Conte limousin
Le conte limousin est une catĂ©gorie littĂ©raire qui englobe les Ă©crits, produits sous les diverses formes que peut prendre le genre littĂ©raire du conte, qui illustrent tel ou tel aspect du Limousin (Ă©pisodes merveilleux, faits historiques ; activitĂ©s Ă©conomiques ; vie quotidienne, etc.) ; et, en mĂȘme temps, le conte limousin est rattachĂ© au conte français, et il est donc un ensemble d'Ćuvres appartenant Ă la littĂ©rature française.
ĂlĂ©ments pour une histoire du conte limousin
L'oral / l'écrit ; le limousin / le français
Le domaine littĂ©raire du conte limousin recouvre des rĂ©cits produits Ă lâoral comme des rĂ©cits inventĂ©s sous forme Ă©crite, des contes restituĂ©s en langue limousine comme des contes donnĂ©s en français, des contes populaires comme des contes savants.
Ce qui est exprimé dans les récits appartenant au domaine du conte, auquel appartient le conte limousin, a été mis en lumiÚre par Bruno Bettelheim, dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées (ouvrage initialement publié en 1976) :
« « Ils [les contes de fĂ©es] sont uniques, non seulement en tant que forme de littĂ©rature, mais comme Ćuvres dâart qui sont plus que toutes les autres comprises par lâenfant. (âŠ)
En tant quâĆuvres dâart, les contes de fĂ©es prĂ©sentent de nombreux aspects qui vaudraient dâĂȘtre explorĂ©s en dehors de leur signification et de leur portĂ©e psychologiques qui font lâobjet de ce livre. Notre hĂ©ritage culturel, par exemple, trouve son expression dans les contes de fĂ©es et il est transmis Ă lâesprit des enfants par son intermĂ©diaire[1]. »
L'unicité qui existe dans les divers textes appartenant au domaine du conte, auquel appartient le conte limousin, a été éclairée à travers les leçons de Vladimir Propp, énoncées dans son livre Morphologie du conte (ouvrage initialement publié en 1928) :
« Quelles sont les conclusions que ce schĂ©ma[2] permet de tirer ? Dâabord, il confirme notre thĂšse gĂ©nĂ©rale sur lâuniformitĂ© absolue de la structure des contes merveilleux. Les variations de dĂ©tail isolĂ©es ou les exceptions ne brisent pas la constance de cette loi.
Apparemment, cette premiĂšre conclusion gĂ©nĂ©rale ne sâaccorde pas du tout avec nos idĂ©es sur la richesse et la diversitĂ© des contes merveilleux[3]. »
Les collecteurs de contes
Le collecteur de contes effectue ce travail indispensable qui permet de garder trace de récits qui ne sont connus que dans la mémoire de personnes du Limousin qui connaissent tel ou tel récit merveilleux qui n'a pas été, jusque-là , transcris dans une forme écrite et publiable.
On peut citer, parmi les écrivains qui ont collecté des contes limousins (les collecteurs ont souvent recueilli la version d'un conte, qui est un récit déjà connu, une version qui est propre à la personne qui est sollicitée par la collectrice / le collecteur), deux auteurs qui ont joué un rÎle important pour la connaissance du conte limousin.
- Marcelle Delpastre, née en 1925, prÚs de Chamberet, en CorrÚze, décédée en 1998, se met, dans les années 1960, à collecter et à réécrire des contes traditionnels limousins ; ces contes sont publiés en langue limousine, avec une traduction française ; le premier de ces recueils est publié en 1970 sous le titre « Contes populaires du Limousin. »[4]
- Claude Seignolle, nĂ© en 1917, Ă PĂ©rigueux', a commencĂ© par collecter le patrimoine lĂ©gendaire des rĂ©gions françaises ; les rĂ©sultats de ses collectes ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans plusieurs volumes ; en 1997, une rĂ©Ă©dition de ces contes a vu le jour sous le titre Contes, rĂ©cits et lĂ©gendes des pays de France, avec l'un des volumes de cette publication, le tome 2, qui est consacrĂ© au conte limousin (ainsi qu'au contes des rĂ©gions suivantes : Paris, Ăle-de-France, Val de Loire, Berry, Sologne). »[5]
La collecte des rĂ©cits auprĂšs des conteurs et des conteuses est faite aussi, naturellement, par des personnes qui nâont pas pour but, dans leur travail, de produire des textes, soit rĂ©-Ă©crits Ă partir de telle ou telle version dâun conte, soit inventĂ©s autour de tel ou tel motif de conte limousin.
Ces personnes, qui sont des spĂ©cialistes dans divers domaines, ceux du folklore, de lâethnologie, de la littĂ©rature populaire, de la langue limousine, ont, en fait, un autre objectif, qui est de proposer des recueils rassemblant des versions de contes, transcrites fidĂšlement (et non pas rĂ©-Ă©crites), Ă , partir de lâĂ©coute de conteurs et de conteuses.
- GeneviÚve Massignon propose ainsi, dans son ouvrage De bouche à oreilles : le conte populaire français, 9 récits qui ont été recueillis en Charente limousine[6].
- Une autre anthologie de contes a Ă©tĂ© constituĂ©e par deux collecteurs, Jacques Chauvin et Jean-Pierre Baldit, tous les deux professeurs, linguistes, spĂ©cialistes de la langue dâoc ; ces textes ont Ă©tĂ© publiĂ©s sous le titre de Contes populaires du Limousin : la Haute-Marche, Lemouzi, n° 118, Tulle, 1991 ; on trouve dans ce recueil de contes 10 contes facĂ©tieux dâanimaux, 18 rĂ©cits de diableries, 8 contes merveilleux ; quatre de ces contes viennent de lâouvrage de Darchy, Les Contes de la Marche[7].
En matiÚre de recueils de contes qui sont des anthologies de récits collectés auprÚs des conteurs et des conteuses par des collecteurs ou des collectrices, spécialistes de la culture populaire, il faut, bien sûr, citer ici le trÚs important ouvrage de Paul Delarue et Marie-Louise TénÚze, Le Conte populaire français, publié en 4 tomes, entre 1957 et 1985, et réédités par Maisonneuve et Larose, en 2002. Cette grande et précieuse compilation de contes présente le texte intégral de plus de 200 récits, dont quelques-uns appartiennent au domaine du conte limousin[8].
Le conte limousin : petit historique
Le savoir le plus reconnu dans le domaine du conte a donc Ă©tĂ© rassemblĂ© par Paul Delarue qui a dĂ©crit le Conte français dans le passĂ© dans la prĂ©face du tome premier de lâouvrage[9] dont il a Ă©tĂ© lâinitiateur, et qui a Ă©tĂ© poursuivi par Marie-Louise TĂ©nĂšze, Le Conte populaire français[10].
Concernant les siÚcles qui précÚdent le XVIIe siÚcle, Jean Rouquette, traitant de la littérature d'oc pour toutes les régions concernées par cette littérature, a célébré le conte :
« C'est Ă ce moment (aux XIVe et XVe siĂšcles) qu'on commence Ă suivre la crĂ©ation populaire de contes, de noĂ«ls, de poĂ©sie folklorique, de priĂšres plus ou moins magiques (Lo Verbe Ă Dieu), et de chansons qui forment le capital de la littĂ©rature orales du Pays d'Oc. [âŠ]
Il se constitua Ă cette Ă©poque (ou mĂȘme antĂ©rieurement), la plus merveilleuse des proses, celle du conte populaire, la plus riche d'expression, la plus sensible au rythme du sentiment, au sens profond du mythe. Cette littĂ©rature est orale, et on la trouve Ă cent Ă©tats diffĂ©rents ; un conte avance dans le temps et dans l'espace, chargĂ© des tours nouveaux, des trouvailles, des dĂ©veloppements, voire des interprĂ©tations de chaque gĂ©nĂ©ration de conteurs[11]. »
Pour la période qui est celle de la fin du XVIIe siÚcle, et celle du XVIIIe siÚcle, Paul Delarue évoque trois courants, pour ainsi dire.
- Il y a le courant, qui débute vers 1685, qui voit naßtre les « recueils de Charles Perrault, et de Marie-Catherine d'Aulnoy, inégalement nourris de tradition orale[9]. »
- Il y a ensuite le courant de la littĂ©rature de colportage, qui commence vers 1720, et Paul Delarue relĂšve « lâinfluence de lâimprimĂ© sur le courant traditionnel[9]. »
- Il y a Ă©galement un courant, qui se manifeste par moments, Ă partir de 1750 environ, Ă travers telle ou telle publication (on pense, par exemple, aux rĂ©cits de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont), et il sâagit dâune littĂ©rature « dont les auteurs ne puisaient quâexceptionnellement dans le rĂ©pertoire populaire[9]. »
Un domaine voisin de celui du conte est celui de la fable ; dans ce domaine de la fable figure le recueil de Jean-Baptiste Foucaud, Quelques fables choisies de La Fontaine, mises en vers patois limousin[12], publiĂ© en 1809 ; ce recueil se place dans lâhĂ©ritage des courants du XVIIIe siĂšcle, et il est, en quelque sorte, le « grand ancĂȘtre » dans la catĂ©gorie littĂ©raire qui est celle du conte limousin. Une vingtaine dâannĂ©es plus tĂŽt, un autre auteur limousin, François Richard composait des textes qui se rapprochent de ceux de Jean-Baptiste Foucaud, des poĂ©sies, et aussi des rĂ©cits en forme de fables ou de contes[13].
