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La Bataille d'Anghiari

La Bataille d'Anghiari est une peinture murale peinte par LĂ©onard de Vinci de 1504 Ă  1506 sur le mur Est de la salle du Grand Conseil (appelĂ©e aujourd'hui salle des Cinq-Cents) du Palazzo Vecchio de Florence. LĂ©onard de Vinci quitta Florence en 1506, laissant l'Ɠuvre inachevĂ©e. Pour la plupart des commentateurs, LĂ©onard avait utilisĂ© pour ce travail un procĂ©dĂ© nouveau, Ă  l'encaustique, et son travail ne se conserva pas, bien que les artistes aient admirĂ© ses cartons, encore visibles au dĂ©but du XVIIe siĂšcle. Son pendant, la Bataille de Cascina de Michel-Ange, resta Ă©galement inachevĂ©. En 1563, Vasari, chargĂ© de la rĂ©novation du Palazzo Vecchio, peignit de nouvelles scĂšnes de bataille sur les murs de la salle des Cinq-Cents.

La Bataille d'Anghiari
Emplacement supposé dans la salle des Cinq-Cents du Palazzo Vecchio de Florence
Artiste
Date
1504-1506
Commanditaires
Type
peinture murale
Technique
inconnue
Lieu de création
Dimensions (H Ă— L)
7 Ă— 17 m
Format
approximativement
Mouvement
Localisation
Commentaire
détruit au plus tard en 1563
La Tavola Doria
Copie du motif central de l'Ɠuvre de LĂ©onard de Vinci, tableau de la collection Doria (Tavola Doria)
Artiste
Date
1503-1505
Type
huile sur bois
Technique
Peinture
Dimensions (H Ă— L)
86 Ă— 115 cm
Mouvement
Localisation
(Italie)
La Bataille d'Anghiari
Dessin d'aprĂšs le carton de LĂ©onard de Vinci
Artiste
Date
1603
Type
Pierre noire, plume, encre brune et grise, lavis gris, rehauts de blanc et de couleur
Technique
Dessin
Dimensions (H Ă— L)
45,3 Ă— 63,6 cm
No d’inventaire
INV 20271, Recto
Localisation

LĂ©onard de Vinci a laissĂ© plusieurs Ă©tudes prĂ©paratoires, mais aucune d’entre elles ne montre l’ensemble de la scĂšne. On connaĂźt mieux la partie centrale, la Lutte pour l'Étendard, par des copies. Les reconstructions hypothĂ©tiques de l'Ɠuvre ont occupĂ© des historiens d'art depuis le dĂ©but du XXe siĂšcle.

Un historien a formulĂ© l'hypothĂšse selon laquelle Vasari aurait pu conserver l'Ɠuvre de LĂ©onard derriĂšre un mur de briques sĂ©parĂ© de la paroi prĂ©cĂ©dente par un vide. Les experts de la conservation des Ɠuvres et monuments historiques de Florence ont catĂ©goriquement rejetĂ© cette spĂ©culation en octobre 2020. Des explorations effectuĂ©es en 2012 en perçant l'Ɠuvre de Vasari n'avaient produit aucun rĂ©sultat concluant.

La commande

La salle du Grand Conseil

Pierre l’InfortunĂ©, fils de Laurent de MĂ©dicis, est chassĂ© de Florence le . Les MĂ©dicis avaient remplacĂ© les vieilles institutions rĂ©publicaines par des assemblĂ©es de plus en plus restreintes dont les membres n’étaient plus tirĂ©s au sort mais dĂ©signĂ©s par des accoupleurs choisis parmi leurs partisans[1]. Savonarole prĂȘche dĂ©sormais un retour Ă  un vĂ©ritable gouvernement populaire. C’est ainsi que les 23 et , un nouvel organe de gouvernement est mis en place : le Grand Conseil, formĂ© de tous les hommes ĂągĂ©s de plus de vingt-neuf ans dont l'un des ancĂȘtres a Ă©tĂ© Ă©ligible ou Ă©lu Ă  l'un des trois offices majeurs. Il est chargĂ© de prĂ©parer l’élection des magistrats et d’examiner les lois. Une nouvelle salle est construite Ă  l’intĂ©rieur du Palazzo Vecchio pour l’accueillir : la salle du Grand Conseil. Antonio da Sangallo en est l'architecte. Il est nommĂ© le . Francesco Monciatto et Simone del Pollaiolo dit il Cronaca l'assistent. Le , une fois la construction en elle-mĂȘme achevĂ©e, Antonio da Sangallo est remplacĂ© par Baccio d'Agnolo qui exĂ©cute une grande partie des boiseries[2].

