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Yohannes IV

Yohannes IV (amharique : á‹źáˆáŠ•áˆ” አራተኛ, ) (1837 - 1889) est un militaire et un homme d'État Ă©thiopien, roi des rois (negusse negest) de 1872 Ă  1889. NĂ© Kassa Mercha (ge'ez : áŠ«áˆł መርጫ), il est Ă©galement connu sous son nom de cavalier Abba Bezbez (ge'ez : አባ በዝቄዝ).

Yohannes IV
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Illustration.
Yohannes IV
Titre
Roi des rois d'Éthiopie
–
(17 ans, 1 mois et 17 jours)
Couronnement , Ă©glise Maryam d'Aksoum
Prédécesseur Tekle Giyorgis II
Successeur Menelik II
Biographie
Nom de naissance Kassa Mercha
Date de naissance
Lieu de naissance Mai Beha, district du Tembén
province du TegrĂ©, Éthiopie
Date de dĂ©cĂšs (Ă  51 ans)
Lieu de décÚs Metemma,
Éthiopie
PĂšre Shum Mercha
MĂšre Selass Demtsou
Conjoint Woyzero Tebebeselassie
Enfants Ras Mengesha Yohannes
Ras Araya Selassie Yohannes
Monarques d'Éthiopie

Yohannes est nĂ© en 1837, Ă  Mai Beha, une ville du TegrĂ©, dans le Nord de l'Empire Ă©thiopien. L'Ă©ducation de Yohannes est partiellement assurĂ©e par son pĂšre, Mercha, Shum du Tembien. Il occupe sa premiĂšre fonction importante dans les annĂ©es 1860 aprĂšs avoir collaborĂ© avec TĂ©wodros II lors de la pacification du TegrĂ© dont il devient le gouverneur. Progressivement, il prend ses distances avec le Negusse Negest et se rebelle ouvertement Ă  la fin des annĂ©es 1860. Il coopĂšre avec les Britanniques lors d'une expĂ©dition conduisant Ă  la chute de TĂ©wodros en 1868. La mĂȘme annĂ©e, il commence Ă  prĂ©parer son armĂ©e afin d'affronter le nouveau souverain, Tekle Giyorgis II. Celui-ci dĂ©cide de soumettre Yohannes en 1871 mais le dirigeant du TegrĂ© lui inflige deux dĂ©faites.

Le , Kassa Mercha est couronnĂ© Negusse Negest d'Éthiopie sous le nom de Yohannes IV. Il poursuit l'Ɠuvre unificatrice de TĂ©wodros II tout en s'en distinguant. Favorable Ă  l'unitĂ© du pays, il laisse nĂ©anmoins aux seigneurs locaux une certaine marge de libertĂ© et fait de son mieux pour garder un Ă©quilibre politico-militaire entre les gouverneurs de provinces. Outre l'unification politique, il est trĂšs attachĂ© Ă  l'unitĂ© de l'Église Ă©thiopienne orthodoxe et il lance de grandes campagnes de conversion au christianisme. Il lutte en parallĂšle contre les missionnaires Ă©trangers qu'il perçoit comme un bras religieux de la diplomatie europĂ©enne.

Yohannes IV a Ă©galement Ă©tĂ© un dĂ©fenseur de l'indĂ©pendance Ă©thiopienne. À la suite de l'ouverture du canal de Suez en 1869, l'Éthiopie est la cible de divers plans d'invasion. La premiĂšre guerre a lieu contre l'Égypte qui s'est installĂ©e dans la Corne de l'Afrique depuis le dĂ©but des annĂ©es 1870. MalgrĂ© une supĂ©rioritĂ© technique des Égyptiens, Yohannes IV remporte la bataille de Gundet et celle de Gura. Le second conflit, en 1887, oppose le Negusse Negest aux Italiens, prĂ©sents Ă  Metsewa depuis 1885. AprĂšs une victoire italienne, Ras Alula Engida, grand gĂ©nĂ©ral de Yohannes IV, remporte la bataille de Dogali forçant ses ennemis Ă  se retirer vers la cĂŽte.

Enfin, en 1889, il veut mettre fin aux offensives des Mahdistes qui touchent les populations Ă©thiopiennes du Nord-Ouest. Le , il prĂ©pare une vaste armĂ©e et part vers Metemma oĂč il affronte ses adversaires. Au cours de la bataille, Yohannes est touchĂ© Ă  deux reprises. Le lendemain, il meurt de ses blessures.

S'il a Ă©tĂ© un unificateur moins impressionnant que TĂ©wodros, sa politique n'a pas eu pour autant moins d'effet. Son rĂšgne a permis de prĂ©parer et faciliter la lutte de Menelik contre la nouvelle offensive coloniale italienne. Aux yeux des Éthiopiens, Yohannes demeure un souverain dĂ©vouĂ© Ă  sa religion et Ă  sa patrie, pour laquelle il a su donner sa vie.

Jeunesse et débuts politiques

Naissance, famille et Ă©ducation

Yohannes IV Empereur d'Éthiopie

Kassa Mercha est nĂ© le Ă  Mai Beha, dans le district du TembĂ©n de la province du TegrĂ©, dans le Nord de l'Empire Ă©thiopien[1]. Son pĂšre, Mercha, est le Shum de son district natal et sa mĂšre est Woyzero Selass Demtsou. NĂ© dans une famille de la noblesse tegrĂ©enne, Yohannes compte parmi ses parents le ras Mikael Sehul, Dejazmatch Sabadagis ou encore le ras Welde Selassie, des grands seigneurs du Zemene Mesafent[1]. Son ascendance familiale lui assure donc une lĂ©gitimitĂ© politique rĂ©gionale. Yohannes a un frĂšre, Gougsa Mercha et une sƓur, Denqnesh Mercha, tous deux plus ĂągĂ©s que lui. Sa sƓur Ă©pouse plus tard Wagshum GobezĂ©, futur Negusse Negest Tekle Giyorgis II et rival de Yohannes lors de sa montĂ©e au pouvoir[1].

Vers le milieu du XIXe siĂšcle, une prophĂ©tie annonce la venue d'un jeune Kassa, censĂ© devenir souverain de l'Empire. La prophĂ©tie s'est diffusĂ©e dans les rĂ©gions de Gonder et du TegrĂ© ; ainsi, les parents de Yohannes ont vu en leur fils le Negusse Negest qu'il est devenu[1]. D'ailleurs, durant la jeunesse de Yohannes, un autre Kassa fait parler de lui dans la rĂ©gion du BĂ©gemeder, il s'agit de TĂ©wodros II, Negusse Negest de 1855 Ă  1868. Le pĂšre de Yohannes s'occupe de l'Ă©ducation de son fils. Il l'envoie dans une Ă©cole religieuse locale, lui apprend l'Ă©tiquette royale et assure sa formation militaire. En parallĂšle, sa mĂšre souhaitant Ă©lever un jeune homme fort et courageux, aurait ajoutĂ© des herbes amĂšres et de l'aloĂšs aux plats de son fils[1]. D'aprĂšs GelawdĂ©wos Araya, une lĂ©gende veut que Selass ait mĂȘme prĂ©parĂ© un rĂ©gime alimentaire spĂ©cialement pour Yohannes, bien qu'il doute de la rĂ©alitĂ© de cette histoire[1].

DĂ©buts en politique

Le Negusse Negest TĂ©wodros II, avec lequel Yohannes va initialement collaborer.

En 1855, TĂ©wodros II arrive au pouvoir et compte rĂ©unifier l'Empire Ă©thiopien en centralisant les pouvoirs des seigneurs locaux. Le TegrĂ© perd progressivement son autonomie mais reste aux mains de Yohannes, membre de la dynastie en place durant le Zemene Mesafent. Vers 1860, Yohannes s'allie avec TĂ©wodros afin de pacifier le TegrĂ©, en rĂ©bellion[1]. En retour, il est nommĂ©, en 1864, Balambaras, rang le plus bas des titres aristocratiques Ă©thiopiens[1]. Or, il apprend l'Ă©lĂ©vation de Menelik II, qui grandit Ă  la cour de TĂ©wodros, Ă  la dignitĂ© de Dejazmatch alors que le jeune garçon est Ă  peine ĂągĂ© de douze ans[1]. À ce sentiment d'injustice s'ajoutent des facteurs plus politiques. Yohannes est choquĂ© par les mesures d'expropriation des terres de l'Église par TĂ©wodros II[2]. Homme « pieux »[2], il ne peut contenir sa colĂšre lorsqu'il apprend l'emprisonnement par le Negusse Negest de l'Abouna Selama Ă  Meqdela. Enfin, face aux multiples rĂ©voltes rĂ©gionales que connaĂźt l'Empire, il est persuadĂ© qu'un nouveau souverain doit remplacer TĂ©wodros[2]. Il partage avec ses parents, Ras Welde Selassie et Dejazmatch Sabagadis, le « rĂȘve d'une Éthiopie chrĂ©tienne et unie, dirigĂ©e depuis le Tigray »[2].

En 1865-1866, Yohannes, qui s'auto-proclame Dejazmatch, entre en rébellion mais la supériorité militaire de Téwodros le force à quitter les zones du Tembén et de l'Enderta, sa base territoriale, pour se retirer vers les régions éloignées Erob et Afar du district Agamé[1]. Durant ce séjour, il épouse une femme afar, convertie au christianisme orthodoxe et baptisée Tebebeselassie ; ensemble, ils ont un enfant, Ledj Araya Selassie[1]. Vers 1867-1868, une occasion exceptionnelle de renverser Téwodros se présente à lui : l'expédition britannique.

Marche vers le sacre impérial

Expédition de Napier : renversement de Téwodros II et contact avec les Britanniques

Sir Robert Napier, commandant de l'expédition britannique ayant conduit à la chute de Téwodros II. Yohannes coopÚre avec Londres en échange d'une aide militaire qui lui est par la suite bénéfique.

Les ambitions impĂ©riales de Yohannes se consolident vers la fin du rĂšgne de TĂ©wodros II ; dĂšs 1867, il se prĂ©sente, lors d'une correspondance avec les Britanniques, comme dirigeant de l'Éthiopie[2]. Au cours de la mĂȘme annĂ©e, un diffĂ©rend diplomatique entre TĂ©wodros et le gouvernement britannique conduit Londres Ă  prĂ©parer une expĂ©dition vers l'Éthiopie afin de libĂ©rer les captifs europĂ©ens qui y sont emprisonnĂ©s. À partir de , Yohannes entre en contact avec des officiers britanniques dont le commandant de l'expĂ©dition, Sir Robert Napier. Celui-ci envoie le major James Augustus Grant, un explorateur, Ă  la rencontre du dirigeant du TegrĂ©[3]. Yohannes est alors perçu par le Major comme un homme « faible » et « aisĂ©ment manipulable », aspirant Ă  devenir « un grand dirigeant » de l'Empire Ă©thiopien[4]. AprĂšs trois audiences, Yohannes accepte officiellement d'apporter une aide Ă  Napier[3]. Il facilite l'approvisionnement des troupes en installant des marchĂ©s Ă  proximitĂ© des principaux sites de campement[3]. Le dirigeant du TegrĂ© assure les Britanniques qu'il les aidera « avec tout [son] pouvoir »[5].