Les récits de Jean-Baptiste Foucaud sont donc publiés à Limoges en 1809, et on constate que, dans les soixante années qui suivent cette publication, soit pendant deux générations, pour ainsi dire, le conte limousin est un genre ignoré des milieux littéraires et scientifiques, et cela est également vrai pour les contes de toutes les régions de France : « Vers 1860, La France ne possÚde encore aucun recueil de contes populaires qui aient été recueillis avec un minimum de garanties scientifiques[9]. »
Ă lâinverse, les deux gĂ©nĂ©rations qui suivent, des annĂ©es 1860 jusquâĂ la fin de la premiĂšre guerre mondiale, sont riches, pour le conte limousin, en publications, ou bien de recueils de contes « rĂ©crits » par des Ă©crivains (comme AndrĂ© LĂ©o, Jean Grange, ou JĂ©rĂŽme Tharaud et Jean Tharaud), ou bien de compilations de rĂ©cits recueillis par des collecteurs (comme Pierre-Paul Dachy, Denis Roche, ou Georges-Michel Coissac).
Dans la gĂ©nĂ©ration suivante, celle qui suit la premiĂšre guerre mondiale, ce qui est vrai pour le conte français, en gĂ©nĂ©ral, est Ă©galement vrai pour le conte limousin : « Entre les deux guerres mondiales, lâĂ©tude et les recherches sur le conte sont Ă peu prĂšs suspendues en France[9]. »
Dans les deux gĂ©nĂ©rations les plus proches de nous, qui sont celles qui mĂšnent de la fin de la seconde guerre mondiale jusquâĂ nos jours (en 2012), nous assistons, pour le conte français, comme pour le conte limousin, Ă la publication de recueils, assez nombreux, qui prĂ©sentent, soit « des contes sophistiquĂ©s, arrangĂ©s par des Ă©crivains[9] », soit « des contes authentiques tels quâils sont sortis de la bouche du peuple[9] » ; on comprend que cette collecte de contes se fait moins prolifique, au fur et Ă mesure que le temps passe ; il reste que tout le travail de collecte qui a Ă©tĂ© fait aprĂšs 1945 nous a laissĂ© de prĂ©cieux recueils de contes, comme ceux de Paule Lavergne, ou ceux de Marcelle Delpastre, ou encore ceux de Claude Seignolle.
Pour le XXe siÚcle, Charles Camproux, traitant de la littérature d'oc dans toute son étendue géographique, a rendu hommage au genre littéraire du conte :
« Le conte, la nouvelle et le roman ont une importance non nĂ©gligeable. La quantitĂ© n'en est pas trĂšs grande, sauf en ce qui concerne le conte, comme il est naturel pour une littĂ©rature Ă©crite dans une langue essentiellement populaire. Il est inutile de signaler ici la multitudes des conteurs depuis Mistral. Il n'est aucune des nombreuses revues locales, fĂ©librĂ©ennes ou non, aucun des journaux, surtout hebdomadaires qui n'ait accordĂ© leur place aux conteurs populaires. La rĂ©union de tous ces contes en volumes constituerait Ă elle seule une bibliothĂšque. Beaucoup, d'ailleurs, sont demeurĂ©s anonymes. Cependant, ils sont, pour la plupart, Ă©crits en une prose pleine de qualitĂ©s littĂ©raires bien que, ou plutĂŽt parce que toujours trĂšs prĂšs du style mĂȘme du peuple, de celui de ces conteurs dont les trouvailles quotidiennes resteront toujours inconnues pour n'avoir eu qu'une existence purement orale[14]. »
Des auteurs et des recueils de contes
Les auteurs d'une « bibliothÚque idéale »
Parmi les auteurs de cette « bibliothĂšque idĂ©ale » du conte limousin, le nombre dâĂ©crivains fĂ©minins est assez important, reprĂ©sentant environ un tiers du total ; les auteurs qui ont prĂ©sentĂ©, dans les recueils quâils ont publiĂ©s, des rĂ©cits en langue limousine est important Ă©galement, avec environ un tiers des ouvrages qui contiennent des textes en langue limousine ; les auteurs liĂ©s au mouvement du fĂ©librige sont prĂ©sents dans cette liste, comme Marcellin Caze, Pierre Verlhac et Henri Monjauze, EusĂšbe Bombal, Marguerite Priolo, et on peut relever le rĂŽle jouĂ© par le FĂ©librige limousin (mouvement visant Ă la sauvegarde, lâillustration et la promotion de la langue limousine et de la culture spĂ©cifique du Limousin) dans la collecte des contes.
- François Richard, né en 1733
- Jean-Baptiste Foucaud, né en 1747
- Jean-François Bonnafoux, né en 1801
- Paul Ratier, né en 1809
- Marcellin Caze, né en 1811
- Ălie Berthet, nĂ© en 1815
- André Léo (nom de plume de Victoire Léodile Champseix), née en 1824
- Pierre-Paul Darchy, né en 1825
- Jean Grange, né en 1827
- EusÚbe Bombal, né en 1827
- Alfred Assolant, né en 1827
- Lingamiau (nom de plume d'Edouard Cholet), né en 1833
- Louis Guibert, né en 1840
- Louis Duval, né en 1840
- Gaston Vuillier, né en 1845
- Jeanne France (nom de plume de Gabrielle Gomien), née en 1848
- Ferdinand Brunot, né en 1860
- Jeanne de Sazilly, née en 1862
- Pierre Verlhac, né en 1864 et Henri Monjauze, né en 1865
- Marie Bosle, née en 1866
- Denis Roche, né en 1868
- Georges Michel Coissac, né en 1868
- André Montaudon, né en 1868
- Louis de Nussac, né en 1869
- Louis-Alexandre Dupeyrat-Sébastien, né en 1869
- Jean-Baptiste ChÚze, né en 1870
- Adolphe Van Bever, né en 1871
- Fernand Vialle, né en 1873
- Jean Nesmy (nom de plume de Henry Surchamp), né en 1876
- Gabriel Nigond, né en 1877
- Jean Rebier, né en 1879
- Marguerite du Muraud, née en 1879
- Georges Nigremont (nom de plume de Léa Védrine), née en 1885
- Albert Pestour, né en 1886
- Louisa Paulin, née en 1888
- Charles Silvestre, né en 1889
- Edmond Blanc, né en 1889
- Marguerite Priolo, née en 1890
- Léonce Bourliaguet, né en 1895
- Paule Lavergne (nom de plume de Paule Dumur), née en 1897
- Albert Goursaud, né en 1899
- René Bonnet, né en 1905
- Edmond Panet, né en 1906
- Albertine Cadet, née en 1915
- Claude Seignolle, né en 1917
- Louis Dhéron, né en 1920
- GeneviÚve Massignon, née en 1921
- PanazÎ (nom de plume d'André Dexet), né en 1921
- Michel Peyramaure, né en 1922
- Marcelle Delpastre, née en 1925
- Suzanne Dumas, née en 1925
- Heni Demay, né en 1929
- Maurice Robert, né en 1930
- Roland Berland, né en 1932
- Noël Gayraud, né en 1936
- Yves Lavalade, né en 1939
- Andrée Paule Fournier, née en 1939
- Jacques Chauvin, né en 1945
- Pierre-Yves Demars, né en 1945
- Jan dau Melhau, né en 1948
- Béatrice Gérard-Simonet, née en 1952
- Dominique Bertail, né en 1972
- Michaël Bettinelli, né en 1983
La « bibliothÚque idéale »
Cette « bibliothĂšque idĂ©ale » prĂ©sente des Ćuvres qui sont vieilles de plus de 12 ans (en 2012), qui ont donc Ă©tĂ© publiĂ©es avant 2000, et qui sont donc comme des « classiques » du genre, et qui couvrent deux siĂšcles de publication de recueils de contes :
Années 1790 à 1839
- François Richard, Poésies en patois limousin et en français, Limoges, Vve H. Ducourtieux, 1899 (ces piÚces contiennent fables et contes et datent des années 1780)
- Jean-Baptiste Foucaud, Quelques fables choisies de La Fontaine, mises en vers patois limousin, avec le texte français à cÎté, Limoges, J.-B. Bargeas, 1809
Années 1840 à 1879
- Ălie Berthet, La famille du paysan ; Le loup-garou, Paris, De Vigny, 1843
- Duléry (Abbé), Rochechouart, histoire, légendes, archéologie, Limoges, Impr. de Ducourtieux, 1855
- Louis Guibert, LĂ©gendes du Limousin, Paris, P.-M. Laroche, 1865
- Jean-François Bonnafoux, Légendes et croyances superstitieuses, conservées dans le département de la Creuse, Guéret, Vve Bétoulle, 1867
