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Ligne de la cĂ´te orientale corse

La ligne de la côte orientale corse était une ancienne ligne ferroviaire à voie métrique et à intérêt général qui reliait Casamozza (au sud de Bastia) à Ghisonaccia puis à Porto-Vecchio. Fortement endommagée en septembre 1943 pendant la Seconde Guerre mondiale, elle n'a pas été remise en service au sud de Folelli-Orezza. La Collectivité de Corse envisage de rouvrir le court tronçon nord de Casamozza à Folelli-Orezza pour le trafic de banlieue.

Ligne de
Casamozza Ă  Porto-Vecchio
Voir la carte de la ligne.
Carte de la ligne
Voir l'illustration.
Réseau ferré corse
Pays Drapeau de la France France
Villes desservies Aleria, Ghisonaccia, Porto-Vecchio
Historique
Mise en service 1888 – 1935
Fermeture 1943 – 1953
Concessionnaires CFD (1883 – 1943)
Commandement militaire (Non concédée) (1943 – 1945)
Ponts et Chaussées (Non concédée) (1945 – 1953)
Caractéristiques techniques
NumĂ©ro officiel 997 000
Longueur 130 km
Écartement mĂ©trique (1,000 m)
Électrification Non électrifiée
Nombre de voies Anciennement Ă  voie unique
Trafic
Propriétaire Collectivité de Corse
Trafic Ligne fermée

Histoire

La construction

En 1855, le receveur gĂ©nĂ©ral "Conti" propose la crĂ©ation d'un chemin de fer sardo-corse, afin d'Ă©tablir une liaison plus courte entre la France et l'Italie du nord d'une part, et l'AlgĂ©rie d'autre part, permettant d'Ă©conomiser quinze heures sur les cinquante heures que dure le voyage maritime. Cette idĂ©e porte sur une ligne Bastia - Bonifacio, et n'aboutit pas sur un projet concret : dès 1864, une liaison Bastia - Ajaccio est jugĂ©e prioritaire, et les progrès de la navigation Ă´tent tout intĂ©rĂŞt Ă  une liaison comportant quatre ruptures de charge. Sur le plan politique, le rapprochement entre le PiĂ©mont et la Sardaigne n'est plus une prĂ©occupation depuis l'unification de l'Italie. Pendant les annĂ©es 1870, des financeurs privĂ©s proposent Ă  l'État Français diffĂ©rents projets ferroviaires pour la Corse, mais aucune candidature n'est retenue, l'État doutant de la viabilitĂ© Ă©conomique de ces lignes. C'est pour cette raison que les Ponts et ChaussĂ©es dĂ©cident de prendre en main la construction de la première ligne de Bastia Ă  Ajaccio. Une ligne Casamozza - Bonifacio (150 km) est toutefois envisagĂ©e et va ĂŞtre inscrite au plan Freycinet, adoptĂ© par la loi du [1].

La ligne entre Casamozza et Ghisonaccia est dĂ©clarĂ©e d'utilitĂ© publique par une loi le [2], quasiment de façon simultanĂ©e avec la ligne de Ponte-Leccia Ă  Calvi. Trois ans après le dĂ©but effectif des travaux sur la ligne centrale, le ministère des Travaux Publics cherche un concessionnaire pour l'exploitation des chemins de fer corses et la construction des autres lignes, et opte rapidement pour la CFD. Le ministre David Raynal et le directeur de la compagnie, Pierre Zens, signent une convention le . Cette convention est approuvĂ©e par une loi le suivant[3]. Dans la convention, la CFD s'engage Ă  titre ferme de construire la ligne de la cĂ´te orientale jusqu'Ă  Ghisonaccia-Gare (lieu-dit Fium'Orbo), et de la prolonger Ă  titre Ă©ventuel jusqu'Ă  Bonifacio. Le capital Ă  engager par la CFD, Ă©valuĂ© forfaitairement Ă  9 980 000 francs, devra ĂŞtre remboursĂ© par l'État en 90 annuitĂ©s avec 5 % d'intĂ©rĂŞts, ou par une rente de 3 % amortissable. La CFD intervient comme compagnie fermière, en rĂ©gie intĂ©ressĂ©e, et sera rĂ©munĂ©rĂ©e Ă  raison de 2,50 francs par train-km[4].