Il s'engage Ă  protĂ©ger les voies d'approvisionnement de la cĂŽte vers Meqdela et Ă  rĂ©primer ceux qui dĂ©rangent le tĂ©lĂ©graphe[6]. En contrepartie, Yohannes demande Ă  Napier lors d'une rĂ©union le , la participation des forces britanniques dans sa lutte contre Wagshoum GobezĂ©[7]. Napier refuse mais maintient la possibilitĂ©, aprĂšs la campagne, d'une assistance militaire dont Yohannes et ses 10 000 hommes, ont « grandement besoin »[6]. Le , le corps expĂ©ditionnaire arrive au pied de Meqdela et, trois jours plus tard, refusant de se soumettre aux Britanniques, le Negusse Negest TĂ©wodros II se donne la mort. La victoire de Napier et la facilitĂ© avec laquelle l'expĂ©dition a atteint Meqdela a Ă©tĂ© rendue possible par Yohannes[6]. Les officiers britanniques reconnaissent eux-mĂȘmes qu'ils ont Ă©tĂ© « chanceux » d'avoir obtenu la coopĂ©ration du dirigeant du TegrĂ©[8]. Un rapport rĂ©digĂ© par l'un d'entre eux explique : « L'armĂ©e britannique n'aurait pu atteindre Meqdela, lors de cette saison, sans avoir reçu l'aide des chefs et du peuple du pays »[9].

L'Empire Ă©thiopien au milieu du XIXe

Ainsi, Napier a reçu une assistance « indispensable » de la part de Yohannes, « le politique le plus important du TegrĂ© »[3]. Il a rĂ©pondu favorablement Ă  la demande britannique en se prĂ©sentant comme « dirigeant des chefs d'Éthiopie »[10], une maniĂšre de confirmer ses ambitions impĂ©riales. La question d'une possible colonisation du pays par les Britanniques a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e pour diverses raisons. En effet, la rapiditĂ© de la progression anglaise en Éthiopie soulĂšve la problĂ©matique d'une Ă©ventuelle conquĂȘte. Yohannes ne voit nullement un danger colonial dans la venue des Britanniques qui ont clairement indiquĂ© que seul TĂ©wodros est visĂ©, et non l'ensemble du pays[2]. Par ailleurs, si les Britanniques avaient tentĂ© d'une façon ou d'une autre d'Ă©tablir leur autoritĂ©, Yohannes et d'autres chefs auraient immĂ©diatement coupĂ© les communications de l'expĂ©dition avec la cĂŽte[11]. En agissant uniquement comme l'« homme de main » de l'Éthiopie, une armĂ©e Ă©trangĂšre a pu pĂ©nĂ©trer le territoire national sous la protection de Yohannes[11]. D'ailleurs, celui-ci fait de son possible pour accĂ©lĂ©rer le dĂ©part des Britanniques en leur apportant des bĂȘtes de somme et des vivres[11]. Les achats s'effectuant en thalers Marie-ThĂ©rĂšse, le Nord de l'Éthiopie connaĂźt une forte inflation[11].

Ces problĂšmes sont toutefois minimes par rapport aux gains de Yohannes : il a reçu du matĂ©riel militaire, estimĂ© Ă  500 000 livres sterling, comprenant : mortiers, obusiers, environ 900 mousquets et fusils, des munitions, de la poudre et 585 480 amorces Ă  percussion[12]. Cet armement s'ajoute Ă  l'arsenal dĂ©jĂ  important de Yohannes[13]. AprĂšs Meqdela, les Britanniques se dĂ©sengagent totalement et les offres de coopĂ©ration de Yohannes sont rejetĂ©es ou ignorĂ©es[14]. Il ne parvient Ă  obtenir le service que d'une seule sociĂ©tĂ© privĂ©e : Messas Henry S. King & Co[14]. Il envoie une mission afin de recruter des instructeurs mais celle-ci est abandonnĂ©e Ă  Alexandrie sous les ordres de Londres[14]. MĂȘme aprĂšs sa prise du pouvoir impĂ©rial, il ne rĂ©ussit pas Ă  susciter l'intĂ©rĂȘt des Britanniques[14]. NĂ©anmoins, l'expĂ©dition Napier a eu un impact sur la lutte pour le pouvoir[14] ; en plus du matĂ©riel militaire, un instructeur britannique, John C. Kirkham, accepte de rester sur place afin de former les troupes de Yohannes[14]. D'aprĂšs Bahru Zewde, la combinaison des nouvelles armes et de la formation apportĂ©e par Kirkham a dĂ©terminĂ© la lutte contre Tekle Giyorgis[14].

Préparation au conflit

Portrait de Yohannes IV

La mort de TĂ©wodros II, « tournant de l'Histoire de l'Éthiopie », ouvre une lutte de succession[15]. En 1868, trois personnages importants semblent afficher des ambitions impĂ©riales plus ou moins affirmĂ©es. Le premier, Wagshoum GobezĂ© dirige l'ensemble du territoire amhara ; le second, Dejazmatch Kassa Mercha, gouverne sur le TegrĂ©. Enfin, le troisiĂšme est Menelik du Shewa qui se proclame temporairement Negusse Negest[15]. L'importance numĂ©rique de l'armĂ©e de GobezĂ©, composĂ©e de 60 000 hommes, convainc une bonne partie du pays Ă  se soumettre, Ă  l'exception de Yohannes et Menelik[16]. Une lettre datĂ©e du et adressĂ©e Ă  NapolĂ©on III semble initialement confirmer son objectif impĂ©rial. Il s'y prĂ©sente comme « Dejazmatch Kassa, Chef des gouverneurs d’Éthiopie »[17] tout en ne revendiquant pas immĂ©diatement le titre de Negusse Negest[18]. À la mi-, GobezĂ© est couronnĂ© sous le nom de Tekle Giyorgis II par un EchĂ©gĂ© qu'il a lui-mĂȘme nommĂ©, Abba Gebre Yasus[18]. Il s'agit d'un couronnement illĂ©gal car effectuĂ© en l'absence d'Aboun en Éthiopie[18]. Pour le nouveau souverain, le grand rival est clairement dĂ©signĂ© : Kassa Mercha du TegrĂ©. Or celui-ci ne semble pas prĂȘt Ă  affronter Tekle Giyorgis II[18]. Il confie Ă  un missionnaire français qu'il « rĂšgne uniquement sur le TegrĂ© » et qu'il craint l'effondrement de son armĂ©e en cas de lutte contre le Negusse Negest[19]. Cette dĂ©claration est rĂ©vĂ©latrice de la mĂ©fiance envers sa propre armĂ©e mais Ă©galement de l'absence de considĂ©ration pour Menelik, Negus du Shewa, qu'il ne mentionne pas comme rival sĂ©rieux pour le trĂŽne[18].

Au cours des annĂ©es suivantes, Yohannes dĂ©veloppe sa puissance militaire. En 1869, il s'est adjoint les services de John C. Kirkham, un ancien adjudant-gĂ©nĂ©ral de Charles Gordon en Chine, restĂ© aprĂšs l'expĂ©dition de Napier[18]. Il est chargĂ© de former les troupes de Yohannes et de les prĂ©parer Ă  l'utilisation des armes modernes reçues des Britanniques[20]. De 1868 Ă  1870, il pacifie le TegrĂ©, envoie une mission en Égypte et obtient l'arrivĂ©e d'un nouvel Aboun : Atnatyos[13] - [Note 1]. À la mi 1869, Dejazmatch Haylou, chef de la grande province du HamassĂ©n, se soumet Ă  Yohannes[21]. MalgrĂ© ces progrĂšs, au dĂ©but de l'annĂ©e 1870, Yohannes ne se prĂ©sente que comme « chef des nobles, par la GrĂące de Dieu, dirigeant d'Aksoum »[22].

Cependant, Tekle Giyorgis n'est pas dupe et il comprend vite les intentions de Yohannes[23]. Bien que disposant d'une armĂ©e plus importante en nombre, le souverain n'a pas les armes modernes dont dispose son rival[23]. En outre, ses troupes comptent de nombreux soldats du TegrĂ© et il craint leur changement de camp en faveur de Yohannes[23]. Ainsi, le Negusse Negest cherche la collaboration de Menelik afin de conforter un avantage purement numĂ©rique. Cependant, le Negus du Shewa refuse de se mĂȘler au combat, prĂ©fĂ©rant voir les deux grands belligĂ©rants s'affronter et se fatiguer mutuellement[23]. Tekle Giyorgis II marche vers le Shewa mais l'affrontement n'a pas lieu par suite des mouvements des troupes de Yohannes dans le Nord qu'il doit alors affronter seul[23].

Victoire de Yohannes contre Tekle Giyorgis II et couronnement

Sceau de Yohannes IV

La lutte entre Tekle Giyorgis II et Yohannes semble inĂ©vitable dĂšs 1868. Le second n'a jamais reconnu son beau-frĂšre comme Negusse Negest[13]. En outre, Yohannes s'est vu refusĂ© le titre de ras et a protestĂ© en manquant Ă  son obligation de payer le tribut. Ces deux facteurs mĂšnent au conflit ouvert entre les deux hommes[13]. La situation est plutĂŽt Ă  l'avantage de Yohannes. En effet, Tekle Giyorgis a pris le pouvoir de maniĂšre irrĂ©guliĂšre dans un pays attachĂ© Ă  la lĂ©gitimitĂ©[13]. Par ailleurs, il dirige la province appauvrie du BĂ©gemeder et la distance avec les ports l’empĂȘche d'acquĂ©rir des armes modernes[13]. Tekle Giyorgis a nĂ©anmoins confiance en sa grande armĂ©e comptant 60 000 hommes. Le souverain dĂ©clare la guerre Ă  Yohannes sous la forme d'un qenĂ© et met l'accent sur l'importance numĂ©rique de ses troupes en envoyant une poignĂ©e de teff Ă  son adversaire. Le dirigeant du TegrĂ© lui rĂ©pond en renvoyant au souverain le teff qu'il a pris le soin de griller[Note 2].

En [23], Tekle Giyorgis et ses 60 000 soldats traversent la riviĂšre TekezĂ© et marchent sur le TegrĂ© pour capturer sa capitale, Adoua[15]. Le , une premiĂšre bataille a lieu Ă  May Zulawu et dure un jour[24]. Yohannes, Ă  la tĂȘte d'une armĂ©e de 12 000 hommes « bien Ă©quipĂ©s et formĂ©s »[13], inflige quelques pertes au Negusse Negest, forcĂ© de se retirer, le lendemain, vers la riviĂšre Mareb. Le dirigeant du TegrĂ© prend un chemin diffĂ©rent, dĂ©borde son ennemi et le force dans un cul-de-sac dans la zone d'Adoua[24]. La deuxiĂšme bataille, celle d'Assam, dĂ©bute Ă  10 h 30, le [24]. Au cours de cet affrontement qui dure deux heures[13], Yohannes fait « bon usage des armes britanniques »[15]. Tekle Giyorgis mĂšne la charge de la cavalerie mais il est blessĂ© et capturĂ©[24]. Son armĂ©e s'effondre, tous ses gĂ©nĂ©raux sont emprisonnĂ©s avec des milliers de soldats[24]. MalgrĂ© son infĂ©rioritĂ© numĂ©rique, Yohannes, de par la discipline et le meilleur armement, a battu une armĂ©e plus importante mais moins organisĂ©e[24]. Tekle Giyorgis a les yeux crevĂ©s et est emprisonnĂ© au sommet d'une montagne oĂč il dĂ©cĂšde[24]. AprĂšs ce succĂšs, Yohannes contrĂŽle la grande partie du Nord de l'Éthiopie[24]. Sa victoire « relativement aisĂ©e »[25] le renforce ; il amasse une importante quantitĂ© d'armes et intĂšgre les prisonniers dans ses rangs[25].