- André Léo (nom de plume de Victoire Léodile Champseix), Légendes corréziennes, Paris, Hachette, 1870
- Paul Ratier, Les LĂ©gendes marchoises, Roanne, Impr. de Marion et Vignal, 1870
- Alfred Assolant, François Buchamort, récits de la vieille France, Paris, Impr. de Cusset, 1873
- Louis Duval, Esquisses marchoises, superstitions et légendes, histoire et critique, Paris, Champion, 1879
Années 1880 à 1914
- Lingamiau, Patoiseries illustrées. La Gnorla de Lingamiau, Limoges, Ducourtieux, (s. d.), vers 1880
- Pierre-Paul Darchy, Les Contes de la Marche, Guéret, Impr. de R. Delage et D. Joucla, 1885
- Marcellin Caze, Fables, contes et gnorles en langue limousine et traduction française (la majoritĂ© de ces Ćuvres ont Ă©tĂ© publiĂ©es dans les annĂ©es 1890), revue Lemouzi, no 140, Tulle, 1996
- Pierre Verlhac et Henri Monjauze, Nouvelles limousines, Paris, A. Lemerre, 1891
- Jean Grange, Les Confessions d'un mendiant, suivi de : Le Garde-fou. Les Contes du trouvÚre. Une Parisienne en Limousin. Le Trésor de Saint-Sébastien, Tours, A. Mame et fils, 1892
- Jeanne France (nom de plume de Gabrielle Gomien), Contes enfantins. Les 7 péchés capitaux, Pontarlier, Thomas frÚres, 1892
- EusĂšbe Bombal, Le Conte limousin de Champalimau, Tulle, Impr. de Crauffon, 1893
- Louis de Nussac, Dires limousins : La Noël (étude, chants et contes). La cité des coujous (légende), Brive, Impr. Roche, 1893
- Fernand Vialle, Contes pour hommes, Brive, Impr. De Verlhac, 1894
- Marcellin-M. Gorse, Au bas pays de Limosin, Ă©tudes et tableaux, Paris, E. Leroux, 1896
- Louis-Alexandre Dupeyrat-Sébastien, Valentin Lavierlo, ou le Paysan médecin, conte en patois des environs de Guéret (dialecte du Midi), Guéret, Impr. de P. Amiault, 1896
- Gaston Vuillier, En Limousin : sorcellerie, croyances et coutumes populaires, récits publiés dans la revue « Le Tour du monde », 1899-1901
- André Montaudon, Légendes de la Creuse, Guéret, 1901
- Gabriel Nigond, Les contes de la Limousine, Paris, A. Michel, 1903
- Denis Roche, Contes limousins recueillis dans l'arrondissement de Rochechouart, texte patois et texte français, Paris, Nouvelle librairie nationale, 1909
- Adolphe Van Bever, Auvergne et Limousin, histoire, tableaux pittoresques, poésies, chansons populaires, contes et légendes, Paris, Compagnie des chemins de fer de Paris à Orléans, sans date, vers 1913
- Georges Michel Coissac, Mon Limousin, Paris, A. Lahure, 1913
- Ferdinand Brunot, Traditions. France. Limousin, enregistrement sonore (reproduction numérisée sur 3 disques compacts en 2000), 1913
Années 1914 à 1945
- Marguerite Priolo, « Legendas lemouzinas ». Légendes limousines, avec traduction française en regard du texte, Brive, Impr. de Roche, 1915
- Marguerite Priolo, « Countes del meirilher ». Contes du marguillier, avec traduction française en regard du texte, Brive, Impr. de Bessot et Guionie, 1916
- GeneviĂšve Maury, L'Enfant Ă la charrue, huit contes limousins du temps de guerre, Paris, J. Meynial, 1918
- Edmond Blanc, Contes de la Saint-Sylvestre, Paris, Librairie Picart, 1921
- Louis Dhéron, Ultime veillée : souvenirs et contes creusois au temps des loups, Crozant, M. Dhéron, 1922
- Louis Queyrat, Contribution à l'étude du parler de la Creuse. Le Patois de la région de Chavanat. 1re Partie. Grammaire et Folklore, Guéret, J. Lecante, 1924
- Jean Nesmy (nom de plume de Henry Surchamp), Contes limousins, Paris, Ăditions Spes, 1925
- Jeanne de Sazilly, Légendes limousines, Paris, Société Paris-Publicité, 1929
- Marguerite du Muraud, Dans les pas des Anciens, Limoges, Guillemot et de Lamothe, 1933
- Charles Silvestre, Le livre dâun terrien, suivi de : trois contes pour la veillĂ©e, Paris, Nouvelle Revue Critique, 1934
- Marie-Alice Barachy, Contes du pays creusois, DĂŽle, Presse jurassienne, 1939
- Georges Nigremont (nom de plume de Léa Védrine), Contes et légendes de l'Auvergne, de la Marche et du Limousin, Paris, Gedalge, 1940
- Mme Monéger, Deux contes limousins, Paris, H. Didier, 1940
- Louisa Paulin, L'escaliĂšr de veire ; Aires vilatgeses ; Planhs e autres poĂ«mas ; virats en occitan e presentats per JĂČrdi Blanc(ces Ćuvres ont Ă©tĂ© publiĂ©es dans les annĂ©es 1940), Andouque, Vent Terral, 1994
- LĂ©once Bourliaguet, Contes du Chabridou, Limoges, Lavauzelle, 1942
- LĂ©once Bourliaguet, Contes de Jeannot Lapin, Limoges, Charles-Lavauzelle, 1943
- LĂ©once Bourliaguet, Contes de la folle avoine, Limoges, Charles-Lavauzelle, 1945
Années 1946 à 1980
- Françoise Myrh, LĂ©gendes limousines ; 15 contes et lĂ©gendes du Limousin, Limoges, Ăditions S.E.O.S.C., 1946
- Jean Rebier, Lou Toupi sabourous, niorlas lemousinas, Limoges, Ăditions du Galetou, 1947
- Collectif, Contes et rĂ©cits de l'Ami Coop, supplĂ©ment littĂ©raire de l'Ăcolier limousin, 1re annĂ©e, no 1, Limoges, FĂ©dĂ©ration des coopĂ©ratives scolaires de la Haute-Vienne, 1950
- Paule Lavergne (nom de plume de Paule Dumur), RĂ©cits de lâancien temps, Limoges, Dessagne, sans date, vers 1950
- Marie-Louise Bardon Saint-LĂ©ger, Marie St LĂ©ger. Broutilles, contes et fables, Mortemart, Rougerie, 1953
- Edmond Panet, Contes de la Marche, Bischwiller, L. Schneider, 1954
- Jean Portail (nom de plume de Jeanne Dessuet), Contes et légendes de la Marche et du Limousin, Paris, F. Nathan, 1954
- Marie-Louise Bardon Saint-Léger, Légendes limousines et contes. Raconte grand-mÚre. (1.) La Pierre aux oiseaux, Limoges, M. Dugénit, 1954
- Marie-Louise Bardon Saint-Léger, Légendes limousines et contes. Raconte grand-mÚre. (2.) La Dame blanche, Limoges, M. Dugénit, 1955
- GeneviÚve Maury, Contes démodés, Paris, Diffusion Le Guide, 1955
- Marie-Louise Bardon Saint-Léger, Légendes limousines et contes. Raconte grand-mÚre. (3.) La Gourgou. Le Loup-garou, Limoges, M. Dugénit, 1956
- Albert Pestour, Una nuech demest las nuechs⊠Tres contes ondrats d'eimatges per Alain Carrier e dos nadalets, Périgueux, 1958
- Paule Lavergne (nom de plume de Paule Dumur), Contes de l'Issoire, Mortemart, Rougerie, 1964
- Marie-Louise Bardon Saint-Léger, Légendes limousines et contes. Raconte grand-mÚre. (4.) Il était une fois Noël, Limoges, M. Dugénit, 1964
- Marie-Louise Bardon Saint-Léger, Légendes limousines et contes. Raconte grand-mÚre. (5.) Kaoline la fée, Limoges, M. Dugénit, 1966
- Paule Lavergne (nom de plume de Paule Dumur), Histoires et légendes de Gajoubert, Limoges, Dessagne, 1967
- Albert Goursaud, Pierres à légendes et pierres curieuses du Limousin : département de la Haute-Vienne, Limoges, Société d'ethnographie du Limousin, de la Marche et des régions voisines, 1969
- Paule Lavergne (nom de plume de Paule Dumur), Histoire de Mortemart, Mortemart, Rougerie, sans date, vers 1970
- Jean-Baptiste ChĂšze, Contes et niorles de Jean de la lune, en langue limousine, dans Jean-Baptiste ChĂšze, Ćuvres ComplĂštes, revue Lemouzi, no 36 bis, Tulle, 1970
- Marcelle Delpastre, Contes populaires du Limousin, revue Lemouzi, no 33, Tulle, 1970
- Paule Lavergne (nom de plume de Paule Dumur), Les Aventures de Jean le Sot, Limoges, Société d'ethnographie du Limousin et de la Marche, 1971
