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Effet de paire inerte

En chimie inorganique, l'effet de paire inerte désigne la tendance des électrons dans l'orbitale s extérieure de demeurer non-ionisés et non-partagés aux composés des métaux du bloc p du tableau périodique. Ce terme, proposé par Nevil Sidgwick en 1927, est souvent employé pour décrire la stabilité des états d'oxydation égaux à la valence du groupe moins deux, aux éléments plus lourds des groupes 13, 14, 15 et 16[1].

Description

Comme exemple au groupe 13, l'état d'oxydation le plus stable du thallium est l'état +1, et les composés du TlIII sont plutÎt rares. La stabilité de l'état d'oxydation +1 augmente dans l'ordre[2] :

AlI < GaI < InI < TlI.

La mĂȘme tendance de stabilitĂ© est observĂ©e aux groupes 14, 15 et 16. Les plus lourds membres de ces groupes, le plomb, le bismuth et le polonium, sont assez stables aux Ă©tats d'oxydation +2, +3, et +4 respectivement.

L'état d'oxydation inférieur dans chacun des éléments en question possÚde deux électrons à l'orbitale s extérieure. Une explication simpliste de l'effet serait alors que les électrons de valence à l'orbitale s sont plus étroitement liés et d'énergie plus basse que les électrons de valence aux orbitales p, de sorte que les électrons à l'orbitale s sont moins susceptibles de former des liaisons[3]. Cependant cette explication n'est pas appuyée par les valeurs des énergies d'ionisation des deux électrons à l'orbitale s, qui augmentent dans l'ordre

In < Al < Tl < Ga (pour le groupe 13).
Énergies d'ionisation des Ă©lĂ©ments du groupe 13
kJ/mol
EIBoreAluminiumGalliumIndiumThallium
1re800,6577,5578,8558,3589,4
2e2427,11816,71979,31820,61971
3e3659,72744,8296327042878
(2e + 3e)6086,84561,54942,34524,64849

La somme des 2e et 3e énergies d'ionisation du gallium est plus elevée que celle de l'aluminium à cause de la contraction des atomes qui suivent les éléments du bloc d (ou métaux de transition). La différence entre le thallium et l'indium est attribué aux effets relativistes sur les niveaux d'énergie[4].

Un facteur important c'est que les composĂ©s Ă  l'Ă©tat d'oxydation infĂ©rieur sont ioniques, tandis que les composĂ©s Ă  l'Ă©tat d'oxydation supĂ©rieur ont tendance Ă  ĂȘtre covalents. Alors il faut tenir compte de l'effet de la covalence. En effet Drago a proposĂ© en 1958 une explication alternative de l'effet de paire inerte. Il a attribuĂ© l'effet aux enthalpies de liaison M-X faibles pour les Ă©lĂ©ments lourds du bloc p, ainsi qu'au fait que l'oxydation d'un Ă©lĂ©ment Ă  un Ă©tat supĂ©rieur d'oxydation exige davantage d'Ă©nergie[5]. Cette Ă©nergie additionnelle doit ĂȘtre fournie par la formation des liaisons ioniques ou covalentes. Alors si les liaisons Ă  un Ă©lĂ©ment particulier est faible, l'Ă©tat d'oxydation supĂ©rieur pourrait ĂȘtre inaccessible. D'autres recherches sur les effets relativistes appuient cette conclusion[6]. En consĂ©quence on a suggĂ©rĂ© que le nom effet de paire inerte soit considĂ©rĂ© comme description plutĂŽt que comme explication[2].

Activité stérique du doublet non liant

L'inertie chimique des Ă©lectrons s Ă  l'Ă©tat d'oxydation infĂ©rieur n'est pas toujours accompagnĂ©e par une absence d'activitĂ© stĂ©rique ou d'effet sur la gĂ©omĂ©trie de la molĂ©cule ou du cristal. Un exemple simple de l'activitĂ© stĂ©rique serait le SnCl2 qui possĂšde une gĂ©omĂ©trie coudĂ©e (angulaire) en Ă©tat gazeux, en accord avec la thĂ©orie VSEPR pour une molĂ©cule AX2E1. Des exemples avec un doublet non liant stĂ©riquement inactif sont l'iodure de bismuth(III), BiI3, et l'anion BiI63−. Aux deux cas l'atome centrale possĂšde la coordinence octaĂ©drique avec peu de distorsion, en dĂ©saccord avec la thĂ©orie VSEPR[7]. L'activitĂ© stĂ©rique du doublet non liant est attribuĂ© depuis longtemps au caractĂšre partiel p de l'orbitale qu'il occupe, c'est-Ă -dire au fait que cette orbitale n'a pas de symĂ©trie sphĂ©rique[2]. La recherche thĂ©orique rĂ©cente dĂ©montre que ceci n'est pas toujours vrai. Par exemple la structure litharge du PbO est diffĂ©rente de la structure NaCl symĂ©trique et simple du PbS, ce qui s'explique comme consĂ©quence des interactions entre les PbII et les anions en PbO qui donnent lieu Ă  une asymĂ©trie de la densitĂ© Ă©lectronique. De telles interactions ne se font pas au PbS[8]. Un autre exemple serait des sels du thallium(I) dont l'asymĂ©trie est attribuĂ©e Ă  l'interaction entre les Ă©lectrons s du Tl et les orbitales antiliantes[9].

