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Zemene Mesafent

Zemene Mesafent (Ge'ez: ዘመነ áˆ˜áˆłááŠ•á‰”, ), Ère des Princes (masĂąfĂ©nt) ou Temps des Juges[1], est la pĂ©riode de l'histoire de l’Éthiopie comprise entre 1769 et 1855 pendant laquelle les empereurs « rĂ©gnaient mais ne gouvernaient pas »[2], car les seigneurs de guerre locaux s’en chargeaient chacun dans ses domaines, tout en tentant de manipuler le pouvoir impĂ©rial sans pour autant chercher Ă  le renverser[3].

Prologue

Iyasou II d'Éthiopie, fils de Bakaffa nĂ© en 1723, accĂšde au trĂŽne en 1730 mais la rĂ©alitĂ© du pouvoir est entre les mains de sa mĂšre l’itege Mentaweb qui met Ă  profit la jeunesse de son fils pour se couronner elle-mĂȘme impĂ©ratrice. Elle rĂšgne sur le pays de 1730 Ă  1756 en s’appuyant sur les membres de sa famille contre la noblesse amhara et celle du TigrĂ©, ce que met Ă  profit Za Gheorguis pour tenter une nouvelle fois en vain de faire couronner son candidat Wolde Gheorguis, un frĂšre de Bakaffa.

AprĂšs l’échec de Za Gheorguis, d'autres nobles opposĂ©s aux parents de l’impĂ©ratrice tentent de faire couronner le prĂ©tendant Atse Hezqeyas et de gouverner Ă  sa place. Ils sont dĂ©faits lors d’un sanglant combat Ă  Fenter le .

Afin de maintenir son influence contre la noblesse amhara, la rĂ©gente pousse son fils Iyasou Ă  Ă©pouser en 1740 OuĂ©bi, une fille d’Amitzo de Kawallo du groupe oromo d'Edjaw Toluma. À la mort du negus le , l’aĂźnĂ© des fils, nĂ© en 1746, qu’il a eu de son Ă©pouse Oromo, rebaptisĂ©e wezero Walatta Bersabeh (+1756), devient empereur sous le nom de Yoas Ier (1755-1769). Sa mĂšre nomme alors son frĂšre ras Birele enderassie (comme ras) alors que sa grand-mĂšre l’impĂ©ratrice Mentaweb nomme son propre frĂšre Ras Wolde Leul au mĂȘme poste. AprĂšs la mort de ce dernier elle dĂ©signe son autre frĂšre ras Eshte puis enfin son gendre, le mari de sa fille Aster, ras Ya Maryam Bariaw (1764-1768). Le negus le chasse et confirme la position de son oncle maternel, ras Birele.

Ras Mikael Sehul du Tigré

Pour renforcer son pouvoir et celui de Yoas Ier, l’impĂ©ratrice Mentawab doit se rĂ©soudre Ă  faire appel au dirigeant du TigrĂ© ras Mikael Sehul (1759-1779) qui devient enderassie le . Elle lui fait Ă©pouser en 1769 la woizero Aster, fille aĂźnĂ©e de son second mariage avec le dejazmatch Milmal Iyasou (noyĂ© Ă  Gondar en novembre 1742 sur l’ordre de Iyassou II), un petit-fils de Iyasou Ier d'Éthiopie par sa fille la princesse Walatta IsraĂ«l.

Mikael Sehul reste au dĂ©but loyal vis-Ă -vis de Yoas Ier, mais ensuite il le dĂ©considĂšre aux yeux de la population, le dĂ©trĂŽne, le fait juger et exĂ©cuter le en mĂȘme temps que l’évĂȘque de Gondar, Salama, qui est pendu en habits Ă©piscopaux au seuil de sa rĂ©sidence.

Ras Mikael Sehul tire alors de sa retraite un dernier fils de Iyasou Ier, qui devient le negus YohannĂšs II d'Éthiopie ( au ) Ă  l’ñge de 70 ans (il est nĂ© en 1699). Mais lorsque le nouveau souverain refuse d’accompagner ras MikaĂ«l dans une guerre contre des fĂ©odaux rĂ©voltĂ©s, il est empoisonnĂ© par le ras qui couronne Ă  sa place son fils de 15 ans Takla HaĂŻmanot II d'Éthiopie ( au ). Il devra lutter entre juin et contre les prĂ©tentions de Sousneyos II d'Éthiopie qui se prĂ©tend fils illĂ©gitime d’Asma Gheorguis Bakaffa.