- Albertine Cadet et GĂ©rald Thomas, Contes de Jean-le-Sot, revue Lemouzi, no 43bis, Tulle, 1972
- Andrée Paule Fournier, Louis du Limousin : petit paysan du XIXe siÚcle, Paris, Flammarion, 1972
- Henri Demay, Le Traquenard et autres contes, Paris, Ăditions du Cercle international de la pensĂ©e et des arts français, CIPAF, 1973
- Marcelle Delpastre, Nouveaux contes et proverbes limousins, revue Lemouzi, no 50, Tulle, 1974
- Serge Marot, La Chabra e los chabrits (Traduction de : La ChĂšvre et les biquets), Paris, Flammarion, 1976
- Serge Marot, Los Tres tessons (Traduction de : Trois petits cochons), Paris, Flammarion, 1976
- M. Massy, La Rosa, Limoges, La Clau lemosina, 1977
- Jean Raymond Frugier, Contes du Limousin, Paris, La Pensée universelle, 1977
- Claude Seignolle, Contes, rĂ©cits et lĂ©gendes des pays de France : Tome 4, Paris, Ăle-de-France, Val de Loire, Berry, Sologne, Limousin (ces rĂ©cits ont Ă©tĂ© publiĂ©s en 1977), Paris, Omnibus, 1997
- Suzanne Boucheron, Les Contes du Courtioux, Limoges, La Clau lemosina, 1978
- Marc Ballot, Au pays corrézien, Paris, Magnard, 1978
- Marcelle Delpastre, Lo Conte de Vira-Boton. Contes populaires du Limousin. (3e série), revue Lemouzi, no 66, Tulle, 1978
- Madeleine Chauvin, Tres contes de la marcha occitana, Meuzac, Oc Segur, 1978
- François Vincent, Boireton, Limoges, CLĂO, 1979
- Jehan Du Chard, Fancheta, suivi de Le Jardinier dau covent, Guéret, UFOLEA, 1979
Années 1981 à 1999
- Gui Rogier, Contes d'a Senta-Anna, Limoges, La Clau lemosina, 1981
- Marie Bosle et Jacques Chauvin, Las IstoÚras de la Maria, Guéret, UFOLEA, 1981
- René Bonnet, Contes et récits de la ville et de la campagne, Bassac, Plein chant, 1982
- Gilbert Laconche, LĂ©gendes et diableries creusoises, Saint-Sulpice-les-Champs, Verso, 1982
- GeneviÚve Massignon, De bouche à oreilles : le conte populaire français, Paris, Berger-Levrault, 1983
- PanazÎ (André Dexet), Le Petit monde de PanazÎ, Limoges, L. Souny, 1983
- Yves Lavalade, çĂČ ditz lo lop : le loup en Limousin, rĂ©el et imaginaire, Limoges, La Clau lemosina, 1985
- Antoinette Cougnoux, Contes des MonédiÚres, revue Lemouzi, no 94, Tulle, 1985
- Roland Berland, Lo Pitit LoĂŻs e son chen, Limoges, La Clau lemosina, 1986
- Pierre Lallet, Contes e racontes : Chasteu-Chervic (Lemosin), Limoges, La Clau lemosina, 1987
- Roland Berland, Lo Lop seguia la nóça. Le loup qui suivait la noce, Limoges, La Clau lemosina, 1988
- Suzanne Dumas, Contes pebrats de la Catarina daus Ponts, Limoges, La Clau lemosina, 1988
- Simon Louradour, Un goût de terroir, Treignac, Les MonédiÚres, 1990
- Jacques Chauvin et Jean-Pierre Baldit, Contes populaires du Limousin : la Haute-Marche, revue Lemouzi, no 118, Tulle, 1991
- Pierre Chassain, Contes des forĂȘts et des landes limousines, Neuvic Entier, Ed. de la Veytizou, 1991
- Gilbert Laconche, Légendes et diableries de Haute-Vienne, Guéret, Verso, 1994
- Gilbert Laconche, Légendes & diableries de CorrÚze : contes des veillées d'autrefois, Ahun, Verso, 1994
- Marc Riou, Jean-Philippe Bramanti, Dominique Bertail, Pleine lune : trois contes du pays de Guéret, Guéret, Verso, 1994
- Collectif, Contes creusois d'hier et d'aujourd'hui, avec le concours des enfants de la Maternelle Assolant, Creuse, Ahun, Verso, 1995
- Béatrice Gérard-Simonet, Contes du pays creusois : les veillées de chanvre, Paris, Royer, 1996
- Jan dau Melhau, Contes du Limousin, Paris, Flammarion, 1997
- Nicole Pignier, Paroles de lĂ©gendes, Limoges, Ăd. Flanant, 1997
- François Guyot, Heurs et malheurs du diable en Limousin : CorrÚze, Creuse, Haute-Vienne, Limoges, SELM, 1997
- Marcelle Delpastre, Le tombeau des ancĂȘtres : coutumes et croyances autour des fĂȘtes chrĂ©tiennes et des cultes locaux, Paris, Payot, 1997
- Jan dau Melhau, 19 contes du Limousin, Paris, Flammarion, 1998
- Gilles Rossignol, Nouveaux contes et nouvelles de la Creuse, avec quelques histoires galantes, Saint-Paul, L. Souny, 1998
- Gilles Rossignol, Nouveaux contes et nouvelles de la Creuse : avec quelques histoires galantes, Saint-Paul, L. Souny, 1998
- Michel Peyramaure, La cabane aux fĂ©es et autres histoires mystĂ©rieuses, Monaco, Ăd. du Rocher, 1999
Le conte limousin aujourd'hui
La liste suivante inclut des contes, publiés plus récemment, soit dans des recueils, soit dans des revues :
- Jan dau Melhau, Trois contes, Paris, Ăd. Plein Chant, 2000
- Marcelle Delpastre, Le Bourgeois et le Paysan, Les contes du feu, Paris, Payot, 2000
- Simon Louradour, Contes et légendes du pays d'Eygurande, Eygurande, Association pour le développement et l'animation du pays d'Eygurande, 2000
- Maurice Robert, Le pays de ChĂąlus : hier et aujourd'hui : histoire, patrimoine, traditions, Jourgnac, RM consultant, 2001
- Olivier Durif, Noël qui vient, Noël qui va ! (Enregistrement sonore sur CD), L'Autre distribution, 2002
- Victor Tourane, Contes, légendes, diableries⊠en pays limousin, creusois et occitan, Limoges, V. Tourane, 2002
- Simon Louradour, Terres de lĂ©gendes, Neuvic-Entier, Ăd. de la Veytizou, 2003
- Pascal Jourde, Contes extraordinaires d'une veillée limousine, Saint-Paul, L. Souny, 2005
- Marie-France Houdart, Des Andes au Limousin : pays de Martial et Leonarda : contes et récits, LamaziÚre-Basse, Maïade, 2005
- Fred Treglia, Les fées. Les contes du Limousin ; tome 1, Limoges, Mégalithes productions, 2006
- Fred Treglia, L'ogre de Montaigu ou Les petits poucets du Limousin. Les contes du Limousin ; tome 2, Limoges, MĂ©galithes productions, 2006
- Roger Maudhuy, Le Limousin des légendes, Saint-Paul, L. Souny, 2007
- 2 contes de Pierre Gandois, « La tombe sans nom du cimetiÚre de Viam », et « Les soldats anglais emportés par les eaux sur le vieux pont de Viam », publiés dans la revue Lemouzi, no 182, Tulle, 2007
- NoĂ«l Gayraud, En MonĂ©diĂšres : contes et lĂ©gendes, Tulle, Ăd. de la Rue MĂ©moire, 2008
- Fred Treglia, Monstres et chevaliers. Les contes du Limousin ; tome 3, Limoges, MĂ©galithes productions, 2008
- Christian PĂ©nicaud, Limousin, les histoires extraordinaires de mon grand-pĂšre, Romorantin, CPE-Reflets de terroir, 2009
- Jean-Claude Vignaud, Marceline et les autres. Contes de la Gartempe, Paris, Publibook, 2009
- Colette Vialle-Mariotat, Contes de lâeschalier : istoiras de Telhet e dâalhors, Uzerche, Institut dâĂ©tudes occitanes du Limousin, 2010
- Michaël Bettinelli, CountÚs. Le grimoire pourpre 1, Limoges, Les Ardents, 2011
- Michaël Bettinelli, Les sorciÚres rouges. Le grimoire pourpre 2, Limoges, Les Ardents, 2011
- Michaël Bettinelli, Le roi silencieux. Le grimoire pourpre 3, Limoges, Les Ardents, 2012
- Pierre-Yves Demars, Le renard et la caverne : douze contes insolites pour un pays caché, LamaziÚre-Basse, Maïade, 2012
ĂlĂ©ments constitutifs du conte
ĂlĂ©ments thĂ©matiques : quelques motifs
- « la chasso voulanto », selon le nom de ce thÚme en langue limousine : la chasse volante, en français.
La chasse volante, Ă©galement connue sous le nom de Chasse fantastique, Ă©voque le grand bruit dâune tempĂȘte nocturne, et aussi des vols d'oiseaux migrateurs, et Ă©galement, dans lâesprit de certains, des cavaliers en chasse et des meutes de chiens, emportĂ©s dans les airs[15].