La décoration de la salle

AprĂšs la mort de Savonarole en 1498, la Seigneurie de Florence lance en 1503 un programme de dĂ©coration pour la salle du Grand Conseil. Il s’agit pour elle, Ă  la fois de rivaliser avec le mĂ©cĂ©nat des MĂ©dicis, et d’exalter la grandeur et la puissance de Florence. On commande donc Ă  LĂ©onard de Vinci une peinture cĂ©lĂ©brant la victoire d'Anghiari sur les Milanais, et une autre, l'annĂ©e suivante, Ă  Michel-Ange, sur la victoire de Cascina contre les Pisans. LĂ©onard reçoit sans doute sa commande Ă  l’automne 1503. Le , on lui remet les clĂ©s de la salle du Pape, Ă  l’intĂ©rieur du cloĂźtre de Santa Maria Novella, oĂč il installe son atelier[3]. Le , on lui livre la structure de bois qui doit servir d’échafaudage et des draps pour voiler les fenĂȘtres de la salle (per impannare finestre). Le , le Grand Conseil lui accorde une avance de 35 florins et un salaire mensuel de 15 florins, Ă  condition d’avoir achevĂ© le carton avant . Une alternative est cependant offerte Ă  LĂ©onard de Vinci : s’il commence Ă  transfĂ©rer une partie de la composition au mur (sans mĂȘme en avoir achevĂ© le carton), son contrat sera automatiquement renouvelĂ©[4]. Le , des dĂ©penses additionnelles pour l'ouvrage sont attestĂ©es, en particulier pour les assistants de LĂ©onard de Vinci, Raffaelo d’Antonio di Biagio, Ferrando Spagnolo (identifiĂ© au peintre espagnol Fernando Llanos), et Tomaso di Giovanni, qui « broie les couleurs » pour Fernando[5].

Le sujet

La commande de peinture de bataille suit une tradition bien dĂ©veloppĂ©e au XVe siĂšcle dans l'Italie oĂč s'affrontent depuis deux siĂšcles les citĂ©s et leurs condottieres, les papes, les rois de France et les empereurs germaniques.

La bataille d'Anghiari opposa les Milanais et les Florentins (vainqueurs) le prÚs d'Anghiari en Toscane. Les chroniqueurs comme Machiavel ont minimisé l'importance militaire de la bataille, mais elle fut l'épisode final de cette guerre, assurant l'indépendance de Florence.

Alors que Michel-Ange, pour sa part de la commande, renoue avec la tradition de la nuditĂ© hĂ©roĂŻque antique, profitant de l'anecdote de la bataille de Cascina oĂč les troupes florentines, finalement victorieuses, furent surprises alors qu'elle se baignaient dans l'Arno[6], LĂ©onard poursuit la tradition de reprĂ©sentation des combats de cavalerie qu'avait illustrĂ©e au milieu du siĂšcle prĂ©cĂ©dent leur compatriote Paolo Ucello, en la transformant par l'expression de l'action violente de la bataille, notamment dans la reprĂ©sentation des chevaux, le conflit dans l'axe perpendiculaire au tableau et l'incorporation de ses Ă©tudes de visage hors des canons de la beautĂ© antique, dont l'expression contribue au drame[7].