Ras Goshu de Godjam se lĂšve alors contre l’enderassie. Il s’allie avec ras Fasil du Damot et Wand Bawosen du Begamder. Ils rĂ©ussissent Ă  vaincre ras Mikael Sehul dĂ©finitivement Ă  la bataille de Serbaqoussa en . Fait prisonnier, il se retire en 1772 dans le TigrĂ© oĂč il meurt le 23 juin ou en septembre 1779.

Le désordre

Ras Goshu Wodago, gouverneur de l’Amhara (1767-1771) devient enderassie de (1771-1777). En accord avec son frĂšre le dejazmatch Wand Bawosen gouverneur du Begamder (1770-1777), il dĂ©trĂŽne ensuite le jeune empereur, qu’il remplace par Salomon II d'Éthiopie (1777-1779), fils d’abeto Adigo, le fils aĂźnĂ© de Iyasou II et de sa premiĂšre Ă©pouse.

Ce dernier se fait moine en 1779 aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©trĂŽnĂ© par Wolde SĂ©lassiĂ©, ras d’Enderta puis de TigrĂ©, en 1790 (mort ) et ras Kefla Adyam qui mettent sur le trĂŽne le frĂšre de Takla HaĂŻmanot, Takla Guiorguis. Celui-ci rĂšgne 6 fois jusqu'en 1800 ! Second fils de YohannĂšs II, le nouvel Empereur est dĂ©posĂ© dĂšs 1784 par ras Abeto (+1812) en faveur de Iyasou III d'Éthiopie ( au ), le fils d’Abeto Atzeku second fils de Iyasou II et de sa premiĂšre Ă©pouse avant d’ĂȘtre remplacĂ© par son prĂ©dĂ©cesseur qui rĂšgne de nouveau du au .

Iyasou III pendant son rÚgne devra faire face à pas moins de trois usurpateurs : Atse Iyasou (1787-1788) Atse Baeda Maryam (II) (1787-1788) et Takla Haïmanot de Gondar (III) (février 1788 à 1789) !

Lors de ses multiples efforts pour restaurer sa souverainetĂ©, Takla Gheorguis s'appuie Ali d'YĂ©djou surnommĂ© Tiliku, est gouverneur de Begamder, pour tenir tĂȘte aux fĂ©odaux.

Ras Ali d'YĂ©djou et ses successeurs

En 1786, ras Ali d'YĂ©djou, qui est un chef oromo du clan d'Yeju ou d'YĂ©djou, de la famille des Ouarra-Cheik, est nommĂ© bitouadded et enderasse par l’empereur Takla Gheorguis[4]. Lui et ses descendants : Ras Ali Gaz d'YĂ©djou, Ras Gougsa Merso d'YĂ©djou, Ras ImĂąm d'YĂ©djou etc.) assument en fait le pouvoir jusqu'en 1855.

Le pays est alors en proie au dĂ©sordre. Depuis la mort du negus Yoas Ier d'Éthiopie en 1769, vingt-sept empereurs et prĂ©tendants, tous rivaux et dĂ©nuĂ©s de pouvoir, se rĂ©partissent entre les provinces chrĂ©tiennes du TigrĂ© et du Shewa et les principautĂ©s musulmanes de l’Est et du Sud. En 1813, le ras du Shawa, SahlĂ© SellasiĂ©, prendra mĂȘme le titre de negus pour marquer son indĂ©pendance.

À partir de 1825, le masĂąfĂ©nt ras ImĂąn soutient le dĂ©veloppement de l’Islam. Le masĂąfĂ©nt ras MariĂ© d'YĂ©djou lui succĂšde en 1828. Il s’allie au puissant dedjach Wube Hayle Maryam, gouverneur du SĂ©mien, contre Sabagaudis qui tient le TigrĂ©. MariĂ© est tuĂ© dans la bataille, mais son alliĂ© Wube, vainqueur, capture Sabagaudis et son fils qui sont exĂ©cutĂ©s. Wube joint le TigrĂ© Ă  ses possessions et transfĂšre sa capitale Ă  Adoua, tandis que les Oromos mettent Ă  la tĂȘte du BĂ©gameder ras Dori d'YĂ©djou, auquel succĂšde presque aussitĂŽt le jeune ras Ali II d'YĂ©djou. Ce dernier s'Ă©loigne du christianisme, dont le clergĂ© est alors en pleine dĂ©cadence. Il institue des pĂšlerinages sur la tombe de l’imĂąm Gragne. Mais il s’aliĂšne ainsi la sympathie des Éthiopiens et se retrouve vite dans une situation difficile, aggravĂ©e par les guerres continuelles contre le Godjam et le TigrĂ© tenu par WubiĂ©. DĂ©sireux de se libĂ©rer de la tutelle de sa mĂšre Menen Liben AmadĂ©, il lui fait Ă©pouser le negus YohannĂšs III. La nouvelle reine, accueillie avec ironie par la population de Gondar, se venge des uns et des autres par un dur gouvernement qui accroĂźt un peu plus la dĂ©cadence de la citĂ©.

