Accueil🇫🇷Chercher

Étude pour la Madone au chat

L'Étude pour la Madone au chat (en italien : Studio per la Madonna del gatto) est un ensemble de deux dessins du peintre florentin Léonard de Vinci, réalisés vers 1480, figurant au recto et au verso d’une feuille de papier actuellement conservée au British Museum de Londres après avoir fait partie de la collection du prince Nicolas Esterházy.

Étude pour la Madone au chat
Verso.
Artiste
Date
c. 1478-1481
Technique
plume et encre brune, sur tracé préparatoire au style, avec lavis brun au verso
Dimensions (H Ă— L)
13 Ă— 9,4 cm
No d’inventaire
1856,0621.1[1]
Localisation

Elle s’inscrit dans une série de travaux de l’artiste sur ce thème, composée d’au moins cinq autres pièces. Avec celui sur une feuille conservée à la galerie des Offices (nommée par le musée Vierge à l’Enfant caressant un chaton), les deux dessins de l’Étude pour la Madone au chat du British Museum sont les plus aboutis de Léonard de Vinci sur ce sujet.

Description

Dessin à l’encre brune de la Vierge Marie tenant sur ses genoux l’Enfant Jésus qui embrasse un chat.
Recto de la feuille conservée au British Museum.

L’œuvre est constituée de deux dessins réalisés à la plume et à l’encre brune, sur tracé préparatoire au style, avec lavis brun au verso. Léonard de Vinci les a probablement dessinés lorsqu’il travaillait sur L’Adoration des mages[1].

Les deux dessins — figurant de part et d’autre (recto et verso) d’une feuille de papier de 13 Ă— 9,4 cm — reprĂ©sentent, dans un cadre arquĂ©, la Vierge tenant dans ses bras l’Enfant enlaçant un chat. Dans le dessin situĂ© au verso, la tĂŞte de la Vierge est reprĂ©sentĂ©e dans deux positions diffĂ©rentes — ce que l’on voit frĂ©quemment dans les dessins de Verrocchio et de ses disciples[2] — autour d’une position centrale reprĂ©sentĂ©e par un simple tracĂ© du contour. En regardant Ă  travers la feuille, on constate que la plupart des contours dessinĂ©s sur une face suivent parfaitement ceux de l’autre face[1].

La Vierge et l’Enfant sont étroitement enfermés dans un arc et, au recto, une fenêtre est dessinée en haut à droite, à côté de la tête de Marie. Ce choix de composition fait penser à la Madone Benois, peinte vers la fin des années 1470 (vraisemblablement peu de temps avant ces dessins)[1]. Les deux compositions sont dominées par la forte diagonale établie par la position des têtes des protagonistes. L’interaction entre l’enfant et l’animal se caractérise par l’impression que le chat donne de vouloir échapper à l’étreinte étouffante du Christ[1].

Au recto, la moitié supérieure du dessin est bien plus intelligible que la moitié inférieure, la recherche par l’artiste d’une position satisfaisante des jambes de la Vierge se traduisant par un enchevêtrement de lignes[1].

Léonard de Vinci a ensuite retourné la feuille de papier et, en la tenant à la lumière, a sélectionné sur le verso de la feuille les contours préférés du dessin qu’il venait de réaliser au recto. La composition n’est pas seulement inversée mais aussi légèrement modifiée pour la rendre plus équilibrée (position des jambes et de la tête de la Vierge en particulier)[1]. Bien que la conception soit plus résolue de ce côté-ci que de l’autre, Léonard de Vinci a continué à explorer différentes idées, comme dans le cas des trois positions de la tête de la Vierge (la position centrale est tracée à partir du recto), les solutions préférées de l’artiste étant mises en évidence par une touche finale de lavis brun qui clarifie les contours et obscurcit, au moins dans une certaine mesure, les diverses altérations[1].

Dans la série de travaux de Léonard de Vinci sur ce thème, le dessin au verso est l’un des plus résolus. Il s’agit donc probablement de l’un des plus récents[1].

