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Duc de Bourgogne (1751)

Le Duc de Bourgogne est un bâtiment de 80 canons de la marine royale française, lancé le 20 octobre 1751 à Rochefort. Il est mis à l'eau pendant la vague de construction qui sépare la fin de guerre de Succession d'Autriche (1748) du début de la guerre de Sept Ans (1755)[3]. Il traverse la guerre de Sept Ans sous Louis XV, la guerre d'Indépendance américaine sous Louis XVI et sert encore pendant la Révolution lors de la première Coalition. Il est mis à la casse en 1800, après plus de quarante ans de service.

Duc de Bourgogne
illustration de Duc de Bourgogne (1751)
Le lancement du Duc de Bourgogne en octobre 1751 Ă  Rochefort.

Autres noms Peuple, Caton[1]
Type Vaisseau de ligne
Histoire
A servi dans Pavillon de la marine royale française Marine royale française
Quille posée [1]
Lancement [1]
Armé [1]
Équipage
Équipage 800 hommes[2]
Caractéristiques techniques
Longueur 53,0 m
MaĂ®tre-bau 13,4 m
Tirant d'eau 6,4 m
DĂ©placement 1 800 t
Propulsion Voile
Caractéristiques militaires
Armement 80 canons[1]
Pavillon France

Caractéristiques générales

Profil d'un vaisseau de 80 canons du même type que le Duc de Bourgogne au XVIIIe siècle.

Le Duc de Bourgogne fait partie de la nouvelle série des deux-ponts plus puissants construits à cette époque par la marine française pour obtenir un bon rapport coût/manœuvrabilité/armement afin de pouvoir tenir tête à la marine anglaise qui dispose de beaucoup plus de navires[4]. Il est mis sur cale peu après la fin de la guerre de Succession d’Autriche qui a vu la perte de beaucoup de vaisseaux et qui nécessite le renouvellement de nombre d’autres qui sont très usés[5]. Portant 80 canons répartis pour l'essentiel sur deux ponts, c’est le cinquième bâtiment de ce type après le Tonnant (1743), le Soleil Royal (1749), le Foudroyant (1750) et le Formidable, lancé presque en même temps que lui.

Dessiné par Clairain des Lauriers, le Duc de Bourgogne est long de 173 pieds français, large de 44, profond de 22,6 pour 1 800 tonneaux[6]. Sans être standardisé, il partage les caractéristiques communes de tous les « 80 canons » construits à de nombreux exemplaires jusqu’au début du XIXe siècle et qui évoluent au rythme lent des techniques de construction de l’époque, combinée à la volonté des responsables navals d’exploiter au mieux cette catégorie de vaisseau de guerre qui est elle-même une prolongement de l’excellente série des 74 canons[7].

Comme pour tous les vaisseaux de son temps, la coque du Duc de Bougogne est en chêne, bois lourd et très résistant[8]. Près de 3 000 chênes vieux de 80 à 100 ans ont été nécessaires à sa construction[8]. Le gréement, (mâts et vergues) est en pin, bois plus léger et souple. De 30 à 35 pins ont été assemblés pour former la mâture[8]. Les affûts des canons et des pompes sont en orme, les sculptures de la proue et de la poupe sont en tilleul et en peuplier, les poulies sont en gaïac. Les menuiseries intérieures sont en noyer. Les cordages (plus de 80 tonnes) et les voiles (à peu près 3 000 m2) sont en chanvre[8]. Un deuxième jeu est stocké en soute pour faire face aux avaries, toujours fréquentes[9].

Prévu pour pouvoir opérer pendant des semaines très loin de ses bases européennes s’il le faut, ses capacités de transport sont considérables[7]. Il emporte pour trois mois de consommation d’eau, complétée par six mois de vin et d’eau douce [10]. S’y ajoute pour cinq à six mois de vivres, soit plusieurs dizaines de tonnes de biscuits, farine, légumes secs et frais, viande et poisson salé, fromage, huile, vinaigre, sel, sans compter du bétail sur pied qui sera abattu au fur et à mesure de la campagne[11].

