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L'Ă‚ge d'or (film, 1930)

L'Âge d'or est un film français réalisé par Luis Buñuel et sorti en 1930. Ce film, décrit comme « anticlérical et antibourgeois »[1], est coécrit par Buñuel et Salvador Dalí.

L'Ă‚ge d'or
Description de l'image L'Age D'Or logo.png.
Réalisation Luis Buñuel
Scénario Luis Buñuel
Salvador DalĂ­
Acteurs principaux

Gaston Modot
Lya Lys
Caridad de Laberdesque
Max Ernst
Josep Llorens Artigas
Lionel Salem
Germaine Noizet
Duchange

Pays de production Drapeau de la France France
Genre Comédie dramatique
Durée 63 minutes
Sortie 1930

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

Histoire de la communion totale mais éphémère de deux amants que séparent les conventions familiales et sociales et les interdits sexuels et religieux, le film est une succession d'épisodes allégoriques teintés d'humour noir, commençant par un documentaire sur les scorpions et s'achevant sur une transposition des Cent Vingt Journées de Sodome de Sade.

Le scénario est le prétexte à des scènes blasphématoires dénonçant l'ordre bourgeois qui a provoqué la guerre : un aveugle maltraité, un chien écrasé, une bourgeoise giflée par un invité à cause d'une maladresse, un enfant tué par son père à coup de fusil dans l'indifférence générale, un évêque défenestré, un ostensoir déposé sur le trottoir et frôlé par des chevilles féminines qui « font le trottoir », un violon dont on joue à coups de pied, le Christ, vêtu d'une robe immaculée, sortant d'une orgie.

Fiche technique

Distribution

Accueil

« Film injurieux pour la patrie, la famille et la religion. »

— Le secrétaire adjoint au Conseil de Vigilance de Son Éminence le Cardinal Jean Verdier, archevêque de Paris, à la sortie du film[3].

L'Âge d'or est censuré dès sa sortie pour la violence du propos antipatriotique, antihumaniste et, surtout, antichrétien[4]. Son ton pessimiste et lyrique en fait « peut-être l'unique film intentionnellement surréaliste »[5].

Il est classé en 1949 par la Cinémathèque française parmi les cent chefs-d'œuvre du cinématographe[6].

Chaque année depuis 1955, la Cinémathèque royale de Belgique et le Musée du cinéma de Bruxelles décernent le Prix de l'Âge d'or à l’auteur d’un film qui « par l’originalité, la singularité de son propos et de son écriture, s’écarte délibérément des conformismes cinématographiques. »

« Luis Buñuel a jeté avec L'Âge d'or le seul vrai cri, le plus inimitable hurlement en faveur de la liberté humaine de toute l'histoire du cinéma. Ce film brille d'un éclat incomparable au ciel du septième art : c'est l'étoile sur laquelle tous les cinéastes, épris d'indépendance à l'égard des idées reçues ou à l'égard des bons sentiments routiniers peuvent et pourront toujours orienter leur difficile navigation[7]. »

— Freddy Buache.

Autour du film

L'image sert, à la manière de l'écriture automatique, à des associations de mots à prendre au pied de la lettre comme « ostensoir » « caniveau ». S'il propose diverses recherches formelles comme le collage, le film n'a pas la même ambition plastique qu'Un chien andalou.

Histoire d'un scandale

Le film est une commande de Charles de Noailles, dont la femme Marie-Laure de Noailles, d'ascendance juive, est une des plus importantes fortunes de France. Soutenue par celle-ci qui se veut une amie des surréalistes, il y consacre plus d'un million de francs. La première a lieu à la mi juillet 1930 dans leur hôtel particulier 11 place des États-Unis devant une trentaine d'invités choisis, intellectuels et amis qui, déroutés, font un accueil poli. La diffusion du film provocateur est en soi un acte artistique qui suscite une curiosité mondaine et que le producteur veut rendre public. La censure est achetée et la première séance publique a lieu le à onze heures trente au Panthéon Rive Gauche[8]. Au buffet qui suit chez les Noailles, André Thirion, passablement agacé par ces aristocrates qui se piquent de révolution, fracasse dans un flot d'injures les verres contre les miroirs du salon[9] sous le regard flegmatique que porte le fils de feu le prince de Poix sur la performance.

Le film est projeté de nouveau le au Studio 28[10]. Le , quelques dizaines de militants d'extrême droite, de la Ligue des patriotes notamment, investissent le cinéma aux cris de « Mort aux juifs! » et de « On va voir s'il y a encore des chrétiens en France! », jettent de l'encre violette sur l'écran, lancent des fumigènes et des boules puantes, chassent les spectateurs à coups de canne[11]. Les tableaux de Salvador Dalí, Max Ernst, Miró et Yves Tanguy, les photographies de Man Ray accrochés dans le hall sont lacérés à coups de couteau. Dix jeunes gens sont arrêtés, ils appartiennent aux Jeunesses patriotes et à la Ligue antijuive et déclarent que le film est une insulte à la maternité[12]. Le Figaro, suivi par quelques journaux de droite comme L'Écho de Paris, ainsi que le conseiller municipal Gaston Le Provost de Launay, qui fait allusion au vicomte de Noailles sans le nommer, protestent également contre ce film et demandent son interdiction[13]. Les journaux financés par François Coty appellent par ailleurs au soulèvement lors de la projection de L'Âge d'or de Luis Buñuel[14] - [15] - [16].