Autres dessins préparatoires

Léonard de Vinci a réalisé au moins cinq autres dessins — ou ensembles de dessins — sur le thème de la Vierge à l’Enfant jouant avec un chat (ou le tenant dans ses bras)[1], parmi lesquels :

  • une feuille de 12,5 Ă— 11 cm, composĂ©e de deux dessins sur ce thème (un sur chaque face), est conservĂ©e au Cabinet des dessins et des estampes de la galerie des Offices de Florence sous le numĂ©ro d’inventaire 421 E[N 1]. LĂ  encore, le dessin au verso a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en suivant, par transparence, les contours de celui au recto (nonobstant quelques modifications) : les lignes dessinant les hanches, les pieds, la jambe droite levĂ©e, le bras gauche avec la main ouverte tenant le chat — imperceptible dans ce dessin —, correspondent dans une large mesure. Il se distingue en particulier du dessins au recto par la prĂ©sence de trois positions de la tĂŞte de l’Enfant (celle de droite, tournĂ©e vers sa mère, a Ă©tĂ© dessinĂ©e par transparence), donnant l’illusion d’une rotation[3]. De l’avis de Bernard Berenson, le dessin au recto est « de loin le plus beau [de ses] dessins pour la Madone au chat »[N 2] - [4] - [5] ;
  • un dessin se trouve au musĂ©e Bonnat-Helleu de Bayonne[6] ;
  • deux feuilles constituĂ©es de dessins sur leurs deux faces se trouvent au British Museum[N 3] :
    • l’une de ces feuilles est conservĂ©e sous le numĂ©ro d’inventaire 1860,0616.98. Le recto est constituĂ© de deux dessins de Vierge Ă  l’Enfant avec un chat et de trois dessins de l’Enfant avec un chat. Sur le verso figure le dessin d’une jeune femme avec une licorne[7],
    • l’autre feuille est conservĂ©e sous le numĂ©ro d’inventaire 1857,0110.1. Son cotĂ© recto est constituĂ© de trois dessins de l’Enfant avec un chat et d’un dessin de chat. Au verso se trouvent un dessin de l’Enfant (seul), un de Vierge Ă  l’Enfant avec un chat, et un de chat (seul)[8] ;
  • un dessin (Bodmer 125 ; BB 1045A), prĂ©cĂ©demment dĂ©tenu par la fondation Martin Bodmer, a Ă©tĂ© vendu par celle-ci, le Ă  New York[9], Ă  la collection privĂ©e d’Arthur Hungerford Pollen[N 4], situĂ©e Ă  Londres[1].
  • Dessin Ă  l’encre brune de la Vierge Marie tenant sur un tabouret l’Enfant JĂ©sus qui embrasse un chat.
    Vierge à l’Enfant caressant un chaton. Dessin au recto de la feuille conservée à la galerie des Offices.
  • Dessin en grande partie effacĂ© : seul l’Enfant JĂ©sus apparait clairement, dans une position demi-assise.
    Vierge à l’Enfant caressant un chaton. Dessin au verso de la feuille conservée à la galerie des Offices.
  • Trois croquis de l’Enfant JĂ©sus qui, assis sur les genoux de la Vierge Marie, embrasse un chat.
    Dessin de Vierge à l’Enfant jouant avec un chat, conservé au musée Bonnat-Helleu.
  • Deux dessins de la Vierge Marie avec l’Enfant JĂ©sus et un chat, et trois dessins de l’Enfant avec un chat.
    Dessins figurant au recto de la feuille conservée au British Museum sous le numéro d’inventaire 1860,0616.98.
  • Dessin, dans un cadre rectangulaire d’assez petite taille, d’une jeune femme avec une licorne.
    Dessin d’une jeune femme avec une licorne figurant au verso de la feuille conservée au British Museum sous le numéro d’inventaire 1860,0616.98.
  • Trois dessins de l’Enfant JĂ©sus avec un chat, et un dessin de chat.
    Dessins figurant au recto de la feuille conservée au British Museum sous le numéro d’inventaire 1857,0110.1.
  • Un dessin de l’Enfant (seul), un de Vierge Ă  l’Enfant avec un chat, et un de chat (seul).
    Dessins figurant au verso de la feuille conservée au British Museum sous le numéro d’inventaire 1857,0110.1.
  • Dessin Ă  l’encre brune de la Vierge Marie tenant sur ses genoux l’Enfant JĂ©sus qui embrasse un chat.
    Vierge à l’Enfant tenant un chat (collection privée d’Arthur Hungerford Pollen, Londres).

