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Ethyl Gasoline Corporation

Ethyl Corporation ou Ethyl Corp ou Ethyl Gasoline Corporation est une société industrielle américaine d'additifs pour carburants.

Signalétique indiquant la présence d'un additif à base de plomb produit par Ethyl Gasoline Corporation, sur une ancienne pompe à essence américaine

Créée en 1921, enregistrée dans le Delaware, son siège social est basé à Richmond aux États-Unis (ensuite transféré à New York puis à nouveau à Richmond). Avec sa compagnie sœur Afton Chermical, et sa nouvelle maison mère (MWV / NewMarket Corporation) elle fait partie des 500 groupes les plus riches des États-Unis (Fortune 500)[1].

Depuis 1923 où l'essence plombée a commencé à être vendue au grand public (sous le nom Ethyl gasoline), cette société qui a changé plusieurs fois de statut et d'actionnaires crée, fabrique, mélange et distribue des additifs de carburant et lubrifiants pour automobile, avions, hélicoptères, bateaux...

Parmi d’autres produits, la sociĂ©tĂ© Ethyl Corp. a mis sur le marchĂ© (sous brevets) de grandes quantitĂ©s de deux produits chimiques (deux organomĂ©talliques) très controversĂ©s, mais qui ont Ă©tĂ© vendus ou utilisĂ©s dans tous les pays (et durant un certain temps sans aucune concurrence) : le plomb tĂ©traĂ©thyle et le MĂ©thylcyclopentadiĂ©nyle tricarbonyle de manganèse (MTM). Son principal centre de production en 1994 est situĂ© Ă  Houston (au Texas). En 2013, l'NewMarket Corporation ne dispose plus que de 1 789 employĂ©s dans le monde[2] (contre plus de 10 000 autrefois) et continue Ă  se dĂ©velopper (notamment en construisant avec sa filiale Afton Chemical une nouvelle usine de fabrication d'additifs pĂ©troliers et de dĂ©tergents, des agents dispersants et « composants anti-usure » pour la rĂ©gion Asie-Pacifique. L'usine est en cours de construction Ă  Singapour pour un coĂ»t d'environ 100 millions de dollars et devrait ĂŞtre opĂ©rationnelle fin 2015 ou dĂ©but 2016 selon l'entreprise[2] - [3].

Gouvernance et aire de présence

  • Floyd Dewey Gottwald (diplĂ´mĂ© de l'Institut militaire de Virginie et de l'UniversitĂ© de Richmond, puis embauchĂ© comme chimiste en 1943 chez Albemarle Paper Manufacturing Company, une fabrique de buvard de Richmond en Virginie, oĂą il est ensuite nommĂ© directeur de production, puis secrĂ©taire, vice-prĂ©sident et prĂ©sident). Il est ensuite Ă©lu vice-prĂ©sident exĂ©cutif de la sociĂ©tĂ© « Ethyl Gasoline corporation (Delaware) » Ă  partir du moment oĂą elle a Ă©tĂ© rachetĂ©e en 1962 par Albemarle pour devenir « Ethyl corporation (Virginie) ».
    Il est vice-président du conseil d'administration de 1964 à 1968, date à laquelle il a été élu président du conseil d'administration.
    Il a aussi été nommé directeur général de Ethyl Corp. en 1970 et est par ailleurs administrateur de Tredegar Industries.
    Il reste dans le conseil d'administration de Ethyl corp (en tant que président du comité exécutif) après avoir quitté (à l'âge de 69 ans) la fonction de président du Conseil ;
  • Bruce Gottwald lui succède au Conseil d'administration comme chief executive officer (Ă  l'âge de 58 ans).
    Ce chimiste est entré chez Albemarle en 1956 puis a été vice-président, secrétaire et administrateur de la nouvelle société « Ethyl corporation (Virginie) ». Il a été nommé vice-président exécutif en 1964 et président cinq ans plus tard en 1969.
    Il est aussi directeur de CSX Corporation, James River Corporation, Dominion Resources, Inc., and Tredegar Industries, Inc.
  • en 2014, le prĂ©sident d'Ethyl Corporation est Azfar Choudhury, assistĂ© de Alex Pettigrew, Tony Sagan et John Street (vice-prĂ©sident chargĂ© des questions de santĂ©, de sĂ©curitĂ© et d'environnement. L'entreprise est gĂ©rĂ©e par deux directeurs (Jamie Ethridge, pour le marketing et Pat New pour les ressources humaines)[4]

Le siège social est actuellement un complexe de bâtiments situés à Richmond (Virginie), donnant sur Tredegar Iron Works près de la rivière James (précédemment occupé par le pénitencier d'état de Virginie. Ethyl est aussi propriétaire du site historique Tredegar Iron Works.

