Membre chiridien
Les membres chiridiens (du grec ancien ÏÎ”ÎŻÏ (kheir) : « main ») sont les appendices locomoteurs articulĂ©s et munis de doigts des tĂ©trapodes, dĂ©rivant probablement de deux paires des nageoires de leurs ancĂȘtres sarcoptĂ©rygiens pisciformes. Cette innovation anatomique[5] sert aux premiers tĂ©trapodes aquatiques Ă nager et marcher sur le fond d'eaux saumĂątres (marais cĂŽtiers, estuaires, lagunes et autres milieux aquatiques de salinitĂ© variable) avant de permettre la mise en place de la quadrupĂ©die, mode de locomotion terrestre initial largement privilĂ©giĂ© au sein des vertĂ©brĂ©s terrestres[6] - [7].
Ils sont originellement au nombre de deux paires articulĂ©es comme les nageoires sur une ceinture pectorale et pelvienne, mais peuvent ĂȘtre perdus secondairement, soit en partie (Amphiuma, Chalcides striatus), soit totalement (apodie chez les serpents, les gymnophionesâŠ). Cependant, contrairement au membre ptĂ©rygien hĂ©tĂ©rogĂšne chez les poissons, le membre chiridien (appelĂ© aussi chiridium ou cheiropterygium) constitue un ensemble homogĂšne[8].
Les tétrapodes possÚdent deux paires de membres chiridiens dont les os sont mis en mouvement par la force exercée par les tendons à la suite de la contraction des muscles. Ce groupe rassemble aujourd'hui les lissamphibiens (seul groupe survivant de la classe des amphibiens) aux doigts nus et des amniotes (reptiles, oiseaux, mammifÚres) qui possÚdent des étuis cornés couvrant les phalanges terminales des doigts, les griffes (formant notamment des sabots chez les ongulés, et des ongles chez les primates)[9].
Structure
Le membre chiridien est caractérisé par 3 segments articulés :
- le segment proximal ou stylopode qui correspond au bras (stricto sensu), comportant lâhumĂ©rus, ou Ă la cuisse, comportant le fĂ©mur ;
- le segment moyen ou zeugopode (ou encore zygopode) qui correspond Ă lâavant-bras, comportant lâulna et le radius, ou Ă la jambe (stricto sensu), comportant le tibia et la fibula. Ces os constitutifs du zeugopode peuvent ĂȘtre secondairement soudĂ©s (ex : les Ă©quidĂ©s, la jambe du hĂ©risson) ;
- le segment distal ou autopode qui correspond à la main ou au pied. Complexe, il se subdivise en trois sous-régions anatomiques :
- le basipode (proximal) qui correspond au carpe ou au tarse,
- le métapode (intermédiaire) qui correspond au métacarpe ou au métatarse,
- lâacropode qui correspond aux phalanges des doigts ancestraux (polydactylie puis pentadactylie).
Ăvolution
Chez les premiers tétrapodes terrestres, les membres chiridiens constituaient initialement les pattes, permettant la marche quadrupÚde. Au sein des différentes familles de Tétrapodes, le plan d'organisation général des membres à trois segments est hautement conservé (les membres antérieurs et postérieurs sont ainsi homologues aux bras et jambes humains), mais on observe des variations (modifications dans les proportions des différents os, fusions, réductions ou disparitions de structures) selon les espÚces. à la suite de changements radicaux de niche écologique, ces membres ont pu se spécialiser pour permettre différents modes de locomotion. La concordance des morphologies obtenues constitue un exemple typique de convergence évolutive[7].
Quadrupédie
L'adaptation Ă la course quadrupĂšde est rĂ©alisĂ©e essentiellement chez les MammifĂšres, Ă membre dressĂ© parasagittal[15], par trois modifications concomitantes : l'allongement des membres qui intĂ©resse surtout le mĂ©tapode mais aussi celle des os proximaux relativement Ă ceux du segment moyen[16], le relĂšvement progressif de l'autopode (Ă©volution dans le sens plantigrade â digitigrade â onguligrade), et la rĂ©duction progressive du nombre des doigts (perte des phalanges latĂ©rales par rapport Ă l'extrĂ©mitĂ© pentadactyle ancestrale)[17].
Vol
Les membres chiridiens (surtout antĂ©rieurs) se sont transformĂ©s en ailes pour permettre le vol chez les PtĂ©rosauresâ , les Oiseaux et les ChiroptĂšres. La structure adoptĂ©e diffĂšre pour chacun de ces groupes par le nombre de doigts supportant l'aile (respectivement un, deux et quatre).
Nage
Au cours de l'évolution plusieurs groupes de tétrapodes ont adopté un mode de vie aquatique ou semi-aquatique de telle sorte que leurs membres ont évolué en palettes natatoires :
- sauropsides fossiles
- MĂ©sosauridĂ©sâ , SauroptĂ©rygiensâ , Mosasauresâ , Ichtyosauresâ , Thalattosauriensâ ...
- mammifĂšres
- Cétacés, Siréniens, PinnipÚdes, Lutrinae, Castoridae ...
- oiseaux
- Sphenisciformes, Ansériformes, Pelecanidae ...
