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Mort civile

La mort civile est la « cessation de toute participation aux droits civils »[1]. Elle consiste en l'extinction légalement prononcée, pour une personne de sa personnalité juridique, ce qui emporte une privation générale des droits. La personne est réputée ne plus exister, bien qu'elle soit vivante physiquement. Il s'agit donc d'une fiction juridique.

La mort civile pouvait ĂȘtre une peine supplĂ©mentaire pour les personnes condamnĂ©es Ă  des peines de prison Ă  perpĂ©tuitĂ© ou en instance d'une exĂ©cution capitale.

La mort civile pouvait aussi ĂȘtre un fait juridique pour les personnes entrĂ©es dans le clergĂ©, justifiĂ© par leur dĂ©sengagement dans la sociĂ©tĂ© laĂŻque.

La mort civile n’est plus utilisĂ©e de nos jours, car on considĂšre qu'elle porte atteinte Ă  la dignitĂ© de la personne humaine. Toutefois, la perte de la personnalitĂ© juridique peut encore exister en droit positif, laissant penser Ă  une survivance trĂšs attĂ©nuĂ©e de cette mort civile.

Histoire

En droit grec

Un citoyen pouvait ĂȘtre condamnĂ© Ă  la peine de mort civile.

En droit romain

Le droit romain fut le premier Ă  inventer le concept de personnalitĂ© juridique, dissociant ainsi la personne de l'ĂȘtre humain. Celui qui est frappĂ© par la mort civile est encore un ĂȘtre humain mais n'est plus une personne, puisqu'il n'a plus la personnalitĂ© juridique. La mort civile n'Ă©tait prĂ©vue par les Romains que dans le cas oĂč un citoyen Ă©tait maintenu en captivitĂ© par les ennemis. Les romanistes mĂ©diĂ©vaux ajoutĂšrent le cas de l'entrĂ©e en religion, de l'incarcĂ©ration dans une lĂ©proserie, et de certaines condamnations pĂ©nales.

En Ancien droit et droit moderne

Jusqu’au milieu du XIXe siĂšcle, une catĂ©gorie d’individus bien vivants physiologiquement furent considĂ©rĂ©s comme "morts pour le monde" et traitĂ©s juridiquement comme tels. Il s’agissait :

Les personnes ainsi condamnées étaient réputées mortes au regard du droit:

« Le condamnĂ© encore vivant est dĂ©pouillĂ© de ses biens ; le condamnĂ© est incapable de succĂ©der ; les biens acquis par le condamnĂ© aprĂšs sa condamnation tombent en dĂ©shĂ©rence et font retour Ă  l’Etat ; le condamnĂ© est incapable de contracter mariage lĂ©gitime, s’il Ă©tait mariĂ© antĂ©rieurement son mariage est dissous. »

Les consĂ©quences de la mort civile furent reprises par l’article 25 du Code NapolĂ©on. L’individu frappĂ© de mort civile Ă©tait considĂ©rĂ© comme ayant perdu sa personnalitĂ© juridique. Sa succession Ă©tait immĂ©diatement ouverte, ses biens lui Ă©taient enlevĂ©s pour ĂȘtre aussitĂŽt attribuĂ©s Ă  ses enfants. De plus son Ă©ventuel testament antĂ©rieur, quoique Ă©tabli du temps de sa capacitĂ© juridique, Ă©tait annulĂ©, de sorte que c’était toujours une succession ab intestat qui s’ouvrait. Le condamnĂ© Ă©tant rĂ©putĂ© mort, son mariage Ă©tait dissous. Son conjoint, devenu libre, pouvait se remarier avec une autre personne. Si le conjoint continuait Ă  vivre avec le mort civil, il y avait concubinage et non plus mariage et les enfants qui pouvaient naĂźtre Ă  l'avenir Ă©taient illĂ©gitimes.

Bien que l’article 25 du Code civil français n’en parlĂąt point, le mort civil perdait ses droits politiques et civiques. Il ne pouvait plus ĂȘtre ni Ă©lecteur, ni candidat, ni fonctionnaire, ni jurĂ©, ni expert, ni tĂ©moin.

Le mort civil perdait aussi certains droits civils: le droit de se marier, le droit d’agir en justice, le droit de reconnaĂźtre ses enfants naturels, la puissance paternelle, le droit d’ĂȘtre tuteur, le droit de faire ou de recevoir des libĂ©ralitĂ©s, le droit de recueillir une succession.

Le mort civil conservait cependant le droit de passer des contrats Ă  titre onĂ©reux, ce qui permettait de gagner de l’argent en travaillant, d’acheter, de vendre, de devenir crĂ©ancier ou dĂ©biteur. Seulement, lorsqu’il Ă©tait partie Ă  un procĂšs, il ne pouvait plaider que par l’intermĂ©diaire d’un curateur spĂ©cial qui lui Ă©tait nommĂ© par le tribunal et quand il mourait de mort naturelle, les biens qu’il avait pu acquĂ©rir depuis sa mort civile revenaient Ă  l’État par droit de dĂ©shĂ©rence.

Le principe de la mort civile Ă©tait critiquĂ©. On lui reprochait surtout de lĂ©ser des innocents (la femme et les enfants du coupable), et, en ouvrant immĂ©diatement sa succession, de faire profiter sa famille d’un crime. De plus, en s’emparant des biens que le condamnĂ© laissait Ă  son dĂ©cĂšs, l’État pratiquait une vĂ©ritable spoliation des hĂ©ritiers.