Ethyl vend ses produits et services dans le monde entier et dispose de bureaux commerciaux régionaux et de sites de recherche ou production à Pékin en Chine ; en Ontario (« Ethyl Canada » à Mississauga au Canada, en Belgique, à Hambourg en Allemagne, à Berkshire en Angleterre, à Tokyo au Japon, à Moscou en Russie, à Mumbai en Inde, à Singapour, à Rio de Janeiro au Brésil, aux Pays-Bas et en France.

Les deux produits phares de la compagnie

Le plomb tétraéthyle

Autre inscription que l’on pouvait trouver sur les pompes à essence aux États-Unis avant que le plomb n’ait trop mauvaise réputation

Ce produit a été présenté par Ethyl Corp comme le meilleur additif antidétonant possible pour l'essence (plombée ou non).

Il était fourni à la maison mère Exxon mais aussi à toutes les raffineries de pétrole produisant de l'essence brute pour y être ajouté sous une forme dite "Ethyl fluid" (un mélange de plomb tétraéthyle et de 1,2-dibromoéthane et de 1,2-dichloroéthane ; ces deux dernières molécules sont des « lead scavengers », c'est-à-dire qu'elles empêchent que le plomb et l’oxyde de plomb formés dans la réaction de combustion n'endommagent le moteur en s’y déposant ; grâce à ces 2 produits le plomb est expulsé dans l’air via le pot d'échappement sous forme de deux composés très volatils (mais hautement toxiques) : le bromure de plomb(II) et le chlorure de plomb(II).
Ce « fluide d'éthyle » contenait un colorant rouge d'abord censé permettre de distinguer l’essence traitée de l'essence non traitée afin d'empêcher son détournement à d'autres fins (par exemple comme solvant de nettoyage), puis pour éviter de l'utiliser par erreur dans une voiture dont le pot catalytique ne la supporterait pas.

Le plomb tétraéthyl (ou Tetraethyllead) a rapidement été considéré par les responsables de la santé publique comme l’un des pires polluants jamais introduits dans l'eau, l'air et le sol, facteur de saturnisme humain et de saturnisme animal. Il est la cause principale au XXe siècle et dans l’hémisphère nord d'une multiplication par 625 de la pollution par le plomb par rapport aux niveaux dits « préindustriels »[5]. On estime aujourd’hui qu’environ 7 millions de tonnes de plomb ont été vaporisées dans l’air par les pots d’échappement rien qu’aux États-Unis au XXe siècle[5]. Et selon l’Agence du gouvernement américain pour les substances toxiques et les maladies, l’essence plombée a été dans ce pays la source de 90 % du plomb introduit dans des années 1920 à 2000[5].

