement départemental Émile-Goué de la Creuse[35], le Conservatoire de Tulle[36], le Centre régional des musiques traditionnelles ou encore quelques associations (Roule… et ferme derrière, Musiqu'à deux, Et la moitié !, Valsaviris...) organisent tout au long de l'année des festivals (Rencontres musicales de Nedde, Balaviris, Semaine occitane), des stages, des concerts et des bals dans toute la région. Le CRMTL, l'Institut d'études occitanes et le département du CRR sont engagés sur des projets de recherche et de valorisation du patrimoine musical[Note 4].

La musique limousine se transmet et se représente via ces événements festifs réguliers, des ouvrages et une discographie, en Limousin et ailleurs.

Coexistent des praticiens de musique et danse folkloriques (attachés à la reproduction et la conservation de traditions attachées à une époque) et leurs homologues traditionnels, inspirés par les traditions en ce qu'elles constituent une culture vivante et évolutive.

Musiciens et groupes

Le duo limousin Rivaud-Lacouchie.

Un certain nombre de groupes de musiciens traditionnels ou folkloriques contribuent à la popularisation et à la médiatisation des airs et danses du Limousin.

Musiciens traditionnels :
  • Les Buveurs d’Encre
  • Cadanses folk
  • Chantelèbre
  • Bernard Comby
  • Couleur Chabrette
  • Clody Musette
  • Jan dau Melhau
  • Jean-Marc Delaunay
  • Didier Garlaschi
  • Jacques Mario
  • Didier Mario
  • Duo Ancelin-Rouzier
  • Duo Rivaud-Lacouchie
  • Les fourmis dans les pieds
  • Dominique Meunier
  • Musiqu'Ă  deux
  • Olivier Peirat
  • Le plancher tremble
  • Roule… et ferme derrière
  • Terras
  • Tonton Pinardier
  • Tornarem
  • Valsaviris
  • FĂ©licie Verbruggen
  • Les violons de Nedde
  • Vira lo chat
  • Caniar
  • ...
Groupe folklorique de l'Eicola dau barbichet.
Musiciens folkloriques
  • L'Eglantino do Lemouzi
  • L'Eicola dau Barbichet
  • Lou Rossigno do Limouzi
  • La PaĂŻolle du Pays Dunois
  • L’Escola dau Mont-Gargan
  • Les Veilhadors de San Junio
  • Lou Gerbassou d'Ambazac
  • Los Rejauvits de Chabanais
  • La MaĂŻade Malemortine
  • Los Rescalaires de Lanteuil
  • Les Pastourelles de Brive
  • Lo Danseus de Jean do Boueix de ChĂ©nĂ©railles
  • Lous Compahons de la Borreia

MĂ©tissage et transmissions

Stage d'apprentissage de la sautière au Grand Bal de l'Europe.

Réappropriées, interprétées par des musiciens qui à partir des années 1970 n'ont plus à voir avec le contexte rural et paysan des origines, exode rural et déprise agricole obligent, les musiques traditionnelles subissent donc un processus d'hybridation et de globalisation qui les enrichissent et les remodèlent[5] - [37]. Ce processus se confirme au début du XXIe siècle avec l'émergence d'une génération qui n'a pas pratiqué les collectages, dans des pratiques relevant souvent plus ou moins de tendances appelées néo-trad, en majorité moins militantes, porteuses de recréations autant appréciées que débattues[14] - [Note 5]. Divers projets de création participent aussi à inscrire les musiques de tradition dans la modernité et le renouvellement. Plusieurs groupes, dont certains membres sont issus des filières diplômantes du Limousin, contribuent aussi à la diffusion et à la vivacité des traditions d'inspiration limousine.

À l'instar de ce qu'on observe ailleurs en France, de nombreux répertoires de musiques et danses d'origines géographiques diverses (Berry, Quercy, Poitou, Bretagne, Pyrénées...) irriguent la pratique limousine, via les bals et les échanges musicaux[Note 6]. Le département de musique traditionnelle de Limoges a également ouvert un cours de cornemuse bulgare[25].

