L'Ă‚ge d'or (film, 1930)
L'Ă‚ge d'or est un film français rĂ©alisĂ© par Luis Buñuel et sorti en 1930. Ce film, dĂ©crit comme « anticlĂ©rical et antibourgeois »[1], est coĂ©crit par Buñuel et Salvador DalĂ.
Réalisation | Luis Buñuel |
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Scénario |
Luis Buñuel Salvador Dalà |
Acteurs principaux |
Gaston Modot |
Pays de production | France |
Genre | Comédie dramatique |
Durée | 63 minutes |
Sortie | 1930 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Synopsis
Histoire de la communion totale mais éphémère de deux amants que séparent les conventions familiales et sociales et les interdits sexuels et religieux, le film est une succession d'épisodes allégoriques teintés d'humour noir, commençant par un documentaire sur les scorpions et s'achevant sur une transposition des Cent Vingt Journées de Sodome de Sade.
Le scénario est le prétexte à des scènes blasphématoires dénonçant l'ordre bourgeois qui a provoqué la guerre : un aveugle maltraité, un chien écrasé, une bourgeoise giflée par un invité à cause d'une maladresse, un enfant tué par son père à coup de fusil dans l'indifférence générale, un évêque défenestré, un ostensoir déposé sur le trottoir et frôlé par des chevilles féminines qui « font le trottoir », un violon dont on joue à coups de pied, le Christ, vêtu d'une robe immaculée, sortant d'une orgie.
Fiche technique
- Réalisation : Luis Buñuel
- ScĂ©nario : Luis Buñuel et Salvador DalĂ[2].
- Assistant réalisateur : Claude Heymann et Jacques B. Brunius
- Musique : Mendelssohn, Beethoven, Mozart, Richard Wagner, Franz Schubert, paso doble de Georges van Parys
- Photographie : Albert Duverger
- Décors : Pierre Schildknecht et Alexandre Trauner (non crédité)
- Production : Vicomtesse de Noailles et Charles Vicomte de Noailles
- Société de distribution : Corinth Films (1979)
- Budget : 1 000 000 FRF
- Pays de production : France
- Langue originale : français
- Genre : film d'avant-garde
- Format : noir et blanc
- Durée : 61 minutes
- Date de sortie :
Distribution
- Gaston Modot : l'homme
- Lya Lys : la femme
- Caridad de Laberdesque : la femme de chambre
- Germaine Noizet : la marquise
- Lionel Salem : le duc de Blangis
- Max Ernst : le chef des bandits
- Duchange : le chef d'orchestre
- Joseph Llorens Artigas : le gouverneur
- Pierre Prévert : Peman, un bandit
- Paul Éluard la voix
- Valentine Hugo
- Jacques Brunius
Accueil
« Film injurieux pour la patrie, la famille et la religion. »
— Le secrétaire adjoint au Conseil de Vigilance de Son Éminence le Cardinal Jean Verdier, archevêque de Paris, à la sortie du film[3].
L'Âge d'or est censuré dès sa sortie pour la violence du propos antipatriotique, antihumaniste et, surtout, antichrétien[4]. Son ton pessimiste et lyrique en fait « peut-être l'unique film intentionnellement surréaliste »[5].
Il est classé en 1949 par la Cinémathèque française parmi les cent chefs-d'œuvre du cinématographe[6].
Chaque année depuis 1955, la Cinémathèque royale de Belgique et le Musée du cinéma de Bruxelles décernent le Prix de l'Âge d'or à l’auteur d’un film qui « par l’originalité, la singularité de son propos et de son écriture, s’écarte délibérément des conformismes cinématographiques. »
« Luis Buñuel a jeté avec L'Âge d'or le seul vrai cri, le plus inimitable hurlement en faveur de la liberté humaine de toute l'histoire du cinéma. Ce film brille d'un éclat incomparable au ciel du septième art : c'est l'étoile sur laquelle tous les cinéastes, épris d'indépendance à l'égard des idées reçues ou à l'égard des bons sentiments routiniers peuvent et pourront toujours orienter leur difficile navigation[7]. »
— Freddy Buache.
Autour du film
L'image sert, à la manière de l'écriture automatique, à des associations de mots à prendre au pied de la lettre comme « ostensoir » « caniveau ». S'il propose diverses recherches formelles comme le collage, le film n'a pas la même ambition plastique qu'Un chien andalou.