Les premiers ingĂ©nieurs et techniciens de la CFD dĂ©barquent en Corse en 1884 afin d'effectuer des relevĂ©s pour faire les Ă©tudes de dĂ©tail du tracĂ© de la voie. L'entreprise dĂ©pose d'un dĂ©lai de deux ans et neuf mois Ă  compter de l'approbation des Ă©tudes du tracĂ© et des plans des ouvrages d'art par l'administration pour commencer les travaux. Cette approbation n'Ă©tant obtenue qu'avec retard, le , la gĂ©omĂ©trie du tracĂ© et les premiers terrassements dĂ©butent en . Le long de la cĂ´te orientale, les progrès sont rapides grâce Ă  l'emploi de trois locomotives en tĂŞte des divers trains de chantier, si bien que les premiers rails sont posĂ©s entre Casamozza et Tallone-Gare dès l'Ă©tĂ© 1886. Mais la CFD ne vivant encore que de ses propres capitaux, ne montre aucun empressement pour faire circuler les premiers trains. Ce sera finalement en mĂŞme temps avec la section de Bastia Ă  Corte, le , que la ligne sera officiellement inaugurĂ©e jusqu'Ă  Tallone. Les attentes de la population sont grandes, tablant notamment sur le dĂ©but d'une ère de prospĂ©ritĂ© de dĂ©placements et d'industrialisation grâce au chemin de fer. En rĂ©alitĂ©, le train n'apportera qu'une très faible contribution au dĂ©veloppement de la Corse. - Le , la ligne est ouverte jusqu'Ă  Ghisonaccia. Cette gare restera le terminus pendant les quarante-deux ans Ă  venir. La principale cause en est la forme de concession accordĂ©e Ă  la CFD, ne l'encourageant point Ă  prendre les moindres risques Ă©conomiques et financiers. Mais l'État lui-mĂŞme commence Ă  mettre en cause le prolongement jusqu'Ă  Bonifacio, en 1903, alors que la Corse subit une grave crise avec 13 000 individus choisissant dĂ©migrer entre 1901 et 1906, et que les Ă©lus corses dĂ©plorent l'abandon de l'Ă®le. L'exploitation des chemins de fer corses devient paradoxalement bĂ©nĂ©ficiaire, les tarifs en 3e classe Ă©tant de 26 % supĂ©rieurs Ă  ceux pratiquĂ©s sur le continent.

Après de vives débats pendant l'année 1909, avant l'échéance de la première concession CFD, une nouvelle concession est néanmoins accordée à la CFD par une convention signée entre le ministre des Travaux publics et la compagnie le , plus incitative pour l'exploitant et contenant l'obligation de construire la ligne jusqu'à Bonifacio. Celle-ci a été complétée par des avenants les et . Ces conventions ont été approuvées par une loi le . Cette même loi déclare d'utilité publique la ligne de Ghisonaccia à Bonifacio[5].