Les canons sont en fer. Cet armement se répartit de la façon suivante[6] :

Ces trois calibres sont les mêmes que ceux que l’on trouve sur les 74 canons, ce qui montre bien la filiation entre les deux types de navire[12]. Le poids de la bordée est de 972 livres (à peu près de 475 kg) et le double si le navire fait feu simultanément sur les deux bords[13]. En moyenne, chaque canon dispose de 50 à 60 boulets[14]. Il y a aussi plusieurs tonnes de mitraille et de boulets ramés. Le vaisseau embarque plus de 20 tonnes de poudre noire, stockée sous forme de gargousses ou en vrac dans les cales[15]. Sachant que la Marine de Louis XV ne construit plus de trois-ponts de 100-110 canons depuis le début des années 1740, le Duc de Bourgogne fait partie des plus puissantes unités de la flotte dans les années 1750[16].

Quarante-neuf ans de service

Guerre de Sept Ans

La défense de Louisbourg en 1757 à laquelle participe le Duc de Bourgogne en 1757.

Le Duc de Bourgogne connait sa première campagne militaire en 1757 lorsqu’il est engagé dans les opérations contre l’Angleterre alors que la guerre dure depuis déjà deux ans. Il est alors sous les ordres du chef d’escadre d’Aubigny[17]. Il est requis pour faire partie de l'escadre de neuf vaisseaux et deux frégates de Dubois de la Motte qui passe en Amérique pour y défendre Louisbourg[17]. Cette mission est un succès : parti de Brest le 3 mai, il arrive à bon port le 19 juin, participant ainsi à l'importante concentration navale qui sauve Louisbourg de l'invasion cette année-là. En octobre, le Duc de Bourgogne quitte la place pour rentrer en France. Comme les autres vaisseaux, il est touché par la grave épidémie de typhus qui ravage les équipages. À son arrivée à Brest, il doit entrer directement dans le port sans mouiller sur rade, faute de monde pour manœuvrer[17].

Malgré sa puissance de feu, le Duc de Bourgogne n’est pas engagé en 1759 dans la tentative de débarquement en Angleterre qui s’achève à la défaite des Cardinaux. Il est radoubé en 1761. En décembre de cette même année, il porte le pavillon du chef d’escadre Blénac-Courbon et sert de vaisseau-amiral à la petite force de huit vaisseaux qui part pour la Martinique avec un convoi de renfort de 5 500 hommes. Il arrive après la capitulation de l’île (12 février 1762), mais débarque les renforts à Saint-Domingue pour mettre cette importante colonie française à l’abri d’une éventuelle tentative de débarquement anglais[18].

Guerre d’Indépendance américaine

L’escadre française au mouillage à Newport en 1780 avec à sa tête le Duc de Bourgogne.

En 1778, la France entre dans la guerre d’Indépendance américaine. Le Duc de Bourgogne, sous les ordres du chef d’escadre Rochechouart et du capitaine de pavillon Charritte intègre l’armée navale du lieutenant général d’Orvilliers (trente-deux vaisseaux, huit frégates, six petites unités) qui sort de Brest le 7 juillet 1778 pour affronter les forces de Keppel qui croisent à l’entrée de la Manche[19]. Mais, dans la nuit du 23 au 24 juin, le navire s’égare en compagnie de l’Alexandre et rentre sur Brest sans pouvoir participer à la bataille d’Ouessant (27 juillet)[19]. Cette absence est vivement ressentie car le Duc de Bourgogne, outre sa puissance de feu, commande la deuxième division de l’escadre blanche et bleue. Le ministre, très mécontent, veut faire traduire Rochechouart et Charitte en conseil de guerre ainsi que le commandant de l’Alexandre. Mais d’Orvilliers plaide en leur faveur au nom de la difficulté à manœuvrer la nuit et de leur manque d’expérience aussi l’affaire en reste là[19].