Mais Ethyl Corp. a toujours nié que son plomb tétraéthyle utilisé en tant qu’additif des carburants pouvait poser des problèmes mesurables ou significatifs en matière de santé publique[5].
Ethyl Corp. a mĂŞme attaquĂ© l’EPA en justice quand l’Agence a entrepris en 1972 un processus visant Ă  interdire l'utilisation des plombs tĂ©traĂ©thyle et tĂ©tramĂ©thyle. L’EPA gagnera ce procès, et dans les 15 ans qui suivront l’interdiction de ce produit aux États-Unis (hormis pour les avions Ă  hĂ©lice) le taux moyen de plomb dans le sang des AmĂ©ricains a effectivement diminuĂ© de 75 %[5]. Une Ă©tude de l'EPA publiĂ©e en 1985 a estimĂ© que près de 5 000 AmĂ©ricains sont morts par an directement ou indirectement Ă  cause du plomb ; une estimation prudente basĂ©e sur les donnĂ©es historiques disponibles laisse penser qu’au moins 68 millions de jeunes enfants ont Ă©tĂ© exposĂ©s Ă  des niveaux toxiques de plomb issu de l’essence de 1927 Ă  1987 aux États-Unis[5]. Dans les annĂ©es 1980, l'EPA estime que les effets dĂ©lĂ©tères du plomb aĂ©roportĂ© coutent plusieurs milliards de dollars par an Ă  la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine. Au Venezuela la State Oil Company n'a vendu que de l'essence fortement plombĂ©e (Ă  300 mg de plomb par litre[6]) jusqu'en 1999 avec l'arrivĂ©e d'Hugo Chávez dont le programme visait Ă  reprendre le contrĂ´le de l'industrie pĂ©trolière. Mais après cette date cette essence a continuĂ© Ă  ĂŞtre massivement achetĂ©e car vendue moins chère que l'essence sans plomb[7], ceci jusqu'en aout 2005 oĂą le plomb a Ă©tĂ© interdit dans l'essence dans ce pays. Tous les sols proches des grandes routes sont très fortement polluĂ©s[8] (avec en bordure des rues principale de Maracaibo City plus de 3 000 mg/kg de plomb mesurĂ© dans le sol superficiel en 2006[8]). On relève par exemple 200 fois plus de plomb cĂ´tĂ© rue que cĂ´tĂ© jardin Ă  Trujillo, avec un dĂ©passement des seuils de dangerositĂ© pour 55 % des Ă©chantillons faits cĂ´tĂ© rue (les variations pouvant s'expliquer par l'Ă©rosion et le ruissellement)[9]. Cette pollution Ă©tait Ă©vitable, mais elle a continuĂ© Ă  croĂ®tre de 1985 Ă  2001 avec des taux de plomb dans le sol superficiel qui ont augmentĂ© de 186 % Ă  449 % en 15 ans sur 4 sites mesurĂ©s[8], et les analyses de poussières faites dans les Ă©coles de Caracas montrent des taux Ă©levĂ©s de manganèse et très anormalement Ă©levĂ©s de plomb dans la fraction organique de poussières : 43 Ă  1027 µg de plomb par gramme de cette fraction des poussières aĂ©roportĂ©es, le record Ă©tant situĂ© près d'une autoroute[10]) (rappel : le plomb est notamment source de retards cognitifs quand il est absorbĂ© par le fĹ“tus ou le jeune enfant ; voir l'article saturnisme pour plus de dĂ©tails). Ă€ Mexico, 50 % environ des enfants testĂ©s ont des niveaux dangereux de plomb[11]. Des donnĂ©es similaires, avec de fortes corrĂ©lations entre exposition au rejets automobiles ou Ă  l'essence et degrĂ© de saturnisme ou contaminations sont fournies par des Ă©tudes faites en Afrique, par exemple Ă  Kinshasa en 2010 au Congo (oĂą l'on utilise encore de l'essence plombĂ©e[12]. LĂ  environ 63 % des nouveau-nĂ©s et des moins de six ans sont atteints de saturnisme (plombĂ©mie > 100 µg/L), contaminĂ©s in utero, par le lait maternel ou l'environnement[5]. On trouve au Nigeria jusqu'Ă  7000 ppm de plomb le long des routes (c'est 15 fois plus que le seuil requis pour faire entrer un site polluĂ© dans le Superfund aux États-Unis[11].

Le Méthylcyclopentadiényle tricarbonyle de manganèse

C'est le second produit « phare » de l'entreprise. Le Méthylcyclopentadiényle tricarbonyle de manganèse aussi dit MMT (pour Methylcyclopentadienyl manganese tricarbonyl) a en grande partie remplacé le plomb tétraéthyle dans l'essence, mais il tend dans certains pays à être remplacé par des alternatives moins toxiques ou non toxiques et à peine plus couteuses (quelques dollars par an de plus pour un automobiliste moyen) aux États-Unis[13].