Voici la chasse volante, dĂ©nommĂ©e ici « chasse galerine », telle quâelle est Ă©voquĂ©e dans lâun des rĂ©cits des recueils de notre « BibliothĂšque idĂ©ale » : « Ă l'Ă©poque de l'Avent, il n'y a pas que les loups-garous qui se promĂšnent. La chasse galerine se met en voyage. On dit que ce sont les Ăąmes des enfants morts sans baptĂȘme et pourchassĂ©s par le dĂ©mon. Ces pauvres enfants poussent des cris terribles, surtout la nuit, dans les bois, pour appeler Ă leur secours. Un chevalier qui traversait une forĂȘt, en plein minuit, au temps de l'Avent, entendit ces cris et il comprit ce que c'Ă©tait. Il planta son Ă©pĂ©e en terre, mit son mouchoir dessus et dit : « Je veux ĂȘtre parrain ». Les cris cessĂšrent aussitĂŽt, et des voix demandĂšrent, de tous cĂŽtĂ©s : - Est-ce vrai ? Est-ce vrai ? Est-ce bien vrai ? - Oui, dit le chevalier. Câest la vĂ©ritĂ©. Je veux vous servir de parrain Ă tous. Alors trois anges descendirent du ciel ; ils baptisĂšrent les enfants sur lâĂ©pĂ©e du chevalier ; et les bruits terrifiants cessĂšrent pour toujours dans cette contrĂ©e. »[16]
- « lo meneu de lou », selon le nom de ce thÚme en langue limousine : le meneur de loups, en français.
Le Meneur de loups est un personnage lĂ©gendaire, qui existe dans les contes du Limousin, comme dans les contes dâautres rĂ©gions de France ; de telles personnes ont un pouvoir leur permettant de commander aux animaux[17].
Voici un meneur de loups dont le rĂŽle, Ă©trange et important, est mis en lumiĂšre dans lâun des textes de notre « BibliothĂšque idĂ©ale » : « On raconte trĂšs sĂ©rieusement qu'un propriĂ©taire de la commune de Laroche, prĂšs Feyt, canton d'Eygurande, village de TrĂ©mouline, n'eut jamais de moutons dĂ©vorĂ©s par suite de la prĂ©caution qu'il prenait de faire « enclaver » le loup. Les troupeaux du voisinage furent au contraire constamment dĂ©cimĂ©s. Comme il est d'usage en ce pays, aussi bien que sur tout le plateau de Millevaches, de laisser au berger la tenue d'une ou de plusieurs bĂȘtes Ă laine avec celles du maĂźtre, il arriva qu'une jeune bergĂšre, nouvellement louĂ©e, adjoignit au troupeau une brebis qui lui appartenait. La brebis fut dĂ©vorĂ©e le jour mĂȘme, le propriĂ©taire ayant nĂ©gligĂ© de prĂ©venir le meneur de loups. »[18]
- « lo lougorou » ou encore « lo leberou », selon le nom de ce thÚme en langue limousine : le loup-garou, en français.
Le Loup-garou est un homme, et parfois une femme, qui ont la capacité de se transformer en un loup, ou en une créature proche du loup[19].
Voici comment est dĂ©crit un loup garou dans lâun des rĂ©cits des recueils de notre « BibliothĂšque idĂ©ale » : Au temps jadis, les gens croyaient beaucoup au loup-garou. C'est une bĂȘte, le loup-garou, qui marchait debout sur deux pattes et qui avait de la fourrure sur le dos, comme une sauvagine, une queue, et du poil aussi long que celui du loup, aussi raide que celui du sanglier. En rĂ©alitĂ©, ce n'Ă©tait peut-ĂȘtre pas vraiment une bĂȘte. Si on le voyait la nuit, c'Ă©tait une bĂȘte, et l'on pouvait en avoir peur. Mais le jour, c'Ă©tait un homme ordinaire, Ă n'y rien connaĂźtre. On lui parlait, et il faisait son travail comme tout un chacun. C'Ă©tait peut-ĂȘtre votre voisin, ou votre pĂšre. Une seule chose aurait donnĂ© Ă penser : dans son Ă©tat d'homme comme dans celui de bĂȘte, le loup-garou se lĂ©chait les lĂšvres. Leu-leu - tout Ă coup, il sortait le bout de sa langue et se lĂ©chait les lĂšvres[4].
ĂlĂ©ments dramatiques : les personnages
- Les animaux que lâon rencontre dans ces rĂ©cits appartiennent au mĂȘme bestiaire que celui des contes dâautres rĂ©gions françaises, ou mĂȘme de certains autres pays europĂ©ens. On peut mettre en valeur lâun de ces animaux, le loup, cette bĂȘte qui semble avoir Ă©tĂ© crĂ©Ă©e pour sâattaquer Ă toutes les espĂšces vivantes. Voici le loup, dĂ©peint ici dâune maniĂšre amusante (on nâoubliera pas quâil projette de manger un agneau pour son dĂ©jeuner), dans lâun des rĂ©cits des recueils de notre « BibliothĂšque idĂ©ale » :
« Un matin, en se rĂ©veillant, le loup pĂ©ta trois fois : prot !⊠prot !⊠prot !⊠- Diable !⊠dit-il, pĂ©ter Ă jeun nâest pas bon signe. Je verrai bien ce qui mâarrivera⊠à prĂ©sent, il me faut penser Ă dĂ©jeuner. OĂč vais-je me diriger ?⊠Le loup se trouvait au sommet de la Jarrige, en bordure du taillis, et, de lĂ -haut, il voyait le village de Chastagnol, et aussi les bĂȘtes qui commençaient Ă sortir des Ă©tables⊠- Tiens !⊠dit-il, je vais me rendre par lĂ -bas⊠Il y a un peu de temps que je nây suis pas allĂ©. Et le loup de prendre la course, et de se diriger vers Chastagnol. »[20]
- Les personnes que lâon dĂ©couvre dans les contes sont, dâune part, des personnages qui appartiennent au domaine du merveilleux, princes, fĂ©es, lutins, et, dâautre part, tous ces caractĂšres que lâon rencontre dans les hameaux, les bourgs, les villes du Limousin, paysans, artisans, notables. On peut ainsi mettre en lumiĂšre lâun de ces personnages, la bergĂšre, qui est parfois jeune, parfois ĂągĂ©e, qui peut prendre les habits de la sorciĂšre ou bien ceux de la fĂ©e. Voici la bergĂšre, prĂ©sentĂ©e dans un rĂŽle convenu, tel que cela est attendu pour un personnage de conte, attendant le prince charmant, avec, soudain, lâapparition dâun individu bien redoutable, dans lâun des rĂ©cits des recueils de notre « BibliothĂšque idĂ©ale » :
« Une bergĂšre dont le nom nâa pas Ă©tĂ© retenu â vous comprendrez pourquoi â gardait son petit troupeau dans les landes sauvages du Puy de Pauliat, qui domaine Obazine, en chantant les pastourelles que les veillĂ©es nous ont conservĂ©es. Comme dans les contes de tous les pays, la plupart Ă©voquent lâapparition du beau seigneur, du prince charmant qui vient parfois surprendre, et mĂȘme Ă©pouser la petite bergĂšre. (âŠ) Et notre bergĂšre, en gardant ses moutons, rĂȘvait que vers elle viendrait aussi un jour le gentil seigneur. Il fut soudain devant elle, Ă quelques pas. Beau certes, vĂȘtu de riches habits, il eĂ»t Ă©tĂ© sĂ©duisant si, dans ses yeux froids, nâavait brillĂ© une Ă©trange lueur, comme une petite flamme dansante, diabolique. La bergĂšre en fut glacĂ©e de terreur, car câĂ©tait bien le diable, qui avait si souvent hantĂ© ses nuits. »[21]
- Les paysans et les bergĂšres, tout comme les loups et les autres animaux des contes, ont des liens avec un monde dont les manifestations vont au-delĂ des Ă©vĂ©nements communs de la vie de tous les jours, et ce monde est celui du merveilleux. On est lĂ dans le domaine des diables et des sorciers ; sorciers et sorciĂšres sont des personnages importants dans le conte limousin. Voici comment est prĂ©sentĂ©e une sorciĂšre dans lâun des rĂ©cits des recueils de notre « BibliothĂšque idĂ©ale » : « Au bourg de Monteladone, il y avait autrefois une vieille femme qui vivait avec sa petite-fille Silvine.
Autant la grand-mĂšre Ă©tait travailleuse et bien tenue, autant la petite-fille Ă©tait sale et fainĂ©ante ; elle passait ses journĂ©es Ă courir le village et les champs en chemise et les cheveux au vent. Elle faisait toutes sortes de mauvais tours aux gens du village et se bataillait sans cesse avec les garçons. Pour toutes ces raisons, on lâavait surnommĂ©e la « Gorra » ; elle Ă©tait devenue « Silvina la Gorra ».
Il faut ajouter Ă tout ce que lâon vient de dire que la grand-mĂšre passait dans le village pour ĂȘtre un peu « fachiniĂšra », câest-Ă -dire sorciĂšre. »[7], un texte qui a Ă©tĂ© rĂ©Ă©ditĂ© dans Lemouzi, en 1991[22].
ĂlĂ©ments stylistiques : quelques formulettes de fin
Les conteurs et conteuses des temps passĂ©s, comme ceux et celles dâaujourdâhui, disposent de divers moyens pour divertir les petits et les grands, Ă travers les rĂ©cits quâils Ă©crivent ou bien Ă travers les textes quâils restituent oralement ; lâune de ces pratiques est celle de la « formulette de fin ».
