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Empereur d'Éthiopie

L'empereur d'Éthiopie (en guèze : Nəgusä Nägäst, « roi des rois ») était le souverain héréditaire de l'Empire éthiopien, jusqu'à l'abolition de la monarchie en 1974, à la suite de la révolution. L'empereur était le chef de l'État et le chef du gouvernement, et détenait les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif dans le pays. Un article du National Geographic a décrit l’Éthiopie impériale comme étant « nominalement une monarchie constitutionnelle ; en fait [c'était] une autocratie bienveillante » (nominally a constitutional monarchy; in fact [it was] a benevolent autocracy)[1].

Titre

Le titre de roi des rois, souvent traduit de manière imprécise par le terme « empereur », remonte à l'ancienne Mésopotamie. Il fut utilisé à Axum par le roi Sembrouthes (aux alentours de 250 après J-C). Yuri Kobishchanov (en) note que ce titre fut utilisé lors de la période qui suivit la victoire des Perses sur les Romains, en 296-297[2]. Son utilisation systématique est attestée depuis au moins le règne de Yekouno Amlak. Ce titre signifie que les fonctionnaires subalternes et les dirigeants tributaires - notamment les vassaux qui gouvernent les provinces de Godjam, de Wellega, les provinces côtières et plus tard celle de Choa - recevaient le titre honorifique de nəgus, un terme qui correspond à « roi ».

L'épouse de l'empereur avait le titre d'ətege. L'impératrice Zewditou, qui dirigea l’Éthiopie entre 1916 et 1930, utilisa la forme féminisée nəgəstä nägäst (« reine des rois ») pour montrer qu'elle régnait de son propre chef et n'utilisa pas le titre de ətege.

Succession

À la mort d'un monarque, tout parent de sang masculin ou féminin de l'empereur pouvait prétendre à la succession au trône : fils, frères, filles et neveux. La tradition favorisait la primogéniture mais ne la faisait pas toujours respecter. Le système a développé deux approches pour contrôler la succession : la première, employée quelquefois avant le XXe siècle, impliquait l'internement de tous les rivaux possibles de l'empereur dans un endroit sûr, ce qui limitait considérablement leur capacité à déstabiliser l'empire en se révoltant ou en contestant la succession d'un héritier apparent ; la deuxième approche, utilisée de plus en plus fréquemment, impliquait la sélection des empereurs par un conseil des hauts fonctionnaires du royaume, laïques et religieux.

Les traditions éthiopiennes ne s'accordent pas toutes sur le moment exact où enfermer les rivaux au trône sur une « montagne des princes » devint une coutume. Une tradition attribue cette pratique au roi Zagwe Yemrehanna Krestos (XIe siècle), qui aurait reçu l'idée dans un rêve[3] ; Taddesse Tamrat (en) conteste cette tradition, y opposant que les archives de la dynastie Zagwe montrent qu'un trop grand nombre de successions ont été contestées pour que cela soit plausible[4]. Une autre tradition, reportée par l'historien Thomas Pakenham (en), affirme que cette pratique est antérieure à la dynastie Zagwe (qui a régné à partir de l'an 900 environ) et qu'elle fut mise en place pour la première fois à Debre Damo (monastère éthiopien orthodoxe situé sur une plateforme montagneuse capturé par la reine Gudit au Xe siècle). On y aurait isolé 200 princes jusqu'à ce que mort s'ensuive. Cependant, Thomas Pakenham nota également que l'abbé du monastère de Debre Damo ne connaissait pas cette anecdote lorsqu'il fut interrogé sur le sujet. Taddesse Tamrat fait valoir que cette pratique a commencé sous le règne de Ouédem-Arad (1299-1314), à la suite de la lutte pour la succession qui, selon lui, se trouve derrière la série de brefs règnes des fils de Yagbe'u Seyon (en) (règne 1285-1294).

Les rivaux royaux potentiels étaient incarcérés à Amba Geshen (en) jusqu'à ce qu'Ahmed Ibn Ibrahim Al-Ghazi capture ce site en 1540 et le détruise. Par la suite, du règne de Fasiladas (1632-1667) jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, cette incarcération se faisait à Wehni (en). Les rumeurs de ces résidences royales de montagne ont été une source d'inspiration de la nouvelle de Samuel Johnson, Rasselas.