Le MMT fait l'objet de controverses et est à l'origine d'un conflit entre Ethyl Corp et le gouvernement canadien, après que « les ministres fédéraux de l'Environnement et de l'Industrie » aient annoncé que « le Canada augmenterait ses restrictions sur le commerce interprovincial et l'importation du MMT d'additif pour l'essence en 1998 ». Le gouvernement fédéral a décidé d'évaluer « les résultats des tests futurs sur les effets du MMT ou de tout autre additif de carburant sur les émissions d'échappement d'automobile. Si une action fédérale ultérieure est justifiée, elle sera prise en vertu de la LCPE »[14]. En 2001, le gouvernement note que l'agence sanitaire du Canada a estimé que « compte tenu de son évaluation des données scientifiques, Santé Canada n'a aucune objection à l'utilisation du MMT (...) est convaincu que le processus d'examen par les pairs et le résultat de son évaluation de 1994 sont fiables » ajoutant que « le ministère de la Santé publique de Toronto n'a pas contesté les résultats de l'évaluation de 1994 de Santé Canada »[14]. Ne pouvant ainsi pas interdire le MMT via le "Canadian Environmental Protection Act", le gouvernement canadien en a interdit l'import et le transport[15].
Estimant que cela enfreignait le traité de l'ALENA, Ethyl Corporation a attaqué le gouvernement canadien en 1997. Il s'est ensuivi une lourde procédure juridique et le Canada a été condamné à verser 201 millions de dollars américains au plaignant [16] et à retirer le MMT de l'annexe des produits interdit d'importation et de transport[17].

La Californie a totalement interdit le MMT et l'agence de protection environnementale des Etats-Unis a banni son utilisation dans l'essence[15].

Histoire de l'entreprise

Fondée en 1921 pour produire et distribuer du plomb tétraéthyle[18] - [19], Ethyl Corp a été créé par deux très grandes compagnies américaines : General Motors et Standard Oil of New Jersey (auj. Exxon).

General Motors (GM) venait d'inventer un moteur plus puissant que ceux de son concurrent, mais qui fonctionnait mal (cliquetis) en raison du pouvoir détonant trop important de l'essence. GM disposait en 1921 d'un "brevet d'utilisation" du plomb tétraéthyle comme antidétonant, issu du travail de trois chimistes Thomas Midgley, Jr., Charles Kettering, et plus tard de Charles Allen Thomas[20].
De son côté Esso avait acheté le brevet sur sa fabrication.
Ces deux brevets étaient complémentaires pour maîtriser et dominer le futur marché du plomb tétraéthyle. General Motors et Esso ont ainsi formé « Ethyl Corp » au sein de laquelle chaque société mère détenait 50 % des parts de la nouvelle société.

Cette jeune société a confié à Dupont le soin de faire fonctionner ses installations de production (opérationnelle dès 1923)
Après épuisement de la protection du produit par les brevets, Dupont profitera du savoir-faire ainsi acquis pour se lancer lui-même dans la production de plomb tétraéthyle, pour ensuite se détacher de cette activité.

Dès 1925, et notamment à l'occasion d'une conférence sur le nouveau produit (le ) l'US Public Health Service s'inquiète des dangers potentiels pour la santé publique. Il y avait dans la salle selon le commentaire du Dr Yandell Henderson de l'Université de Yale deux conceptions diamétralement opposées, avec d'une part les industriels, chimistes et ingénieurs qui faisaient peu de cas du risque sanitaire qui selon eux ne devait pas freiner un grand progrès pour l'industrie pétrolière et automobile, et les experts en santé qui au contraire en faisaient une priorité de la santé publique[11].