La « formulette de fin » est une maniĂšre malicieuse de clore un rĂ©cit ; voici trois formulettes de fin qui sont utilisĂ©s dans le conte limousin, et que lâon retrouve, çà et lĂ , dans le corpus de textes du conte limousin, tel que nous lâavons prĂ©sentĂ©, plus haut, comme la « BibliothĂšque idĂ©ale » :
- on dit dans la langue limousine : « E si tot aquo es vertat, quo es que mon conte es achabat », ce que lâon peut traduire, en français, par : « Et si tout ça est vĂ©ritĂ©, câest que mon conte est achevĂ© ».
- on dit dans la langue limousine : « Passa per un piti cro de ra, et vĂ©quĂ© moun countĂ© tchaba », ce que lâon peut traduire, en français, par : « Je suis passĂ© par un petit trou de rat, et voici mon conte achevĂ© ».
- on dit dans la langue limousine : « Mas quo-qui, quo es nâautra historia e per aura, mon conte es dich », ce que lâon peut traduire, en français, par : « Mais ceci est une autre histoire, et, pour lâheure, mon conte est dit ».
Présence du conte limousin
Les revues ; les sites en ligne
Deux revues ont joué (une de ces deux revues, Lemouzi, existe encore, et elle joue un rÎle important dans le domaine du conte limousin) un rÎle significatif dans la mise en valeur des contes limousins.
- La premiĂšre de ces revues, la Revue des traditions populaires, est nĂ©e en 1886, Ă l'initiative de savants intĂ©ressĂ©s par l'ethnologie et le folklore, tel Paul SĂ©billot, des savants qui avaient crĂ©Ă© en 1885 la SociĂ©tĂ© des traditions populaires ; cette revue a publiĂ© de nombreux textes, dans le domaine du conte, jusqu'en 1919, et, parmi ces textes, on trouve des contes limousins. Pour donner un exemple de ce travail de collecte et d'Ă©dition de contes, on peut citer les cinq contes limousins suivants, publiĂ©s dans la Revue des traditions populaires, 12e annĂ©e ; tome XII ; n° 10 ; octobre 1897, pages 533-542[23] : Le serpent de la rose ; La Belle-Ătoile ; Marianne et les quarante voleurs ; Le roi de France ; L'aveugle. Ces rĂ©cits ont Ă©tĂ© collectĂ©s sous le titre « Contes populaires du Limousin » par JohannĂšs Plantadis (ce paronyme est orthographiĂ© « JoannĂšs Plantadis » dans la publication de 1897).
- Lâautre revue est Lemouzi, qui est la Revue fĂ©librĂ©enne et rĂ©gionaliste du Limousin, dirigĂ©e par Robert Joudoux depuis 1961. Cette revue rĂ©alise un travail important pour le conte limousin, et plusieurs numĂ©ros spĂ©ciaux ont Ă©tĂ© publiĂ©s par Lemouzi dans les 40 derniĂšres annĂ©es, dans ce domaine du conte limousin, chacun de ces numĂ©ros Ă©tant un recueil de contes, prĂ©facĂ© par Robert Joudoux, la plupart Ă©tant illustrĂ© avec des photographies ou des dessins originaux. Voici ces numĂ©ros spĂ©ciaux qui sont au catalogue de la revue Lemouzi : Marcelle Delpastre, Contes populaires du Limousin, revue Lemouzi, no 33, Tulle, 1970 ; Albertine Cadet et GĂ©rald Thomas, Contes de Jean-le-Sot, revue Lemouzi, no 43bis, Tulle, 1972 (recueil illustrĂ© par des dessins d'Edouard Renaud et de Raymond Texier) ; Marcelle Delpastre, Nouveaux contes et proverbes limousins, revue Lemouzi, no 50, Tulle, 1974 ; Marcelle Delpastre, Lo Conte de Vira-Boton. Contes populaires du Limousin. (3e sĂ©rie), revue Lemouzi, no 66, Tulle, 1978 (recueil illustrĂ© par des dessins de Ch. Cougnoux) ; Antoinette Cougnoux, Contes des MonĂ©diĂšres, revue Lemouzi, no 94, Tulle, 1985 (recueil illustrĂ© par des dessins de Ch. Cougnoux) ; Jacques Chauvin et Jean-Pierre Baldit, Contes populaires du Limousin : la Haute-Marche, revue Lemouzi, no 118, Tulle, 1991 (recueil illustrĂ© par des photographies).
- Il faut ajouter Ă ces deux revues, le nom d'une autre revue, qui a publiĂ©, en langue limousine, pendant des annĂ©es, des rĂ©cits dont certains appartiennent au domaine du conte limousin. Il s'agit de la revue « Galetou », dont le premier numĂ©ro paraĂźt en 1935, Ă l'initiative de Jean Rebier, qui assure une grande partie de la rĂ©daction de cette revue ; « Galetou » paraĂźt de 1935 Ă 1939, puis de 1946 Ă 1952 ; en 1936, « Galetou » est complĂ©tĂ© par un almanach, « LâArmana dau Galetou », qui est publiĂ© jusquâen 1959 ; il est Ă noter que Jean Rebier a Ă©galement participĂ© Ă la revue Lemouzi, dĂšs les premiĂšres annĂ©es de publication de cette revue, qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e par Joseph Roux, puis qui a cessĂ© de paraĂźtre, et qui, enfin, en 1961, a Ă©tĂ© relancĂ©e sous l'impulsion de Robert Joudoux.
Les sites Internet qui traitent du conte limousin sont, à la fois assez peu nombreux, et également d'une richesse plutÎt modeste en nombre de récits qui appartiennent au domaine du conte limousin[24].
Les festivals de contes
Le conte limousin est mis en valeur avec beaucoup d'Ă©clat, et avec un grand retentissement dans la vie culturelle de la rĂ©gion Limousin, Ă travers trois manifestations qui, par leur dimension, mĂ©ritent d'ĂȘtre mises en lumiĂšre, parmi toutes les animations, rencontres, consacrĂ©es au conte limousin. Ces trois festivals sont connus comme : « Les SortilĂšges de la pleine lune » ; « Coquelicontes » ; « Paroles de Conteurs ».
- Le festival « Les SortilĂšges de la pleine lune » est nĂ© en 1995, Ă l'initiative de conteurs limousins, et de l'Office de Tourisme des Monts de GuĂ©ret ; ce festival se dĂ©roule, depuis quelques annĂ©es, dans un lieu tout Ă fait exceptionnel, le parc animalier des Monts de GuĂ©ret, « Les loups de ChabriĂšres », qui se trouve dans la ForĂȘt de ChabriĂšres ; ce festival met en avant, Ă travers des balades contĂ©es, le bestiaire du conte limousin, et, bien sĂ»r, en prioritĂ©, le loup.
- Le festival « Coquelicontes » s'est dĂ©veloppĂ©, Ă partir de 1996, sous l'impulsion de l'association ALCOL, Association Limousine de CoopĂ©ration pour le Livre, qui est maintenant associĂ©e au Centre rĂ©gional du livre en Limousin ; ce festival s'est Ă©galement dĂ©veloppĂ© Ă l'initiative des BibliothĂšques de prĂȘt de CorrĂšze, de Creuse, et de Haute-Vienne ; il a l'originalitĂ© d'ĂȘtre fait de spectacles prĂ©sentĂ©s dans un grand nombre de lieux diffĂ©rents, et c'est donc un festival itinĂ©rant qui vient animer les agglomĂ©rations rurales, des plus importantes aux plus petites ; les manifestations sont des spectacles de contes, donnĂ©s dans des lieux de nature trĂšs diverse (bibliothĂšques, salles polyvalentes, mais aussi des musĂ©es ou des cafĂ©s), lieux auxquels doivent s'adapter conteuses et conteurs.
- Le festival « Paroles de Conteurs » existe depuis 1995, Ă l'initiative de la Maison du Tourisme de VassiviĂšre, cette manifestation Ă©tant ensuite prise en charge par la FĂ©dĂ©ration des Ćuvres LaĂŻques de la Creuse ; ce festival se tient dans l'ile de VassiviĂšre, qui se trouve au centre du Lac de VassiviĂšre, ainsi que dans divers bourgs situĂ©s autour du lac ; ce festival se caractĂ©rise par son ambition de prĂ©senter la plus grande variĂ©tĂ© possible d'expressions artistiques liĂ©es aux activitĂ©s des conteuses et des conteurs ; cette manifestation prĂ©sente l'originalitĂ© de mettre l'accent sur la profession de conteur et sur la promotion des activitĂ©s liĂ©es aux arts du rĂ©cit.
- On doit ajouter ici quâun trĂšs important festival, le Festival des Francophonies en Limousin, est une manifestation annuelle qui fait sa place au conte, du Limousin, de France, de tous les pays francophones. Ainsi, pour lâĂ©dition 2012 de cette manifestation, ont Ă©tĂ© invitĂ©s Ă se produire des conteurs tel que François Godard, conteur français, nĂ© en 1974 Ă Poitiers, ou Ben Zimet, chanteur et conteur yiddish, nĂ© en 1936 Ă Anvers, deux artistes qui sont, lâun et lâautre, liĂ©s au Limousin[25].