Partant des expĂ©riences lors des acquisitions foncières pour la ligne centrale, oĂą les prix avaient atteint un niveau exorbitant, le ministre Armand Gauthier fait savoir dès le , que les dĂ©passements du budget devront ĂŞtre pris en charge par le dĂ©partement. Pensant que ce dernier rĂ©fuserait - ce qui n'est pas le cas - il se corrige aussitĂ´t et dĂ©clare que le dĂ©partement devra supporter l'intĂ©gralitĂ© du coĂ»t d'achat des terrains. Finalement, le Conseil GĂ©nĂ©ral accepte de financer les 10 % des dĂ©penses liĂ©es Ă  la construction de la ligne. La CFD commence donc d'acheter les terrains dès l'Ă©tĂ© 1911, et l'approbation ministĂ©rielle du tracĂ© est dĂ©livrĂ©e le . Avant que l'acquisition des terrains ne soit achevĂ© le , la Première Guerre mondiale a dĂ©jĂ  acquittĂ©, et faute de main-d'Ĺ“uvre, la CFD est autorisĂ© de diffĂ©rer le lancement des travaux. La paix revenue, une lettre du ministre en date du somme la compagnie de commencer effectivement les travaux. Mais le phĂ©nomène de la forte inflation avait rendu caduc le montant des travaux arrĂŞtĂ© avant-guerre, et entre des nĂ©gociations successives pour amender la concession et les attentes des autorisations d'emprunt, la dĂ©prĂ©ciation de la monnaie continue, sans que rien soit encore entrepris. Devant ces difficultĂ©s, les travaux se rĂ©duisent sur le tronçon de 26,6 km jusqu'Ă  Solenzara et commencent timidement en 1923. Ă€ plusieurs reprises, les entrepreneurs mandatĂ©s demandent la rĂ©siliation de leur marchĂ©, et en juin 1926 par exemple, tous les ouvriers italiens repartent et provoquent un arrĂŞt du chantier. Par dĂ©cision ministĂ©rielle du , la seconde extension Ă  venir est provisoirement limitĂ©e Ă  Porto-Vecchio. Il faudra attendre le pour que la section Ghisonaccia - Solenzara soit enfin ouverte Ă  la circulation. Entre-temps, l'autorisation pour le dĂ©part des travaux du prolongement est accordĂ©e le , mais ce n'est que deux ans plus tard que les premiers travaux sont rĂ©ellement engagĂ©s. L'inauguration du tronçon Solenzara - Porto-Vecchio a lieu le , comme dernière ligne Ă  voie mĂ©trique ouverte en France, et le rĂ©seau corse atteint son apogĂ©e avec 360,47 km. Manquent encore 39,685 km jusqu'Ă  Bonifacio, et les plans sont prĂŞts depuis plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ . Cette fois-ci, c'est la dĂ©flation qui ralentit l'exĂ©cution, l'État voulant rĂ©duire le montant allouĂ© Ă  la CFD, alors que des marchĂ©s avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© conclus Ă  prix ferme. Les tergiversations continuent jusqu'au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, qui fait rapidement oublier le projet[6]. Deux extensions supplĂ©mentaires Ă©taient prĂ©vues : de Bastia en direction du Cap Corse jusqu’à Maccinaggio ainsi que le raccordement de la station thermale d’Orezza Ă  partir de Folleli. Elles resteront Ă  l'Ă©tat de projets.

La desserte

La CFD en tant qu'exploitant est obligĂ©e, par une clause de la convention de concession, de faire circuler trois trains de voyageurs quotidiens dans chaque sens sur chacune des lignes. Or, l'offre sur la ligne de la cĂ´te orientale, tout comme en Balagne, reste cantonnĂ©e Ă  deux aller-retours par jour. Par ailleurs, l'horaire prĂ©voit l'acheminement des wagons de marchandises par des trains de voyageurs, de sorte que les convois soient en principe tous des trains mixtes. Cette forme d'exploitation n'est pas favorable Ă  des vitesses Ă©levĂ©es, et la faiblesse des performances des locomotives manquant de puissance non plus. Ainsi, la lenteur des trains fait souvent l'objet de motions et de plaintes, la vitesse commerciale ne dĂ©passant guère les 20 km/h. Les trains comportent les trois classes et ont au moins comme origine ou terminus Bastia, ce qui Ă©vite un changement Ă  Casamozza. Pendant l'hiver 1907/08, le temps de parcours Bastia - Ghisonaccia est de 3 h 40 en moyenne, pour une distance de 85,3 km, ce qui Ă©quivaut Ă  une vitesse commerciale de 23,3 km/h. Les dĂ©parts ont lieu Ă  4 h 50 et Ă  14 h 06 de Ghisonaccia, et Ă  8 h 34 et 15 h 41 de Bastia. « La marche des trains est rĂ©glĂ©e sur l'heure lĂ©gale, avec un retard de cinq minutes Â». Aucun croisement de train n'a lieu sur toute la ligne entre Ghisonaccia et Casamozza. Le contingentement du charbon pendant la deuxième moitiĂ© de la Première Guerre mondiale fait que l'une des deux rotations devient bi-hebdomadaire, et elle ne devient quotidienne qu'en 1923[7].