- anapsides
- Chéloniidés
Bipédie
Le membre antĂ©rieur chiridien chez les bipĂšdes ne prĂ©sente pas de caractĂšres anatomiques Ă©volutifs bien spĂ©cifiques. La plupart des thĂ©ropodes du MĂ©sozoique avaient des membres antĂ©rieurs extrĂȘmement courts qu'on suspecte non-fonctionnels. Chez les oiseaux, seuls thĂ©ropodes du CĂ©nozoique, les membres antĂ©rieurs se sont adaptĂ©s en ailes, mais ont pu subsĂ©quemment chez certains groupes, aprĂšs la perte de l'aptitude au vol, s'atrophier. Cette atrophie a abouti Ă une disparition complĂšte chez les Dinornithiformesâ . Les autres oiseaux non-volants, les ratites, ont conservĂ© leurs ailes au moins sous forme vestigiale.
La bipĂ©die existe aussi chez certains primates, essentiellement les descendants d'Homo Erectusâ , et en particulier chez Homo Sapiens, pour qui les membres antĂ©rieurs ont perdu toute fonction locomotrice et se sont spĂ©cialisĂ©s pour la prĂ©hension et, selon certaines analyses[18], pour le lancer.
Reptation
l'apodie est complĂšte chez les serpents[19] et chez les gymnophiones du fait de la reptation.
- Homologie des membres antérieurs de vertébrés.
- RelÚvement progressif de l'autopode dans l'adaptation à la course quadrupÚde (membre antérieur : de gauche à droite : homme plantigrade, chien digitigrade et cheval onguligrade)[20].
Notes et références
- A. Eusthenopteron ; B. Gogonasus ; C. Panderichthys.
- Le lobe musculaire de la nageoire est frangé de rayons dermiques, piÚces exosquelettiques osseuses allongées qui soutiennent la partie périphérique membranaire, non musculaire de la nageoire.
- Les membres antérieurs d'Acanthostega (E) ont huit doigts, ceux d'Ichthyostega (F) et Tulerpeton (G) en ont six
- André Beaumont, Pierre Cassier, Daniel Richard, Biologie animale. Les Cordés : Anatomie comparée des vertébrés, Dunod, (lire en ligne), p. 203-204.
- (en) Mikiko Tanaka, « Fins into limbs: Autopod acquisition and anterior elements reduction by modifying gene networks involving 5âHox, Gli3, and Shh », Developmental Biology, vol. 413, no 1,â , p. 1-7 (DOI 10.1016/j.ydbio.2016.03.007).
- (en) Catherine A. Boisvert, « The pelvic fin and girdle of Panderichthys and the origin of tetrapod locomotion », Nature, vol. 438, no 7071,â , p. 1145â1147 (DOI 10.1038/nature04119).
- Lewis Wolpert, Cheryll Tickle, Alfonso Martinez Arias, Biologie du développement. Les grands principes, Dunod, , p. 639-641.
- Membres. Les Grands Articles d'Universalis, Encyclopaedia Universalis, (lire en ligne), n.p.
- André Beaumont, Pierre Cassier, Daniel Richard, Biologie animale. Les Cordés, Dunod, , p. 123.
- Le pouce libre est utile « durant le vol pour positionner le bord d'attaque de la voilure, tout comme pour les déplacements à pied. L'ancrage du pouce est facilité par sa griffe ». Cf Laurent Arthur, MichÚle Lemaire, Les Chauves-souris de France Belgique Luxembourg et Suisse, éditions Biotope, (lire en ligne), n.p.
- Membres ancestraux qui se plient en Z et sont situés de chaque cÎté du tronc, caractéristiques de la posture tentaculaire chez les Amphibiens du Primaire, les UrodÚles et Reptiles actuels.
- Membres de type dressé, situés sous le tronc, caractéristiques de la posture érigée des MammifÚres et des Tétrapodes non mammaliens, secondairement bipÚdes (certains Dinosauriens, Oiseaux).
- Ainsi, la tĂȘte de lâulna, en position interne au niveau du coude, se retrouve en position externe au niveau du poignet, et inversement pour le radius.
- Membres : Les Grands Articles d'Universalis, Encyclopaedia Universalis, (lire en ligne), n.p..
- Les membres ancestraux des tétrapodes terrestres sont de type transversal (membres qui se plient en Z chez les Amphibiens du Primaire, les UrodÚles et Reptiles actuels).
- ParallĂšlement, l'allongement des tendons permet de stocker plus d'Ă©nergie utile Ă la course quadrupĂšde.
- André Beaumont, Pierre Cassier, Daniel Richard, Biologie animale. Les Cordés, Dunod, , p. 210
- (en) Researchers say ability to throw played a key role in human evolution, phys.org (article initial dans Nature).
- AurĂ©lien Miralles, « Sans pattesâ: quand les TĂ©trapodes ne le sont plus vraiment⊠», EspĂšces, no 19,â , p. 24.
- En rouge le basipode, en violet le métapode, en jaune l'acropode, en marron les phanÚres terminales kératinisées. Le tarse correspond à la région du jarret, la pointe du jarret est homologue du talon.
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Sebastien Steyer, Earth Before the Dinosaurs, Indiana University Press, 2012, p.43-59
Articles connexes
- Chordés : anatomie comparée des vertébrés (André Baumont et Pierre Cassier).
- Pentadactylie
- Pronation et supination
- Membre ptérygien, autre type de membre chez les vertébrés