En 1940, L'entreprise est accusĂ©e devant la justice amĂ©ricaine par le Gouvernement amĂ©ricain de violer ou contourner la loi anti-trust (Sherman Anti-Trust Act) pour s'assurer d'une position de monopole et de contrĂ´le des prix du marchĂ© du plomb tĂ©traĂ©thyle (mentionnĂ© comme poison (« poisonous substance » par le procureur lors du procès de seconde instance) par ses brevets[21] mais aussi de l'essence plombĂ©e. Lors d'un procès en première instance, elle perd une partie des prĂ©rogatives qu'elle s'Ă©tait donnĂ©es (Le juge admet qu'elle puisse accorder des licences très exigeantes aux raffineurs, mais non aux grossistes qui achètent l'essence aux raffineurs), mais Ethyl Corp. fait appel. L'entreprise dispose Ă  cette Ă©poque de deux brevets couvrant la composition du fluide qu'elle vend (N°1,592,954 du , et n°1,668,022 du ), ainsi que d'un troisième brevet (n°1,573,846 du , revendiquant le mĂ©lange d'essence et de son fluide brevetĂ©), mais aussi d'un autre brevet (n°1,787,419 du sur la mĂ©thode d'utilisation de l'essence enrichie de l'additif dans les moteurs)[21]. Elle ne vend ses additifs qu'Ă  des raffineries ou vendeurs de carburants qui ont une licence en règle avec elle, et elle interdit aux raffineries de vendre le carburant modifiĂ© Ă  des acheteurs qui n'ont pas de licence (ces licences prĂ©cisent les dosages du produit, c'est-Ă -dire le degrĂ© d'octane, et certaines conditions de prix liĂ©es Ă  ce degrĂ©, mais aussi les conditions d'utilisation du nom Ethyl corp dans l'affichage et la publicitĂ©)[21]. Elle se dĂ©fend en prĂ©sentant ceci comme un moyen de contrĂ´ler que les prĂ©cautions pour la santĂ© sont respectĂ©es par les grossistes (tout en disant que le produit n'est pas significativement dangereux pour la santĂ©). De plus, Ă  cette Ă©poque, elle impose Ă  tout revendeur agrĂ©Ă© de fournir chaque mois la liste de tous les endroits oĂą le carburant est vendu sous licence Ethyl Corp. Selon la haute cour de justice, tout ceci permet in fine Ă  l'entreprise de contrĂ´ler plus de 120 raffineries et plus de 11 000 grossistes (parmi les environ 12 000 qui en 1940 alimentent le rĂ©seau de distribution de carburant des États-Unis)[21]. « Selon leurs propres termes, les accords de licence (de Ethyl Corp.) servent Ă  exclure tous les revendeurs non autorisĂ©s sur le marchĂ© (...) ils contrĂ´lent le comportement des entreprises de revendeurs agrĂ©Ă©s dans la distribution du carburant brevetĂ©e de moteur et ils permettent Ă  l'appelant d'exclure Ă  volontĂ© les autres entreprises » tout en prescrivant un Ă©cart imposĂ© entre l'essence normale et l'essence plombĂ©e note le procureur qui dĂ©nonce aussi « une pratique Ă©tablie de longue date de l'appelant (Ethyl Corp.) qui est de refuser d'accorder des licences aux grossistes qui cassent les prix ou qui refusent de se conformer aux politiques de commercialisation et aux prix fixĂ©s par les principales raffineries ou les leaders du marchĂ© entre eux » (entente sur les prix})[21] et une utilisation des brevets visant Ă  contrĂ´ler les prix Ă  la pompe en les alignant sur les prix imposĂ©s par les raffineries[21]. L'une de ces grandes raffineries est la Standard Oil Company, dĂ©tient justement la moitiĂ© du capital en action de Ethyl Corp. rappelle le procureur, qui estime qu'il ne fait aucun doute qu'Ethil Corp est depuis plusieurs annĂ©es en situation d'abus de position dominante[22].

En 1942, la société se rebaptise en Ethyl Corporation.