L’exĂ©cution de la peinture

Étude de LĂ©onard de Vinci pour un des personnages de la Lutte pour l'Étendard

LĂ©onard de Vinci commence Ă  peindre La Bataille d’Anghiari le , comme il lâ€˜Ă©crit lui-mĂȘme dans une note du Codex Madrid II : « ce 6e jour de juin 1505, vendredi, sur le coup de la treiziĂšme heure, j’ai commencĂ© Ă  peindre au Palazzo. Au moment oĂč [j’] ai appliquĂ© la brosse, le temps est devenu mauvais, et la cloche a sonnĂ© pour appeler les hommes Ă  se rĂ©unir. Le carton s’est dĂ©chirĂ©, l’eau s’est renversĂ©e et le vase qui la contenait s’est brisĂ©[8] ». Il commence par la partie centrale, la Lutte pour l’Étendard. La scĂšne reprĂ©sente une charge menĂ©e par les Florentins pour s’emparer de l’étendard des Milanais. Le cavalier qui est dĂ©crit par Vasari comme « un vieux guerrier, coiffĂ© d’un bĂ©ret rouge » reprĂ©sente probablement le condottiere NiccolĂČ Piccinino. On livre encore des fournitures Ă  LĂ©onard de Vinci le . Il s’agit de 60 livres de plĂątre destinĂ©es Ă  servir d‘enduit pour le mur (60 di gesse da murare)[9]. Le , il obtient l’autorisation de quitter Florence pour Milan. Il laisse l'Ɠuvre inachevĂ©e mais il s’engage Ă  ĂȘtre de retour dans les trois mois, et Ă  payer, dans le cas contraire, la somme de 150 florins. LĂ©onard de Vinci ne remplit pas cependant ses obligations puisque, le , Piero Soderini Ă©crit Ă  Geoffroy Carles, vice-chancelier de Milan : « s’il doit rester encore plus longtemps chez vous, qu’il nous rende l’argent que nous lui avons donnĂ© pour le travail, qu’il n’a d’ailleurs pas commencĂ©, ainsi nous serons satisfait ; pour cela nous nous en remettons Ă  lui ». Le , Piero Soderini se plaint encore Ă  Geoffroy Carles de LĂ©onard de Vinci : « Il a pris une bonne somme d’argent et n’a fait qu’un tout petit commencement d'une grande Ɠuvre (uno piccolo principe a una opera grande)[10] ». Le , c’est le roi de France lui-mĂȘme qui avertit Piero Soderini qu’il a besoin de LĂ©onard de Vinci et « que nous entendons de luy faire fer quelque ouuraige de sa main[11] ». Selon Vasari, LĂ©onard s’arrangea pour rĂ©unir la somme demandĂ©e par la seigneurie de Florence, mais Piero Soderini la refusa[12].

Le carton de Michel-Ange pour La Bataille de Cascina fut exposĂ© dans la salle des Papes de Santa Maria Novella et celui de LĂ©onard de Vinci pour La Bataille d’Anghiari au palais des MĂ©dicis (l’actuel palais Medici-Riccardi). Benvenuto Cellini les Ă©voque dans ses mĂ©moires : « Tant qu’ils restĂšrent entiers, ils furent l’école du monde[13]. »

L'abandon et la destruction

Daniel Arasse remarque que les habitudes de travail de LĂ©onard de Vinci, faisant progresser plusieurs projets Ă  la fois, l'empĂȘchaient de se plier Ă  la discipline de la peinture Ă  la fresque, oĂč la surface murale prĂ©parĂ©e doit ĂȘtre peinte avant d'ĂȘtre sĂšche. Aussi bien, l'effet de sfumato qu'il recherchait pour sa peinture, ne s'obtient qu'avec l'huile[14].

La plupart des biographes de LĂ©onard de Vinci s'accordent pour considĂ©rer que l'Ă©chec d'une innovation technique conduisit LĂ©onard de Vinci Ă  abandonner l'ouvrage. C'est ce qu'explique le tout premier d'entre eux dans le Libro di Antonio Billi, manuscrit rĂ©digĂ© vers 1518 : « [LĂ©onard de Vinci] avait empruntĂ© Ă  Pline la recette des couleurs qu’il employa, mais sans l‘avoir parfaitement comprise. Il l'expĂ©rimenta pour la premiĂšre fois dans la salle des Papes oĂč il travaillait ; il fit devant le mur un grand feu de charbon qui devait par sa chaleur sĂ©cher la matiĂšre. Puis, lorsqu’il commença de peindre dans la salle du Conseil, il apparut que le feu sĂ©chait et consolidait la partie infĂ©rieure de la fresque, mais qu’il ne pouvait, en raison de la distance qui l’en sĂ©parait, atteindre Ă  la partie supĂ©rieure, oĂč, n’étant pas fixĂ©es, les couleurs se mirent Ă  couler ». Selon Vasari, « le carton terminĂ©, LĂ©onard se disposa Ă  l'exĂ©cuter sur le mur. Il voulait le peindre Ă  l'huile, et imagina une prĂ©paration si Ă©paisse pour servir de dessous, qu’elle vint Ă  couler et Ă  gĂąter ce qu'il avait commencĂ© ; ce qui lui fit abandonner le tout[15] ». La peinture murale, inachevĂ©e comme son pendant, La Bataille de Cascina de Michel-Ange, fut effacĂ©e pour faire place Ă  un ensemble de scĂšnes de batailles de Vasari commandĂ© par les MĂ©dicis.