À l'inverse, le principe des groupes folkloriques demeure la reproduction spectaculaire des danses et airs tels qu'ils ont pu être interprétés à une époque donnée, dans un contexte socio-culturel défini. Réunis en une fédération Marche-Limousin[38], ces groupes sont eux aussi confrontés au défi de la pérennité de leurs activités. Le dialogue entre musiciens folkloriques et traditionnels est aléatoire : bien des seconds ont appris auprès des premiers, mais leurs modes et lieux d'expression quoique parents demeurent différents, peinant peut-être à leur lisibilité respective[Note 7].

En dépit de nombreux espaces de transmission et de la création du DEM spécialité musique traditionnelle au Conservatoire de Limoges, la pratique de certaines traditions parmi les plus spécifiques (notamment les danses de bourrée) n'en demeure pas moins en péril relatif[39]. La numérisation du matériau collecté (portail La Biaça de l'Institut d'études occitanes du Limousin, portail Patrimoine oral du Massif central[40]) peut contribuer à sa sauvegarde, sa pérennisation et se retransmission[6].

Notes et références

Notes

  1. Alfred Assollant décrit dans François Bûchamor une scène de bal censée se dérouler au début du XIXe siècle, mais qui semble plutôt décrire les pratiques de la fin du siècle.
  2. Le matĂ©riau recueilli dans le cadre de ces collectages a irriguĂ© le projet musical « Rue de la Mauvendière Â», portĂ© et rĂ©alisĂ© par Philippe Destrem, Françoise Étay et Jean-Jacques Le Creurer, Ă©ditĂ© une première fois en 1986, puis rĂ©Ă©ditĂ© en 2005 en CD, qui prĂ©sente des chants et airs Ă  danser du Limoges populaire des annĂ©es 1900.
  3. Parmi les violoneux corréziens les plus connus et les plus interprétés, figurent les frères Chastagnol, François Malthieu, Henri Lachaud, Léon Peyrat, Gaston Cessac ou Michel Meilhac.
  4. Le projet « MĂ©moires en jachère Â» du CRMTL ou les crĂ©ations musicales portĂ©es en partie par la classe de vielle Ă  roue et cornemuse de Philippe Destrem au Conservatoire dans le cadre du Festival de SĂ©dières en sont des exemples.
  5. « Beaucoup de jeunes, Ă  prĂ©sent, n’ont qu’une perception très confuse de l’origine de leurs rĂ©pertoires et sont convaincus que tous les mĂ©langes sont a priori positifs, sans avoir conscience, par exemple, que frapper comme ils le font sur un djembĂ© pour accompagner une cornemuse, sans connaissance aucune des cultures d’Afrique de l’Ouest et mĂŞme sans curiositĂ© pour elles, pourrait ĂŞtre perçu comme condescendant et irrespectueux. Â» (Étay, 2009).
  6. Parmi ces danses, les branles issus de la Renaissance (branle des Chevaux, branle double...), les branles du Berry (branles d'Ecueillé, ronds d'Argenton), les danses pyrénéennes comme le mutxiko (ou Zazpi jauziak), plus connu sous le nom de 7 sauts ou le carnaval de Lantz (Pays basque), la chapelloise (Norvège), le cercle circassien (Angleterre, Northumberland), la cochinchine (Danemark), les rondes et rondeaux (rond d'Arjuzanx...), l'avant-deux (Ouest de la France), le quadrille et les danses bretonnes (an-dro...).
  7. « Une certaine partie de la formation des musiciens traditionnels de l'Ă©poque contemporaine fut assurĂ©e par les groupes folkloriques, comme cela s'est beaucoup pratiquĂ© dans le centre-France (Auvergne, Limousin). Cet enseignement, axĂ© principalement sur le spectacle, a souvent eu pour effet de figer le rĂ©pertoire en le coupant de sa source, crĂ©ant en mĂŞme temps une mauvaise image de marque de la tradition, ce qui Ă©loignera pour un temps le jeune public. Â» (Danigo, 2005).