En 1779, le Duc de Bourgogne est radoubé et sa coque est cuivrée. De ce fait, il ne participe pas à la tentative de débarquement franco-espagnole qui mobilise plus de soixante vaisseaux dans l'Atlantique et dans la Manche cette année là. Sous les ordres de Charles de Ternay il prend la tête de l'escorte qui protège le corps expéditionnaire de Rochambeau envoyé au secours des Insurgés américains le 2 mai 1780[20]. C’est le navire principal de Jean-Baptiste Donatien de Vimeur de Rochambeau. Le 20 juin, à hauteur des Bermudes, il rencontre l’escadre de Cornwallis à laquelle il livre un bref combat pour protéger son convoi[20]. Le 11 juillet, il débarque dans le Rhode Island l’armée de Rochambeau. Le navire passe l’hiver 1780-1781 à Newport. Ternay, miné par les fièvres, décède à son bord[20].

En mars 1781, le navire participe à la bataille indécise du cap Henry dans la petite escadre de Barras de Saint-Laurent qui a pris le commandement à la suite de Ternay. En septembre 1781, il rejoint, toujours avec l’escadre de Barras de Saint-Laurent, l’impressionnante concentration navale française dans la baie de la Chesapeake qui assiège les Anglais à Yorktown. Après la victoire française, il est intégré à la grande escadre du comte de Grasse. Il prend part en janvier 1782 à la bataille de Saint-Christophe pour s'emparer de l'île du même nom. Le 12 avril de cette même année, sous les ordres de Coriolis d'Espinouse le Duc de Bourgogne participe à la bataille des Saintes, où il entre en collision avec le Bourgogne[21] alors que l’escadre français est défaite.

En 1792, pendant la Révolution française, il est renommé le Peuple, puis le Caton en 1794. Il est détruit en 1800[1]

Notes et références

  1. « Le Duc de Bourgogne », sur threedecks.org (consulté le ). Ronald Deschênes, « Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780 du deuxième rang », sur le site de l'association de généalogie d’Haïti (consulté le ).
  2. Le ratio habituel, sur tous les types de vaisseau de guerre au XVIIIe siècle est d'en moyenne 10 hommes par canon, quelle que soit la fonction de chacun à bord. C'est ainsi qu'un 100 canons emporte 1 000 hommes d'équipage, un 80 canons 800 hommes, un 74 canons 740, un 64 canons 640, etc. L'état-major est en sus. Acerra et Zysberg 1997, p. 220.
  3. Villiers 2015, p. 126.
  4. Meyer et Acerra 1994, p. 90-91.
  5. Meyer et Acerra 1994, p. 100-103.
  6. La taille et la puissance de feu de ces bâtiments dits de « premier rang » au milieu du XVIIIe siècle est donnée par Ronald Deschênes sur le site Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780. Nicolas Mioque donne les mêmes informations sur le site Trois-ponts, article Les vaisseaux de 80 canons français de 1740 à 1785, octobre 2011. Il fournit aussi un tableau comparatif de la taille et l’armement de tous ces navires, accompagné d’un important complément bibliographique.
  7. Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487 et Jean Meyer dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1031-1034.
  8. Acerra et Zysberg 1997, p. 107 Ă  119.
  9. Déchirure par un coup de vent ou au combat. Il y a aussi le risque de pourrissement à cause de l'humidité lors des campagnes lointaines.
  10. Un litre de vin par jour et par homme. Le vin complète largement l’eau qui est croupie dans les barriques au bout de quelques semaines. Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487
  11. Des moutons (six par mois pour 100 hommes), volailles (une poule par mois pour sept hommes, avec aussi des dindes, des pigeons, des canards). Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487
  12. Hormis le Soleil Royal, vaisseau-amiral de prestige, il faudra attendre le Saint-Esprit, en 1765, pour voir le calibre de la deuxième batterie des 80 canons passer de 18 à 24 livres, et 1778, avec l’Auguste, pour voir les calibres des gaillards passer de 8 à 12 livres. Nicolas Mioque, sur le site Trois-ponts, article Les vaisseaux de 80 canons français de 1740 à 1785, octobre 2011.
  13. Selon les normes du temps, le vaisseau, en combattant en ligne de file, ne tire que sur un seul bord. Il ne tire sur les deux bords que s'il est encerclé ou s'il cherche à traverser le dispositif ennemi, ce qui est rare. Base de calcul : 1 livre = 0,489 kg.
  14. Acerra et Zysberg 1997, p. 48
  15. La rĂ©serve de poudre noire d’un vaisseau de 80 canons n’est pas connue avec prĂ©cision. Mais on peut s’en faire une idĂ©e en sachant qu’un trois-ponts « classique » de 100-104 canons en emporte Ă  peu près 35 tonnes et un 74 canons un peu plus de 20 tonnes. La rĂ©serve de poudre du Duc de Bourgogne peut donc ĂŞtre estimĂ©e Ă  22 ou 24 tonnes. Acerra et Zysberg 1997, p. 216.
  16. Le Foudroyant est le seul trois-ponts français de la première moitié du XVIIIe siècle. Lancé en 1724, il pourrit à quai avant d'être rayé des cadres en 1742 sans jamais avoir participé à aucune campagne. Le Royal Louis (124 canons) brûle en 1742 sur sa cale de construction et on décide d'en rester là pour de nombreuses années. Meyer et Acerra 1994, p. 90-91. Le troisième Royal Louis de 116 canons, mis sur cale en 1758 et lancé en 1759, n'est opérationnel qu'en 1762. Grégoire Gasser, dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1270-1271.
  17. Troude 1867-1868, p. 341-344.
  18. Zysberg 2002, p. 272.
  19. Lacour-Gayet 1910, p. 127-129.
  20. Taillemite 2002, p. 498.
  21. Histoire du vaisseau du Roi La Bourgogne