En 1510, Albertini, dans une sorte de guide consacrĂ© Ă  Florence signale « les chevaux de LĂ©onard » au Palazzo Vecchio [16] ». En 1513, la Seigneurie met en place une palissade qui doit protĂ©ger le travail de LĂ©onard. Paolo Giovio, dans sa vie de LĂ©onard de Vinci, rĂ©digĂ©e vers 1525, remarque avec finesse « dans la salle du Conseil de la Seigneurie de Florence une bataille et victoire sur les Pisans magnifique mais malheureusement incomplĂšte Ă  cause d'un dĂ©faut de l'enduit qui rejetait avec une singuliĂšre obstination les couleurs mĂ©langĂ©es Ă  l'huile de noix. Mais le regret des dĂ©gĂąts inattendus semble avoir extraordinairement accru la fascination de l'Ɠuvre interrompue[17] ». En 1549, la partie centrale est toujours visible puisque Anton Francesco Doni note dans un guide dĂ©diĂ© Ă  Alberto Lollio : « quand tu auras gravi l’escalier qui monte Ă  la Grande salle, regarde bien un groupe de chevaux qui te semblera une grande chose ».

La salle est entiĂšrement rĂ©novĂ©e par Vasari, Ă  la demande de Cosme Ier de MĂ©dicis. En 1563, il peint six scĂšnes de bataille sur les murs ouest et est, recouvrant ainsi les derniĂšres traces de La Lutte pour l‘Étendard.

Les traces de l'Ɠuvre de LĂ©onard

Gravure de la copie de la Tavola Doria réalisée par Zacchia en 1558 (Albertina, Vienne).

LĂ©onard de Vinci a laissĂ© plusieurs Ă©tudes prĂ©paratoires, mais aucune d’entre elles ne montre l’ensemble de la scĂšne. On connaĂźt mieux la partie centrale, la Lutte pour l'Étendard, par des copies comme la Tavola Doria, par la gravure de 1558 due Ă  Lorenzo Zacchia le jeune[18]. Les fragments connus de l'Ɠuvre correspondent Ă  une description de tableau de bataille laissĂ©e par LĂ©onard de Vinci dans le manuscrit H de l'Institut de France[19].

La fascination pour l'Ɠuvre accidentĂ©e, notĂ©e par Paolo Giovio, ne s'est pas dĂ©mentie aprĂšs sa destruction, et on ne compte pas les tentatives de reconstruction, littĂ©raires ou graphiques.

La réinterprétation qu'en fit plus tard Pierre Paul Rubens dans un dessin conservé au musée du Louvre a fait en 2001 l'objet d'une expertise, visant à l'identification des diverses mains ayant abouti au dessin que l'on connaßt[20].

La théorie de la conservation

Pour l’historien de l’art Carlo Pedretti, Vasari aurait Ă©tĂ© victime d'un dilemme : exĂ©cuter rapidement la commande des MĂ©dicis ou sauver coĂ»te que coĂ»te le chef-d'Ɠuvre d'un maĂźtre qu'il admirait par-dessus tout. Il aurait rĂ©solu ce dilemme en faisant monter un second mur de briques devant la peinture de LĂ©onard de Vinci (dĂ©jĂ  peinte sur un mur de briques) en laissant un espace de quelques centimĂštres entre les deux murs. Vasari montra en 1570 son respect pour les grands maĂźtres de la Renaissance. Il fut chargĂ© de peindre une Madone du Rosaire, en l'Ă©glise Santa Maria Novella de Florence, Ă  l’emplacement mĂȘme oĂč Masaccio avait peint sa fresque de la TrinitĂ©. Vasari refusa de dĂ©truire l'Ɠuvre de Masaccio et se contenta de la dissimuler derriĂšre sa propre peinture. Il pourrait avoir agi de la mĂȘme façon pour l'Ɠuvre de LĂ©onard de Vinci.