Le préfet de police Jean Chiappe demande à la Commission de censure d'intervenir pour supprimer certains passages, puis, comme les protestations continuent, prend un arrêté interdisant la projection à Paris et saisit à nouveau la Commission, qui interdit la diffusion du film. Le , le film est saisi[17]. Il ne s'agit que de la copie de projection amputée des coupes imposées. Le négatif original a été caché et conservé par le vicomte de Noailles. Le une nouvelle réunion de la Commission de censure met hors de cause le producteur et recommande de n'incriminer que le propriétaire de la salle, Jean Mauclaire, qui ne sera pas inquiété[18]. Le , les surréalistes diffusent un tract de quatre pages dénonçant la « police d'Hitler »[19]. Une campagne « anti boches », « anti juifs » et « anti protestants » est ourdie contre le vicomte, sans effets sur sa personne[18]. Des centaines d'articles passionnés, favorables ou haineux, paraissent dans la presse de Valparaíso à Moscou en passant par New York.

En 1937, une copie tronquée circule sous le titre Dans les eaux glacées du calcul égoïste[20]. Le film figure en 1949 dans une sélection présentée au public par la Cinémathèque française des Cent chefs-d'œuvre du cinéma. Gaumont n'obtient la levée de l'interdiction de projeter qu'en 1981 à, l'occasion de l'élection de François Mitterrand.

Film d'animation

En 2018, Salvador Simó a réalisé un film d'animation, Buñuel après l'âge d'or, qui retrace notamment l'histoire du tournage de Terre sans pain. Au début du film, une scène montre la projection de L'Âge d'or (incluant quelques véritables extraits du film) puis le récit évoque le scandale et les conséquences sur la carrière de Luis Buñuel, qui parvient difficilement à financer un nouveau film.

Notes et références

  1. Ludger Derenthal, Jürgen Pech, Max Ernst, Casterman, 1992, (ISBN 978-2203451100), "film+anticlérical" page 141.
  2. Il semblerait que Salvador Dalí ne fût pas coscénariste, en dépit d'allégations en ce sens : Le Monde du 18 août 2006, Article « L'Âge d'or interdit ».
  3. E. Charles, lettre à Charles de Noailles, Paris, 30 décembre 1930, cité in D. Duez, Pour en finir avec une rumeur : du nouveau sur le scandale de l'Âge d'or, op. cité.
  4. Clébert
  5. José Pierre
  6. Rubrique Lire, Marie-Laure de Noailles, in L'Express, Paris, 1er avril 2001.
  7. F. Buache, Luis Buñuel, Éditions L'Âge d'Homme, 1990.
  8. L'Express, op. cit., Paris-Soir, 23 octobre 1930, "La vicomtesse de Noailles patronne l'Age d'or"
  9. A. Thirion, Révolutionnaire sans révolution, Robert Laffont, Paris, 1972, cité in Emmanuel Decaux, L’âge d’or des mécènes, in La Revue cinématographe, no 100, p. 117-121, Paris, mai 1984.
  10. Rue Montmartre, à Paris (9e). L'indication du Studio des Ursulines (Paris, 5e) par Gérard Legrand, à deux reprises : chronologie d'André Breton dans le Magazine littéraire (1990) et dans Biro & Passeron, est erronée.
  11. L'Express, 1er avril 2001, Comoedia, 5 décembre 1930 (l'article mentionne une Ligue antijuive et les Jeunesses patriotes), Le Populaire, 5 décembre 1930, "Un cinéma saccagé par une troupe des Jeunesses patriotes" ( l'article mentionne des cris antisémites ),Le Figaro, 6 décembre 1930, "La manifestation contre un film d'inspiration bolchevique" (communiqué de la Ligue des patriotes, qui mentionne l'arrestation de commissaires de la Ligue et ne mentionne pas les juifs)
  12. Comœdia, 5 décembre 1930, p.6
  13. Le Figaro, 10 décembre 1930, 'Pour la fin d'un scandale", Ibid., 7 décembre 1930, "D'un scandale", L'Echo de Paris, 10 décembre 1930, "Un scandale qui doit cesser. Les censeurs ne font pas leur métier", p. 1 et p. 3
  14. (en) Román Gubern et Paul Hammond, Luis Buñuel: The Red Years, 1929–1939, University of Wisconsin Press, (lire en ligne), p. 52.
  15. David Duez, « Pour en finir avec une rumeur : du nouveau sur le scandale de l’Âge d’or », 1895, no 32,‎ (DOI 10.4000/1895.119).
  16. (en) British Film Institute Film Classics, vol. 1, Taylor & Francis, (lire en ligne), p. 132.
  17. Comoedia, 11 décembre 1930, Ibid., 12 décembre 1930, Paris-Soir, 11 décembre 1930, Le Populaire, 11 décembre 1930, Le Figaro, 11 décembre 1930, Ibid., 14 décembre 1930
  18. D. Duez, Pour en finir avec une rumeur : du nouveau sur le scandale de l'Âge d'or, op. cité.
  19. A. Elléouët, Archives Breton, ref. 216000, Archigny, texte sur Mélusine.
  20. Biro

Annexes

Bibliographie

Article connexe

Liens externes

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