Le , Kassa Mercha du Tegré est couronné, oint et consacré Yohannes IV par l'Abouna Atnatyos à l'église Maryam d'Aksoum[24] - [15]. La cérémonie est marquée par la volonté du nouveau souverain de revenir aux anciennes traditions impériales. Ainsi, le choix de la ville n'est pas anodin ; il compte redonner à Aksoum sa primauté religieuse par rapport à Gonder, lieu du couronnement depuis 1632[23] - [Note 3]. L'utilisation de rites pratiqués pour la derniÚre fois par Fasiledes en 1632 confirme ce retour aux sources[13]. Pour le nouveau Negusse Negest, la premiÚre tùche est le contrÎle du Bégemeder et du Godjam, deux provinces au sud-ouest du Tegré[25].

Politique intérieure de Yohannes IV

Définition et caractéristiques de sa politique intérieure

La politique intérieure de Yohannes IV s'articule autour de trois points importants : la soumission des gouverneurs locaux, l'arbitrage de leurs conflits et l'unification religieuse du pays[26]. L'approche unificatrice de Yohannes diffÚre de celle de Téwodros II en ce sens qu'elle est moins centralisatrice et bien plus régionaliste[27]. Contrairement à Téwodros, il ressent l'enracinement du Zemene Mesafent et comprend qu'il ne saurait y mettre fin rapidement[27]. Yohannes, plus conciliant que Téwodros, est donc un unificateur « moins impressionnant »[28] mais pas pour autant moins efficace. S'il tolÚre une liberté d'action aux seigneurs régionaux, il exige en échange que ceux-ci reconnaissent sa souveraineté[27]. Il accepte donc des chefs locaux virtuellement indépendants mais néanmoins tributaires[29].

Les deux grands seigneurs de cette époque sont Menelik, Negus du Shewa, et Adal Tessema, dirigeant du Godjam[29]. Tout au long de son rÚgne, Yohannes fait de son possible pour maintenir un certain équilibre politico-militaire entre les deux[27]. Le pouvoir du Negusse Negest se base sur une supériorité militaire et une loyauté des chefs tigréens qu'il ne dirige pas autocratiquement, une gestion militaire lui assurant le contrÎle de ses troupes[30]. Cette supériorité militaire s'explique également par une position stratégique. Il dirige le Tegré, une région ayant un accÚs à la mer, et peut donc rapidement importer de nouvelles armes. Cependant, sa province est aussi la premiÚre visée par les ambitions coloniales auxquelles il va devoir faire face[29].

Pacification du Nord et du centre

Tekle Haymanot, Negus du Godjam, se soumet à Yohannes en 1875. Il est le seul gouverneur local permettant à Yohannes IV de compenser la montée de Menelik II.

Durant les premiĂšres annĂ©es de son rĂšgne, de 1872 Ă  1878, Yohannes IV parcourt le pays pour demander le paiement des tributs et la soumission des gouverneurs locaux[31]. Au dĂ©but, de nombreux seigneurs rĂ©gionaux sont rĂ©ticents, notamment dans l'Est du Wello, dans le BĂ©gemeder et dans quelques zones adjacentes du TegrĂ© oĂč il part en campagne de 1871 Ă  1873[31]. De 1873 Ă  1875, Yohannes IV va asseoir son autoritĂ© dans les rĂ©gions au centre et au sud refusant de se soumettre Ă  sa souverainetĂ©[16]. En 1873, il se rend Ă  Gonder, oĂč il reçoit les hommages du BĂ©gemeder et la reconnaissance, par la ville, de son statut de Negusse Negest[31]. De 1874 Ă  1875, il impose son autoritĂ© sur le Nord ; il a Ă©galement obtenu la soumission de WelĂ© du Yedjou et a rĂ©ussi Ă  pacifier le Wello[32]. En 1875, Yohannes retourne dans le TegrĂ© aprĂšs ĂȘtre parvenu Ă  unifier une trĂšs grande partie du pays derriĂšre lui[32]. Le principal succĂšs de la pĂ©riode a Ă©tĂ© la soumission d'Adal Tessema, dirigeant du Godjam, une province voisine du Shewa toujours indĂ©pendant[33]. Le Godjam est Ă  l'Ă©poque un royaume prospĂšre dont Basso est la capitale commerciale importante. Il est gouvernĂ© par le ras Adal Tessema, au pouvoir depuis le rĂšgne de Tekle Giyorgis II[26]. Sa soumission en 1875 Ă  Yohannes IV permet Ă  celui-ci de bĂ©nĂ©ficier d'un « atout politique et Ă©conomique » afin de contrer l'Égypte qui s'installe dans la Corne de l'Afrique. Par ailleurs, il peut contrebalancer la montĂ©e de Menelik dans l'Éthiopie mĂ©ridionale[26].

Le facteur Ă©gyptien et le rĂŽle de Menelik ont fortement influencĂ© la politique intĂ©rieure de Yohannes. La progression des Égyptiens qui prĂ©parent un plan d'invasion de l'Éthiopie conduit Yohannes Ă  accĂ©lĂ©rer le processus unificateur[31]. Or, sur son chemin se trouve Menelik, Negus du Shewa qui, en 1872, confirme son ambition formulĂ©e en 1868 de prendre le titre de Negusse Negest[26]. Face Ă  l'influence que commence Ă  exercer Menelik dans le Sud, Yohannes dĂ©cide en 1875 de marcher sur le Shewa. Cette campagne est Ă©galement nĂ©cessaire pour obtenir la soumission de l'unique gouverneur ayant refusĂ© de le reconnaĂźtre comme Negusse Negest[31]. Cependant, Yohannes doit annuler son expĂ©dition afin d'affronter l'armĂ©e Ă©gyptienne au nord[16]. AprĂšs ses deux victoires, Ă  Gundet et Gura, il parvient Ă  sauvegarder l'indĂ©pendance Ă©thiopienne. À son retour en 1876, il pacifie les zones du Nord en rĂ©bellion[16] et, en 1877, il est Ă  nouveau prĂȘt Ă  se lancer contre Menelik.

Confrontation avec Menelik et soumission du Shewa

Portrait de Menelik II, Negus du Shewa. Soumis en 1878, il affiche des ambitions impériales troublant l'autorité du Negusse Negest.

Le Wello, « pomme de discorde », est le point de dĂ©part de la confrontation entre les deux hommes[34]. Ceux-ci ne s'affrontent toutefois pas directement, le combat se fait Ă  distance Ă  travers les deux chefs locaux wellos : Mohammed Ali, alliĂ© de Menelik, et Amade Liben, Abba Wataw, alliĂ© de Yohannes[34]. La progression Ă©gyptienne puis la guerre de 1875 Ă  1876 empĂȘchent le Negusse Negest d'appuyer correctement Abba Wataw. Celui-ci est emprisonnĂ© par Menelik dont l'alliĂ©, Mohammed Ali, devient gouverneur du Wello[34]. Le Negus du Shewa s'est ainsi emparĂ© d'une « plaque tournante de toute hĂ©gĂ©monie militaire »[26] mais la victoire de Yohannes face Ă  l'Égypte change la donne[34]. Au dĂ©but de l'annĂ©e 1878, il marche vers le Shewa, avec le soutien de Mohammed Ali qui a depuis changĂ© de camp[34]. Il part soumettre « le dernier et le plus puissant de ses rivaux »[35].

L'armĂ©e impĂ©riale est puissante, Ă©quipĂ©e par les Britanniques, ayant battu Tekle Giyorgis et victorieuse contre l'Égypte au cours d'une guerre dont elle a tirĂ© des bĂ©nĂ©fices en matiĂšre de matĂ©riel militaire et d'expĂ©rience[16]. Face Ă  cette Ă©vidente supĂ©rioritĂ©, l'adversaire de Yohannes tente d'obtenir la paix mais les conditions posĂ©es sont trop nombreuses. Parmi celles-ci, on peut citer l'obligation de ravitailler l'armĂ©e impĂ©riale lors de l'occupation du Shewa, un tribut annuel de 500 esclaves, 50 000 thalers, 500 mulets, 1 000 chevaux, 50 000 tĂȘtes de bĂ©tail ainsi que d'importantes quantitĂ©s de grains, de viande et de beurre[36]. Enfin, Menelik doit se prĂ©senter, dĂ©vĂȘtu jusqu'Ă  la taille avec une pierre Ă  son cou devant le Negusse Negest afin d'implorer son pardon et prĂȘter serment de fidĂ©litĂ©[36].

Dans ces conditions, une confrontation armĂ©e semble ĂȘtre la seule issue. À la fin du mois de , Yohannes IV entre dans le Menz[36]. Le [37], Menelik et son armĂ©e quittent Liche pour se rendre dans la rĂ©gion situĂ©e entre les riviĂšres Engolla et Facho[37]. Entre le 6 et le , les troupes s'affrontent sporadiquement puis Yohannes parvient Ă  pousser Menelik vers une retraite en direction de Liche oĂč un conseil est tenu le . Trois jours plus tard, les reprĂ©sentants des deux parties dĂ©butent les nĂ©gociations[37]. Une sĂ©rie de gestes rĂ©conciliateurs des deux camps s'ensuivent et un traitĂ© est signĂ© le [37] : le traitĂ© de Wadara[38]. La guerre civile est « Ă©vitĂ©e de justesse »[26].

Traité de Wadara, consécration de l'hégémonie de Yohannes IV

Vainqueur de l'Égypte et Negusse Negest incontestĂ© de l'Empire, Yohannes IV est, en 1878, Ă  l'apogĂ©e de son rĂšgne.

Plusieurs conditions pour la paix sont fixĂ©es dans le traitĂ© de Wadara. Menelik doit se soumettre formellement, une pierre autour du cou comme le veut la tradition[38], devant le Negusse Negest, renonçant ainsi Ă  ses ambitions impĂ©riales et Ă  ses relations indĂ©pendantes avec les puissances Ă©trangĂšres[26]. Il doit par ailleurs payer un tribut[26]. En Ă©change, le Negus du Shewa obtient une partie du Wello[37]. Quelques jours aprĂšs la soumission de Menelik, Yohannes IV dĂ©cide de le couronner officiellement Negus du Shewa[38]. Le Negusse Negest reconnaĂźt, selon ses propres paroles, Menelik comme « roi et maĂźtre d'une terre conquise et possĂ©dĂ©e par vos ancĂȘtres ». Il dĂ©clare Ă©galement que quiconque « s'attaque Ă  votre royaume s'attaque Ă  moi, quiconque vous fait la guerre la fait Ă  moi. Vous ĂȘtes par consĂ©quent mon fils aĂźnĂ© »[39]. En effet, le traitĂ© inclut une clause d'alliance offensive en cas d'agression Ă©trangĂšre[40]. Enfin, le traitĂ© laisse Ă  Menelik le droit d'enrichir son arsenal via ses relations commerciales avec les marchands afars contrĂŽlant la route vers la cĂŽte, la marque d'une politique intĂ©rieure flexible[40]. Les limites du domaine shewan sont nĂ©anmoins clairement dĂ©limitĂ©es au nord, par la riviĂšre Beshlo ; Ă  l'ouest par l'Abay ; Ă  l'est et au sud par l'Awash[41]

Les relations entre le Negusse Negest et le Negus du Shewa paraissent s'ĂȘtre amĂ©liorĂ©es. Quelques mois plus tard, aprĂšs avoir reçu un « magnifique tribut »[41] de Menelik, Yohannes IV aurait versĂ© des larmes et dĂ©clarĂ© : « C'est seulement aujourd'hui que je suis Empereur »[42] - [43]. Depuis, le Negus du Shewa paie un tribut biannuel Ă  Yohannes[44]. Ainsi, en , il envoie 600 mules et chevaux, l'Ă©quivalent de 80 000 dollars de marchandises de coton et 50 000 dollars en espĂšces[44]. En , Yohannes reçoit de Menelik, l'Ă©quivalent de 50 000 dollars de nourriture et bĂ©tail et 10 000 dollars en espĂšces[44].