Pendant les annĂ©es 1930, la CFD fait un effort pour rendre les temps de parcours plus attractifs, mais la ligne de la cĂ´te orientale ne verra jamais circuler des « trains paquebots Â» comme Ă  partir de 1933 entre Bastia et Ajaccio. Le temps de parcours entre Bastia et Ghisonnacia est portĂ© Ă  2 h 50, soit une rĂ©duction de 23 %, et la vitesse moyenne commerciale atteint 30,1 km, valeur très correcte pour la traction Ă  vapeur sur la voie mĂ©trique française. Depuis Bastia, Solenzara est atteint en 3 h 42 et Porto-Vecchio en 5 h 00 en moyenne. Vers 1938/39, les nouveaux autorails Billard A 150 D apportent un nouveau confort et un gain de temps. Ils remplacent l'un des deux trains Ă  vapeur dans chaque sens, et pour la première fois, un troisième aller-retour est introduit dans le plan de charge, limitĂ© toutefois sur la section Bastia - Prunelli-Pietrapola (P.K. 91,7, première gare au sud de Ghisonaccia). Les nouveaux autorails mettent 3 h 35 de Porto-Vecchio Ă  Bastia, soit une performance très remarquable de 42,1 km/h pour un train omnibus s'arrĂŞtant facultativement dans toutes les stations. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Porto-Vecchio n'est plus desservi que par une paire de trains mixtes, mettant 8 h 15 pour couvrir les 150,9 km jusqu'Ă  Bastia (avec changement Ă  Casamozza). L'autorail est limitĂ© Ă  Solenzara, et un troisième train est uniquement proposĂ© dans un seul sens, le matin, entre Bastia et Folelli-Orezza[8]. Ă€ la suite de l'interruption forcĂ©e de la ligne au sud de Folelli-Orezza par les bombardements du et des jours suivants, le tronçon subsistant de 10,9 km jusqu'Ă  Casamozza reste desservie par deux autorails par sens et par jour jusqu'au , jour de fermeture. Pendant l'horaire d'hiver 1952/53, l'autorail part Ă  6 h 25 de Bastia, arrive Ă  Folelli-Orezza une heure plus tard, repart pour Casamozza et 7 h 35, retourne Ă  Folelli-Orezza Ă  16 h 15, et rentre finalement Ă  Bastia Ă  17 h 15. Le train matinal pour Casamozza ne trouve pas de correspondance pour Bastia qu'au bout de 1 h 28 d'attente[9], ce qui devait enlever tout intĂ©rĂŞt Ă  ce service par chemin de fer.

La traction

MalgrĂ© soixante-cinq ans d'exploitation pour la première courte section de Casamozza Ă  Folelli-Orezza, et cinquante-cinq ans pour la section Casamozza - Ghisonaccia, la ligne de la cĂ´te orientale n'a connu que deux types de locomotives Ă  vapeur et un type d'autorail diesel. Quatre locomotives tender no 34-37 de configuration 031T sont livrĂ©es par les Ă©tablissements Fives-Lille en et radiĂ©es en 1937, sauf la no 36 qui reste en service jusqu'en 1945. Dix autres unitĂ©s du mĂŞme type ont fait du service sur les autres lignes du rĂ©seau. Avec le dĂ©veloppement du trafic, le parc de la ligne de Ghisonaccia est renforcĂ© Ă  deux reprises, en 1895 et 1927, par deux puis quatre locomotives Mallet de construction SACM, numĂ©rotĂ©es 303-304 et 309-312. Ces locomotives plus puissantes et lĂ©gèrement plus rapides relèguent la première dotation de locomotives Ă  la rĂ©serve et aux manĹ“uvres, tout comme sur la ligne centrale. Les prolongements de Solenzara et Porto-Vecchio donnent lieu Ă  la mise en service de quatre puis trois locomotives du mĂŞme type, numĂ©rotĂ©es 313 Ă  319. L'Ă©volution technique de ces 020+020T a Ă©tĂ© très limitĂ©e entre 1895 et 1935 ; Ă  partir du no 310 seulement, de lĂ©gères modifications sont intervenues. Avec une rame lĂ©gère de deux voitures (soit 22 t), les Mallet pouvaient atteindre la vitesse de pointe de 60 km/h en plaine uniquement. Un an avant le dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, les autorails Billard du type A 150 D arrivent sur la ligne. De conception moderne pour l'Ă©poque avec une carrosserie lĂ©gère majoritairement en aluminium et un plancher bas, ils sont toutefois moins confortables que les A 210 D de la ligne centrale, et ne proposent que la classe unique. Deux autorails de la sĂ©rie no 111-116 assurent Ă  tour de rĂ´le les trains Prunelli-Pietrapola - Bastia vv. et Bastia - Porto-Vecchio vv., ainsi que les trains Bastia - Calvi. Pour la première fois, des vitesses commerciales au-dessus de 40 km/h sont atteintes en Corse. MĂŞme pendant la guerre, les autorails continuent de fonctionner. Ă€ partir de , tous les trains de voyageurs du rĂ©seau sont assurĂ©s par des autorails[10].