Voir aussi

Sources et bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) W.J. Eccles, France in America, New York, Harper & Row, Publishers, (prĂ©sentation en ligne)
  • Michel VergĂ©-Franceschi, La Marine française au XVIIIe siècle : guerres, administration, exploration, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire », , 451 p. (ISBN 2-7181-9503-7)
  • Michel VergĂ©-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, Ă©ditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0)
  • Étienne Taillemite (nouvelle Ă©dition revue et augmentĂ©e), Dictionnaire des marins français, Paris, Ă©ditions Tallandier, , 573 p. (ISBN 2-84734-008-4). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Olivier Chaline (dir.), Philippe Bonichon (dir.) et Charles-Philippe de Vergennes (dir.), Les marines de la Guerre d’IndĂ©pendance amĂ©ricaine (1763 – 1783) : L’opĂ©rationnel naval, t. 2, Paris, PUPS, , 457 p. (ISBN 979-10-231-0585-8)
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines Ă  nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [dĂ©tail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Alain Boulaire, La Marine française : De la Royale de Richelieu aux missions d'aujourd'hui, Quimper, Ă©ditions Palantines, , 383 p. (ISBN 978-2-35678-056-0)
  • RĂ©mi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Paris, Ă©ditions Perrin, , 526 p. (ISBN 978-2-262-03715-4)
  • Martine Acerra et AndrĂ© Zysberg, L'essor des marines de guerre europĂ©ennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [dĂ©tail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, BNF 36697883) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • AndrĂ© Zysberg, La monarchie des Lumières : 1715-1786, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points Histoire », , 552 p. (ISBN 2-02-019886-X). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Patrick Villiers, La France sur mer : De Louis XIII Ă  NapolĂ©on Ier, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », , 286 p. (ISBN 978-2-8185-0437-6). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'articlePatrick Villiers, La Marine de Louis XVI, Nice, ANCRE, , 480 p. (ISBN 979-10-96873-57-9). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Jean-Michel Roche (dir.), Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert Ă  nos jours, t. 1, de 1671 Ă  1870, Ă©ditions LTP, , 530 p. (ISBN 978-2-9525917-0-6, OCLC 165892922, lire en ligne)
  • OnĂ©sime Troude, Batailles navales de la France, t. 1, Paris, Challamel aĂ®nĂ©, 1867-1868, 453 p. (lire en ligne) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • OnĂ©sime Troude, Batailles navales de la France, t. 2, Paris, Challamel aĂ®nĂ©, , 469 p. (lire en ligne)
  • Georges Lacour-Gayet, La Marine militaire de la France sous le règne de Louis XV, HonorĂ© Champion Ă©diteur, (1re Ă©d. 1902) (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Georges Lacour-Gayet, La marine militaire de France sous le règne de Louis XVI, Paris, Ă©ditions HonorĂ© Champion, (lire en ligne)

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