En 1962, Ă  la surprise gĂ©nĂ©rale, Albemarle Paper Manufacturing Company, emprunte 200 millions de dollars pour acheter Ethyl Corporation (Delaware), une sociĂ©tĂ© faisant 13 fois sa taille. Albemarle est une ancienne fabrique familiale de papier-buvard basĂ©e Ă  Richmond, qui a Ă©tendu son activitĂ© Ă  d'autres types de production de papier, puis au film polyĂ©thylène (qui devient Ă  la fin des annĂ©es 1950, un concurrent sĂ©rieux au papier pour les sacs). L'entreprise Albemarle endosse alors le nom « Ethyl Corporation » et la famille Gottwalds en garde la maĂ®trise (Floyd Gottwalds père, et ses fils Floyd, Jr. et Bruce). Une hypothèse est qu’il y avait derrière cette opĂ©ration General Motors qui voulait se dĂ©partir de « Ethyl Corporation » pour des raisons d'image et de sĂ©curitĂ© juridique, craignant peut-ĂŞtre qu'en application du principe pollueur-payeur des États ne viennent demander des comptes aux actionnaires de EGC (Ethyl Gasoline Corporation) alors qu'il devenait difficile de cacher le passif environnemental et sanitaire du plomb tĂ©traĂ©thyle. L'opĂ©ration de 1962 pourrait avoir Ă©tĂ© la plus importante « acquisition Ă  effet de levier » menĂ©e jusqu'Ă  ce jour.

À partir de là pour ce qui concerne les additifs de l'essence, l'entreprise mène un constant travail de lobbying. Selon Kitman (2000), les documents d’archives des entreprises concernées et du gouvernement des États-Unis, mis à disposition de la recherche universitaire ainsi qu’une lecture rétrospective attentive des documents historiques de cette période montrent que :

  • Alors que de nombreux scientifiques indĂ©pendants (dont Clair Patterson) alertaient, avec des preuves tangibles les Ă©lus et l'opinion publique sur la gravitĂ© de la contamination environnementale par le plomb de l'essence, le lobby pĂ©trolier restait silencieux et Ethyl Gasoline Corporation continuait sciemment Ă  vendre et diffuser des produits toxiques et Ă©cotoxiques tout en niant constamment et le plus longtemps possible leur toxicitĂ©, en refusant toute application d'un quelconque principe de prĂ©caution puis en arguant des incertitudes scientifiques et en attaquant s’il le fallait les agences d’État devant les tribunaux. Kitman estime que cette stratĂ©gie qui semble s'ĂŞtre avĂ©rĂ©e payante a Ă©tĂ© un modèle pour les industries de l'amiante, du tabac, des pesticides, et du nuclĂ©aire ou encore des aliments gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©s [5].
  • Alors qu’il existait une unanimitĂ© scientifique depuis plus de 70 ans sur la toxicitĂ© du plomb et que les risques graves pour la santĂ© de l'essence au plomb et bien que ces risques aient Ă©tĂ© portĂ©s Ă  la connaissance des responsables politiques et clairement identifiĂ©s par la vaste communautĂ© amĂ©ricaine chargĂ©e de la santĂ© publique [5], les risques ont Ă©tĂ© sous-Ă©valuĂ©s et dĂ©mentis par l'entreprise et le lobby pĂ©trolier, ainsi que par beaucoup de dĂ©cideurs politiques durant plus de 60 ans, gĂ©nĂ©ralement au motif qu’ils ne pouvaient pas ĂŞtre clairement et immĂ©diatement quantifiĂ©s [5] ;
  • Des additifs antidĂ©tonants alternatifs (Ă  base d'Ă©thanol par exemple) bien moins toxiques, facilement biodĂ©gradables, moins chers et plus faciles Ă  produire (mais difficilement brevetables) pouvaient ĂŞtre utilisĂ©s pour le mĂŞme usage. Ils Ă©taient disponibles et connus des fabricants d’additifs anti-cliquetis au de plomb, avant mĂŞme la dĂ©couverte de l'additif au plomb [5], mais n’importe qui dans n’importe quel pays aurait pu les fabriquer facilement. Ils ont donc Ă©tĂ© cachĂ©s puis vivement combattus, supprimĂ©s ou injustement dĂ©criĂ©s durant des dĂ©cennies. Le gouvernement des États-Unis Ă©tait informĂ© de leur existence et de leurs avantages, mais il a Ă©galement empĂŞchĂ© leur utilisation et s’est mĂŞme fait complice de la diffusion de l'utilisation de l'essence au plomb dans les pays Ă©trangers, notamment dans les pays pauvres [5]. Une stratĂ©gie de dĂ©crĂ©dibilisation des alternatives a reposĂ© sur une exagĂ©ration sciemment faite de l'intĂ©rĂŞt et des avantages des additifs antidĂ©tonants au plomb[5], alors que des campagnes de communication et de publicitĂ© expliquaient aux automobilistes qu'ils risquaient de dĂ©grader leurs moteurs sans ces additifs.
  • L’industrie des additifs au plomb a diffusĂ© aux administrations ses propres donnĂ©es. Elle a construit et financĂ© son propre rĂ©seau de recherche. Celui-ci a durant quatre dĂ©cennies contrĂ´lĂ© l’essentiel de la recherche scientifique sur les consĂ©quences sanitaires de l'essence au plomb, concluant systĂ©matiquement selon Kitman que le risque pour la santĂ© Ă©tait faible voire insignifiant, en diffamant parfois les voix qui les contredisaient [5].
  • Puis face au recul des ventes aux États-Unis oĂą la lĂ©gislation a fini par faire reculer le plomb dans les peintures puis dans l’essence et dans une partie des munitions, le lobby s’est tournĂ© vers l’Europe oĂą il rĂ©sistera près de 30 ans de plus qu'aux États-Unis (jusqu’en quand l'Union EuropĂ©enne interdira le plomb dans l’essence sur son territoire, bien après les États les plus avancĂ©s en matière de lĂ©gislation environnementale).
    Les producteurs d'additifs s'étaient dans le même temps tournés vers les pays en voie de développement dans lesquels on trouve aujourd’hui parfois encore plus de plomb par litre d’essence que ce qui était en usage aux États-Unis dans les années 1970 [5].