Références

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  2. AVEC en Limousin (GéoCulture - Le Limousin vu par les artistes), « Françoise Étay - Musiques et danses traditionnelles du Limousin », sur vimeo.com, (consulté le ).
  3. « La danse traditionnelle en Limousin, par Françoise Etay », sur crmtl.fr, (consulté le ).
  4. Hubert Schmitt, Chanson populaire et identité limousine : 1900-1950 : Thèse d'ethnomusicologie, , 252 p.
  5. Éric Montbel et André Ricros, Les Musiques du Massif central, héritage et création : comment furent réinventées les musiques traditionnelles, Brioude, Créer, , 511 p. (ISBN 978-2-84819-509-4).
  6. Françoise Étay et François Gasnault, « Musiques orales en Limousin : les trois âges de la collecte, de l'enquête Fortoul aux portails La Biaça et Projet Massif (1852-2014) », Archives en Limousin, vol. 2014-1, no 43,‎ .
  7. AVEC en Limousin (GéoCulture - Le Limousin vu par les artistes), « Musiques et danses traditionnelles du Limousin », sur geoculture.fr, (consulté le ).
  8. Patrice Marcilloux et Bénédicte Grailles, « Fausses bourrées et vrais musiciens : si la bourrée limousine était née à Paris le 14 décembre 1895 ? », dans Jean Tricard, Philippe Grandcoing, Robert Chanaud, Le Limousin, pays et identités. Enquêtes d'histoire (de l'Antiquité au XXIe siècle), Limoges, Presses universitaires de Limoges, , p. 257-276.
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  12. IEO Limousin, « Description du fonds Dagnas », sur la-biaca.org (consulté le ).
  13. Pete Seeger, « Ne vous laissez pas coca-coloniser. Lettre ouverte du folk-singer américain Pete Seeger », sur rayonnages.free.fr (consulté le ).
  14. Françoise Étay, « La pĂ©dagogie des musiques traditionnelles françaises Ă  l’épreuve de l’ouverture Â», intervention au symposium Musiques de tradition orale et Ă©ducation interculturelle, Ă  la CitĂ© de la musique de Paris, 3 et 4 dĂ©cembre 2009.
  15. Éric Montbel et André Ricros, Regards, tome 2 : Photographies des musiciens d’Auvergne et du Massif Central 1936-2016, Lascelle, Éditions de La Flandonnière, , 200 p. (ISBN 978-2-918098-47-8).
  16. Jeannette Dussartre-Chartreux, Destins croisés : Vivre et militer à Limoges, Karthala, coll. « Signes des temps », , 472 p., p. 400
  17. Françoise Etay et Famille Dussartre, « À la Crotte de poule (enregistrements de 1980) », sur la-biaca.org (consulté le )
  18. CRR de Limoges, « Documentation du Département de musique traditionnelle du CRR de Limoges : CD de "collectage" - Interprètes », sur mustradilim.free.fr (consulté le ).
  19. « Index des violoneux de Corrèze », sur violoneux.fr (consulté le ).
  20. Luc Charles-Dominique, « Les emblèmes instrumentaux régionaux du revival français », dans Jeremy Price, Licia Bagini, Marlène Belly, Langue, musique, identité. Actes du colloque tenu à Poitiers du 21 au 23 novembre 2007, Poitiers, Publibook Université, .
  21. Françoise Etay, Le violon traditionnel en Limousin, mémoire de maîtrise d'éducation musicale, sous la direction d'Édith Weber, Université Paris-Sorbonne, 1983 en ligne.
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  24. 7 à Limoges, « Musique traditionnelle », sur 7alimoges.tv, (consulté le ).
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Voir aussi

Bibliographie

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