Histoire d'un scandale
Le film est une commande de Charles de Noailles, dont la femme Marie-Laure de Noailles, d'ascendance juive, est une des plus importantes fortunes de France. Soutenue par celle-ci qui se veut une amie des surréalistes, il y consacre plus d'un million de francs. La première a lieu à la mi juillet 1930 dans leur hôtel particulier 11 place des États-Unis devant une trentaine d'invités choisis, intellectuels et amis qui, déroutés, font un accueil poli. La diffusion du film provocateur est en soi un acte artistique qui suscite une curiosité mondaine et que le producteur veut rendre public. La censure est achetée et la première séance publique a lieu le à onze heures trente au Panthéon Rive Gauche[8]. Au buffet qui suit chez les Noailles, André Thirion, passablement agacé par ces aristocrates qui se piquent de révolution, fracasse dans un flot d'injures les verres contre les miroirs du salon[9] sous le regard flegmatique que porte le fils de feu le prince de Poix sur la performance.
Le film est projetĂ© de nouveau le au Studio 28[10]. Le , quelques dizaines de militants d'extrĂŞme droite, de la Ligue des patriotes notamment, investissent le cinĂ©ma aux cris de « Mort aux juifs! » et de « On va voir s'il y a encore des chrĂ©tiens en France! », jettent de l'encre violette sur l'Ă©cran, lancent des fumigènes et des boules puantes, chassent les spectateurs Ă coups de canne[11]. Les tableaux de Salvador DalĂ, Max Ernst, MirĂł et Yves Tanguy, les photographies de Man Ray accrochĂ©s dans le hall sont lacĂ©rĂ©s Ă coups de couteau. Dix jeunes gens sont arrĂŞtĂ©s, ils appartiennent aux Jeunesses patriotes et Ă la Ligue antijuive et dĂ©clarent que le film est une insulte Ă la maternitĂ©[12]. Le Figaro, suivi par quelques journaux de droite comme L'Écho de Paris, ainsi que le conseiller municipal Gaston Le Provost de Launay, qui fait allusion au vicomte de Noailles sans le nommer, protestent Ă©galement contre ce film et demandent son interdiction[13]. Les journaux financĂ©s par François Coty appellent par ailleurs au soulèvement lors de la projection de L'Ă‚ge d'or de Luis Buñuel[14] - [15] - [16].
Le prĂ©fet de police Jean Chiappe demande Ă la Commission de censure d'intervenir pour supprimer certains passages, puis, comme les protestations continuent, prend un arrĂŞtĂ© interdisant la projection Ă Paris et saisit Ă nouveau la Commission, qui interdit la diffusion du film. Le , le film est saisi[17]. Il ne s'agit que de la copie de projection amputĂ©e des coupes imposĂ©es. Le nĂ©gatif original a Ă©tĂ© cachĂ© et conservĂ© par le vicomte de Noailles. Le une nouvelle rĂ©union de la Commission de censure met hors de cause le producteur et recommande de n'incriminer que le propriĂ©taire de la salle, Jean Mauclaire, qui ne sera pas inquiĂ©tĂ©[18]. Le , les surrĂ©alistes diffusent un tract de quatre pages dĂ©nonçant la « police d'Hitler »[19]. Une campagne « anti boches », « anti juifs » et « anti protestants » est ourdie contre le vicomte, sans effets sur sa personne[18]. Des centaines d'articles passionnĂ©s, favorables ou haineux, paraissent dans la presse de ValparaĂso Ă Moscou en passant par New York.
En 1937, une copie tronquée circule sous le titre Dans les eaux glacées du calcul égoïste[20]. Le film figure en 1949 dans une sélection présentée au public par la Cinémathèque française des Cent chefs-d'œuvre du cinéma. Gaumont n'obtient la levée de l'interdiction de projeter qu'en 1981 à , l'occasion de l'élection de François Mitterrand.
Film d'animation
En 2018, Salvador Simó a réalisé un film d'animation, Buñuel après l'âge d'or, qui retrace notamment l'histoire du tournage de Terre sans pain. Au début du film, une scène montre la projection de L'Âge d'or (incluant quelques véritables extraits du film) puis le récit évoque le scandale et les conséquences sur la carrière de Luis Buñuel, qui parvient difficilement à financer un nouveau film.
Notes et références
- Ludger Derenthal, Jürgen Pech, Max Ernst, Casterman, 1992, (ISBN 978-2203451100), "film+anticlérical" page 141.
- Il semblerait que Salvador Dalà ne fût pas coscénariste, en dépit d'allégations en ce sens : Le Monde du 18 août 2006, Article « L'Âge d'or interdit ».
