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Loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises

La loi sur les signes religieux dans les écoles publiques créant l'article L.141-5-1 du Code de l'éducation est une loi française créée en 2004, restreignant le port de signes religieux. La loi autorise néanmoins le port de signes religieux discrets.

Loi sur les signes religieux dans les écoles publiques
Présentation
Titre Loi encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
Référence NOR : MENX0400001L
Pays Drapeau de la France France
Type Loi ordinaire
Branche Droit public
Adoption et entrée en vigueur
Législature XIIe législature
Adoption
Promulgation
Entrée en vigueur rentrée scolaire 2004-2005
Version en vigueur article L.141-5-1 du code de l'éducation

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Le principe posé par la loi

Ce nouvel article du Code de l'éducation dispose :

« Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. »

L'origine de la loi

Le rapport Stasi

Depuis la fin des années 1980, le voile islamique en France provoque des polémiques et des « affaires »[1]. Les débats mettent principalement en balance la liberté de culte et la laïcité à la française. C'est au nom de cette dernière que des élèves portant le hijab et refusant de l'ôter ont été exclues de leur établissement. Ces exclusions ont été prononcées par des conseils de discipline d'établissements scolaires et certains recours sont allés jusqu'au Conseil d'État, sans qu'une jurisprudence claire ne s'établisse.

Le statut politique de la question n'aide pas la sérénité des débats. Une solution législative est donc envisagée.

À cette fin, en 2003, Jacques Chirac, le président de la République de l'époque, décide de constituer un groupe de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République.

Cette commission éponyme est dite « Commission Stasi », du nom de son président Bernard Stasi. Un Rapport au président de la République[2] est remis le se concluant par plusieurs propositions, certaines générales, d'autres spécifiques à l'école.

Dans le domaine de l'éducation, la commission cherche à imposer un plus grand respect de la pratique religieuse et de la laïcité sans vouloir établir une hiérarchie entre les deux. La commission propose donc :

  • l'enseignement accru de la laïcité et de la religion à l'école ;
  • l'intransigeance face à ceux qui veulent modifier les programmes scolaires qui contreviendraient à leur foi religieuse (exemple : enseignement de l'évolution biologique) ;
  • incorporer les fêtes religieuses non chrétiennes (Yom Kippour et l'Aïd el-Kebir) dans le calendrier des jours de congés scolaires et ainsi diminuer l'absentéisme.

Le vote de la loi

En , Jacques Chirac suivant certaines recommandations de la commission Stasi, lance la rédaction d'un projet de loi sur le port ostensible de signes religieux. Son but est une entrée en vigueur de la loi concomitante avec le début de l'année scolaire suivante, c'est-à-dire .

Assemblée nationale

Le , l'Assemblée nationale a voté l'appui de l'interdiction à une large majorité, 494 voix pour (330 groupe UMP, 140 groupe PS, 13 groupe UDF, 7 groupe CR, 4 non-inscrits), 36 contre (12 groupe UMP dont Alain Madelin, 2 groupe PS dont Christiane Taubira, 4 groupe UDF dont Jean Lassalle, 14 groupe CR, 4 non-inscrits dont Noël Mamère et Philippe de Villiers), 31 abstentions (17 groupe UMP dont Édouard Balladur, Thierry Mariani et Pierre Méhaignerie, 12 groupe UDF dont François Bayrou et Hervé Morin, 2 non-inscrits).

Analyse du scrutin à l'Assemblée nationale[3]
Groupe Pour Contre Abstention Votants/Total
Groupe communistes et républicains (CR) 7 14 0 21/22
Groupe socialistes et apparentés (SOC) 140 2 0 142/149
Groupe Union pour la démocratie française (UDF) 13 4 12 29/30
Groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) 330 12 17 359/364
Non-inscrits (NI) 4 4 2 10/12
Total 494 36 31 561/577

Sénat

Le , le Sénat vote le texte adopté par l'Assemblée nationale sans lui apporter de modifications aboutissant deux semaines plus tard à la promulgation de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 (JORF 17 mars 2004).

