Josef Albert Meisinger
Josef Albert Meisinger (, Munich – , Varsovie) est un officier de la Gestapo. Surnommé « le boucher de Varsovie », il a été en poste au Japon de 1941 à 1945. À la fin de la guerre, il a été jugé et exécuté pour crimes de guerre en Pologne.
Joseph Meisinger | ||
Naissance | Munich, Royaume de Bavière |
|
---|---|---|
Décès | (à 47 ans) Varsovie, Pologne |
|
Origine | Allemagne | |
Allégeance | Empire allemand Allemagne nazie |
|
Arme | Deutsches Reichsheer Schutzstaffel |
|
Grade | SS-Obergruppenführer | |
Années de service | 1916 – 1945 | |
Conflits | Première Guerre mondiale, Seconde Guerre mondiale |
|
Distinctions | Croix de fer Croix du Mérite militaire de Bavière Ordre du sang |
|
Premières années
Meisinger est né à Munich, de Josef et Berta Meisinger. Il s'est engagé dans l'armée le et a combattu dans la 230e compagnie de Minenwerfer du 22e bataillon de pionniers de la 30e division de réserve bavaroise. Il a été blessé au combat, ce qui lui a valu la croix de fer et la croix du Mérite militaire de Bavière. Le , il a atteint le grade de Vizefeldwebel (sergent-chef) et le il est entré dans le Corps francs de Franz Ritter von Epp, sous lequel il a combattu la République des conseils de Bavière. Le , il a commencé à travailler au quartier-général de la police de Munich. Commandant du IIIe peloton de la IIe compagnie du corps franc de l'Oberland (de), il a pris part au putsch de la Brasserie des et .
Le , il a été accepté dans la SS, puis dans la Police politique de Bavière (en) le , ce qui l'a mis officiellement en contact avec Heinrich Müller, Franz Josef Huber et Reinhard Heydrich (avec lequel il avait servi dans les Corps francs). À cette date, Heinrich Himmler était chef de la police de Munich et Heydrich commandait le Département IV, sa police politique[1]. Meisinger est devenu membre du parti nazi le . Il a été décoré de l'ordre du sang le .
Carrière dans la Gestapo
Le , Meisinger est promu SS-Obertruppführer (en). Heydrich est nommé chef de la Gestapo le . Immédiatement après, celui-ci a transféré à ses bureaux de Berlin ses hommes de confiance : Heinrich Müller, Franz Josef Huber et Meisinger, surnommés la Bajuwaren-Brigade (Brigade bavaroise)[2]. Le , Meisinger a été promu SS-Untersturmführer (sous-lieutenant) dans les Dezernat (sections) II 1 H et II H 1, qui avaient les attributions suivantes :
- découvrir les opposants à Hitler au sein du parti nazi,
- poursuivre les homosexuels[3],
- poursuivre les cas d'avortement,
- poursuivre les cas de relations intimes entre Juifs et non-Juifs.
Le , Meisinger s'est rendu au Congrès catholique de Berlin, pour écouter Erich Klausener ; il a informé Heydrich que Klausener avait fait des déclarations anarchistes. Le 30 juin, Klausener est abattu par l'officier SS Kurt Gildisch dans son bureau du ministère des Transports du Reich[4]. Après la guerre, Walter Schellenberg, ancien chef de la section des affaires étrangères de la SD au Reichssicherheitshauptamt a décrit Meisinger de la manière suivante :
« ... une des créatures les plus maléfiques parmi la bande de voyous d'Heydrich et il exécutait ses ordres les plus vils... C'était un individu effrayant, un grand homme d'aspect grossier au crâne chauve et au visage d'une laideur incroyable. Cependant, comme beaucoup d'hommes de ce type, il avait du dynamisme et de l'énergie, ainsi qu'une sorte d'intelligence sans scrupule... Du fait de sa longue expérience dans la police, il en savait beaucoup sur le travail et les méthodes du Comintern[5]. »
Affaire Blomberg-Fritsch
De 1936 à 1938, Meisinger a dirigé l'Office central du Reich pour la lutte contre l'homosexualité et l'avortement au quartier-général de la Gestapo au sein de la Sicherheitspolizei (SiPo)[6]. Durant cette période, il a été promu SS-Obersturmbannführer (lieutenant-colonel).