Une feuille de 20,2 Ă— 15,1 cm constituĂ©e de quatre dessins longtemps attribuĂ©s Ă  LĂ©onard de Vinci (dont un dessin de la Vierge avec deux enfants, l’un d’eux jouant avec un chat) fait partie de la Royal Collection[10]. Selon Berenson[11], cependant, ces dessins sont des imitations[12].

Importance du chat

Le choix de représenter la Vierge et l’Enfant en compagnie d’un chat peut sembler insolite ; l’agneau, par exemple, est un symbole chrétien plus évident. En fait, cela vient sans doute en partie d’une légende selon laquelle un chat serait né en même temps que le Christ[1]. De plus, Léonard de Vinci portait un certain intérêt aux chats, dont il disait : « Le plus petit des félins est un chef-d'œuvre[13]. » Il existe plusieurs dessins témoignant de cet intérêt, notamment son Étude du mouvement des chats.

Historique des acquisitions

La feuille était détenue par Anthony de Poggi. En 1810, à Paris, il la vend à Nicolas II Esterházy[N 5], qui y appose son sceau. En 1855, cette marque est presque entièrement effacée par un « P. »[N 6] caractéristique des dessins volés à la collection Esterházy[N 7], après que Joseph Altenkopf (de), directeur d’une de ses galeries, a vendu la feuille, directement ou indirectement à Giovanni Battista Cavalcaselle. L’année suivante, elle est acquise pour 45 £ par le British Museum, qui à son tour y appose son sceau[1]. Elle figure dans les collections sous le numéro d’inventaire 1856,0621.1.

Œuvres inspirées de ces dessins

On ne connait aucun tableau de Madone au chat par Léonard de Vinci. En revanche, certaines œuvres sont manifestement inspirées de ses dessins préparatoires sur ce thème.

La plus notoire est sûrement Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant Jésus jouant avec un agneau, où l’Enfant agit avec l’agneau un peu comme il agit avec le chat dans les dessins[1].

La Madone aux fuseaux, aujourd’hui disparue, est également le fruit de ces travaux[1].

La Vierge à l'Enfant avec l'agneau, attribuée au peintre léonardesque Hernando de los Llanos, s’inspire largement de ces dessins[15]. Une radiographie du tableau a révélé que l’artiste avait commencé par peindre un chat, ensuite remplacé par un agneau[16].

Léonard de Vinci a également continué à explorer sur papier les thèmes de ces travaux. Sainte Anne, la Vierge, l'Enfant Jésus et saint Jean-Baptiste enfant en est probablement l’exemple le plus remarquable[1].

Les estimations actuelles étant incertaines à ce sujet, il est aussi possible que la Madone Benois découle directement de ces dessins et non qu’elle les ait inspirés. En effet, les similitudes entre ces œuvres sont importantes et Léonard de Vinci pourrait avoir abandonné son idée de faire figurer un chat dans le tableau[1].

Fausse Madone au chat

Le thème de la « Vierge Ă  l’Enfant jouant avec un chat » n’est prĂ©sent dans aucun tableau connu de LĂ©onard de Vinci, ce qui n’a pas manquĂ© de provoquer des dĂ©bats. En 1939, un tableau (de 58 Ă— 43 cm) ressemblant fort Ă  ce que pourrait ĂŞtre cette Madone au chat fait son apparition dans l’exposition de la Triennale de Milan tenue au château des Sforza, avant de disparaĂ®tre dès la fin de celle-ci. Le tableau ne refait surface qu’en , quelques jours après la mort de son auteur, Cesare Tubino[N 8]. Sa Madone au chat est dĂ©couverte accrochĂ©e dans sa chambre Ă  coucher[17].

Dans son testament, Tubino déclare qu’il en est l’auteur et qu’en 1939, il avait exposé son faux pour protester contre la lourde censure qu’exerçait le régime fasciste sur l’art. Le faux était très habilement réalisé — craquelures, dépôts de fumée de bougie, faux signes d’anciennes restaurations —, tant et si bien que l’expert du ministère de la Culture, Giorgio Nicodemi, l’avait déclaré authentique[17].

La famille du défunt faussaire a hérité du tableau et a décidé de ne pas s’en séparer[18].