Pour restaurer ou conserver leur image, les maisons-mères (multinationales) se sont désengagées du marché des additifs toxiques. Elles ont pu réinvestir leurs bénéfices et utiliser leurs réseaux pour se diversifier et investir dans des secteurs plus classiques et jugés moins risqués de l’industrie et de la finance, tout en réorganisant leurs structures organisationnelles et financières de manière à protéger leurs responsables et leurs fonds d’éventuels demande de dommages et intérêt (une poursuite contre les fabricants de peinture au plomb a été lancée en class-action devant une cour du Maryland).

Ainsi, des années 1970 à 1980, la société Ethyl Corp s’est étendue mais en diversifiant ses activités. À la fin des années 1980, Ethyl Corp a commencé à segmenter son capital et ses activités en plusieurs divisions ;

  • ses unitĂ©s spĂ©cialisĂ©es dans l’aluminium et les plastiques, ou l’énergie sont devenus Tredegar Corporation en 1989.
  • En 1993, Ethyl Corp augmente sa prĂ©sence dans le monde de la finance et de la spĂ©culation, après avoir commencĂ© Ă  investir dans l'assurance-vie, avec une sorte d'OPA visant Ă  s'approprier une sociĂ©tĂ© d'assurance-vie, FCL (« First Colony Life ») ; Ethyl Corporation a rachetĂ© en 1982 pour 270 millions de $ d'actions de FCL en circulation) ;
  • En 1994, Ethyl Corp se dĂ©part de ses spĂ©cialitĂ©s chimiques en en faisant une sociĂ©tĂ© indĂ©pendante (cotĂ©e en bourse) : Albemarle Corporation. Suivant une tendance gĂ©nĂ©rale Ă  la consolidation et concentration des marchĂ©s au sein de l'industrie pĂ©trolière dans les annĂ©es 1990, Ethyl achète ses trois principaux concurrents : Amoco Petroleum Additives, Nippon Cooper, et Texaco Additives Company redevenant leader incontestĂ© du marchĂ© des additifs pour carburants mais aussi pour lubrifiants.
  • Entre 2003 et 2004, l'entreprise (dĂ©clarĂ©e dans le Delaware considĂ©rĂ© comme un paradis fiscal pour les entreprises qui peuvent s'y dĂ©clarer avec les taxes les plus basses et les conditions les plus libres et le moins d'informations Ă  donner) passe (pour ses accords de sĂ©curitĂ© dĂ©clarĂ©s au Canada) de la Bank of America au CrĂ©dit suisse First Boston aux ĂŽles Cayman[23]
  • En 2004, Ethyl Corp se rebaptise d’un nom plus neutre « NewMarket Corporation » (NYSE: NEU), qui sera nĂ©anmoins la sociĂ©tĂ© mère de Afton Chemical Corporation (ou Afton Chemical Intangibles LLC), fabricant de lubrifiants et d’additifs pour carburants et lubrifiants, et d’une sociĂ©tĂ© conservant le nom Ethyl Corporation, qui reste fabricant et distributeur d'additifs de carburant, dont le plomb tĂ©traĂ©thyle.
    Ce produit est toujours vendu dans les pays pauvres. Il est interdit dans les carburants de véhicules sur route dans les pays riches, mais il y reste autorisé pour l’aviation (faisant que de nombreux aérodromes sont pollués par le plomb), pour les essences de voitures de course ou de hors-bord pour lesquels selon les fabricants il n'est pas supposé exister d'alternative au plomb [5].
  • En 2014, selon son site internet Ethyl Corp. continue Ă  fabriquer des additifs (non nommĂ©s) pour les voitures de course et l'aviation aux États-Unis. Elle maitrise l'alkylation par le chlorure d'aluminium, la chloration, l'amination et la production d'anhydrides, ainsi que des process en continu d'alkylation catalysĂ©e (par le trifluorure de bore ou le fluorure d'hydrogène), les rĂ©actions de condensation de Mannich et les processus de nitration (Ses codes d'entreprise aux États-Unis sont SIC Codes: 1311 ; NAICS Codes:211111)