Le trafic

La ligne de la cĂ´te orientale est la seule des trois lignes du rĂ©seau oĂą le trafic des marchandises gagne une importance rĂ©elle. Au rythme que la construction de la voie ferrĂ©e progresse, l'assainissement des marais et des zones humides de la plaine littorale est opĂ©rĂ©e. Les marais, foyers de la malaria jusqu'au dĂ©but du XXe siècle, sont progressivement assainis et transformĂ©s en superficies agricoles d'un bon rendement. Les rĂ©coltes sont chargĂ©es et transportĂ©es par des wagons du chemin de fer, et la CFD forme des convois de 200 t Ă  250 t, soit vingt Ă  vingt-cinq wagons. Près de la gare de Prunelli-Pietrapola, l'importante usine de fabrique de meubles d'Abbazia dispose d'un embranchement particulier et est un important client des CFD, tant pour l'arrivage des matĂ©riaux que pour l'expĂ©dition. Pendant un certain temps, un train pour le ramassage des ouvriers des usines est mĂŞme mis en place. Ă€ Folelli-Orezza et Casamozza, des usines de tanin disposent Ă©galement d'embranchements particuliers et rĂ©ceptionnent d'importants tonnages de bois. Ces usines sont toutefois transformĂ©es en simples scieries dans l'entre-deux-guerres. En 1938, la ligne de la cĂ´te orientale gĂ©nère un trafic de marchandises de 2 982 400 tonnes-km, soit 64 % du trafic du rĂ©seau. Par contre, le trafic de voyageurs ne prend jamais la mĂŞme ampleur que sur la ligne centrale. Avec 3 907 200 voyageurs-km, elle ne reprĂ©sente que 24 % du trafic du rĂ©seau[11].

La fermeture

Pendant seulement quelques heures de bombardements, au soir du , la ligne est endommagĂ©e Ă  un tel point que la circulation des trains cesse immĂ©diatement sur toute la longueur du parcours. Dix-huit ponts et ouvrages d'art sont dĂ©truits ou endommagĂ©s. La Corse est enfin libĂ©rĂ©e un mois plus tard, et le commandement militaire met la main sur la gestion du rĂ©seau ferroviaire. Après 1945, sous l'exploitation d'abord provisoire des Ponts et ChaussĂ©es, il n'est pas question de s'engager dans des travaux de rĂ©parations de grande ampleur, en attendant l'engagement d'un nouveau concessionnaire. Mais la CFD dĂ©clinera la proposition de reprendre son ancienne concession, le rĂ©seau ayant Ă©tĂ© amputĂ© de sa ligne la plus rentable. (Par dĂ©cret du , les Ponts et ChaussĂ©es seront confirmĂ©s comme exploitant Ă  titre provisoire.) La ligne n'est rĂ©parĂ©e qu'entre la bifurcation de Casamozza et Folelli-Orezza, jusqu'Ă  la première coupure. Huit ans après son achèvement, l'exploitation de la majeure partie de la ligne est donc purement et simplement abandonnĂ©e, la concurrence par la RN 198 au profil facile ne jouant certainement pas en faveur de la voie ferrĂ©e. Le maintien du statu-quo fait l'objet d'un consensus tacite au sein de la haute administration. Officiellement au moins, la question de la remise en Ă©tat complète reste en suspens. Dans un rapport confidentiel de mars 1947, l'ingĂ©nieur en chef des Ponts et ChaussĂ©es, Piraud, prĂ©conise la suppression dĂ©finitive, comme par ailleurs pour la ligne de la Balagne. Le tronçon de Casamozza Ă  Folelli - Orezza, long de 10,9 km, continue de fonctionner jusqu'au . Ă€ l'Ă©poque, la zone desservie, peu habitĂ©e, ne fait pas encore partie de la zone pĂ©riurbaine de Bastia, et le trafic est insignifiant. Les manifestations de mĂ©contentement des rĂ©sidents et du public lors de la circulation du dernier train restent limitĂ©s. L'administration centrale craint toutefois de heurter la population en proclamant officiellement l'abandon de tout projet de remise en service, et diffère le dĂ©classement officiel jusqu'au pour la totalitĂ© du parcours Casamozza - Porto-Vecchio[12] - [13].