Analyse du scrutin au Sénat[4]
Groupe Pour Contre Abstention Votants/Total
Groupe communiste républicain et citoyen (CRC) 8 13 0 21/23
Groupe socialiste (SOC) 82 1 0 83/83
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) 16 1 0 17/17
Groupe Union centriste (UC) 14 2 14 30/30
Groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) 154 2 5 161/163
Non-inscrits (RASNAG) 3 1 1 5/5
Total 277 20 20 317/321

Débats sur la loi

Les partisans de la loi estiment que la neutralité religieuse de l'élève est une condition indispensable du déroulement des cours dans de bonnes conditions ; que l'école n'a pas à être un lieu d'affrontement inter-religieux, et qu'enfin la loi permet tout de même aux élèves une certaine expression de leur religion en leur permettant de porter des signes discrets d'appartenance à celle-ci[5].

Les opposants, quant à eux, estiment que la loi fait une mauvaise interprétation de la séparation des Églises et de l'État, confondant laïcité qui permet le libre exercice de la religion dans l'espace public et neutralité, qu'elle porte donc atteinte à la liberté de religion inscrite dans l'article 1er de la Constitution française du 4 octobre 1958. Ils s'appuient notamment sur l'avis n° 346.893 du Conseil d'État du 27 novembre 1989 qui, saisi par le Gouvernement (Rocard II) pour savoir si le port de signes montrant l'appartenance à une religion était compatible avec le principe de laïcité, avait répondu que le port du voile islamique, en tant qu’expression religieuse, dans un établissement scolaire public, était compatible avec la laïcité, et rappelait qu'un refus d'admission ou une exclusion dans le secondaire « ne serait justifié que par le risque d'une menace pour l'ordre dans l'établissement ou pour le fonctionnement normal du service de l'enseignement »[6].

Le professeur de philosophie Pierre Tevanian remarque que les médias français se sont très majoritairement engagés en faveur de l'adoption de la loi et que le thème de la laïcité a été au centre des préoccupations des médias en 2003. Les quotidiens Le Parisien, Le Monde, Le Figaro et Libération ont consacré plus d'une centaine de unes au thème de la laïcité et, pour ces trois derniers titres, 1 284 articles, soit une moyenne de plus d'un article par jour et par journal pendant six mois, bien plus que pour tout autre thème d'actualité. La mobilisation des médias en faveur de la loi aurait selon lui sensiblement contribué à faire basculer une opinion publique au départ très divisée. En , les sondages prêtaient 49 % d'opinions favorables à l'interdiction du voile, contre 45 % d'opinions hostiles, soit un différentiel de 4 points. En octobre, 69 % des sondés s'y déclarent favorables, contre 29 % d'adversaires, soit un différentiel de 40 points[7].

L'application de la loi

Cette loi « particulièrement courte »[8] est complétée par une circulaire interprétative du , et interdit de porter les signes manifestant ostensiblement son appartenance à une religion. Les articles interdits par cette loi sont « le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa, ou une croix de taille manifestement excessive »[9]. La loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets.

Le domaine d'application de la loi est très clairement limité à celui du comportement des élèves du secondaire et du primaire. Les parents d'élèves, comme le précise la circulaire ne sont pas concernés par la loi, et peuvent donc porter des tenues manifestant leur appartenance religieuse à l'intérieur des établissements, la loi ne s'applique pas non plus aux élèves extérieurs (venant d'école privées ou du CNED) qui viennent passer leurs examens dans des établissements publics[10]. Les adultes en formation, peuvent aussi porter le voile, la kippa, turban, etc. et ce, même si la formation se déroule dans les locaux d'un collège ou d'un lycée public, car la loi n'est pas applicable aux stagiaires adultes[11]. Dans les GRETA (structure de l'éducation nationale organisant les formations pour adultes), le port du voile est permis[12]. De même, les étudiants de l'Université publique et plus généralement de l'enseignement supérieur restent eux aussi libres de porter des tenues marquant leur appartenance religieuse, les seules restrictions devant être limitées et justifiées par des impératifs d'hygiènes ou de sécurités.