En 1975, Pedretti, assistĂ© de l’ingĂ©nieur Maurizio Seracini, mĂšne une premiĂšre campagne de recherches pour retrouver l’emplacement de la peinture de LĂ©onard de Vinci. Seracini, qui a entretemps fondĂ© la sociĂ©tĂ© Editech, poursuit ses recherches. Il utilise pour ce faire des technologies modernes : Ă©chographie, radar, endoscope, etc.). Il interprĂšte une inscription, Cerca trova (« Qui cherche trouve ») sur une des peintures de Vasari (La Bataille de Marciano) comme indice laissĂ© par Vasari dĂ©signant l’emplacement de l'Ɠuvre disparue de LĂ©onard de Vinci. Sa conviction est renforcĂ©e lorsqu'il dĂ©couvre la date de 1553 sur une copie de la Lutte pour l'Étendard conservĂ©e Ă  la Galerie des Offices de Florence. Il en dĂ©duit qu'Ă  cette date (seulement 10 ans avant que Vasari se charge de la transformation du Palazzo Vecchio), l'Ɠuvre de LĂ©onard de Vinci Ă©tait toujours visible et, si l'on en juge par cette copie, encore en bon Ă©tat. La thĂšse de Maurizio Seracini part du principe que la copie des Offices aurait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e d’aprĂšs la peinture elle-mĂȘme. Il existait cependant d'autres sources pour un copiste : le carton prĂ©paratoire, l’essai rĂ©alisĂ© par LĂ©onard de Vinci pour expĂ©rimenter le procĂ©dĂ© technique tirĂ© de Pline, ainsi que les autres copies existantes.

Alessandro Vezzosi, directeur du musĂ©e d'art Leonardo da Vinci de Florence, favorable Ă  la thĂšse de la conservation, dĂ©clare en : « Nous pouvons voir dans les Ă©crits de Vasari qu’il considĂ©rait vraiment LĂ©onard comme trĂšs important
 et qu'il a dĂ©jĂ  utilisĂ© des techniques similaires pour protĂ©ger d'autres chefs-d'Ɠuvre, victimes toutes dĂ©signĂ©es de l'Ă©goĂŻsme des grands ».

Poursuivant le dĂ©bat qui oppose historiens de l’art et historiens, Alfonso Musci et Alessandro Savorelli publient en un article dans le journal de l’institut italien d’étude sur la Renaissance[21] qui conteste l’hypothĂšse de Maurizio Seracini Ă  propos de la devise apparaissant dans l’Ɠuvre murale de Vasari.

À partir des mots « CERCA TROVA », ces derniers ont ainsi choisi de replacer l’ensemble de ces hypothĂšses Ă  la lumiĂšre des Ă©vĂšnements qui se sont dĂ©roulĂ©s durant la bataille de Scannagallo (1554). À cet Ă©gard, les Ă©crits de Bernardo Segni, Antonio Ramirez de Montalvo ou bien encore Domenico Moreni, deux siĂšcles plus tard, sont autant de sources Ă  mĂȘme de nous permettre une bonne comprĂ©hension de tous les aspects de cette bataille. En effet, ces travaux regroupent des descriptions dĂ©taillĂ©es des symboles anti-mĂ©dicĂ©ens prĂ©sents Ă  Marciano della Chiana. Et, parmi ceux-ci, on retrouve notamment huit Ă©tendards verts comportant les vers de Dante « LibertĂ  va cercando, ch'Ăš sĂŹ cara come sa chi per lei vita rifiuta » (Purgatorio, vv. 70-72) et l’ancien blason « Libertas » brodĂ©s en or. Ces Ă©tendards, cadeau du roi de France Henri II aux troupes des exilĂ©s florentins, auraient dĂ» en toute logique devenir le butin des vainqueurs aprĂšs la dĂ©faite des rĂ©publicains et des troupes françaises. Remis au grand-duc Cosme Ier, ils avaient alors vocation Ă  ĂȘtre exposĂ©s dans la nef centrale de la basilique San Lorenzo, malheureusement toute trace de leur destinĂ©e est aujourd’hui perdue.