En , le Negusse Negest, reconnu par tous les seigneurs locaux, dirige un Empire Ă©thiopien unifiĂ©[35]. En une dĂ©cennie, le travail d'unification dĂ©butĂ© par TĂ©wodros II a considĂ©rablement progressĂ©[35]. À travers le traitĂ© de Wadara, Yohannes IV confirme son statut ; il est militairement et politiquement, le chef de l'Empire[35]. En 1878, un « État Ă©thiopien fort a clairement Ă©mergĂ© »[45] ; pour Shiferaw Bekele, il s'agit d'un accomplissement dĂ©cisif car c'est cet État qui rĂ©sistera aux offensives coloniales durant les deux prochaines dĂ©cennies[45].

Équilibre et arbitrage des conflits entre Negus

PremiĂšre campagnes de Menelik (1879-1889). Les conquĂȘtes de Menelik perturbent l'Ă©quilibre que Yohannes IV tente d'Ă©tablir entre les dirigeants rĂ©gionaux. Elles initient Ă©galement le glissement du pouvoir vers le Shewa.

Le traitĂ© de Wadara comporte des bĂ©nĂ©fices mais Ă©galement des dĂ©savantages pour Yohannes puisqu'il laisse Ă  Menelik la possibilitĂ© de pousser ses conquĂȘtes territoriales. Celui-ci ne se prive pas de l'occasion et commence Ă  Ă©tendre son autoritĂ© vers le sud du Shewa dont la cour est devenue un centre important, oĂč affluent les armes venues d'Europe[46]. Face Ă  la montĂ©e de la puissance militaire de Menelik, Yohannes IV nomme Adal Tessemma, le , Negus du Keffa et du Godjam sous le nom de Tekle Haymanot[40] - [31] ; Menelik, qui assiste Ă  la cĂ©rĂ©monie, ne dit pas un mot[47]. En vĂ©ritĂ©, Tekle Haymnot ne dirige que le Godjam et le titre de Negus du Keffa constitue « un ordre de conquĂȘte »[48]. Outre la promotion symbolique, Yohannes veut assurer l'expansion de Tekle Haymnot vers le Keffa ; il lui offre donc 8 000 fusils[48] et 16 canons[40]. ArmĂ© par le Negusse Negest, Tekle Haymanot part Ă  la conquĂȘte de la riche province en 1882. Seulement, le Negus du Shewa, bien silencieux durant la cĂ©rĂ©monie de couronnement en 1881, ne compte pas abandonner ce qu'il considĂšre comme un territoire lui revenant. Le [48], les armĂ©es godjamĂ© et shewanne s'affrontent lors de la bataille d'Embabo, remportĂ©e par les troupes de Ras Gobena Dachi, gĂ©nĂ©ral de Menelik.

Yohannes, « contrariĂ© »[47], n'a pas participĂ© Ă  l'affrontement mais « la dignitĂ© de l'Empereur est toutefois endommagĂ©e »[49]. Il envoie le message suivant aux deux hommes : « Qui ĂȘtes-vous pour vous combattre mutuellement en ma prĂ©sence ? »[50]. Pour rĂ©affirmer son pouvoir, Yohannes marche vers le sud et campe Ă  Werre Illu, dans le Wello[49]. À la mi-, Menelik est reçu « avec grands honneurs » par Yohannes[49]. Aucun des deux ne souhaite se combattre, prĂ©fĂ©rant trouver un accord[49]. Le Negus du Shewa ainsi que Tekle Haymanot sont tous deux sanctionnĂ©s pour s'ĂȘtre battus sans en rĂ©fĂ©rer Ă  l'autoritĂ© impĂ©riale[47] et pour avoir perturbĂ© la paix de l'Empire[51]. Tekle Haymanot perd son fief de l'Agewmeder[47] qui passe sous le contrĂŽle du ras Aloula[51] ; Menelik se voit retirer le Wello qui revient Ă  Araya SelassiĂ©[47], une « perte stratĂ©gique lourde »[51]. Toutefois, Yohannes, rĂ©aliste, reconnaĂźt l'importance que prend Menelik dans les rĂ©gions du Sud et Sud-Ouest ; il retire donc Ă  Tekle Haymanot le titre de Negus du Keffa pour l'attribuer Ă  Menelik[51]. En outre, Yohannes admet que les armes de Tekle Haymanot appartiennent en rĂ©alitĂ© Ă  Araya Selassie et fait remettre Ă  ce dernier l'armement que Menelik a rĂ©cupĂ©rĂ© Ă  Embabo[47].

En fait, le passage du Wello de l'autoritĂ© shewanne Ă  celle du fils du Negusse Negest constitue une dot ; Menelik II demande et obtient le mariage de sa fille Zewditou Ă  Araya SelassiĂ©, fils de Yohannes[51]. À cette occasion, la question de la succession est soulevĂ©e, une problĂ©matique qui fait l'objet d'un dĂ©saccord entre historiens[40]. D'aprĂšs la traduction par De Coppet de la Chronique de Menelik II[52], Yohannes aurait amenĂ© Menelik Ă  reconnaĂźtre Araya SelassiĂ© comme successeur. D'autres, dont ChaĂźne, traducteur de l'Histoire du rĂšgne de Menelik, prĂ©tendent que le Negus du Shewa a Ă©tĂ© reconnu comme successeur par Yohannes IV et Ă  charge pour Menelik de lĂ©guer, Ă  son dĂ©cĂšs, le pouvoir Ă  Araya SelassiĂ©[40]. Pour sa part, Berhanou Abebe estime que l'unique accord possible aurait Ă©tĂ© le suivant : le successeur devait ĂȘtre le fils d'Araya et Zewditou, un arrangement qui permet de rĂ©unir les deux familles sous la mĂȘme la couronne impĂ©riale[40]. Cela semble ĂȘtre confirmĂ© par les fiançailles entre Araya SelassiĂ© et Zewditou le [47]. Toutefois, la naissance prĂ©vue n'a pas lieu puisqu'en 1888 Yohannes perd son fils[47].

Fondements de la politique religieuse

Tout comme son approche de la centralisation, la politique religieuse de Yohannes diffĂšre de celle de TĂ©wodros II mais ne s'en Ă©carte pas complĂštement. En effet, il poursuit le processus d'unification religieuse dĂ©butĂ© sous l'ancien Negusse Negest[35] dont les tentatives de rĂ©formes ont Ă©chouĂ©, aboutissant Ă  une confrontation avec l'Église. Contrairement Ă  TĂ©wodros II, Yohannes apporte un soutien inconditionnel Ă  l'Église Ă©thiopienne orthodoxe, lui assurant plus de popularitĂ© au sein du clergĂ©[29]. En outre, sa politique religieuse dĂ©passe celle de TĂ©wodros par « sa portĂ©e et par la sĂ©vĂ©ritĂ© avec laquelle elle fut appliquĂ©e »[53]. D'un point de vue personnel, le Negusse Negest est un homme « trĂšs pieux et passionnĂ©ment dĂ©vouĂ© Ă  la chrĂ©tientĂ© Ă©thiopienne »[30]. Pour encourager le renouveau du christianisme, il demande au Patriarche d'Alexandrie l'envoi de plusieurs Abouns ; la requĂȘte est acceptĂ©e en 1881[30].

Chaque Ă©vĂȘque se voit attribuer une province dans laquelle il doit s'impliquer : Abouna PĂ©tros pour le TegrĂ©, Abba Marqos pour le BĂ©gemeder et le SemĂ©n, Abba Louqas pour le Godjam et le Keffa, enfin, Abba MatĂ©wos pour le Shewa[28]. Yohannes est Ă©galement exigeant envers les croyants, les chrĂ©tiens Ă©thiopiens qui fument ont les lĂšvres mutilĂ©es[54]. Enfin, il tient Ă  la protection de la tradition chrĂ©tienne orthodoxe de son pays et ne cache pas son aversion envers les missionnaires Ă©trangers[30]. Par ailleurs, il renouvelle les ordonnances de TĂ©wodros contre les musulmans et les falashas[54]. L'Ă©lĂ©ment central de la politique religieuse de Yohannes IV est le concile de BoroumĂ©da, pendant lequel plusieurs dĂ©cisions capitales sont prises sur les problĂ©matiques d'unitĂ© religieuse et de la place de l'Islam en Éthiopie.

Renforcement de l'unitĂ© de l'Église

Le concile de BoroumĂ©da se dĂ©roule de mai Ă  , prĂšs de DessĂ©[55]. Le dĂ©bat tourne principalement autour des divisions thĂ©ologiques, remontant au XVIIe et empĂȘchant l'Église Ă©thiopienne orthodoxe de jouer son rĂŽle unificateur[53]. L'Islam a d'ailleurs profitĂ© de cette instabilitĂ© pour progresser dans l'Empire durant le Zemene Mesafent[35]. Or Yohannes est attachĂ© Ă  sa religion et favorable Ă  l'unitĂ© de l'Église ; il comprend la nĂ©cessitĂ© du dĂ©veloppement d'une idĂ©ologie commune « autour de laquelle la population d'Éthiopie peut se rassembler »[31], des inquiĂ©tudes proches de celles de TĂ©wodros. Le statut de Negusse Negest lui confĂšre Ă©galement le devoir de direction et gestion de l'Église[35]. Ainsi, le Negusse Negest rĂ©unit le concile de BoroumĂ©da et il convoque les dignitaires religieux et les porte-parole des trois principales sectes qu'il invite au concile de BoroumĂ©da, une rĂ©union Ă  laquelle prennent part Ă©galement les grands seigneurs dont Menelik[35]. La prĂ©sence de ceux-ci a donnĂ© plus de poids et a permis une meilleure application des dĂ©cisions du concile[35]. Yohannes ordonne aux deux sectes Qebat[Note 4] et Tsegga Ledj (« Enfants de la grĂące ») d'abandonner leurs doctrine pour accepter celle tewahedo[Note 5] sous peine d'excommunication et de persĂ©cution[35].

Ces choix poursuivent la politique plus gĂ©nĂ©rale d'unification de l'Empire. En effet, le groupe Tsegga Ledj, favorable Ă  la doctrine de Sost Ledet[Note 6], est trĂšs prĂ©sent dans le Shewa, le royaume de Menelik[53]. Ce dernier est suspectĂ© par certains d'ĂȘtre philocatholique en raison de sa proximitĂ© avec le missionnaire italien Guglielmo Massaia[53]. Celui-ci n'arrange rien lorsqu'il laisse croire, Ă  tort, que la doctrine Sost Ledet se rapproche du catĂ©chisme catholique[53]. Il s'agit Ă©galement de prĂ©occupations gĂ©opolitiques ; Guglielmo Massaia, expulsĂ© du Nord de l'Éthiopie par Yohannes, reprĂ©sente un bras religieux de Rome agissant dans le Shewa, terre d'un potentiel rival[53]. Le concile ne rĂšgle nĂ©anmoins que des questions religieuses et Yohannes, partisan de la doctrine officielle, tewahedo, fait prononcer par les religieux un anathĂšme contre le groupe Tsegga Ledj[53]. En outre, la doctrine tewahedo est proclamĂ©e et confirmĂ©e comme l’officielle[53]. AprĂšs un siĂšcle de « nĂ©gligence », le souverain redonne Ă  l'Église « un pouvoir et une mission clairs »[35].