Par la suite, le Conseil d'État a statué le que l'interdiction s'appliquerait également aux signes et tenues démontrant une affiliation religieuse par le simple comportement de l'élève et a ainsi confirmé l'interdiction du port du sous-turban sikh et d'un bandana[13] - [14]. À cette occasion, le Conseil d'État a reconfirmé l'autorisation de porter des signes religieux discrets.

Vincent Peillon, ministre de l'Éducation Nationale, fait connaître lundi « la première charte de la laïcité à l'école ». L'article 14 indique notamment : « (...) Le port de signes ou tenues par lesquelles les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit »[15].

Polémiques sur les robes ou jupes longues

Dans plusieurs cas, des collégiennes ou lycéennes se sont vues exclues de leur établissement pour port de robes ou jupes longues, assimilées à des tenues musulmanes. Ces cas font aujourd'hui encore l'objet de divergences et de débats[16] - [17] - [18].

Condamnation de la France par le Comité des droits de l'Homme de l'ONU

En 2008, un lycéen sikh du nom de Bikramijt Singh, exclu de son établissement scolaire en 2004 pour avoir refusé d’ôter son turban sikh, saisit le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU – chargé de veiller au respect, par ses signataires, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Après avoir mené sa propre enquête, le Comité des droits de l’Homme estime, dans un avis daté du , que l’État français « n’a pas apporté la preuve irréfragable que le lycéen sanctionné aurait porté atteinte », en n’ôtant pas son keski, « aux droits et libertés des autres élèves, ou au bon fonctionnement de son établissement ». Le Comité estime également que son renvoi définitif de l’école publique « a constitué une punition disproportionnée, qui a eu de graves effets sur l’éducation à laquelle il aurait dû avoir droit en France, comme toute personne de son âge ». L’ONU conclut que le renvoi de Bikramijt Singh de son lycée constitue « une violation » du PIDCP, et que la France, signataire de ce Pacte, est, à ce titre, dans la double obligation de réparer l’injustice faite au lycéen (« y compris par une compensation appropriée »), et « d’empêcher que de semblables violations ne se reproduisent dans le futur »[19] - [20].

Conformité de la loi à la Convention européenne des droits de l'homme

En 2009, la Cour européenne des droits de l'homme a été saisie de six requêtes qui faisaient valoir que la loi serait discriminante et attentatoire à la liberté religieuse.

Par six décisions du 30 juin 2009, la Cour déclare irrecevables comme manifestement mal fondées les requêtes[21]. Elle considère que l'interdiction des signes ostentatoires avait pour but de veiller à ce que l'expression des croyances religieuses des élèves ne puisse pas se transformer en « source de pression et d'exclusion », ce qui est conforme à la Convention européenne des droits de l'homme. S'agissant de la proportionnalité de l'interdiction, la Cour européenne affirme que l'exclusion d'un établissement public n'est pas disproportionnée dans la mesure où il est possible de suivre une scolarité à distance, dans un établissement privé où la loi n'est pas applicable ou bien une instruction à domicile par la famille[22].

Polémiques au sein des mouvements féministes

Le désaccord des féministes antiracistes et des féministes majoritaires – dites universalistes – a été particulièrement vif au moment des discussions sur l'interdiction du port du foulard islamique à l'école[23]. Lors de cet épisode se sont affrontées sur le terrain idéologique deux organisations particulièrement emblématiques, le Collectif féministe du Mouvement des Indigènes de la République, opposé à la loi sur le foulard, et Ni Putes Ni Soumises, qui y était favorable comme la plupart des organisations féministes[23]. Le Collectif Féministe a argué du fait que la loi risquait de conduire à l'exclusion scolaire de certaines filles ; la position du législateur lui a paru « postcoloniale », au sens où elle perpétuerait un état d'esprit colonial ; Christine Delphy, féministe athée et matérialiste[24], qui a pris fait et cause pour le Collectif, a dénoncé dans la loi sur le voile une vision essentialiste des populations nord-africaines musulmanes[23]. Ni Putes Ni Soumises a considéré au contraire que les jeunes filles voilées étaient victimes du sexisme de leur milieu familial et que la loi les libérait de l'oppression[23].