Bien que l'empereur d'Éthiopie ait théoriquement eu un pouvoir illimité sur ses sujets, ses conseillers en sont venus à jouer un rôle croissant dans le gouvernement de l'Éthiopie. En effet, de nombreux empereurs avaient été remplacés soit par un enfant, soit par l'un des princes incarcérés qui ne pouvaient réussir à quitter leurs prisons qu'avec une aide provenant de l'extérieur. Au milieu du XVIIe siècle, le pouvoir de l'empereur avait été largement transféré à ses députés, comme au ras Mikael Sehul de Tigré, qui détenait le pouvoir réel dans l'empire et qui à son bon vouloir faisait et défaisait les empereurs.

Idéologie

Les empereurs d'Éthiopie obtenaient leur droit à gouverner sur la base de deux revendications dynastiques : leur descendance des rois d'Aksoum et leur descendance de Menelik Ier, fils de Salomon et de Makeda, reine de Saba.

La revendication de leur relation avec les rois d'Aksoum découle de celle de Yekouno Amlak selon laquelle il était le descendant de Del Na'od, par l'intermédiaire de son père, bien qu'il ait vaincu et tué le dernier roi zagwe au combat. Sa revendication du trône avait également été aidée par son mariage avec la fille de ce roi, même si les Éthiopiens ne légitimaient généralement pas les revendications du côté maternel. L'allégation de descendance de Menelik Ier était basée sur l'affirmation que les rois d'Aksoum étaient aussi les descendants de Menelik ; sa formulation définitive et la plus connue est présentée dans le Kebra Nagast, un récit épique. Bien que les archives de ces rois ne parviennent pas à faire la lumière sur leurs origines, cette revendication d'ordre généalogique fut documentée pour la première fois au Xe siècle par un historien arabe. Les interprétations de cette revendication varient considérablement. Certains (dont beaucoup en Éthiopie) l'acceptent comme un fait évident. D'autres comprennent cela comme une expression de propagande, essayant de relier la légitimité de l'État à l'Église orthodoxe éthiopienne. Certains essayent d'adopter une approche médiane, essayant soit de trouver un lien entre Aksoum et le royaume sud-arabe de Saba, soit entre Aksoum et le royaume pré-exil de Juda. En raison du manque de matériaux primaires, il n'est pas possible aujourd'hui (2006) de déterminer quelle théorie est la plus vraisemblable.

Histoire

La dynastie salomonide

Lion conquérant de Juda

La dynastie salomonide - qui revendiquait la descendance des anciens dirigeants aksoumites - gouverna l'Éthiopie du XIIIe siècle jusqu'en 1974, avec seulement quelques usurpateurs. Par exemple le guerrier amhara Kassa Hailou, né dans la province du Qouara (ouest du Gondar) en 1818, prit le contrôle total de l'Éthiopie et fut couronné Tewodros II en 1855. Après lui, Kassa Mercha fut couronné Yohannes IV, après s'être rebellé et avoir coopéré avec les britanniques parti en expédition pour démettre Tewodros II. Son successeur fut par la suite Menelik de Choa, dit Menelik II, qui prétendait restaurer la tradition salomonide.

L'empereur Théodore (Tewodros) a passé sa jeunesse à se battre contre les envahisseurs égyptiens et les « Turcs ». Il entreprit par la suite l'unification de l'empire après les âges sombres nommés le Zemene Mesafent (« le temps des juges »). L'empereur Menelik II remporta une victoire militaire majeure contre les envahisseurs italiens en mars 1896 lors de la bataille d'Adwa. Menelik signa un traité permettant aux Italiens d'annexer l'Érythrée et vendit Djibouti à la France. Après Menelik, tous les monarques étaient descendants des Salomonides. La lignée masculine, par le biais des descendants du cousin de Menelik Dejazmatch, Taye Gulilat, existait toujours, mais avait été écartée en grande partie à cause du dégoût que Menelik éprouvait personnellement pour cette branche de sa famille. Les successeurs salomonides de Menelik ont gouverné le pays jusqu'au coup d'État militaire de 1974.

Liste des empereurs d’Éthiopie

Armoiries de l'empereur d'Éthiopie pendant l'occupation italienne

En 1936, l'Éthiopie était occupée. L'empereur Hailé Sélassié I fut alors contraint de fuir à l'étranger pour défendre son pays de l'agression italienne en portant l'affaire devant la société des nations. Mussolini créa l'Érythrée et la Somalie italienne. Le tout fit partie d'un empire colonial qui fut appelé Afrique orientale italienne.

Au cours de l'été 1936, Victor Emmanuel III d'Italie se proclame empereur d'Éthiopie, titre considéré comme illégitime par l'Union soviétique et qui perdit sa valeur avec la Seconde Guerre mondiale. Le titre perdura près de cinq ans, jusqu'en 1941. Victor Emmanuel III renonça par la suite officiellement au titre fin 1943.