Les thĂšmes du conte dans le roman
Le conte limousin a des prolongements dans la littĂ©rature romanesque ; on trouve ainsi, dans trois ouvrages de fiction, d'Ă©poque diffĂ©rente, et tous les trois Ćuvres dâauteurs liĂ©s au Limousin, lâun des thĂšmes des contes et des lĂ©gendes du limousin, la chasse volante, un nom que lâon donne Ă un Ă©pisode de tempĂȘte nocturne, avec un fracas assourdissant, un vent violent, et des images et des bruits de cavaliers et de chiens, qui semblent emportĂ©s comme par une malĂ©diction dans une course sans fin.
- Le premier exemple date du milieu du XIXe siĂšcle. Ălie Berthet, Ă©crivain nĂ© Ă Limoges en 1815, fait intervenir la chasse volante dans son roman, Le Loup-garou, une rĂ©fĂ©rence qui semble venir tout naturellement ici, dans ce dialogue entre une jeune fille, Suzette, et son interlocuteur, Michel, fĂ©ru de sorcellerie : « Suzette se leva prĂ©cipitamment comme pour se rendre sur-le-champ Ă l'endroit dĂ©signĂ©, bien qu'on fĂ»t Ă peine en ce moment au milieu du jour. Cette impatience parut de bon augure au rusĂ© devin, qui soupçonnait encore quelques Ă©cus dans la pochette de sa dupe. Il retint la jeune fille par un geste amical :
- Tu as bien le temps, dit-il ; reste un peu avec moi, tu es une bonne fille. Ah ça, j'espÚre que tu ne vas pas avoir peur ce soir, si tu entends derriÚre toi quelque chose d'extraordinaire ; surtout garde toi bien de faire le signe de croix !
- Et que pourrai-je entendre, bon Dieu ! demanda Suzette avec inquiétude.
- Mais⊠des cris effrayants, des voix qui te diront des injures, peut-ĂȘtre des claquements de fouet et le bruit de la âchasse volanteâ. Je t'ai avertie, ne te retourne pas, ou je ne rĂ©ponds de rien[26]. » - Le deuxiĂšme exemple date du dĂ©but des annĂ©es 1980. Claude Michelet, Ă©crivain nĂ© Ă Brive en 1938, utilise le thĂšme de la chasse volante dans son roman, Les palombes ne passeront plus, avec l'Ă©vocation de cette course sans fin dâĂąmes damnĂ©es : « Il[27] lui avait racontĂ© depuis longtemps l'anecdote qui l'avait tant impressionnĂ© lorsque, tout gamin, il avait entendu sa grand-mĂšre et sa mĂšre assurer que le malheur Ă©tait sur Mathilde, alors bĂ©bĂ©, car elle avait Ă©tĂ© conçue une nuit au cours de laquelle passait une chasse volante, un vol de grues, en l'occurrence ! Mais Ă l'Ă©poque, ni sa mĂšre, ni sa grand-mĂšre n'avaient voulu admettre cette explication ! C'Ă©taient des damnĂ©s qui criaient, non les oiseaux ! Elles y croyaient, et ferme ! Quoi d'Ă©tonnant d'ailleurs, on avait beau ĂȘtre en 1936, Pierre-Edouard connaissait encore un certain nombre de vieux â et mĂȘme de jeunes - qui se signaient toujours lorsque passait une chasse volante[28]. »
- Le troisiĂšme exemple date de la fin des annĂ©es 2000, et voici comment Anne Clancier, auteure nĂ©e Ă Limoges en 1913 (Ă©pouse de Georges-Emmanuel Clancier), donne une version moderne du thĂšme de la chasse volante dans lâun des rĂ©cits d'un recueil de nouvelles publiĂ© sous le titre « La traversĂ©e » : « Il m'est arrivĂ© une Ă©trange aventure.
Par une chaude journĂ©e de juillet, je rentrais chez moi, m'attardant Ă regarder les derniers rayons du soleil couchant sur les vitrines du boulevard Saint-Germain. Je jetais un regard sur le sol du trottoir et j'eus la surprise de dĂ©couvrir un personnage blanc se dĂ©tachant sur le gris du bitume. Je n'avais jamais remarquĂ© qu'il y eĂ»t des dessins sur le trottoir, hormis quelques graffiti. Je restais immobile, me demandant quel Ă©tait ce personnage, je dĂ©couvris qu'il s'agissait d'un chasseur, car il portait un fusil qu'il pointait vers le ciel. Pourquoi un chasseur Ă cet endroit, juste devant l'entrĂ©e de la banque, pourquoi cette petite silhouette imprimĂ©e sur le trottoir ? Ătait-ce un repĂšre pour un braquage ? La vengeance d'un actionnaire déçu par les conseils du banquier ? Perplexe, je continuai mon chemin en regardant le sol. Ă peine Ă©tais-je arrivĂ© devant le cafĂ© oĂč j'ai coutume de prendre mon dĂ©jeuner que je vis sur le sol un cheval, de face, semblant fondre sur moi. Heureusement qu'il Ă©tait de petite taille : environ vingt centimĂštres. TroublĂ©, je poursuivis ma route. Devant le marchand de journaux, je dĂ©couvris, juste devant l'entrĂ©e du magasin, un cheval blanc, de profil, au galop, ayant d'ailleurs fort belle allure. C'en Ă©tait trop, comment avais-je pu ignorer des dessins, alors que je faisais tous les jours ce trajet[29]. »
Prolongements
Bande dessinée, cinéma, audio-guide
Le recueil de conte, dans la tradition des recueils de contes des temps passés, a été, et il est encore aujourd'hui, une publication qui a été, et qui est encore, souvent enrichie par des illustrations. Il en est ainsi de l'ouvrage de GeneviÚve Maury, « L'Enfant à la charrue, huit contes limousins du temps de guerre », publié en 1918, et qui a été illustré de gravures sur bois par François-Louis Schmied, artiste suisse, né en 1873, peintre, graveur, éditeur, personnalité du mouvement Art déco. Un second exemple de recueil illustré par un artiste de grande notoriété avec l'ouvrage de Gabriel Nigond, « Les contes de la Limousine », publié en 1903, et qui a été illustré par Fernand Maillaud, né en Indre en 1862, peintre, illustrateur, qui se rattache au courant du postimpressionnisme.
- Cette pratique consistant à illustrer les recueils de contes a un prolongement dans un art qui est florissant à notre époque, l'art de la bande dessinée, et l'on voit des ouvrages de BD, inspirés par le conte limousin, qui sont publiés, comme les livres suivants : l'ouvrage de Pascal Jourde, « Contes extraordinaires d'une veillée limousine », édité en 2005 ; l'ouvrage de Fred Treglia, "Les fées. Les contes du Limousin. Tome 1", publié en 2006, ou bien encore l'ouvrage de Michaël Bettinelli, "CountÚs. Le grimoire pourpre 1", paru en 2011.
- Le cinĂ©ma, une autre forme d'art de trĂšs grande importance Ă notre Ă©poque, a Ă©tĂ© utilisĂ© par scĂ©naristes et metteurs en scĂšne pour mettre en valeur le conte limousin ; on peut citer l'exemple de l'ouvrage de BĂ©atrice GĂ©rard-Simonet, « Contes du pays creusois : les veillĂ©es de chanvre », publiĂ© en 1996 ; ce recueil de contes a fait l'objet d'un film, distribuĂ© en 1998 par la maison de production installĂ©e Ă VendĆuvres, en Indre, Lancosme multimĂ©dia ; ce film, « Les veillĂ©es de chanvre : contes du pays creusois », a Ă©tĂ© mis en scĂšne par Claude-Olivier DarrĂ©, et il illustre trois rĂ©cits du recueil de contes de BĂ©atrice GĂ©rard-Simonet : « La Mort de l'Evangeline », « Les Novis de Champeix », « L'Aiguillade ».
- Une initiative intĂ©ressante, et originale, dans le domaine du conte limousin, est Ă signaler, et il s'agit du projet Randopod, qui a Ă©tĂ© mis en place en 2010, et qui consiste Ă proposer aux marcheurs venant faire des randonnĂ©es dans les rĂ©gions de Bugeat et de Sornac, un lecteur sur lequel sont enregistrĂ©s des rĂ©cits d'auteurs liĂ©s au Limousin. Le support de ce lecteur est connu comme le « Randopod » (marque dĂ©posĂ©e), qui est donc un bĂąton de randonnĂ©e Ă©quipĂ© d'un systĂšme audio ; il y a trente textes qui peuvent ĂȘtre Ă©coutĂ©s, rĂ©cits, lĂ©gendes et contes, tout au long de 27 sentiers balisĂ©s au cĆur du parc naturel rĂ©gional de Millevaches en Limousin ; la plupart des auteurs de ces rĂ©cits sont liĂ©s au Limousin, comme Ălie Berthet, Pierre-Paul Darchy, Pierre Gandois, Jean Giraudoux, Louis Guibert, AndrĂ© LĂ©o, Edouard Michaud, Gaston Vuillier. Ce projet a Ă©tĂ© mis en place par lâOffice de Tourisme du canton de Bugeat, en partenariat avec les Amis du Pays de Bugeat, une association locale, et la CommunautĂ© de Communes Bugeat-Sornac ; le conte limousin est donc lĂ prĂ©sent de maniĂšre trĂšs vivante, agrĂ©mentant la marche des promeneurs qui sillonnent les sentiers de Haute-CorrĂšze[30].