Description

Tracé et profil

La ligne se sĂ©parait de la bifurcation de la ligne Bastia - Ajaccio au sud de la gare de Casamozza, après le pont sur le Golo. Elle restait proche de la route nationale, cĂ´tĂ© mer, et rejoignait avec elle le bord de mer Ă  Figaretto, pour le suivre jusqu'Ă  Alistro. Elle passait alors Ă  l'ouest de la route, et s'Ă©loignait progressivement de la mer Ă  l'entrĂ©e de la plaine orientale. Ă€ Ghisonaccia-gare, elle se trouvait Ă  près de 10 km de la mer Ă  travers champs (et de km de Ghisonaccia-ville). Elle franchissait le fleuve Fiumorbo, puis longeait le pied des collines du Fiumorbu avant de revenir vers la mer et la route, qu'elle rejoignait au pied de Solaro. De Solenzara Ă  Fautea la ligne, comme la route, se frayait un chemin dans les vallonnements rocheux du bord de mer. Puis elle reprenait un parcours tranquille dans l'intĂ©rieur jusqu'Ă  Porto-Vecchio. Ignorant la vieille ville sur son rocher, la ligne le contournait et terminait son parcours sur le port, oĂą elle assurait une correspondance maritime[14].

La section initiale de Casamozza Ă  Ghisonaccia Ă©tait Ă©quipĂ©e de rails Ă  double champignon dissymĂ©triques d'un poids de 21 kg/m, posĂ©es sur des traverses en bois avec interposition de coussinets en fonte et de coins de blocage en bois. Au-delĂ  de Ghisonaccia, la CFD Ă©quipa la ligne de rails Vignole de 26 kg/m. Sur la section la plus rĂ©cente entre Solenzara et Porto-Vecchio, des traverses mĂ©talliques furent employĂ©es. Après son dĂ©classement, sa superstructure fut rĂ©employĂ©e sur les deux lignes subsistantes pour un total de 44,728 km, ce qui reprĂ©sentait 19,4 % de sa longueur hors embranchements portuaires[15].

Plusieurs tronçons de la plateforme ont été réutilisés comme chemins ou transformés en routes de desserte locale, notamment d'Alistro à Aleria, de Casone (commune d'Aghione) à Ghisonaccia, d'Abbazia (Prunelli-di-Fiumorbo) à Pielza (Solaro)[16]. De Casamozza à Figaretto, la plateforme est conservée, et reste disponible pour une éventuelle restauration. Bien peu de photos restent comme souvenirs de l'ancienne ligne ; seule une photo montrant un train en gare (d'Aleria) a été dénichée par Pascal Bejui au cours de ses longues recherches, et les autres auteurs n'en ont publié aucune.

Les ouvrages d'art

La ligne ne comportait pas d'ouvrages d'art particulièrement remarquables. NĂ©anmoins dix-huit ponts en treillis mĂ©tallique et viaducs d'au moins 10 m de long, dont les plus rĂ©cents en bĂ©ton armĂ©, permettaient de franchir des torrents devenus fleuves cĂ´tiers. Ces ouvrages cumulaient 675 m linĂ©aires, soit 16,5 % des ponts et viaducs du rĂ©seau. Il n'y avait qu'un unique souterrain, celui de Fautea, long de 421 m, soit 3,2 % de la longueur cumulĂ©e des tunnels du rĂ©seau[17].