L’analyse du thĂšme « florentina libertas » du XVIe siĂšcle dans le cycle de peinture imaginĂ© par le grand-duc Cosme Ier et Vincenzo Borghini pour le Salone dei Cinquecento, amĂšne ainsi Musci et Savorelli Ă  suggĂ©rer que la fameuse devise « Cerca trova » Ă©tait une vĂ©ritable allusion aux vers de Dante, et par lĂ  mĂȘme au destin malheureux des RĂ©publicains (« cherchant la libertĂ© et trouvant la mort »). Cette nouvelle approche, conteste ainsi l’interprĂ©tation de Seracini selon laquelle l’étendard vert serait un indice laissĂ© volontairement par Vasari afin de rĂ©vĂ©ler l’emplacement de l’Ɠuvre lĂ©guĂ©e par LĂ©onard de Vinci Ă  la ville de Florence.

L'annonce de la découverte de la Bataille

Le , Maurizio Seracini, un spĂ©cialiste indĂ©pendant d'expertise artistique, qui dirige depuis une dizaine d'annĂ©es une Ă©quipe recherchant la Bataille de LĂ©onard de Vinci, a dĂ©clarĂ© dans un communiquĂ© l'avoir retrouvĂ©e sous la peinture de Vasari[22]. Ils ont percĂ© cette derniĂšre afin d'y introduire des micro-camĂ©ras et des sondes endoscopiques et ont dĂ©couvert ce qui pourrait ĂȘtre l'Ɠuvre disparue. Seracini prĂ©cise cependant que ses dĂ©couvertes n'apportaient pas une « rĂ©ponse dĂ©finitive » et que d'autres analyses chimiques Ă©taient encore nĂ©cessaires. Le protocole et les annonces de Seracini sont mis en cause par une partie de la presse et des historiens de l'art italiens et internationaux, en ce qu'ils dĂ©tĂ©riorent une Ɠuvre existante, Ă  grand frais et Ă  grand bruit, au bĂ©nĂ©fice d'une hypothĂšse romanesque[23].

L'annonce de la non existence de la Bataille

Le , Cecilia Frosinini, expert de Léonard de Vinci, directrice du département de restauration des peintures murales de l'Opificio delle pietre dure à Florence assure que « Il n'y a pas de Bataille d'Anghiari sous la peinture de Vasari dans le Salone dei Cinquecento au Palazzo Vecchio ».

« Non seulement nous n'avons pas la fresque, mais nous n'avons mĂȘme plus la grande salle du Palazzo Vecchio telle que LĂ©onard l'avait connue », a dĂ©clarĂ© Cinzia Maria Sicca Bursill-Hall[24]. Les archives tĂ©moignent que pendant la premiĂšre moitiĂ© du XVIe siĂšcle, des transformations ont eu lieu, avec des dĂ©molitions et des reconstructions d'une telle ampleur qu'aucune trace du chef-d'Ɠuvre n'a pu subsister. La Grande Salle est devenue pendant quelques annĂ©es un quartier militaire avec la construction de cheminĂ©es prĂšs des murs d'enceinte[25].

Annexes

Bibliographie

  • Daniel Arasse, LĂ©onard de Vinci, le rythme du monde, Paris, Hazan, (1re Ă©d. 1997), p. 335-346.
  • (en) Claire J. Farag, « Leonardo's Battle of Anghiari: A Study in the Exchange between Theory and Practice », The Art Bulletin, College Art Association, vol. 76, no 2,‎ , p. 367-382 (lire en ligne)
  • (en) Barbara Hochstetler Meyer, « Leonardo's Battle of Anghiari: Proposals for Some Sources and a Reflection », The Art Bulletin, College Art Association, vol. 66, no 3,‎ (lire en ligne)
  • (en) H. Travers Newton et John R. Spencer, « On the Location of Leonardo's Battle of Anghiari », The Art Bulletin, College Art Association, vol. 64, no 1,‎ , p. 45-52 (lire en ligne)
  • StĂ©phane Toussaint, « L’affaire de la Bataille d’Anghiari », La Tribune de l'Art,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  • (it) A cura di Roberta Barsanti, Gianluca Belli, Emanuela Ferretti e Cecilia Frosinini, La Sala Grande di Palazzo Vecchio e la Battaglia di Anghiari di Leonardo da Vinci. Dalla configurazione architettonica all'apparato decorativo, Olschki, coll. « Biblioteca Leonardiana. Studi e Documenti », .