Le retour de Haile Selassie

Étendard impérial de Hailé Sélassié (recto)
Étendard impérial de Hailé Sélassié (verso)

Hailé Sélassié revint au pouvoir pendant la Seconde Guerre mondiale. En janvier 1942, il fut officiellement réintégré au pouvoir.

Le rôle de l'empereur et la ligne de succession étaient strictement définis dans les deux constitutions adoptées sous le règne de Hailé Sélassié : celle adoptée le 16 juillet 1931 (en) ; et la version révisée de novembre 1955 (en).

Fin de la monarchie

Haïlé Sélassié fut le dernier monarque à gouverner l'Éthiopie. Il fut destitué par le Derg, le comité de fonctionnaires militaires et de policiers le 12 septembre 1974. Le Derg a offert le trône au fils de Haïlé Sélassié, Amha Selassie, qui - naturellement méfiant à l'égard du Derg - refusa de retourner en Éthiopie pour régner. Le Derg abolit la monarchie le 21 mars 1975. En avril 1989, Amha Sélassié est proclamé empereur en exil à Londres. Sa succession était antidatée à la date du décès de l'empereur Haïlé Sélassié, en août 1975, plutôt qu'à sa déposition en septembre 1974. En 1993, le Conseil de la Couronne d’Éthiopie, dont faisaient partie plusieurs descendants de Haïlé Sélassié, affirma qu'Amha Sélassié était empereur et chef légal d'Éthiopie. Cependant, la Constitution éthiopienne de 1995 maintint l'abolition de la monarchie.

Arbre généalogique

Arbre généalogique des empereurs Éthiopiens
Légende
Empereur (Noms de règne entre parenthèses)
Mariage
Descendance
Descendance incertaine ou légendaire
Maison de David

Salomon
Roi d'Israël
Makéda
Reine de Saba

Menelik Ier
Premier empereur (semi-légendaire)
Rois d'Aksoum
(en grande partie légendaire)
Del Na'od
Dernier négus d'Aksoum

Mara Takla Haymanot
(1)
Masoba Warq
Mkhbara Widam
(Mahbere-Widam)
Dynastie Zagwés

Tatadim
(2)

Jan Seyum
(3)

Germa Seyum
(4)
Agba Seyun
(Yakob)

Kedus Harbe
(6)

Lalibela (Gäbrä Mäsqäl)
(7)

Yemrehanna Krestos
(5)
Sinfa Ar'ad

Na'akueto La'ab
(8)

Yetbarek
(9)
Negus Zaré
Asfiha
Yakob
Bahr Seggad
Zagwés[5]
Adam Asgad
(Widma Asgad)
Tasfa Iyasus

Yekouno Amlak
1270–1285
Dynastie salomonide

Yagbe'u Seyon
(Salomon Ier)

1285–1294

Ouédem-Arad
1299–1314
Prince
Qidma Seggada

Senfa Ared IV
1294–1295

Hezba Asgad
1295–1296

Qedma Asgad
1296–1297

Jin Asgad
1297–1298

Saba Asgad
1298–1299

Amda-Syon Ier
(Gabra Masqal Ier)

1314–1344

Newaya Krestos
(Saïfa-Arad)

1344–1372

David Ier
1382–1413

Néouya-Maryam
(Wadem Asfara)

1372–1382

Théodoros Ier
(Walda Anbasa)

1413–1414

Yéshaq Ier
(Gabra Masqal II)

1414–1429

Takla Maryam Ier
(Hezba Nañ)

1430–1433

Zara Yakob
(Kwestantinos)

1434–1468

Endreyas
1429–1430

Sarwe Iyasou
(Meherka Nan)

1433

Amda Iyasou
(Badel Nañ)

1433–1434

Baéda-Maryam
(Qirqos, Dawit)

1468–1478

Eskender
(Qwastantinos II)

1478–1494

Naod
1494–1507

Amda Seyon II
1494

Lebne Denguel
(Wanag Saga,
Dawit II,
Etana Dengel)

1507–1540

Gelawdéwos
(Atsnaf Sagad Ier)

1540–1559

Menas
(Admas Sagad Ier)

1559–1563
Prince Yakob
Dynastie
salomonide
Branche Gondar
Dynastie
salomonide
Branche Choa

Sarsa-Dengel
(Malak Sagad Ier)

1563–1597
Prince
Lesana Krestos
Prince Fasilidas
Prince
Segwa Qal

Yaqob
(Malak Sagad II)

1597–1603
1604–1606

Za Dengel
(Atsnaf Sagad II)