Conversion des musulmans du Wello
Mohammed Ali, converti au christianisme éthiopien et baptisé Mikaél. Il est l'un des gouverneurs du Wello, province christianisée sous Yohannes IV.

Le deuxiÚme point important du concile de Borouméda est la question des musulmans du Wello. La position de Yohannes vis-à-vis de l'Islam est claire puisqu'en 1875, un décret indique que les musulmans doivent se convertir[30]. Pour le Wello, en 1878, la solution la plus simple est adoptée : la conversion de masse[45]. La région est, depuis plusieurs années, un enjeu territorial entre Yohannes IV et Menelik II qui se sont affrontés un temps via leurs agents locaux, respectivement, Amede Liben et Mohammed Ali, rÚgnent en rivaux sur une partie de la province[53]. Or ces deux dirigeants ont pris les titres religieux « militants »[56] d'Imams et répandent activement l'Islam[56]. En pleine phase de consolidation du christianisme éthiopien, Yohannes ne peut laisser une province stratégique en dehors du processus.

Berhanou Abebe se penche sur cette question de la conversion de masse qu'il explique dans le contexte de l'Ă©poque. Le Wello est un point d'accĂšs « sensible » pour les forces Ă©trangĂšres aussi bien en 1868, lors de l'expĂ©dition de Napier, qu'en 1875, durant le conflit avec les Égyptiens[57]. De plus, cette province ne peut pas ĂȘtre, d'aprĂšs l'expression de Berhanou, un « barrage musulman » entre le TegrĂ© et le Shewa Ă  l'heure oĂč l'Éthiopie est menacĂ©e par des États musulmans aussi bien Ă  l'ouest que par la mer Rouge[57]. Cette hypothĂšse a bien Ă©tĂ© confirmĂ©e par la guerre avec l'Égypte[56].

La conversion du Wello dĂ©bute par ces deux dirigeants, Amede Liben et Mohammed Ali, tous deux convertis et baptisĂ©s, respectivement Hayle Maryam et MikaĂ©l[57]. Dans cette dĂ©cision, Yohannes est appuyĂ© aussi bien par Tekle Haymanot que Menelik[53]. Les conversions s'effectuent sous des menaces d'expropriations, expliquant le succĂšs de la campagne puisque la majoritĂ© accepte le christianisme malgrĂ© « quelques rĂ©ticences »[57]. De 1878 Ă  1880, on dĂ©nombre parmi les convertis 50 000 musulmans, 500 000 Oromos et 20 000 paĂŻens[54]. Au niveau de l'Empire, le Wello constitue une sorte d'exception puisqu'elle est la seule province touchĂ©e par ce genre de campagne religieuse[53].

Autres mesures et innovations

Yohannes, décrit par Richard Pankhurst comme un « conservateur », n'a procédé qu'à peu d'innovations. Il a néanmoins introduit quelques nouveautés. En effet, Yohannes IV est, d'aprÚs Pankhurst, le premier Negusse Negest à envoyer, avec succÚs, des représentants pour des missions diplomatiques[58]. Il est également le premier dirigeant éthiopien à envoyer un étranger comme représentant ; il s'agit de Samuel King, bien qu'en pratique, il n'ait pu correctement assumer cette fonction[58]. Dans le domaine médical, on assiste à plusieurs progrÚs tels que l'apparition dans les grandes villes de la préparation du mercure pour la syphilis[58]. Il est le premier Negusse Negest à avoir un médecin étranger à la cour, Nicholas Parisis, d'origine grecque[58]. Par ailleurs, Yohannes est le premier souverain éthiopien, à se faire inoculer le vaccin antivariolique moderne remplaçant progressivement les préparations traditionnelles[58]. Au niveau de l'armement, il partage la volonté de Téwodros de disposer du meilleur matériel. C'est notamment à partir des victoires de Gundet et Gura que les piÚces d'artillerie modernes et les fusils se diffusent dans le pays[58]. Enfin, Yohannes suit Téwodros dans une autre domaine puisqu'il utilise également l'amharique comme langue de la cour[59]. Trop impliqué dans les guerres contre les ennemis successifs, il ne peut correctement se dédier à la tùche de modernisation[60].

Défense de l'indépendance éthiopienne

« L'Éthiopie est ta mĂšre : aime-la.
L'Éthiopie est ta patrie : dĂ©fends-la.
L'Éthiopie est tout pour toi : meurs pour elle. »

— Yohannes IV appelant ses compatriotes aux armes[61]

Origines du conflit

Progression des Égyptiens dans la Corne de l'Afrique.

L'Égypte est le premier adversaire externe que Yohannes va affronter au cours de son rĂšgne. L'intĂ©rĂȘt du Caire pour la Corne de l'Afrique, et plus particuliĂšrement l'Éthiopie, s'explique par l'intĂ©rĂȘt stratĂ©gique que reprĂ©sente la rĂ©gion aprĂšs l'ouverture, en 1869, du canal de Suez[62]. L'Égypte, en pleine modernisation, compte exploiter les terres agricoles Ă©thiopiennes afin de rĂ©gler le problĂšme de la dette[62]. Le khĂ©dive IsmaĂŻl Pacha veut profiter de l'instabilitĂ© de la situation politique Ă  la fin annĂ©es 1860 et au dĂ©but des annĂ©es 1870[62]. En , les Égyptiens commencent Ă  s'installer dans la Corne de l'Afrique, dans la rĂ©gion du Bogos et Ă  Keren[63]. À cette occasion, Yohannes proteste et rĂ©dige une lettre Ă  Ismail Pacha ; il envoie Kirkham en tant que reprĂ©sentant en Grande-Bretagne, en Autriche, en Allemagne, en Russie et en France[64]. Le Negusse Negest tente de jouer la carte religieuse en appelant Ă  la solidaritĂ© chrĂ©tienne[64]. Sa demande d'aide est lĂ©gitime puisque l'Égypte viole la souverainetĂ© de l'Éthiopie et empĂȘche le bon dĂ©roulement du commerce en bloquant son port.

NĂ©anmoins, les pays europĂ©ens sont peu enclins Ă  apporter une aide. À Londres, le refus s'explique par le racisme de certains officiels qui perçoivent les Éthiopiens comme des « barbares »[31]. Malheureusement pour Yohannes, l'argument religieux ne fait pas le poids face Ă  l'intĂ©rĂȘt Ă©conomique que reprĂ©sente l'Égypte[65]. Ainsi, les pays europĂ©ens vont ignorer les lettres de Yohannes et l'Empire Ă©thiopien se retrouve isolĂ©[66]. L'Égypte tente Ă©galement de rallier Menelik Ă  sa cause[65]. Celui-ci, bien qu'intĂ©ressĂ©, n'a pas facilitĂ© l'invasion Ă©gyptienne[65]. De 1872 Ă  1875, les Égyptiens progressent et Yohannes, occupĂ© Ă  consolider son pouvoir, ne parvient pas Ă  rĂ©soudre le problĂšme par la voie diplomatique[66]. À l'exception d'Asseb et Obock, respectivement italien et français, tous les ports de la mer Rouge sont sous occupation Ă©gyptienne[63].

En , l'invasion est lancĂ©e par l'Égypte qui envoie 4 000 hommes vers le plateau du HamassĂ©n[63]. Le mois suivant, un contingent dirigĂ© par Raouf Pacha annexe Harer, une ville que les Égyptiens vont quitter dix ans plus tard[63]. Face au refus Ă©gyptien de nĂ©gocier, Yohannes n'a plus le choix et s'apprĂȘte Ă  mener la guerre. Le [67], l'appel aux armes est lancĂ© et, en , aprĂšs la dĂ©claration de guerre, Yohannes est parvenu Ă  rassembler 70 000 soldats[68]. Pour le Negusse Negest, il s'agit de dĂ©fendre l'Éthiopie chrĂ©tienne face Ă  l'invasion musulmane[68].

DĂ©roulement du conflit

La premiĂšre bataille a lieu Ă  Gundet, Ă  50 km au nord d'Adoua[63]. Entre 20 et 30 000 Ă‰thiopiens affrontent 2 000 Ă‰gyptiens[69]. Deux jours avant l'affrontement, le , le ras Alula Engida, le plus cĂ©lĂšbre des gĂ©nĂ©raux de Yohannes, conduit sa colonne derriĂšre la ligne de retraite Ă©gyptienne afin de leur empĂȘcher la fuite lors de l'offensive[70]. La bataille se dĂ©roule le , elle est courte mais sanglante[67] ; d'aprĂšs Berhanou Abebe, « ce fut un carnage pour les Égyptiens »[63]. Ceux-ci perdent la quasi-totalitĂ© de leur troupes Ă  l'exception du colonel, de son adjoint et de cinq soldats[63]. Yohannes tire profit de cette victoire essentiellement au niveau des armes puisqu'il amasse 12 200 fusils remington ainsi que 16 canons utilisĂ©s lors de la prochaine bataille. En effet, la « dĂ©bĂącle »[69] de Gundet ne met pas fin aux ambitions d'Ismail, « irritĂ© », qui envoie 15 000 soldats[69] menĂ©s par Mohammed Ratib Pacha, le commandant en chef, secondĂ© par le gĂ©nĂ©ral Loring, originaire des États-Unis, et accompagnĂ© de Hassan Pacha, fils d'Ismail[63].

DĂ©roulement de la bataille de Gundet.

Pour mobiliser des troupes pour cette seconde bataille, Yohannes se sert Ă  nouveau de la rhĂ©torique religieuse ; tous les chrĂ©tiens de l'Empire rĂ©pondent Ă  l'appel, Ă  l'exception du Shewa, restĂ© en dehors du conflit[71]. Le Negusse Negest dispose dĂ©sormais de 200 000 soldats[71] mais seule la moitiĂ© se bat Ă  Gura, une localitĂ© se trouvant sur le croisement des routes caravaniĂšres allant vers Metsewa[63]. L'affrontement, « un des plus importants pour la sauvegarde de l'indĂ©pendance Ă©thiopienne »[63], se dĂ©roule en bordure du haut plateau du HamassĂ©n du 7 au . Face aux 100 000 Ă‰thiopiens, 16 000 Ă‰gyptiens sont installĂ©s dans un fort en hauteur, entourĂ© par d'importantes piĂšces d'artillerie[72]. MalgrĂ© leur infĂ©rioritĂ© numĂ©rique, ils lancent l'offensive[72]. Yohannes perce alors les outres de ses troupes contenant les provisions d'eau et clame :

« Mes enfants si vous ne voulez pas mourir de soif allez faire vos provisions d'eau au-delà de la ligne ennemie ! »

Les Éthiopiens envahissent la plaine, une « lutte acharnĂ©e »[72] s'ensuit et les Égyptiens perdent la moitiĂ© de leur troupe. Trois jours plus tard, une offensive Ă©thiopienne contre le fort Ă©gyptien Ă©choue ; les deux armĂ©es vont alors camper pendant trois mois[72]. Yohannes va finalement autoriser les Égyptiens Ă  partir, leur assurant qu'il ne les poursuivrait pas s'ils quittent le fort[72]. Ceux-ci se retirent vers Metsewa aprĂšs une nouvelle dĂ©faite : la bataille de Gura marque la fin des ambitions Ă©gyptiennes en Éthiopie. Les gains sont importants pour Yohannes qui enrichit son arsenal de plusieurs canons, 15 000 fusils remington, et de munitions, particuliĂšrement utiles en raison du blocus de Metsewa, imposĂ© par les Égyptiens[72].