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Réformes du 11 août 1458, du 5 septembre 1465, du 8 avril 1480.
  2. J. Wilde, The Hall of the Great Council of Florence, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, VII, 1944.
  3. Florence, Archives d‘État, Signori e Collegi, dĂ©libĂ©rations in forza d‘ordinaria autorita, 105, f.106r.
  4. Florence, Archives d‘État, Signori e Collegi, dĂ©libĂ©rations in forza d‘ordinaria autorita, 106, f.40v-41r.
  5. Florence, Archives d’État, Operai di Palazzo, registre des dĂ©penses 110, f.76v-80r.
  6. (en) Kenneth Clark, The Nude, an Essay in Ideal Form, Princeton University Press, (1re éd. 1956), p. 202-203 ; traduction en français Kenneth Clark (trad. de l'anglais), Le Nu, Paris, Hachette, (1re éd. 1969), 285 p. (ISBN 2-01-278909-9).
  7. Arasse 2011, p. 339-342 ; Hochstetler Meyer 1984.
  8. Ms Madrid II, f.1r.
  9. Florence, Archives d’État, Signori e Collegi, dĂ©libĂ©rations in forza d’ordinaria autorita, 107, f.83r.
  10. Florence, Archives d’État, Signori, minutes des correspondances, liasse 19, f.124v (ex 108v).
  11. Florence, Archives d’État, Diplomatico, Reformazioni, actes publics, 14 janvier 1507.
  12. Giorgio Vasari, Le vite de piĂč eccelenti pittori, scultori e architettori, 1550 puis 1568 (Ă©dition française sous la direction d’AndrĂ© Chastel, Berger-Levrault, 1981-1989).
  13. Benvenuto Cellini, Vita di Benvenuto Cellini, Colonia, 1728, Ă©dition française : la Vie de Benvenuto Cellini Ă©crite par lui-mĂȘme, Scala, 1986
  14. Arasse 2011, p. 258.
  15. « Et imaginandosi di volere a olio colorire en muro, fece una composizione d'una mistura si grossa, per lo incollato del muro: che continuando a dipignere in detta sala,cominciĂČ a colare, di maniera, che in breve tempo, abbandonĂČ quella vedendola guastare. » —Giorgio Vasari, Le vite de' piu eccellenti pittori, scultori, e architettori, 3e partie, 1er volume, Ă©d. 1568, p. 10 ; Vies des peintres, sculpteurs et architectes, tome 4, p. 19 dans la traduction de LĂ©opold LeclanchĂ©, 1839 [lire en ligne].
  16. Francesco Albertini, Memoriale di molte statue et picture di Florentia, Florence, 1510.
  17. « Nella sala del Consiglio della Signoria fiorentina rimane una battaglia e vittoria sui Pisani, magnifica ma sventuratamente incompiuta a causa di un difetto dell'intonaco che rigettava con singolare ostinazione i colori sciolti in olio di noce. Ma il rammarico per il danno inatteso sembra avere straordinariamente accresciuto il fascino dell'opera interrotta »
  18. Arasse 2011, p. 336.
  19. Léonard de Vinci (trad. Joséphin Péladan), Textes choisis : pensées, théories, préceptes, fables et facéties, Paris, (lire en ligne), p. 276 à 279 (voir la note page 279).
  20. Valérie Morignat, Une allégorie du corps créateur met en évidence l'intervention d'auteurs multiples dans le dessin de La Lutte pour l'étendard du musée du Louvre.
  21. (it) Alfonso Musci et Alessandro Savorelli (appendice), « Giorgio Vasari. «Cerca trova». La storia dietro il dipinto », Rinascimento,‎ , p. 237-268 (lire en ligne).
  22. LĂ©onard de Vinci : une fresque perdue Ă©merge Ă  Florence sur le site du Huffington Post
  23. Toussaint 2012.
  24. (it) Laura Montanari, « Firenze: "Leonardo non ha dipinto la Battaglia di Anghiari nel Salone dei Cinquecento" », sur la Repubblica, Repubblica, (consulté le ).
  25. Barsanti 2020.

Liens externes

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