Le principal fabricant de plomb tétraéthyle serait aujourd’hui Innospec (en) (connu aussi sous le nom de Associated Octel Company à Ellesmere Port, en Angleterre) et ses principaux vendeurs sont (Octel et Ethyl Corporation de Richmond, en Virginie). Les dirigeants de ces entreprises reconnaissent que le marché de l’essence plombée se fermera un jour ou l’autre, mais selon eux pour des motifs politiques. Ils continuent selon Kitman (2000) à sous-estimer les dangers du plomb et à surestimer ses vertus, et à produire et vendre du plomb tétraéthyle pour les carburants[5].

Notes et références

  1. NewMarket Corporation , newmarket.com, consulté 2014-08-08
  2. Rapport annuel financier 2013 Financial Reports
  3. Singapore : Afton Chemical starts building chemical additive plant on Jurong Island Keppel Energy W 2014-07-02.
  4. Fiche Ethyl corporation ; Insideview.com, consulté 2014-08-06
  5. Kitman JL (2000). The secret history of lead. Article du journal Nation New-York date du 20 mars 2000, 270(11), 11-11.
  6. M. Nava, D. Fernández, C. García, and V.A. Granadillo (2002), Presentation faite à la 52e Convention Annuelle de l'AsoVAC, à Barquisimeto, Venezuela
  7. M. del V. Nava, D.R. Fernández, A. del C. Vásquez, M. Colina & V.A. Granadillo, Présentation faite au 8e Rio Symposium on Atomic Spectrometry, Rio de Janeiro, Brazil (2004)
  8. Granadillo, V. A., del VNava, M., Fernandez, D. R., del CVasquez, A., Semprun, B., Hernandez, M., & Colina, M. (2006). Flame AAS determination of total lead in soil sediments near highways in Maracaibo City, Venezuela. Atomic spectroscopy - Norwalk Connecticut -, 27(2), 56.
  9. Newsome, T., Aranguren, F., & Brinkman, R. (1997). Lead contamination adjacent to roadways in Trujillo, Venezuela. The Professional Geographer, 49(3), 331-341 (résumé).
  10. Handt, H., Fernández, R., Benzo, Z., Gomez, C., Marcano, E., Galárraga, F., & González, R. (2008) Operational speciation of Cd, Cr, Cu, Mn, Ni, Pb, V and Zn in dust samples from schools in Caracas, Venezuela. Atmósfera, 21(4), 335-345.
  11. Rachel's Environment & Health Weekly #541 ciré par Cela.ca
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  13. "It's worthwhile questioning motives on the need for MMT", The Montreal Gazette, 1997-02-21
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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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