Conséquences

D'aprĂšs Bahru Zewde, les victoires du Negusse Negest sont « remarquables »[73]. Yohannes a vaincu une puissance moderne, sans aucun soutien Ă©tranger et Ă  la tĂȘte d'un pays encore troublĂ©[73]. Le Negusse Negest sort ainsi renforcĂ© « militairement et psychologiquement » de ce conflit[73]. Sa victoire convainc une majoritĂ© d'Éthiopiens de sa supĂ©rioritĂ© militaire[74] ; il a, avec succĂšs, « rassemblĂ© la plupart du pays derriĂšre lui comme ne l'avait fait aucun souverain depuis des siĂšcles »[75]. Au-delĂ  de cette suprĂ©matie nationale, Yohannes profite Ă©galement de l'armement recueilli aprĂšs les batailles[75]. AprĂšs Gura, l'armĂ©e de Yohannes Ă©merge « peut-ĂȘtre », d'aprĂšs Pankhurst, comme la premiĂšre force Ă©thiopienne vĂ©ritablement Ă©quipĂ©e d'un bon matĂ©riel[76].

AprĂšs la victoire de Gura, Yohannes refuse de mener une nouvelle marche vers le nord et choisit Ă  nouveau la voie diplomatique[77]. La nĂ©gociation pour la paix est longue et difficile ; les exigences Ă©gyptiennes donnent l'impression que ceux-ci s'estiment vainqueurs et non vaincus[73]. Durant l'Ă©tĂ© 1876, il envoie Blatta Gebre EgziabhĂ©r et exige deux conditions pour la paix : le retour des terres occupĂ©es par les Égyptiens et le libre transit par la mer[77]. L'envoyĂ© est dĂ©tenu deux mois et est relĂąchĂ©, sans aucune proposition Ă©gyptienne[77]. En , le Colonel Charles Gordon, un Britannique, vient nĂ©gocier un traitĂ© de paix. Les conditions posĂ©es sont « difficilement acceptables »[77] pour Yohannes. Le Caire exige le maintien du Bogos et autres territoires conquis avant le conflit[78]. En outre, le libre transit par Metsewa n'inclut pas les importations d'armes et munitions[77]. MalgrĂ© la volontĂ© de nĂ©gociation des Britanniques, ceux-ci ne veulent pas voir « l'accomplissement de la victoire Ă©thiopienne » en assurant le libre transit des armes, pierre angulaire de la politique de Yohannes[77]. Ce dernier tente en vain de convaincre les Britanniques en dĂ©plaçant un point d'entrĂ©e vers d'autres ports secondaires : Zula ou Anfilla[77].

Les discussions sont trĂšs tendues, Gordon perçoit et dĂ©crit Yohannes comme un homme empli de haine[79]. Le Britannique n'apporte pas de solutions et refuse les conditions de paix de l'Éthiopie[79]. À nouveau, Yohannes va rechercher des soutiens diplomatiques europĂ©ens sans aucune rĂ©ponse positive[80]. En 1879, Gordon revient afin de tenter d'Ă©laborer un traitĂ© de paix mais cette fois, Yohannes, soutenu par Menelik, est en meilleure position pour nĂ©gocier[81]. C'est Ă  nouveau un Ă©chec[81]. La question sera finalement rĂ©glĂ©e en 1884 avec le traitĂ© d'Adoua mais pour l'instant, le Negusse Negest profite de cette victoire face Ă  l'Égypte. L'Ă©chec du khĂ©dive ne marque pas la fin des troubles internationaux pour Yohannes mais elle permet une courte trĂȘve pour que le souverain stabilise son pays[26].

Changements géopolitiques et signature du traité
Palais de Yohannes IV à Meqelé

À la fin des annĂ©es 1870, Yohannes est Ă  l'apogĂ©e de son rĂšgne, nĂ©anmoins, la question du traitĂ© de paix n'est toujours pas rĂ©solue. Au dĂ©but des annĂ©es 1880, plusieurs Ă©vĂšnements vont bouleverser les rapports avec l'Égypte. En 1881, le mouvement mahdiste Ă©clate au Soudan oĂč les rebelles se lĂšvent contre la prĂ©sence Ă©gyptienne[82]. L'annĂ©e suivante, le gouvernement italien acquiert le port d'Asseb et les Britanniques occupent l'Égypte[77] mettant sous la responsabilitĂ© de Londres, la gestion de la rĂ©bellion soudanaise. En trois ans, les Mahdistes remportent de nombreuses victoires dans le Sud et l'Ouest pour finalement encercler les garnisons Ă©gyptiennes de Kassala, Amadab et Keren[83] Ă  l'est, Ă  la frontiĂšre avec l'Éthiopie[77]. La seule voie d'Ă©vacuation, en direction de la mer Rouge, passe donc par l'Empire de Yohannes Ă  qui Le Caire et Londres doivent demander une autorisation[84]. Ainsi, les Britanniques abandonnent leur « politique d'indiffĂ©rence, proche de l'arrogance, vis-Ă -vis de l'Éthiopie » et s'adressent au Negusse Negest[77]. Ils envoient une mission avec Ă  sa tĂȘte le contre-amiral Sir William Hewett[82]. Si l'objectif officiel est de mettre fin Ă  l'« Ă©tat de belligĂ©rance » qui persiste depuis la guerre entre l'Éthiopie et l'Égypte, il s'agit avant tout d'obtenir la collaboration de Yohannes IV dans le processus d'Ă©vacuation des garnisons[82].

Les nĂ©gociations aboutissent Ă  la signature du traitĂ© d'Adoua, Ă©galement appelĂ© traitĂ© Hewett, le [85]. Yohannes obtient entre autres le retour du Bogos Ă  l'Éthiopie[82] et le droit de garder les armes Ă©gyptiennes se trouvant dans les garnisons[84]. Le point essentiel est le libre transit par Metsewa, alors sous protection britannique, des marchandises ainsi que des armes Ă  destination du Negusse Negest[86]. Le traitĂ© contient d'autres dispositions dont l'extradition rĂ©ciproque de criminels ou encore le recours Ă  l'arbitrage britannique pour rĂ©gler des conflits Ă©ventuels avec le khĂ©dive[86]. En contrepartie, Yohannes autorise l'Ă©vacuation par l'Éthiopie des troupes encerclĂ©es qu'il s'engage Ă  dĂ©fendre si les Mahdistes les poursuivent[82].

Conséquences du traité et imbroglio britannique

La signature du traitĂ© d'Adoua par Yohannes suscite des rĂ©actions relativement nĂ©gatives de la part de certains historiens, tels que Bahru Zewde ou Sven Rubenson qui considĂšrent que l'Éthiopie a Ă©changĂ© un ennemi faible pour deux puissants, l'État mahdiste et l'Italie[87] - [85]. Quant Ă  Shiferaw Bekele, il constate qu'aprĂšs la signature du traitĂ©, Yohannes se trouve en « mauvaise position »[88] puisque les Mahdistes ne pardonnent pas Ă  l'Éthiopie de s'ĂȘtre alliĂ©e avec l'Égypte, ou du moins d'accepter l'Ă©vacuation par son territoire[88]. Bahru Zewde prĂ©cise en outre que la rĂ©trocession du Bogos est purement formelle puisque la rĂ©gion est de facto contrĂŽlĂ©e par ras Aloula[85]. Il insiste surtout sur le deuxiĂšme Ă©lĂ©ment survenant aprĂšs la signature du traitĂ© : la cession de Metsewa aux Italiens[85]. Le , Londres transfĂšre le port qui passe alors sous l'autoritĂ© de Rome[88] ; un geste s'expliquant par la volontĂ© d'empĂȘcher les Français de s'installer dans la mer Rouge[89]. Ils craignent surtout qu'un retour de Metsewa sous souverainetĂ© Ă©thiopienne n'encourage Yohannes Ă  Ă©tendre son influence sur la cĂŽte.

Ce geste de Londres est vivement critiquĂ© par les historiens mais Ă©galement par des personnalitĂ©s de l'Ă©poque aussi bien Ă©thiopiennes que britanniques. L'article 1 du traitĂ© prĂ©cise que le port de Metsewa doit rester sous protection britannique[90]. Or le passage sous autoritĂ© italienne viole le traitĂ©, huit mois aprĂšs sa signature[91]. Bahru Zewde note que la « loyautĂ© » avec laquelle le Negusse Negest s'est engagĂ© Ă  rĂ©pondre aux obligations de l'article 2[Note 7] contraste avec la « duplicitĂ© britannique »[85]. Harold G. Marcus se joint Ă  cette critique en faisant remarquer que le comportement des Britanniques envers l'Éthiopie, aprĂšs la signature du traitĂ© d'Adoua apparaĂźt comme « moins qu'honorable » d'autant plus que Yohannes a scrupuleusement rempli les obligations du texte[92]. En effet, l'Ă©vacuation s'est passĂ© comme prĂ©vu dans l'article 2 ; les Éthiopiens ont envoyĂ© Ras Aloula afin de permettre aux troupes bloquĂ©es de quitter les lieux en sĂ©curitĂ©[84]. Ainsi Harold G. Marcus conclut : « Bien que l'Éthiopie a, en vertu du traitĂ©, scrupuleusement rempli ses obligations, le comportement de la Grande-Bretagne a Ă©tĂ© perfide »[89].

La version originale amharique du traité d'Adoua. Huit mois aprÚs sa signature, les Britanniques l'ont violé en cédant Metsewa aux Italiens.

Berhanou Abebe relativise la premiĂšre critique des historiens sur une Ă©ventuelle erreur commise par Yohannes en signant le traitĂ© d'Adoua[86]. Il rappelle que l'Empire Ă©thiopien a Ă©tĂ© capable de protĂ©ger ses frontiĂšres contre les diffĂ©rents ennemis[86]. Berhanou estime mĂȘme que c'est « grĂące Ă  la maniĂšre loyale et chevaleresque dont l'Empereur s'est acquittĂ© des obligations du traitĂ© » que Menelik n'a pas eu de difficultĂ©s Ă  dĂ©limiter, en 1902, la frontiĂšre avec le Soudan, alors sous domination anglo-Ă©gyptienne[86]. Il reconnaĂźt toutefois que Yohannes a Ă©tĂ© trop confiant Ă  l'Ă©gard des Britanniques[93]. Lorsque Le Negusse Negest a compris les intentions coloniales de l'Italie, il s'est empressĂ© de rĂ©diger une lettre dans laquelle il a protestĂ© vivement mais en vain[93]. Le geste de Londres envers Rome a Ă©galement surpris Menelik, pourtant rival de Yohannes IV, qui envoie une lettre au Roi d'Italie[93].

Enfin, les critiques ne sont pas uniquement éthiopiennes. Augustus B. Wylde, le vice-consul de la Grande-Bretagne dans la région de la mer Rouge commente le geste britannique et écrit[94] :

« Regardez notre comportement envers le Roi Yohannes depuis n'importe quel point de vue et il n'en apparaĂźtra pas la moindre honnĂȘtetĂ©, et c'est, Ă  mon avis, l'un des pires gestes, parmi tant d'autres, dont nous avons Ă©tĂ© coupables en Afrique. »

AprĂšs s'ĂȘtre indignĂ© du fait que la Grande-Bretagne ait abandonnĂ© un alliĂ©, il conclut :

« Le fait n'est pas connu du public britannique et j'aurais aimé qu'il ne soit guÚre réel pour le bien de notre réputation ; mais malheureusement, il l'est et il apparaßt comme une des plus viles trahisons ayant été commise en Afrique ou en Inde au XVIIIe. »

En 1885, l'Éthiopie se retrouve ainsi avec deux menaces nouvelles, Ă  l'ouest les Mahdistes avec lesquels la guerre dĂ©bute la mĂȘme annĂ©e et les Italiens qui progressent depuis le nord[93].