En Russie, la Rousskaïa Pravda prévoyait la peine de "potok", qui entraßnait la confiscation des biens du coupable et lui conférait le statut d'esclave.

En 1716, le RĂšglement militaire de Pierre le Grand prĂ©voit la peine de dĂ©gradation publique (Chelmovanie), qui rappelle la mort civile. L'intĂ©ressĂ© Ă©tait alors considĂ©rĂ© comme "exclu du nombre des gens biens et fidĂšles", il ne pouvait ĂȘtre tĂ©moin. À l'exception du meurtre, les auteurs d'infractions quelconques commises Ă  son Ă©gard n'encouraient pas de sanction pĂ©nale. En 1766, cette peine a Ă©tĂ© remplacĂ©e par la privation de droits, c'est-Ă -dire la limitation de certains Ă©lĂ©ments de la capacitĂ© juridique, mais elle n'a pas Ă©tĂ© supprimĂ©e en totalitĂ©[2].

Abolition de la mort civile au XIXe siĂšcle

Abolition de la mort civile au XXe siĂšcle

Une forme de survivance de mort civile ?

L'absence

Dans le systĂšme actuel, le jugement dĂ©claratif d'absence prononce une forme de mort civile d'une personne qui peut ĂȘtre physiquement vivante. Le jugement d'absence (10 ans aprĂšs la dĂ©couverte de l'absence) entraĂźne alors la transmission du patrimoine aux hĂ©ritiers et autorise le conjoint Ă  se remarier.

Cependant, le droit positif a prĂ©vu une rĂ©versibilitĂ© : il a fallu prĂ©voir l'Ă©ventualitĂ© d'un retour de l'absent, prononcĂ©e alors par le tribunal de grande instance. L'attribution renouvelĂ©e d'une personnalitĂ© juridique Ă  celui qui est revenu est trĂšs justement appelĂ©e par les civilistes une rĂ©surrection[7]. À l'issue de ce jugement, l'absent revenu jouit Ă  nouveau de sa pleine et entiĂšre personnalitĂ© juridique.

Si l'individu est mort avant le jugement déclaratif d'absence, c'est au contraire une situation inverse qui prévaut : sa personnalité juridique survit à son existence terrestre jusqu'à la date du jugement.

Informations diverses

Condamnés célÚbres à la mort civile

  • Jacques Édouard Stuart (1688-1766), fut emmenĂ© en exil Ă  la cour française de Saint-Germain-en-Laye lorsque son pĂšre fut chassĂ© du pouvoir par la Seconde RĂ©volution d’Angleterre. En 1701, Ă  la mort de son pĂšre, Louis XIV le proclama successeur officiel du trĂŽne d’Angleterre. Mais l’opinion anglaise restait opposĂ©e Ă  Jacques Édouard Ă  cause de sa foi catholique. Le Parlement anglais vota donc l’Acte de succession, puis un dĂ©cret de confiscation des biens et de mort civile contre lui.
  • Jules de Polignac, premier ministre lors de la rĂ©volution de 1830, fut condamnĂ© Ă  la prison Ă  perpĂ©tuitĂ© et Ă  la mort civile.

Citations de juristes

  • « Les personnes qui sont l’objet de nos lois sont celles qui jouissent de la vie civile. La vie civile n’est autre chose que la participation d’une personne aux droits de la sociĂ©tĂ© civile. La mort civile est le retranchement de cette sociĂ©tĂ©, et la privation de ces droits. »[8] - Robert-Joseph Pothier

Notes et références

  1. « Civil », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales. Voir sur le Wiktionnaire, sous Wikt:civil
  2. page Wikipedia ru:Đ“Ń€Đ°Đ¶ĐŽĐ°ĐœŃĐșая ŃĐŒĐ”Ń€Ń‚ŃŒ
  3. Louis Lubliner, Concordance entre le code civil du Royaume de Pologne promulgué en l'année 1825 et le code civil français relativement à l'état des personnes; suivi d'observations sur le droit international privé, (lire en ligne)
  4. Louis-José Barbançon, La loi de déportation politique du 8 juin 1850 : des débats parlementaires aux Marquises. 1/3, Revue Criminocorpus, dossier no 2
  5. « Loi du 31 mai 1854 portant abolition de la mort civile. », legifrance
  6. . « Loi abolissant la mort civile », S.Q. 1906, chap. 38 [lire en ligne]
  7. Aline Terrasson de FougÚres, La résurrection de la mort civile, RTDr.civil, 1997, p. 893.
  8. ƒuvres de Pothier annotĂ©es et mises en corrĂ©lation avec le code civil et la lĂ©gislation actuelle, Volume 1 Pg. 8

Voir aussi

Bibliographie

  • Doucet, La loi pĂ©nale, III-238.

Articles connexes

Liens externes

MĂ©moires & thĂšses

  • La mort civile dans l'Ancien droit, la fiction juridique d'une mort avancĂ©e, UniversitĂ© Paris X – Nanterre, mĂ©moire de D.E.A d’Histoire et Anthropologie Juridiques de Guillaume Dumont, dirigĂ© par Monsieur le Professeur Jean-Pierre Baud, 2002

Extraits de cours et de manuels

Textes juridiques

Doctrine

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