Au début de 1938, Adolf Hitler, Hermann Göring et Himmler ont voulu se débarrasser du maréchal Werner von Blomberg, membre conservateur de l'état-major et ministre de la Défense du Reich. L'enquête de Meisinger a révélé que sa femme, Erna Gruhn, était une ancienne prostituée avec un casier judiciaire et qu'elle avait posé pour des photos pornographiques. Blomberg a été contraint à la démission[7].
En 1936, Meisinger avait découvert des allégations d'homosexualité contre le commandant en chef de l'armée de terre, le Generaloberst Werner von Fritsch. Un dossier avait été préparé et Heydrich l'avait transmis à Hitler. Celui-ci avait repoussé ces allégations et ordonné à Heydrich de détruire le dossier, ce qu'il n'avait pas fait[7].
Fin , Göring a voulu écarter von Fritsch, qu'il ne souhaitait pas voir succéder à Blomberg et devenir son supérieur. Heydrich a alors ressorti son vieux dossier sur Fritsch. Meisinger y a vu une occasion d'avancement, car il savait qu'Himmler et la SS considéraient les homosexuels comme un danger pour le régime[8]. Cependant le travail de police de Meisinger a été jugé faible et Heydrich et Müller en ont été mécontents. Meisinger et Huber ont interrogé Otto Schmidt, un criminel dont le gang berlinois avait pour spécialité de faire chanter les homosexuels[9]. Celui-ci a identifié von Fritsch comme l'un des hommes qu'il avait surpris en train de se livrer à des actes homosexuels en 1933[10]. Quand Meisinger a produit une photographie de Fritsch sur laquelle étaient clairement indiqués son nom, son titre et son grade militaire, Schmidt a sauté sur l'occasion de se faire valoir en calomniant le général[11] - [12]. Heydrich a soumis le dossier mis à jour à Hitler[13]. Dans son récit de cet incident, Werner Best qualifie Meisinger d'« homme primitif aux méthodes maladroites ». Il a finalement été déterminé que von Fritsch avait été confondu avec un officier subalterne, le Rittmeister Achim von Frisch. Les accusations contre Fritsch se sont effondrées au cours du procès et les officiers de l'armée ont été ulcérés du traitement qui lui avait été réservé. Cette affaire a quasiment brisé la carrière de Meisinger à la Gestapo[14].
Rôle en Pologne
L'échec de Meisinger et de son agence a coûté à la plupart de ses membres leur poste, ou au moins leur carrière[15]. En 1938, Meisinger a été transféré aux archives du centre de la SD, mais en il est nommé vice-commandant de l'Einsatzgruppe IV en Pologne. Le , après avoir été promu SS-Standartenführer (colonel), Meisinger est nommé commandant de la police du district de Varsovie, en remplacement de Lothar Beutel, dénoncé pour corruption.
Meisinger a exercé une force brutale contre les Polonais, surtout contre ceux d'ascendance juive. Dans le cadre de l'opération extraordinaire de pacification, il a autorisé les massacres de Palmiry, lors desquels 1 700 personnes ont été fusillées dans la forêt près de Palmiry[16]. En représailles du meurtre d'un policier polonais, il a ordonné l'exécution de 55 Juifs le , et le l'exécution de 120 Polonais en représailles au meurtre de deux Allemands[17]. Il est devenu si célèbre qu'il a été surnommé « le boucher de Varsovie[18] » (sobriquet aussi donné au SS-Gruppenführer Heinz Reinefarth). Selon Schellenberg, ses atrocités en Pologne dégoûtaient même ses supérieurs : « J'avais rassemblé un énorme dossier prouvant qu'il était si absolument bestial et corrompu qu'il en était presque inhumain... À ce stade... Heydrich est intervenu : Meisinger en savait trop et Heydrich s'est arrangé pour que son procès n'ait pas lieu[19]. » La démarche de Heydrich auprès de Himmler a sauvé Meisinger de la cour martiale et peut-être même de l'exécution. Il a été envoyé à Tokyo dans un sous-marin pour l'éloigner en attendant que les choses se calment[20].
En 1947, au cours de son procès, Meisinger a déclaré qu'il n'était plus à Varsovie après , mais il est probable qu'il a participé à la création du ghetto de Varsovie[21].