Batailles de Saati et Dogali

Tout comme l'Égypte, l'Italie s'est intĂ©ressĂ©e Ă  la rĂ©gion de la mer Rouge Ă  la suite de l'ouverture du canal de Suez en 1869[91]. Les Britanniques sont prĂ©sents dans la rĂ©gion, Ă  Aden, dĂšs la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle[91]. Plus tard, ils occupent Zeila et Berbera tandis que la France prend possession d'Obock et Tadjourah[91]. Quant Ă  l'Italie, jeune État europĂ©en, elle s'est installĂ©e Ă  Asseb et rĂ©cemment, sous les auspices des Britanniques, Ă  Metsewa[95]. Progressivement, les soldats italiens vont pĂ©nĂ©trer vers l'intĂ©rieur des terres alors sous souverainetĂ© Ă©thiopienne[96].

Représentation de la bataille de Dogali

En , ils avancent Ă  30 km Ă  l'ouest de Metsewa vers l'intĂ©rieur, en direction de Saati, situĂ©e Ă  17 km de Monkoullo, une ville proche de la route caravaniĂšre menant vers Asmera[97]. Vers la fin de l'annĂ©e, ils progressent vers Wia Ă  32 km au sud de Metsewa, se rapprochant ainsi du haut plateau[98]. Yohannes comprend clairement les intentions des Italiens dĂšs 1886, lorsqu'il Ă©crit une lettre adressĂ©e Ă  Menelik dans laquelle, avec remarquable « prescience »[98], il prĂ©voit leur dĂ©faite[Note 8] :

« Avec l'aide de Dieu, ils repartiront, humiliés et disgraciés aux yeux du monde entier. »[98].

Yohannes lance Ă  nouveau un appel aux armes :

« Peuple d'Éthiopie, souviens-toi toujours que l'Éthiopie est pour toi
PremiĂšrement ta mĂšre
DeuxiĂšmement ta couronne
TroisiĂšmement ta femme
QuatriĂšmement ton enfant
CinquiĂšmement ta tombe
LÚve-toi donc, pleinement conscient de l'amour d'une mÚre, l'honneur d'une couronne, la bonté d'une femme, la joie d'un enfant, l'abri d'une tombe, puisque tous ceux-ci constituent ce qui est incorporé en un pays. »[99]

Yohannes charge alors son gĂ©nĂ©ral, ras Aloula de chasser les Italiens des territoires Ă©thiopiens. Celui-ci envoie, le , un message au gĂ©nĂ©ral Gene afin de demander le retrait de ses troupes[95]. À la suite du refus italien, il dĂ©cide d'attaquer le bataillon du major Boretti Ă  Saati le [100]. Les Éthiopiens sont tenus en Ă©chec par l'artillerie ennemie et subissent des pertes considĂ©rables[100]. Le lendemain, le , Ras Aloula intercepte un dĂ©tachement venu de Monkoullo, menĂ© par le colonel De Cristoforis[97]. La bataille tourne au dĂ©sastre pour les Italiens qui perdent 550 hommes, la quasi-totalitĂ© des troupes[101]. Ayant pris connaissance du sort de leurs camarades, les soldats installĂ©s Ă  Saati dĂ©campent immĂ©diatement[97]. Les Italiens sont choquĂ©s par cette dĂ©faite[102]. Le gouvernement de Rome dĂ©cide en rĂ©action d'envoyer 20 000 hommes[102] en renfort dans la rĂ©gion de Saati ; ainsi que 20 millions de lires pour la dĂ©fense de Metsewa et ses environs[100]. Toutefois, durant le mois de fĂ©vrier, Ras Aloula continue de pourchasser les Italiens qui finissent par se retirer des hauts plateaux[103]. À la suite de leur Ă©chec, ceux-ci se retirent vers la cĂŽte et annoncent un blocus sur tous les bateaux souhaitant importer des marchandises pour l'Éthiopie[104].

Fin de la campagne Ă©thiopienne Ă  Saati

Les Italiens n'abandonnent pas entiĂšrement leurs objectifs et font appel Ă  la Grande-Bretagne afin de rĂ©gler le diffĂ©rend avec l'Éthiopie[104]. Londres envoie une mission avec Ă  sa tĂȘte Sir Gerald Portal[100]. Venue officiellement pour une mĂ©diation, elle compte en rĂ©alitĂ© « obtenir pour les Italiens ce que Dogali leur a niĂ© »[100]. La mission arrive le et prĂ©sente des conditions pour la paix inacceptables pour Yohannes[100]. Les Italiens demandent des excuses de la part du Negusse Negest pour l'attaque de Dogali, ainsi que de lourdes concessions territoriales en leur faveur[97]. Ils exigent l'Assaorta, l'Habab, le Bogos et le fort de Keren, tout cela malgrĂ© les dispositions du traitĂ© d'Adoua reconnaissant la souverainetĂ© Ă©thiopienne sur ces rĂ©gions[97]. Dans ces conditions, les discussions ne peuvent qu'Ă©chouer ; le « mĂ©diateur »[Note 9] est rabrouĂ©, franchement, par Aloula et diplomatiquement par Yohannes IV[100]. Celui-ci adresse le lendemain, le , une lettre Ă  la Reine Victoria dans laquelle il dĂ©plore le comportement des Italiens qui souhaitent s'emparer « d'une terre que JĂ©sus Christ m'a donnĂ©e »[105]. Yohannes IV dĂ©fend ainsi, Ă  raison, son gĂ©nĂ©ral qui n'a fait que dĂ©fendre un territoire juridiquement Ă©thiopien[106].

Pendant la mĂ©diation, les Italiens ont rĂ©occupĂ© Saati[100] et le Negusse Negest dĂ©cide d'en finir en rassemblant une importante armĂ©e de 80 000 hommes[100]. Divers Ă©lĂ©ments empĂȘchent Yohannes d'affronter correctement ses ennemis pour ensuite expulser les 20 000 soldats basĂ©s Ă  Metsewa[107]. Tout d'abord, le Negusse Neges apprend une nouvelle grave : une famine causĂ©e par la peste bovine du bĂ©tail des Indes ramenĂ© par les Italiens Ă  Asseb ravage le pays depuis 1887. Cette Ă©pidĂ©mie, qui s'achĂšve en 1892, est connue sous le nom de Kefou qen[Note 10] - [107]. À cela s'ajoute une information selon laquelle Menelik aurait conclu un acte de neutralitĂ© avec les Italiens en contrepartie d'une livraison d'armes[107]. Berhanou rappelle nĂ©anmoins qu'au moment oĂč la rumeur se propage, Antonelli, officiel italien avec lequel Menelik a dĂ» signer l’acte, n'est pas prĂ©sent en Éthiopie. NĂ©anmoins, cette « manƓuvre d'intoxication, probablement de source italienne, produisit son effet dĂ©stabilisateur » en aggravant la tension[107].

Yohannes dĂ©cide malgrĂ© tout de lancer l'attaque contre le fort de Saati en . Face Ă  la supĂ©rioritĂ© numĂ©rique de leurs ennemis, les Italiens restent dans leur fortification[106]. L'absence d'artillerie empĂȘche les Éthiopiens de sortir les Italiens des tranchĂ©es[106]. En , le Negusse Negest va finalement se retirer de la rĂ©gion de Saati. Son armĂ©e subit des pertes en raison de l'Ă©pidĂ©mie de peste bovine[106]. À la suite de cette confrontation « peu concluante »[106], Yohannes retire le poste de gouverneur du Mereb Melash Ă  Aloula. Son dĂ©part de la rĂ©gion est prĂ©cipitĂ© par la nouvelle de la victoire mahdiste Ă  Metemma et du saccage de Gonder.

Premiùres batailles entre l'Éthiopie et les Derviches

Portrait de ras Aloula. Grand gĂ©nĂ©ral de Yohannes IV, il participe aux conflits contre l'Égypte, l'Italie et les Mahdistes.

La guerre contre les Mahdistes soudanais est le second problĂšme hĂ©ritĂ© du traitĂ© d'Adoua. Les Ansars[Note 11] n'ont pas pardonnĂ© Ă  l'Éthiopie l'aide apportĂ©e Ă  l'Égypte[108]. Ainsi, l'Ă©vacuation des garnisons telle que prĂ©vue dans le traitĂ© d'Adoua entraĂźne l'apparition d'un nouvel ennemi avec lequel l'Éthiopie n'est plus sĂ©parĂ©e par une zone tampon qu'ont reprĂ©sentĂ©s les garnisons Ă©gyptiennes[108]. L'affrontement entre les Éthiopiens et les Ansars soudanais s'inscrit dans le cadre plus gĂ©nĂ©ral de la guerre des Mahdistes.

Le conflit dĂ©bute en 1885 et une sĂ©rie de confrontations s'ensuit[91]. Le , ras Aloula affronte le « redoutable »[108] gĂ©nĂ©ral soudanais Uthman Diqna lors de la bataille de Kufit. Les Éthiopiens remportent la victoire ; ils ont perdu 1 500 hommes contre 3 000 morts soudanais[108]. En , un nouvel affrontement a lieu, cette fois dans la rĂ©gion de Metemma, point de contact important entre les deux pays et principal zone de conflit[109]. Tekle Haymanot permet aux Éthiopiens d'infliger une nouvelle dĂ©faite aux Mahdistes qui occupent la ville de Metemma[109]. La troisiĂšme victoire Ă©thiopienne a lieu l'annĂ©e suivante, le Ă  la bataille de Gute Dili lorsque l'armĂ©e shewanne menĂ©e par Ras Gobena Dachi bat les Soudanais dans le Wellega[109].

Toutefois, cette annĂ©e-lĂ , le , Ă  Sar Weha dans le Dembiya ; les Éthiopiens subissent un lourd revers contre les troupes de Hamdan Abu Anja[109]. Les consĂ©quences de la victoire soudanaise vont susciter une vive rĂ©action de la part du Negusse Negest puisque les Mahdistes progressent vers Gonder, qui est mise Ă  feu et Ă  sang[110]. Les 44 Ă©glises de la ville sont incendiĂ©es[110] et des milliers de chrĂ©tiens, aussi bien des hommes et des femmes que des enfants sont rĂ©duits en esclavage[88]. PoussĂ© par un « Ă©lan conservateur », Yohannes veut venger « la citĂ© des atsĂ© »[110] - [Note 12] et prĂ©vient les Mahdistes qu'il est mĂȘme prĂȘt Ă  attaquer la capitale, Omdourman[111]. En outre, une autre mauvaise nouvelle vient frapper le Negusse Negest : la mort de son fils Araya SelassiĂ©[112]. À cela s'ajoutent les rumeurs d'une coalition entre Tekle Haymanot et Menelik visant Ă  le renverser[88].

En , Yohannes fait appel Ă  Tekle Haymanot pour repousser les Mahdistes mais celui-ci refuse de coopĂ©rer[112]. Le Negusse Negest voit en ce geste la confirmation des rumeurs de conspiration qu'il soupçonne depuis le dĂ©but de l'annĂ©e : ainsi, lorsque Menelik a proposĂ© son assistance durant la campagne de Saati visant Ă  chasser les Italiens, le souverain a dĂ©clinĂ© l'offre[109]. À la fin de l'annĂ©e 1888, Yohannes est informĂ© de discussions en cours entre Menelik et Tekle Haymanot[109]. Le Negusse Negest n'hĂ©site plus et mĂšne, aprĂšs son retour de la campagne de Saati, une expĂ©dition punitive vers le Godjam[109]. Il se dirige ensuite vers le royaume de Menelik que le Negusse Negest accuse d'avoir entraĂźnĂ© Tekle Haymanot vers une trahison[112]. En , l'appel aux armes est lancĂ© dans le Shewa et l'Éthiopie se retrouve au bord d'une « guerre civile dĂ©vastatrice »[113]. Elle n'aura cependant pas lieu. Yohannes, informĂ© du danger croissant que reprĂ©sentent les Mahdistes dans la rĂ©gion de Metemma, souhaite d'abord en finir avec les Soudanais pour ensuite se tourner vers Menelik, puis les Italiens[109]. Il nĂ©gocie avec Menelik qui accepte de le suivre dans sa marche vers Metemma, tout en restant Ă  distance, comme le souhaite le Negusse Negest[110]. « Se sachant condamnĂ© Ă  mourir en martyr par une prophĂ©tie »[110], Yohannes part au combat vers le nord pour dĂ©fendre « son empire chrĂ©tien bien-aimĂ© »[114].