- E. Charles, lettre à Charles de Noailles, Paris, 30 décembre 1930, cité in D. Duez, Pour en finir avec une rumeur : du nouveau sur le scandale de l'Âge d'or, op. cité.
- Clébert
- José Pierre
- Rubrique Lire, Marie-Laure de Noailles, in L'Express, Paris, 1er avril 2001.
- F. Buache, Luis Buñuel, Éditions L'Âge d'Homme, 1990.
- L'Express, op. cit., Paris-Soir, 23 octobre 1930, "La vicomtesse de Noailles patronne l'Age d'or"
- A. Thirion, Révolutionnaire sans révolution, Robert Laffont, Paris, 1972, cité in Emmanuel Decaux, L’âge d’or des mécènes, in La Revue cinématographe, no 100, p. 117-121, Paris, mai 1984.
- Rue Montmartre, à Paris (9e). L'indication du Studio des Ursulines (Paris, 5e) par Gérard Legrand, à deux reprises : chronologie d'André Breton dans le Magazine littéraire (1990) et dans Biro & Passeron, est erronée.
- L'Express, 1er avril 2001, Comoedia, 5 décembre 1930 (l'article mentionne une Ligue antijuive et les Jeunesses patriotes), Le Populaire, 5 décembre 1930, "Un cinéma saccagé par une troupe des Jeunesses patriotes" ( l'article mentionne des cris antisémites ),Le Figaro, 6 décembre 1930, "La manifestation contre un film d'inspiration bolchevique" (communiqué de la Ligue des patriotes, qui mentionne l'arrestation de commissaires de la Ligue et ne mentionne pas les juifs)
- Comœdia, 5 décembre 1930, p.6
- Le Figaro, 10 décembre 1930, 'Pour la fin d'un scandale", Ibid., 7 décembre 1930, "D'un scandale", L'Echo de Paris, 10 décembre 1930, "Un scandale qui doit cesser. Les censeurs ne font pas leur métier", p. 1 et p. 3
- (en) Román Gubern et Paul Hammond, Luis Buñuel: The Red Years, 1929–1939, University of Wisconsin Press, (lire en ligne), p. 52.
- David Duez, « Pour en finir avec une rumeur : du nouveau sur le scandale de l’Âge d’or », 1895, no 32,‎ (DOI 10.4000/1895.119).
- (en) British Film Institute Film Classics, vol. 1, Taylor & Francis, (lire en ligne), p. 132.
- Comoedia, 11 décembre 1930, Ibid., 12 décembre 1930, Paris-Soir, 11 décembre 1930, Le Populaire, 11 décembre 1930, Le Figaro, 11 décembre 1930, Ibid., 14 décembre 1930
- D. Duez, Pour en finir avec une rumeur : du nouveau sur le scandale de l'Âge d'or, op. cité.
- A. Elléouët, Archives Breton, ref. 216000, Archigny, texte sur Mélusine.
- Biro
Annexes
Bibliographie
- Le découpage complet du film est publié par L'Avant-scène, no 27-28, 1963.
- Adam Biro & René Passeron, Le Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs, Office du livre & Presses universitaires de France, Fribourg, Suisse, 1982, p. 12.
- Jean-Paul Clébert, Dictionnaire du Surréalisme, éditions du Seuil & A.T.P., Chamalières, 1996, p. 14.
- André Breton, L'Amour fou, Gallimard (Folio), 1937, p. 113-114.
- David Duez, « Pour en finir avec une rumeur : du nouveau sur le scandale de l'Âge d'or », in 1895. Revue de l'association française de recherche sur l'histoire du cinéma, no 32, p. 149-158, 2000, [lire en ligne].
- Laurence BenaĂŻm, Marie-Laure de Noailles, la vicomtesse du bizarre, Grasset, Paris, 2001 (ISBN 9782246529811).
- Le Monde, 18 août 2006, Jean-Luc Douin, L'Age d'or interdit"
- Lexpress.fr, 1er avril 2001, "Marie-Laure de Noailles"
Article connexe
Liens externes
- Ressources relatives Ă l'audiovisuel :
- Allociné
- Centre national du cinéma et de l'image animée
- Ciné-Ressources
- Cinémathèque québécoise
- Unifrance
- (en) AllMovie
- (de + en) Filmportal
- (pl) Filmweb.pl
- (en) IMDb
- (en) LUMIERE
- (de) OFDb
- (en) Rotten Tomatoes
- (mul) The Movie Database
- Ressource relative Ă plusieurs domaines :
- (en) Metacritic
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) Videoartworld : The Masters Series (Films et documentaires en ligne. Domaine Public)