Le plus grand pont reste celui sur le Fiumorbo, entre Ghisonaccia et Prunelli, toujours utilisé comme chemin par les riverains. Les ponts sur le Tavignano et sur le "Travo" sont utilisés comme ponts routiers. Pour autant, de nombreux ponts sont en ruines, notamment celui en pierres qui se trouve à l'entrée de Solenzara, qui permettait de traverser le fleuve. De plus, la plate-forme de l'ancienne voie ferrée est envahie par la végétation sur des distances importantes, représentant un défi pour la collectivité territoriale, de la reconstruire tronçon après tronçon. Un projet est dans les cartons.....

  • Le pont en treillis mĂ©tallique sur le Fiumorbo.
    Le pont en treillis métallique sur le Fiumorbo.
  • Le pont de Nodu, en maçonnerie, particulièrement bien conservĂ©.
    Le pont de Nodu, en maçonnerie, particulièrement bien conservé.
  • Une tranchĂ©e de l'ancienne ligne, reprise en chemin de desserte locale.
    Une tranchée de l'ancienne ligne, reprise en chemin de desserte locale.

Les gares

Les gares ordinaires disposent à l'origine de la voie principale, d'une voie d'évitement et d'une voie de débords, prolongée à ses deux extrémités par des courtes voies en impasse, soit six aiguillages. La ligne comportait les gares suivantes du nord au sud: Casamozza (P.K. 21,0), Arena-Vescovato (P.K. 24,2), Folelli-Orezza (P.K. 31,9), Prunete-Cervione (P.K. 46,8), Tallone (P.K. 67,6), Aleria (P.K. 73,2), Ghisonaccia (P.K. 85,3), Prunelli-Pietrapola (P.K. 91,7), Pont du Travo (P.K. 102,8), Solenzara (P.K. 109,9), Figa (P.K. 126,3), Sainte-Lucie (P.K. 134,4) et Porto-Vecchio (P.K. 150,9) ; soit douze gares propres à la ligne. La catégorie en dessous des gares étaient des haltes, disposant au maximum d'une voie d'évitement pouvant également servir de voie de garage, et éventuellement d'une voie en impasse. Sont concernées les stations suivantes : Saint-Pancrace (P.K. +/- 29), Padulella (P.K. 40,3), Alistro (P.K. 53,7), Bravone (P.K. 59,0), Puzzichello (P.K. 78,9), Gavone / Cavonne (P.K. 97,3), Solaro (P.K. 105,6), Favone-Conca (P.K. 120,7), et Lecci[18] (P.K. 135,1). Dans tous les cas, les bâtiments répondaient aux plans-standard de la CFD. Des prises d'eau étaient possibles à Casamozza, Prunete-Cervione, Aleria, Ghisonaccia, Solenzara et Porto-Vecchio. Une remise à machines existait à Porto-Vecchio[19].

L'emplacement des stations Ă©tait dictĂ© surtout par le tracĂ© de la ligne, de sorte que certaines se trouvaient assez Ă©loignĂ©es des villages qu'elles Ă©taient censĂ©es desservir. Cas extrĂŞme, la gare de Tallone Ă©tait dans la plaine, Ă  15 km du village situĂ©, lui, dans les collines Ă  près de 500 m d'altitude. Tout aussi atypique, la gare de Ghisonaccia, terminus de la ligne pendant quarante-deux ans, se trouvait en plein champs au beau milieu de la plaine orientale, Ă  km du chef-lieu, sur la route de Ghisoni. Un petit hameau entourait cette gare, et est devenu « Ghisonaccia-gare Â», quartier excentrĂ© de Ghisonaccia.