DĂ©cĂšs de Yohannes au combat

Inscription en amharique rappelant l'appel aux armes de Yohannes IV.

Au dĂ©but du mois de , Yohannes IV va combattre les 60[115] Ă  70 000 Mahdistes[110] installĂ©s Ă  Metemma. Les Éthiopiens sont 100 000[116] et disposent d'un meilleur armement[110]. Le , Yohannes lance l'attaque. Une de ses ailes commence Ă  percer les lignes ennemies tandis que la colonne soudanaise face au Negusse Negest rĂ©siste[117]. La bataille tourne Ă  l'avantage des Éthiopiens qui sont sur le point de remporter la victoire[16]. Toutefois, Yohannes s'impatiente et « s'expose avec tĂ©mĂ©ritĂ© »[117] au feu ennemi. En plein affrontement, une balle atteint sa main droite ; une deuxiĂšme lui transperce la main gauche et se loge dans sa poitrine[116]. Le [109], Yohannes dĂ©cĂšde des suites de ses blessures et devient « l'une des derniĂšres tĂȘtes couronnĂ©es du monde Ă  pĂ©rir sur le champ de bataille »[118].

Les conclusions des historiens quant Ă  l'issue de la bataille sont diverses. Berhanou Abebe estime que Yohannes, un homme « qui n'avait jamais menĂ© son armĂ©e Ă  la dĂ©faite », a « gagnĂ© une grande bataille »[117]. Shiferaw Bekele considĂšre que les Mahdistes ont remportĂ© la victoire en raison de l'effondrement de l'armĂ©e Ă©thiopienne Ă  la suite du dĂ©cĂšs de Yohannes[119]. Harold G. Marcus parle d'un succĂšs « par dĂ©faut »[116] des Soudanais. À l'annonce de la mort du Negusse Negest, les troupes Ă©thiopiennes se sont dĂ©sorganisĂ©es et ont laissĂ© le champ libre Ă  leurs adversaires[116]. Si Berhanou Abebe affirme que Metemma constitue une « victoire dĂ©terminante »[117], il conclut nĂ©anmoins, que le traitement rĂ©servĂ© au cadavre du Negusse Negest a gĂąchĂ© ce succĂšs. AprĂšs l'affrontement, le dĂ©tachement transportant le corps de Yohannes vers le monastĂšre GishĂ©n est attaquĂ© par les Derviches[117]. Le cadavre est dĂ©capitĂ© et la tĂȘte de Yohannes offerte Ă  Khalifa Abdoullahi qui ordonne des cĂ©lĂ©brations publiques[117]. Sa tĂȘte a ensuite Ă©tĂ© exposĂ©e publiquement Ă  Omdourman durant plusieurs jours puis empalĂ©e et emmenĂ©e dans le Nord du Soudan[120].

Enfin, la mort d'un Negusse Negest soulĂšve forcĂ©ment la question de la succession. Agonisant, Yohannes a dĂ©signĂ© son fils, Mengesha, comme successeur et a confiĂ© Ă  ras Aloula et d'autres commandants, la charge de s'en occuper[116]. Cependant, c'est Menelik, Negus du Shewa, le plus puissant des seigneurs de l'Ă©poque, qui se proclame Negusse Negest le et se fait couronner en novembre[114]. Ainsi, la mort de Yohannes concorde avec la fin de la suprĂ©matie du Nord de l'Éthiopie et le glissement vers le Shewa du pouvoir politique de l'Empire. ParallĂšlement, l'affaiblissement du TegrĂ© offre aux Italiens une occasion de progresser depuis la mer Rouge. C'est Menelik II qui sera chargĂ© d'achever la lutte de Yohannes IV contre les ambitions coloniales de Rome.

Héritage et mémoire

D'aprĂšs Berhanou Abebe, certains historiens « lĂšguent une image bien dĂ©formĂ©e » de Yohannes IV, en faisant « un exaltĂ©, un fanatique aspirant au martyre »[117]. AprĂšs avoir rappelĂ© le « poids du passĂ© », les divisions religieuses et politiques, il conclut que le Negusse Negest a su malgrĂ© tout prĂ©server avec succĂšs l'indĂ©pendance et l'unitĂ© de son pays. Le rĂšgne de Yohannes IV est souvent rapprochĂ© de celui de Menelik II. En effet, Richard Pankhurst note que les deux dirigeants Ă©taient « rivaux mais leur rĂšgne, outre le fait qu'ils se chevauchent, sont presque inextricablement liĂ©s »[15]. En outre, il ajoute : « Yohannes, le deuxiĂšme des grands dirigeants de l'Éthiopie du XIXe, a Ă©tĂ©, tout comme son prĂ©dĂ©cesseur[Note 13], un patriote intransigeant et un farouche adversaire des missionnaires chrĂ©tiens »[29]. Shiferaw Bekele note l'importance de la politique intĂ©rieure d'unification et la victoire sur l'Égypte ayant permis Ă  l'Éthiopie d'Ă©merger en tant qu'État fort, capable de rĂ©sister aux assauts coloniaux que subira Menelik II[45]. Un des plus grands hommages rendus par un historien reste celui de GelawdĂ©wos Araya : « AprĂšs l'empereur TĂ©wodros, l'empereur Yohannes IV est un autre grand visionnaire caractĂ©risĂ© par son altruisme inĂ©galĂ©, son sens de la justice incomparable et son humanisme ». Il poursuit, soulignant « son extraordinaire engagement envers son peuple et son pays ainsi que son infatigable patriotisme »[1]

En Éthiopie, Yohannes est perçu par la population comme un Negusse Negest exemplaire, mort au combat pour la dĂ©fense de sa patrie. Un poĂšme toujours connu, Ă©crit aprĂšs la guerre contre l'Égypte et chantĂ© lors du retour de Yohannes IV entretient cette mĂ©moire[121] :

Descendu du ciel, du sanctuaire de Sion,
De son pÚre Mikaél, de sa mÚre Selass,
Il a tondu et entassé cette orge d'infidÚles,
Il l'a battue, frappée, donnée au vent,
Le brave combattant Atsé Yohannes[Note 14].

Annexes

Notes

  1. Le dernier Aboun, Selama, est mort le 25 octobre 1867 en captivité ; Harold Marcus, A History of Ethiopia, p. 72.
  2. Le teff a la caractéristique de contenir de trÚs nombreuses graines. Le message semble bien clair à l'époque : malgré l'avantage numérique de son adversaire représenté dans l'abondance de grains, Yohannes n'aura aucune difficulté à terrasser son ennemi, tout comme on brûle facilement, une poignée de teff.
  3. Traditionnellement, les souverains sont couronnés à Aksoum, ville sainte du christianisme éthiopien orthodoxe. Toutefois, depuis 1632, les nouveaux monarques n'ont plus respecté cette primauté, préférant se faire couronner à Gonder.
  4. Cette doctrine repose sur l'onction du Christ et non sur l'incarnation du Fils.
  5. Tewahedo, « unifiée » en ge'ez. Cette doctrine confesse l'unité des deux natures, divine et humaine de la personne du Christ, sans confusion ou séparation.
  6. En français : « Trois naissances ». Elle soutient que le Christ est né du PÚre, de l'opération du Saint-Esprit et, aprÚs neuf mois, de la Vierge Marie.
  7. L'article 2 concerne l'aide que Yohannes doit apporter pour l'Ă©vacuation des garnions.
  8. Il prévoit leur défaite finale lors de la bataille d'Adoua en 1896.
  9. Mis entre guillemets par Bahru Zewde.
  10. En français : « Les Jours calamiteux ».
  11. Le nom que les Mahdistes préfÚrent utiliser.
  12. Atsé est le titre porté notamment par les souverains régnant à Gonder.
  13. Pankhurst parle de Téwodros II (r. 1855 - 1868) et non de Tekle Giyorgis II dont le bref rÚgne (1868 - 1871) est souvent considéré comme un interrÚgne.
  14. Le poĂšme dĂ©bute par une double rĂ©fĂ©rence, Ă  la fois religieuse et familiale. MikaĂ©l est l'archange mais Ă©galement un ancĂȘtre de Yohannes, Mikael Sehul. Selassie (le mot est raccourci pour le style poĂ©tique) est la TrinitĂ© mais Ă©galement le nom de sa mĂšre, Selass Demtsou. Le qenĂ© se poursuit par une mĂ©taphore, l'orge d'infidĂšles reprĂ©sentant les Égyptiens.

Références

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  6. Harold G. Marcus, The life and times of Menelik II: Ethiopia 1844-1913, Lawrenceville, Red Sea Press, 1995, p. 31.
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  8. Major Trevenen J. Holland et Captain Henry Hozier, Record of the Expedition to Abyssinia, Londres, 1870, i. 416 ; cité dans Harold G. Marcus, The life and times of Menelik II: Ethiopia 1844-1913, p. 31.
  9. Major Trevenen J. Holland et Captain Henry Hozier, Record of the Expedition to Abyssinia, Londres, 1870, ii. 50 ; cité dans Harold G. Marcus, The life and times of Menelik II: Ethiopia 1844-1913, p. 31.
  10. Major Trevenen J. Holland et Captain Henry Hozier, Record of the Expedition to Abyssinia, Londres, 1870, i. 372 ; cités dans Harold G. Marcus, The life and times of Menelik II: Ethiopia 1844-1913, p. 30.
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Ouvrages généraux

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  • (fr) Jean Doresse, Histoire de l'Éthiopie, PUF, collection QSJ, 1970 ; Chapitre VI, partie 5, (« Yohannes IV (1872-1889) ») p. 89-93 Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
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  • (en) Ministry of Education and Fine Arts, Ethiopia, A short illustrated history, Berhanena Selam Haile Selassie I printing press, Addis Abeba, 1969 ; chap. XVIII (« Yohannes IV - Emperor 1872 - 1889 »), p. 115-121

Ouvrages spécialisés

  • (fr) Shiferaw Bekele, L'Éthiopie contemporaine (sous la direction de GĂ©rard Prunier), Karthala, 2007, 440 p., (ISBN 978-2845867369) ; chap. III (« La restauration de l'État Ă©thiopien dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle »), partie I (« L'Éthiopie divisĂ©e : une dĂ©cennie de compĂ©tition en vue du lit royal (1868-1878) ») et partie III (« Les agressions Ă©trangĂšres et l'expansion nationale (1878-1896) ») p. 97-104 Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Bahru Zewde, A History of Modern Ethiopia, 1855-1991, James Currey, Londres, 2002, p. 64-111 (ISBN 0821414402) ; partie II (« Unification and Independence - 1855 - 1896 »), chap. II (« A new approch to unification »), chap. III (« Intensification of the external challenge »), chap. IV (« The road to Matamma ») p. 42-59 Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Articles connexes

Liens externes

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