Autres Ă©crivains limousins ; autres contes
- Georges Fourest, Ă©crivain, poĂšte, est nĂ© Ă Limoges en 1864 ; il a liĂ© son nom au genre du conte, en publiant un recueil, qui est une suite de nouvelles burlesques, Contes pour les satyres, recueil publiĂ© Ă Paris, aux Ăditions Messein, en 1923, rĂ©Ă©ditĂ© Ă Paris, aux Ăditions JosĂ© Corti, en 1990 ; ces textes ne sont pas des contes merveilleux, sans doute, mais on peut noter que l'un de ces rĂ©cits emprunte son titre Ă un thĂšme familier aux contes : « Le Loup-garou ».
- JĂ©rĂŽme Tharaud, est nĂ© en 1874, Ă Saint-Junien, en Haute-Vienne, comme son frĂšre Jean Tharaud, nĂ© en 1877 ; ces deux auteurs ont produit une Ćuvre riche et diverse, cosignĂ©e de leurs deux noms, avec, par exemple, des ouvrages nourris par les souvenirs de leurs voyages ; les frĂšres publient un recueil de contes, Ă Paris, en 1902, La lĂ©gende de la vierge, aux Cahiers de la quinzaine ; ces textes sont des rĂ©cits qui font penser aux « vies exemplaires » des personnages de la tradition religieuse chrĂ©tienne ; lâun de ces textes, « La folle sacristine », Ă©voque des paysages qui pourraient ĂȘtre ceux du Limousin.
- Jean Giraudoux, Ă©crivain, dramaturge, et Ă©galement diplomate, est nĂ© en 1882 Ă Bellac en Haute-Vienne ; sa bibliographie comporte un recueil de textes, Les Contes d'un matin, publiĂ© dans les journaux « Le Matin » et « Paris-Journal », dans les annĂ©es 1908-1912, et Ă©ditĂ© en recueil Ă Paris, aux Ăditions Gallimard, en 1952 ; ces textes sont des nouvelles plutĂŽt que des contes, mais on trouve, parmi ces rĂ©cits, l'un d'eux, qui fait rĂ©fĂ©rence au merveilleux, d'une certaine façon : « Le cyclope ».
- Georges-Emmanuel Clancier, écrivain, poÚte, est né en 1914 à Limoges ; il a publié deux contes, qui ont fait chacun l'objet d'un ouvrage illustré, et qui s'inscrivent dans le périmÚtre du conte limousin : L'Enfant de neige, Paris, Casterman, 1978 ; L'Enfant qui prenait le vent, Paris, Casterman, 1984.
Les contes ; les rumeurs
L'idĂ©e selon laquelle les rĂ©cits anciens du conte limousin sont maintenant dans leur quasi-totalitĂ© comme « figĂ©s » dans la transcription Ă©crite qui a Ă©tĂ© faite de ces rĂ©cits par celles et ceux qui ont ou bien collectĂ© ou bien rĂ©crit ces histoires, cette idĂ©e n'est pas juste. On peut dire, en effet, que le « merveilleux », loin d'ĂȘtre « figĂ© » dans nos sociĂ©tĂ©s contemporaines, continue Ă vivre, Ă se construire, mĂȘme si cela se fait dans un cadre qui n'est plus celui des veillĂ©es dans le cantou[31].
Cette dynamique du « merveilleux » est bien réelle et elle peut prendre des chemins comme celui de l' « histoire de soucoupes volantes », ou bien comme celui de la « légende contemporaine », une « rumeur », en quelque sorte, qui est ici plus souvent « rumeur rurale » que « rumeur urbaine » ; ces histoires circulent dans les familles, dans le monde du travail, dans les lieux publics ; les thÚmes de contes modernes sont véhiculés par les radios, les journaux, les télévisions, les réseaux sociaux de l'Internet ; on voit vivre ici une littérature orale, dense et complexe, qui se retrouve, à son tour, transcrite dans des récits.
Des chercheurs ont bien identifié cette situation : « Nous voyons en effet que ces « voyages », en écrit ou « en corps », se poursuivent dans les récits d'enlÚvement par des O.V.N.I. L'ethnologue Bertrand Méheust (note sur l'ouvrage cité ici : Bertrand Méheust, En soucoupes volantes : vers une ethnologie des récits d'enlÚvements, Paris, Ed. Imago, 1992) montre bien comment s'hybrident des croyances populaires anciennes et le « légendaire soucoupique » et constate que la « mythologie fantastique » contemporaine se constitue de débris recombinés et resémantisés des anciens légendaires. »[19]
Notes et références
- Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, Laffont, 1986.
- Note : il sâagit dâun schĂ©ma dĂ©crivant la structure dâun rĂ©cit, exprimĂ© comme une formule mathĂ©matique.
- Vladimir Propp, Morphologie du conte, Seuil, 2007.
- Marcelle Delpastre, Contes populaires du Limousin, revue Lemouzi, n° 33, Tulle, 1970.
- Claude Seignolle, Contes, rĂ©cits et lĂ©gendes des pays de France : Tome 4, Paris, Ăle-de-France, Val de Loire, Berry, Sologne, Limousin (ces rĂ©cits ont Ă©tĂ© publiĂ©s en 1977), Paris, Omnibus, 1997.
- GeneviÚve Massignon, De bouche à oreilles : le conte populaire français, Paris, Berger-Levrault, 1983.
- Pierre-Paul Darchy, Les Contes de la Marche, Guéret, impr. de R. Delage et D. Joucla, 1885.
- Paul Delarue & Marie-Louise TénÚze, Le Conte populaire français, Maisonneuve et Larose, 2002.
- Paul Delarue & Marie-Louise TénÚze, Le Conte populaire français, tome premier, Maisonneuve et Larose, 1957.
- Quatre tomes publiés entre 1957 et 1985.
- Jean Rouquette, La Littérature d'oc, Paris, P.U.F., 1968.
- Jean-Baptiste Foucaud, Quelques fables choisies de La Fontaine, mises en vers patois limousin, avec le texte français à cÎté, Limoges, J.-B. Bargeas, 1809.
- François Richard, Poésies en patois limousin et en français, Limoges, Vve H. Ducourtieux, 1899 (ces piÚces contiennent fables et contes et datent des années 1780).
- Charles Camproux, Histoire de la littérature occitane, Paris, Payot, 1971.
- Claude Lecouteux, Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au Moyen Ăge, Paris, Imago, 1999.
- Paule Lavergne, RĂ©cits de lâancien temps, Limoges, Dessagne, sans date, vers 1950.
- Ădouard Brasey, La Petite EncyclopĂ©die du merveilleux, Paris, Le PrĂ© aux Clercs, 2007.
- Gaston Vuillier, En Limousin : sorcellerie, croyances et coutumes populaires, récits publiés dans la revue "Le Tour du monde", 1899-1901.
- Claude Lecouteux, FĂ©es, SorciĂšres et Loups-Garous : histoire du double au Moyen Ăge, Paris, Imago, 1992.
- Antoinette Cougnoux, Contes des MonédiÚres, revue Lemouzi, no 94, Tulle, 1985.
- Marc Ballot, Au pays corrézien, Paris, Magnard, 1978.
- Jacques Chauvin et Jean-Pierre Baldit, Contes populaires du Limousin : la Haute-Marche, revue Lemouzi, no 118, Tulle, 1991.
- Revue des traditions populaires, consultable sur le site Gallica de la BibliothĂšque nationale de France.
- Note : on signale ci-dessous, dans « Liens externes », sous l'intertitre « Présentent des contes limousins : », les sites qui donnent les textes de contes limousins.
- La programmation du Festival des Francophonies en Limousin peut ĂȘtre consultĂ©e sur Internet.
- Ălie Berthet, Le Loup-garou, Paris, De Vigny, 1843.
- Note : il s'agit de Pierre-Edouard, agriculteur corrézien, époux de Mathilde, et féru de chasse, de chasse à la palombe, en particulier.
- Claude Michelet, Les palombes ne passeront plus, Paris, R. Laffont, 1980.
- Anne Clancier, La Traversée : contes et récits, Paris, L'Harmattan, 2009.
- Une description du Randopod peut ĂȘtre vue sur le site.
- Albert Goursaud, La SociĂ©tĂ© rurale traditionnelle en Limousin, Paris, Ăditions Maisonneuve et Larose, 1976.
Voir aussi
Bibliographie
- Georges-Emmanuel Clancier, La Vie quotidienne en Limousin au XIXe siĂšcle, Paris, Hachette, 1976
- Collectif, « Monsieur le Conteur, vous parlez comme un livre ! », dans revue du livre et de la lecture en Limousin Machine à feuilles, numéros 17-18, décembre 2003
- Paul Delarue & Marie-Louise TénÚze, Le Conte populaire français, Maisonneuve et Larose, 2002
- Jean Rouquette, La Littérature d'oc, Paris, P.U.F., 1968
- Michel Desforges, Encres limousines, Limoges, Ă©ditions Lucien Souny, 1998
Articles connexes
Liens externes
- (fr) Centre régional du livre en Limousin
- (fr) Revue Lemouzi revue régionaliste et félibréenne trimestrielle