  • L'ancienne gare de Padulella, aujourd'hui mairie de San Nicolao.
    L'ancienne gare de Padulella, aujourd'hui mairie de San Nicolao.
  • L'ancienne gare de Tallone, la route remplace la plate-forme de la voie ferrĂ©e, Ă©tat actuel.
    L'ancienne gare de Tallone, la route remplace la plate-forme de la voie ferrée, état actuel.
  • L'ancienne gare de Ghisonaccia et le tracĂ© de la voie vers le nord.
    L'ancienne gare de Ghisonaccia et le tracé de la voie vers le nord.
  • L'ancienne gare de Travo, devenue mairie de Ventiseri.
    L'ancienne gare de Travo, devenue mairie de Ventiseri.

Notes et références

  1. « no 8168 - Loi qui classe 181 lignes de chemin de fer dans le réseau des chemins de fer d'intérêt général : 17 juillet 1879 », Bulletin des lois de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, xII, vol. 19, no 456,‎ , p. 6 - 12 (lire en ligne).
  2. « no 12178 - Loi qui déclare d'utilité publique l'établissement de la première section du chemin de fer de Casamozza à Bonifacio, comprise entre Casamozza et le Fium'Orbo : 2 août 1882 », Bulletin des lois de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, xII, vol. 25, no 716,‎ , p. 170 - 171 (lire en ligne).
  3. « No 14034 — Loi qui approuve une convention passée entre le ministre des Travaux publics et la Compagnie de chemins de fer départementaux, pour la construction et l'exploitation provisoire des chemins de fer de la Corse : 19 décembre 1883 », Bulletin des lois de la République Française, xII, vol. 27, no 823,‎ , p. 1401 - 1422 (lire en ligne).
  4. Pascal Bejui, Les chemins de fer de la Corse, Nice, La Regordane, 1re Ă©dition 1987, 162 p. (ISBN 2-906984-00-0), p. 7-15 et 19.
  5. « Loi : 1° dĂ©clarant d'utilitĂ© publique l'Ă©tablissement, Ă  titre d'intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral, du chemin de fer de Ghisonaccia Ă  Bonifacio ; 2° approuvant une convention, passĂ©e entre le ministre des Travaux publics, des Postes et des tĂ©lĂ©graphes et la Compagnie de Chemins de fer DĂ©partementaux, pour l'exploitation du rĂ©seau des chemins de fer de la Corse et la concession dĂ©finitive de la ligne de Ghisonaccia Ă  Bonifacio », Journal officiel de la RĂ©publique française, vol. 25, no 330,‎ , p. 9693 - 9697 (lire en ligne).
  6. Pascal Bejui, Les chemins de fer de la Corse, op. cit., p. 35-37.
  7. Pascal Bejui, Les chemins de fer de la Corse, op. cit., p. 26-27, 32 et 134-141.
  8. Paul Carenco, « Les Chemins de fer de la Corse », Chemins de fer Régionaux et Urbains, Paris, FACS-UNECTO, no 270 « Numéro spécial : les chemins de fer de la Corse »,‎ , p. 14-16 (ISSN 1141-7447).
  9. Pascal Bejui, Les chemins de fer de la Corse, op. cit., p. 56.
  10. Pascal Bejui, Les Chemins de fer de la Corse, op. cit., p. 58, 134-141 et 151-152.
  11. Pascal Bejui, Les Chemins de fer de la Corse, op. cit., p. 49-50.
  12. (en) W.J.K. Davies, A Contrast in Islands : The narrow gauge railways of Corsica and Sardinia, East Harling, Norfolk, Royaume-Uni, Plateway Press, , 276 p. (ISBN 1-871980-50-X), p. 211.
  13. Pascal Bejui, Les chemins de fer de la Corse, op. cit., p. 53-55.
  14. W.J.K. Davies, A Contrast in Islands, op. cit., p. 45.
  15. Pascal Bejui, Les Chemins de fer de la Corse, op. cit., p. 88-89.
  16. Cf. p.ex. la carte IGN au 1/25000e no 4352OT, plis A10-8, B9-6, C6, D5.
  17. Pascal Bejui, Les Chemins de fer de la Corse, op. cit., p. 87.
  18. L'ancienne gare de Lecci, encore visible, a longtemps servi de mairie Ă  ce petit village.
  19. W.J.K. Davies, A Contrast in Islands, op. cit., p. 160-161 et 210-211.

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