À Shangaï et au Japon
Du à , Meisinger a servi d'agent de liaison de la Gestapo entre les responsables et les agents de la SD à l'ambassade d'Allemagne à Tokyo[22]. Il était notamment chargé de débusquer les ennemis du Troisième Reich dans la communauté allemande, grâce à divers informateurs. Il était aussi l'agent de liaison de la SD avec la police secrète japonaise. Une de ses missions au Japon était la surveillance de l'agent soviétique Richard Sorge (déjà soupçonné à Berlin), mais Meisinger est rapidement devenu l'un de ses compagnons de beuverie et, involontairement, l'une de ses meilleures sources d'information[23] - [24].
En 1941, Meisinger essaya de convaincre les Japonais d'exterminer environ 18 000 à 20 000 Juifs d'Autriche et d'Allemagne qui s'étaient réfugiés à Shanghaï[25]. Sa proposition comprenait la création d'un camp d'extermination sur l'île Chongming (en), dans le delta du Yang-Tsé[26], ou de les laisser mourir de faim sur des cargos au large des côtes chinoises[27]. L'amiral japonais responsable de Shanghaï a refusé ces suggestions, mais les Japonais ont cependant créé un ghetto dans le quartier de Hongkou[28], déjà étudié en 1939 : un taudis d'une densité à peu près double de celle de Manhattan. Le ghetto était surveillé par les soldats japonais commandés par Kano Ghoya[29] et les Juifs ne pouvaient pas le quitter sans autorisation. Deux mille d'entre eux y sont morts durant la guerre[30].
Arrestation, procès et exécution
Le , Meisinger s'est rendu à deux correspondants de guerre, Clark Lee d'INS et Robert Brumby de MBS, à l'hôtel Fujiya à Hakone[18]. Ces reporters l'ont conduit à Yokohama, au siège du Counter Intelligence Corps (CIC), où il s'est livré[31]. Il a été enfermé dans la prison de Yokohama[32] - [33], où il a subi deux semaines d'interrogatoires intensifs avant d'être transféré au quartier-général du général Eisenhower à Francfort[34]. En , escorté par le Lt. Col. Jennis R. Galloway et le Major James W. McColl du 441e détachement du CIC, il a été transféré à Washington, D.C. pour y être interrogé sur son rôle dans la destruction du ghetto de Varsovie[35].
En 1946 il a été extradé vers la Pologne. Le , à Varsovie, il a été inculpé de crimes nazis, en même temps que Ludwig Fischer (gouverneur du district de Varsovie), Max Daume (pl) (commandant exécutif de l'Ordnungspolizei à Varsovie) et Ludwig Leist (gouverneur plénipotentiaire de la ville de Varsovie)[36]. Leur procès s'est terminé le . Le , le Tribunal national suprême a condamné Meisinger à la peine de mort ; il a été pendu[37] le à la prison de Mokotów[38].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Josef Albert Meisinger » (voir la liste des auteurs).
- (en) Longerich, Peter, Heinrich Himmler: A Life, Oxford University Press, 2011, p. 149. (ISBN 978-0-19-959232-6)
- (en) Gerwarth, Robert, Hitler's Hangman: The Life of Heydrich, Yale University Press, 2011, p. 76, (ISBN 978-0-300-11575-8)
- (en) Meisinger and the Gay Holocaust
- (en) Hoffmann, Peter, Hitler's Personal Security: Protecting the Führer 1921-1945, Da Capo Press, 2000 [1979], p. 49, (ISBN 978-0-30680-947-7)
- (en) Walter Schellenberg, The Labyrinth: Memoirs of Walter Schellenberg, Hitler's Chief of Counterintelligence, Da Capo Press, 1956; (ISBN 0306809273), pp. 160–161.
- (de) Jörg Hutter, Die Rolle der Polizei bei der Schwulen- und Lesbenverfolgung im Nationalsozialismus, in: "Schwule, Lesben, Polizei", Dobler, Jens (HG.), Verlag rosa Winkel, Berlin 1996.