Sources

Ouvrages utilisés

  • Hafifa Cherifi, Application de la loi du 15 mars 2004 sur le port des signes religieux ostensibles dans les établissements d'enseignement publics, Paris, La Documentation française, , 76 p. (lire en ligne)
    Rapport officiel faisant le bilan de l'application de la loi, un an après.

Références

  1. (Cherifi 2005, ch. IV : Aux origines de la loi)
  2. Le rapport sur ladocumentationfrancaise.fr
  3. « ANALYSE DU SCRUTIN N° 436 - Séance du 10 février 2004 », Assemblée nationale (consulté le )
  4. « Scrutin n°155 - Laïcité », Sénat (consulté le )
  5. Ariane Bonzon, « Faut-il supprimer la "loi sur le voile" ? », Slate.fr, (lire en ligne)
  6. « Avis du Conseil d'État, section de l'intérieur, sur saisine du ministère de l'Éducation nationale »,
  7. Olivier Cyran, Mehdi Ba, Almanach critique des médias, Édition des Arènes, , p. 27-40
  8. (Cherifi 2005, p. 7)
  9. Circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics
  10. « Enseignements élémentaire et secondaire RESPECT DE LA LAÏCITÉ Port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics », sur http://www.education.gouv.fr/ (consulté le )
  11. « 1 Décision n° MLD 2013 - 7 relative à l’exclusion d’une formation en raison du port d’un signe religieux ostensible adoptée le 5 mars 2013 », sur http://www.defenseurdesdroits.fr/ (consulté le )
  12. « GRETA : le port du hijab est bel et bien permis ! », sur http://www.ajib.fr/ (consulté le )
  13. Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 05/12/2007, 285394, Publié au recueil Lebon, (lire en ligne)
  14. Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 05/12/2007, 295671, Publié au recueil Lebon, (lire en ligne)
  15. « Les 15 articles de la charte de la laïcité à l'école », FIGARO, (lire en ligne, consulté le )
  16. Une jupe trop longue est-elle un signe religieux ?, Francetvinfo, 29 mars 2012.
  17. Le bandeau et la jupe longue pas assez laïques ?, L'Humanité, 17 mai 2013.
  18. Laïcité : l'école peut-elle interdire le port de jupes longues ?, Metronews, 3 avril 2015.
  19. Loi sur les signes religieux à l’école : l’ONU s’émeut, la presse se tait, Bakchich info, 25 décembre 2012
  20. , Human Rights Committee Communication No. 1852/2008, Views adopted by the Committee at its 106th session (15 October-2 November 2012).
  21. « Port de signes religieux à l'école : rejet de six requêtes », sur Dalloz Actualité étudiants, (consulté le )
  22. « CEDH, 30 juin 2009, Aktas c/ France », sur Doctrine.fr (consulté le )
  23. Marie-Carmen Garcia, «Des féminismes aux prises avec l’« intersectionnalité » : le mouvement Ni Putes Ni Soumises et le Collectif féministe du Mouvement des indigènes de la République», Recherches féministes , Volume 25, Numéro 1, 2012, p. 111–126, lire en ligne
  24. Christine Delphy s'est vu demander dans un entretien comment elle conciliait son matérialisme radical avec sa position en faveur de femmes croyantes, Revue À bâbord!, « La rencontre du féminisme et de l'antiracisme - Revue À bâbord ! », sur www.ababord.org (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

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