Notes et références

Notes

  1. Décliné en 421 E r. pour le recto et 421 E v. pour le verso.
  2. « The finest by far of all the drawings for a Madonna del Gatto is the noble sketch in the Uffizi »
  3. Sujets des numéros 98 et 99 dans le catalogue d’Arthur Ewart Popham (en) et Philip Pouncey, « Italian Drawings in the Department of Prints and Drawings in the British Museum: The Fourteenth and Fifteenth Centuries » (Londres, The British Museum Press, 1950).
  4. Du nom d’Arthur Pollen (en).
  5. Le prince Esterházy a acquis nombre de ses estampes et dessins, y compris des dessins de Léonard de Vinci, auprès d’A. C. Poggi à Paris en 1810.
  6. Ce « P. » a longtemps été considéré comme étant la marque de la collection de Vincenzo Pacetti (en), dont elle se distingue cependant par la présence d’un point après la lettre majuscule.
  7. L’effacement soigneux et la tentative de dissimulation de la marque Esterházy (dĂ©tectĂ©e vers la fin des annĂ©es 1940[14]), ainsi que la proximitĂ© entre la date d’acquisition et celle du vol, en 1855 par Joseph Altenkopf (de), directeur d’une de ses galeries, d’un grand nombre de gravures et de pièces importantes de la collection Esterházy, indiquent que la feuille a Ă©tĂ© volĂ©e Ă  la mĂŞme occasion.
  8. NĂ© en 1899 Ă  GĂŞnes et mort en 1990 Ă  Turin ; disciple de Vittorio Cavalleri.

Références

  1. (en)The British Museum Database (1856,0621.1) .
  2. (en) « Madonna del gattino con la testa indicata in due posizioni diverse (come non di rado nei seguaci del Verrocchio) / Madonna iscritta in una cornice arcuata col Bambino che carezza un gattino », sur florentinedrawings.itatti.harvard.edu (consulté le ).
  3. (it) « Leonardo da Vinci e la “Madonna del gatto”: quando il fine giustifica i mezzi. », sur foglidarte.it, (consulté le ).
  4. (en) Bernard Berenson, The Drawings of the Florentine Painters, vol. 2 : Catalogue, Chicago, University of Chicago Press, , 420 p. (ISBN 978-0-226-04357-9), p. 151.
  5. (en) « Madonna col Bambino che carezza un gattino / Fanciullo nudo, quasi di profilo a sinistra, che giuoca con un gattino in grembo alla madre (della quale sono indicati soltanto il braccio e la mano sinistra), che lo regge sotto le gambine; Egli ha due teste e tre spalle, disegnate le une sulle altre », sur florentinedrawings.itatti.harvard.edu (consulté le ).
  6. « Œuvre : Précisions », sur webmuseo.com (consulté le ).
  7. (en)The British Museum Database (1860,0616.98) .
  8. (en)The British Museum Database (1857,0110.1) .
  9. « Historique des enrichissements », sur www.fondationbodmer.ch (consulté le ).
  10. (en) « Explore the Royal Collection Online », sur rct.uk (consulté le ).
  11. (en) Bernard Berenson, The Drawings of the Florentine Painters, vol. 2 : Catalogue, Chicago, University of Chicago Press, , 420 p. (ISBN 978-0-226-04357-9), p. 149.
  12. (en) « Imitazione degli schizzi di Leonardo per una Madonna del gatto, con la differenza che qui la Vergine siede per terra », sur florentinedrawings.itatti.harvard.edu (consulté le ).
  13. « Histoire du chat - Dieu ou diable », sur herodote.net, (consulté le ).
  14. (en) Arthur Ewart Popham (en) et Philip Pouncey, Italian Drawings in the Department of Prints and Drawings in the British Museum : The Fourteenth and Fifteenth Centuries, vol. 2, Londres, The British Museum Press, , 370 p. (ISBN 978-0-7141-0782-0, OCLC 175100514), chap. 97
  15. (it) « Madonna con il Bambino e l’agnellino », sur pinacotecabrera.org (consulté le ).
  16. (en) Carmen Bambach et al., Leonardo da Vinci : Master Draftsman, New Haven, Yale University Press, , 800 p. (ISBN 0-300-09878-2, lire en ligne), p. 292.
  17. (it) « Ho falsificato Leonardo », sur repubblica.it, La Repubblica, (consulté le ).
  18. (en + it) « Il ritorno della Madonna misteriosa », sur libero.it, Newsweek, (consultĂ© le ).

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.