- (en) Gerwarth, Hitler's Hangman: The Life of Heydrich, p. 116
- (en) Josef Meisinger on "Combating Homosexuality as a Political Task" (April 5–6, 1937)
- (en) Gerwarth, Hitler's Hangman: The Life of Heydrich, p. 117
- (en) Plant, Richard, The Pink Triangle: The Nazi War Against Homosexuals. Macmillan, 1988, p. 141. (ISBN 978-0-8050-0600-1)
- (en) Deutsch, Harold Charles, Hitler and His Generals: The Hidden Crisis, January–June 1938, U of Minnesota Press, 1974, p. 141. (ISBN 978-0-8166-0649-8)
- (de) Karl-Heinz Janssen and Fritz Tobias, Der Sturz der Generale: Hitler und die Blomberg-Fritsch-Krise 1938, Munich 1994 (ISBN 3-406-38109-X).
- (en) Gerwarth, Hitler's Hangman: The Life of Heydrich, pp. 116–117
- Janssen, p. 95.
- Janssen, p. 160.
- (de) Wildt, Michael, Generation des Unbedingten, Studienausgabe. Hamburg, 2003, p. 478. (ISBN 978-3-930908-87-5)
- (de) Eta Harich-Schneider, Charaktere und Katastrophen, Ullstein, 1978, p. 203. (ISBN 978-3-550-07481-3)
- (en) "Swiss Neutral Claims Nazis are Still on the Loose in Japan," Spartanburg Herald-Journal, May 12, 1946, p. A5.
- Schellenberg, 1956: pp. 160–161.
- Schellenberg, 1956: p. 161.
- (de) Freyeisen, Astrid, Shanghai und die Rolle dês Deutschen Reichs, Königshausen und Neumann, 2000, p. 466.
- (en)Whymant, Robert, Stalin's Spy: Richard Sorge and the Tokyo Espionage Ring, I. B. Tauris, 1996, p. 144. (ISBN 978-1-86064-044-5)
- (en) Piekalkiewicz, Janusz, World History of Espionage: Agents, Systems, Operations, # National Intelligence Book Center (1998), p. 369. (ISBN 978-3-517-00849-3)
- (en)Whymant, p. 144.
- (en) Marvin Tokayer and Mary Swartz, The Fugu Plan: The Untold Story Of The Japanese And The Jews During World War II, Gefen Publishing House Ltd, 2004. (ISBN 9652293296)
- (en) O'Neill, Mark, "A Saved Haven: Plans to rejuvenate Shanghai's rundown former Jewish ghetto will celebrate the district's role as a sanctuary during the Second World War", South China Morning Post, August 1, 2006; Features: Behind the News; p. 11.
- (en) Jane Shlensky, "Considering Other Choices: Chiune Sugihara's Rescue of Polish Jews," North Carolina School of Science and Mathematics Durham, NC, 2003, p. 6.
- (en) Patrick E. Tyler, "Jews Revisit Shanghai, Grateful Still that it Sheltered Them." New York Times, June 29, 1994.
- (en) Heppner, Ernest G., "Strange Haven: A Jewish Childhood in Wartime Shanghai (review)", in Shofar: An Interdisciplinary Journal of Jewish Studies (en), Volume 19, Number 3, Spring 2001, pp. 160–161.
- (en) Heppner, Ernest G. Shanghai Refuge – A Memoir of the World War II Jewish Ghetto, 1995.
- (en) Lee, Clark, One Last Look Around, Duell, Sloan and Pearce, 1947, pp. 125–30.
- (en) "International: First Haul," Time Magazine, Sept 24, 1945.
- (en) "War Criminal 'Cry-Baby': German Held in Yokohama," The Sydney Morning Herald (NSW: 1842–1954), 5 October 1945, p. 1.
- (en) Frank Kelley and Cornelius Ryan, STAR-SPANGLED MIKADO, Robert M. McBride & Co., New York, 1947.
- (en) "The 'Butcher of Warsaw' Arrives in California," New York Times, Nov 16, 1945; p. 9
- (en) " Representatives of Jewish Community Asked to Testify at Trial of Nazi Rulers of Warsaw," Jewish Telegraphic Agency, December 19, 1946.
- Klee 2007, p. 401
- (en) Prosecution of Nazi Crimes in Poland in 1939–2004 « https://web.archive.org/web/20160303222313/http://www.gotoslawek.org/linki/FirstInternationalExpertMeetingOnWarCrimes.pdf »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?),
Annexes
Bibliographie
- (de) Ernst Klee, Das Personenlexikon zum Dritten Reich : wer war was vor und nach 1945, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch Verlag, , 2e éd., 732 p. (ISBN 978-3-596-16048-8), p. 401