1603–1604

Susenyos
(Seltan Sagad, Malak Sagad)

1606–1632
Warada Qal

Fasilädäs
(Aläm Sägad, Seltan Sägad)

1632–1667
Lebsa Qal

Yohannès
(Alaf Sagad)

1667–1682
Negasi Krestos
Dirigeant du Choa
Princesse Amlakawit

Iyasou Ier
(Adyam Sagad Ier)

1682–1706

Théophilos
(Asrar Sagad)

1708–1711
Sebestyanos
Dirigeant du Choa
Delba Iyasus
Dejazmatch of Tigray

Takla Haïmanot Ier
(Le'ul Sagad)

1706–1708

Bacaffa
(Masih Sagad, Adbar Sagad II)

1721–1730

Davit III
(Adbar Sagad Ier)

1716–1721

Yohannès II
(Sadiq Sagad)

1769
Qedami Qal
Dirigeant du Choa

Yostos
(Tsahai Sagad)

1711–1716

Iyasou II
(Berhan Sagad)

1730–1755

Tekle Haymanot II
(Admas Sagad III)

1769–1770
1770–1777

Tekle Giyorgis Ier
(Fakr Sagad)

1779–1784; 1788–1789
1794–1795; 1795–1796
1798–1799; 1800
Amha Iyasus
Dirigeant du Choa
Prince Adigo
Prince Atsequ

Yoas Ier
(Adyam Sagad II)

1755–1769

Hezqeyas
1789–1794

Salomon III
1796–1797
1799

Yohannès III
1840–1841; 1845
1850–1851
Asfa Wossen
Dirigeant du Choa

Salomon II
1777–1779

Iyasou III
(Ba'ela Sagad)

1784–1788

Egwale Syon
(Newaya Sagad)

1801–1818

Yoas II
(Adyam Sagad III)

1818–1821

Iyasou IV
1830–1832
Renvendications invérifiables
des descendants de la famille
Faliside

(générations intermédiaires non mentionnées)
Wossen Seged
Dirigeant du Choa
(fils présumés de Iyasou II)

Beede Maryam II
1795

Sousneyos II
1770

Gigar
1821–1826
1826–1830

Yonas
1797–1798
Gabre Masai

Démétros
1799–1800
1800–1801

Gebre Krestos
1832

Sahle Dengel
1832–1840; 1841–1845
1845–1850; 1851–1855
Sahle Selassié
Dirigeant du Choa
Beede Maryam III (1826)
(filiation inconnu)
Dynastie Tigré
Dynastie Téwodros
Mirtcha Wolde Kidane (en)
Shum de Tembien

Kassa Hailou
(Téwodros II)

1855–1868
Haile Melekot Sahle Selassié
Dirigeant du Choa
Princesse
Tenagnework
Dynastie Zagwés
(restorée)

Waghsum Gobezé
(Tekle Giyorgis II)

1868–1872
Impératrice Dinqinesh Mercha (en)

Kassa Mercha
(Yohannes IV)

1872–1889
Woizero Altash

Sahle Maryam
(Menelik II)

1889–1913
Autres femmes
Ras Makonnen
Dirigeant d'Harar
Araya Selassie Yohannes
Roi du Tigré

Zewditou Ire
1916–1930
Princesse
Shoagarad

Tafari Makonnen
(Haïlé Sélassié Ier)

1930–1974

Iyasou V
1913–1916
Asfaw Wossen Tafari
(Amha Sélassié)

1989–1997
Prince couronné
Empereur titulaire
Zera Yacob Amha Selassie
1997–aujourd'hui
Prince couronné
Empereur titulaire

Voir également

Références

  1. Nathaniel T. Kenney, "Ethiopian Adventure", National Geographic, 127 (1965), p. 555.
  2. Yuri M. Kobishchanov, Axum, translated by Lorraine T. Kapitanoff, and edited by Joseph W. Michels (University Park: University of Pennsylvania State Press, 1979), p. 195. (ISBN 0-271-00531-9).
  3. Francisco Álvares, The Prester John of the Indies, translated by Lord Stanley of Alderley, revised and edited with additional material by C.F. Beckingham and G.W.B. Huntingford, (Cambridge: The Hakluyt Society, 1961), p. 237ff.
  4. Taddesse Tamrat (en), Church and State in Ethiopia (1270–1527) (Oxford: Clarendon Press, 1972), p. 275, n. 3. (ISBN 0-19-821671-8).
  5. La dynastie Zagwés continua d'exercer le pouvoir dans la province de Lasta pendant des siècles. Ils récupérèrent le trône impérial en 1868.

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Liens externes

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