Plus tard, Kassa HaĂŻlu, nĂ© dans le Qouara (vers 1818-1821), rĂ©clame le poste de gouverneur du Qouara que son pĂšre occupait Ă  sa naissance. Il est contraint de fuir et devient le chef d’une bande de pillards (shifta) qu’il conduit avec succĂšs contre les Takrouri et les Chanqalla, du cĂŽtĂ© de MĂ©temma. Son prestige lui permet de gagner la faveur des foules. L’impĂ©ratrice Menen Liben AmadĂ© envoie contre lui une expĂ©dition qui est vaincue, et doit lui cĂ©der le gouvernement du DĂ©mbĂ©ya et lui accorder pour femme TĂ©ouabĂ©ch, fille du ras Ali II d'YĂ©djou. En 1838, les Égyptiens font un raid depuis Gallabat et profanent les Ă©glises. La population de Gondar est effrayĂ©e. Ras WubiĂ© et KĂ©nfou, l’oncle de Kassa, ripostent. Kassa, qui veut chasser les Égyptiens de MĂ©temma, est vaincu. KĂ©nfou a plus de succĂšs. Ras WubiĂ© obtient que la France et la Grande-Bretagne interviennent auprĂšs de Mohamed-Ali pour le faire renoncer Ă  toute nouvelle entreprise vers l’Éthiopie.

Kassa, insultĂ© par la reine MĂ©nĂ©n Ă  la suite de son Ă©chec, est excitĂ© Ă  la vengeance par son Ă©pouse. Il occupe Gondar en l’absence du ras Ali et fait prisonniĂšre l’impĂ©ratrice. Il obtient qu’Ali lui reconnaisse la suzerainetĂ© sur les terres de son oncle KĂ©nfou. En 1852, Kassa Ă©tabli Ă  Gondar, somme Ras Gochou, du Godjam, de lui payer tribut. Ras Gochou, indignĂ©, part en campagne, mais est vaincu et tuĂ© prĂšs de Gorgora en novembre. Ali est vaincu Ă  son tour et se rĂ©fugie dans le Wollo. Kassa obtient l’appui de l’Abouna Salama, le primat de l’Église copte, en Ă©change de l’expulsion des missionnaires catholiques, en particulier des lazaristes français.

En 1855, Kassa fait prisonnier WubiĂ©, gouverneur du TigrĂ©, prĂšs de DĂ©rachguiĂ©. Dans l’Est, les Wello Oromos sont Ă©crasĂ©s. Le Shewa est conquis en octobre. Le 5 mai, Kassa, s’appuyant sur l’ancienne prophĂ©tie du FekkarĂ©-Yasous, se fait proclamer negus et prend le nom de ThĂ©odoros II.

Notes et références

  1. En référence à la Bible: Quand il n'y avait pas de roi en Israël, mais que chacun faisait ce qui paraissait bon à ses propres yeux (Juges, 17, 6)
  2. Berhanou Abebe, Histoire de l'Éthiopie d’Axoum Ă  la rĂ©volution, Maisonneuve & Larose, 1998, p. 62
  3. Hubert Jules Deschamps (dir.), Histoire gĂ©nĂ©rale de l'Afrique noire de Madagascar et de ses archipels, tome I : « Des origines Ă  1800 Â» Presses universitaires de France, Paris 1970 p. 415.
  4. Shiferaw Bekele, Reflections on the Power Elite of the WÀrÀ Seh MÀsfenate (1786-1853), vol. 15, Annales d'Ethiopie, (présentation en ligne), p. 157-179

Bibliographie

  • (en) Shiferaw Bekele, Reflections on the Power Elite of the WĂ€rĂ€ Seh MĂ€sfenate (1786-1853), Annales d'Éthiopie, 1990, vol. 15, no 15, p. 157-179 [lire en ligne]
  • Hubert Jules Deschamps, (sous la direction). Histoire gĂ©nĂ©rale de l'Afrique noire de Madagascar et de ses archipels Tome I : Des origines Ă  1800. Page 415 P.U.F Paris (1970) ;
  • (en) Chris Prouty Rosenfeld, « Eight ethiopian women of the "Zemene mesafint" (c. 1769-1855) », Northeast African Studies, vol. 1, no 2,‎ , p. 63-85 (lire en ligne).
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