Échec de la thĂ©orie

À l'Ă©poque oĂč il fut proposĂ©, une justification pour dĂ©crire cet effet Ă©tait l'absence des composĂ©s connus des Ă©lĂ©ments du groupe 13 dans l'Ă©tat d'oxydation intermĂ©diaire +2. Ceci n'est plus vrai depuis la dĂ©couverte de certains complexes de Ga(II) et In(II), tels que les halogĂ©nures de formule [M2X6]2−[10] - [11]. Ces ions complexes sont stabilisĂ©s par la formation d'une liaison covalente M–M. Il s'ensuit que l'instabilitĂ© des complexes simples des ions tels que Ga2+ est due aux facteurs cinĂ©tiques, Ă  savoir que l'ion Ga2+ possĂšde un Ă©lectron non-appariĂ© et se comporte comme radical libre, Ă©tant rapidement dĂ©truit par rĂ©action avec un autre radical libre. Drago[5] (voir ci-dessus) avait raison alors; ces composĂ©s sont thermostables Ă  cause de la formation d'une liaison covalente entre les ions de gallium.

Références

  1. (en) Nevil Vincent Sidgwick, The Electronic Theory of Valency, Oxford, Clarendon, , 178–81 p.
  2. (en) Norman N. Greenwood et Alan Earnshaw, Chemistry of the Elements, Butterworth-Heinemann, (ISBN 0080379419)
  3. (en)Electronegativity UC Davis ChemWiki by University of California, Davis
  4. (en)Holleman, A. F.; Wiberg, E. "Inorganic Chemistry" Academic Press: San Diego, 2001. (ISBN 0-12-352651-5).
  5. (en) Russell S. Drago, « Thermodynamic Evaluation of the Inert Pair Effect. », J Phys Chem, vol. 62, no 3,‎ , p. 353–357 (DOI 10.1021/j150561a027)
  6. (en) Schwerdtfeger P, Heath G A, Dolg M, Bennet M A, « Low valencies and periodic trends in heavy element chemistry. A theoretical study of relativistic effects and electron correlation effects in Group 13 and Period 6 hydrides and halides », Journal of the American Chemical Society, vol. 114, no 19,‎ , p. 7518–7527 (DOI 10.1021/ja00045a027)
  7. (en) Ralph A. Wheeler and P. N. V. Pavan Kumar, « Stereochemically active or inactive lone pair electrons in some six-coordinate, group 15 halides », Journal of the American Chemical Society, vol. 114, no 12,‎ , p. 4776–4784 (DOI 10.1021/ja00038a049)
  8. (en) Walsh A, Watson G W, « The origin of the stereochemically active Pb(II) lone pair: DFT calculations on PbO and PbS », Journal of Solid State Chemistry, vol. 178, no 5,‎ , p. 1422–1428 (DOI 10.1016/j.jssc.2005.01.030, Bibcode 2005JSSCh.178.1422W)
  9. (en) Mudring A J, Rieger F, « Lone Pair Effect in Thallium(I) Macrocyclic Compounds », Inorg. Chem., vol. 44, no 18,‎ , p. 6240–6243 (PMID 16124801, DOI 10.1021/ic050547k)
  10. (en) Freeland, B.H., Hencher, J.L.,Tuck, D.G. and Contreras, J,G., « Coordination compounds of indium. 32. Preparation and properties of hexahalogenatodiindate(II) anions », Inorganic Chemistry, vol. 15, no 9,‎ , p. 2144–2146 (DOI 10.1021/ic50163a028)
  11. (en) Drake, J.E., Hencher, Khasrou, L.N., ,Tuck, D.G. and Victoriano, L., « Coordination compounds of indium. 34. Preparative and spectroscopic studies of InX3Y− and InX2Y2− anions (X .noteq. Y = chlorine, bromine, iodine) », Inorganic Chemistry, vol. 19, no 1,‎ , p. 34–38 (DOI 10.1021/ic50203a008)
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