Donald Ewen Cameron

Il reçoit son diplôme à l'Université de Glasgow en 1924.

En 1926, il émigre aux États-Unis dans le Maryland où il travaille à l'Hôpital Johns-Hopkins. C'est là que John B. Watson avait initié, quelques années auparavant, la théorie du béhaviorisme, avant d'être remplacé par son assistant Curt Richter qui démontra la programmation génétique du comportement. Cameron est placé sous la direction d'Adolf Meyer, psychiatre originaire de Zurich qui « a joué un rôle essentiel dans la légitimation d'une approche biologique extrême[3]. » Cette rencontre permet à Ewen Cameron de passer deux ans en Suisse au Burghölzli, fameuse clinique de Zurich qu'Eugen Bleuler (créateur de l'entité nosologique « schizophrénie ») avait dirigé jusqu'en 1927 et où Jakob Klaesi avait inauguré une thérapie du sommeil (Dauerschlaf ou Dauernarkose en allemand) provoqué par l'administration de barbituriques.

En 1929, il s'installe au Canada dans la province de Manitoba pour diriger le Brandon Mental Hospital.

En 1936, il est directeur de recherche au Worcester State Hospital (en) dans le Massachusetts, puis en 1938 il est professeur de neurologie et de psychiatrie à l’Albany Medical College à Albany[4].

En 1943, il prend la direction du Allan Memorial Institute (AMI) nouvellement créé grâce au financement de la Fondation Rockefeller, au Royal Victoria Hospital à Montréal. Il dirige aussi le département de Psychiatrie de l'Université McGill.

En novembre 1945, en vue du Procès de Nuremberg en Allemagne[5], il participe, avec le psychiatre Nolan D.C. Lewis et le psychiatre français Jean Delay, à la commission internationale qui examine Rudolf Hess[6] : le rapport conclut que Rudolf Hess « souffre d'hystérie caractérisée en partie par une perte de mémoire[7]. » Il faut noter que peu de temps après, durant les procès des médecins, sera élaboré le Code de Nuremberg qui définit un certain nombre de critères encadrant l'expérimentation médicale sur les humains : le premier de ces critères étant le nécessaire consentement du sujet.

En 1948, les chimistes suisses Arthur Stoll et Albert Hofmann déposent le brevet américain pour le LSD, une molécule psychotrope qu'ils avaient découverte quelques années auparavant. En juin 1951, une réunion composée entre autres de Nolan D.C. Lewis et Ewen Cameron décide d'expérimenter le LSD sur des patients et des sujets bien portants[8].

Au début des années 1950, Cameron est contacté par Sidney Gottlieb et Robert Lashbrook, membres du Service Technique de la CIA (Technical Services Staff) qui financera secrètement[9] les travaux du D^r Cameron (via la Society for the Investigation of Human Ecology de Harold Wolff) dans le cadre du projet Artichoke, puis du projet MK-Ultra[10].

A cette époque, il prend en charge des patients venant consulter à l'Allan Memorial Institute de l'Université McGill. Il fait alors subir privation sensorielle extrême, isolement total pouvant durer jusqu'à un mois, enregistrement diffusant en boucle jusqu'à 500000 fois des phrases du type "ma mère me hait" ("my mother hates me")[2]. En 1957, une série d'articles dans la presse américaine évoque la méthode de Conduite psychique (Psychic Driving) du professeur Cameron visant à déprogrammer ou purger le cerveau de ses défauts pour y reprogrammer de nouvelles pensées. La méthode employée consiste en un sommeil prolongé entrecoupé de séances d'électrochocs (thérapie électroconvulsive et Deep Sleep) : « Le patient est endormi avec des barbituriques et des tranquillisants durant 30 ou 60 jours. Il est seulement réveillé pour trois repas par jour et un traitement d’électrochocs » affirme le D^r Ewen Cameron[11]. Une note clinique du 23 mars 1962 confirme l'administration de 129 électrochocs[2].

Succédant à Jean Delay, il devient, en 1961, le président de la World Psychiatric Association (en) dont le secrétaire est William Sargant, lequel mène exactement les mêmes expériences de lavage de cerveau à Londres[12].

En 1962, il publie un article dans la revue Comprehensive Psychiatry, expliquant sa technique de déprogrammation de la schizophrénie[13].

En 1964, il quitte l'Institut et revient enseigner au Albany Medical College. Son assistant, le D^r Peter Roper, continue les expériences.

Il meurt le 8 septembre 1967.

Les travaux du D^r Cameron et de son équipe ont pour origine la méthode de traitement de la schizophrénie élaborée par Jakob Klaesi en 1921. Il s'agissait de plonger les sujets dans une narcose prolongée, communément appelé deep sleep (en). Pour ce faire, Cameron utilise un cocktail de barbituriques (Véronal, Séconal, Nembutal) et un puissant neuroleptique (Largactil = chlorpromazine). « Nous avions déjà découvert que le sommeil prolongé induisait la confusion ; nous décidâmes donc d'administrer une thérapie d'électrochocs intensive à nos patients en sommeil continu[13] » explique Cameron, convaincu que la sismothérapie pouvait être bénéfique aux patients.

L'objectif était de conduire, ou plus exactement de diriger la psyché (psychic driving (en)), en déprogrammant (depatterning) le sujet afin de pouvoir réimplanter (dynamic implant) au moyen d'un magnétophone (plus exactement un « Dormiphone ») répétant inlassablement les mêmes phrases[14]. Cette technique d'apprentissage avait curieusement été suggérée en 1929 dans une nouvelle d'anticipation - Cerebrograph, Ltd - écrite par Max Sherover, celui-là même qui, ayant développé son idée à l'apprentissage des langues, commercialisait à partir de 1948 le Dormiphone.

En 1977, John D. Marks (en), invoquant le Freedom of Information Act, obtient la déclassification d'un grand nombre de documents secrets concernant le projet MK-Ultra[15]. À la sortie du livre de John D. Marks, Velma Orlikow, femme du politicien canadien David Orlikow (en), après avoir lu un article du New York Times[16], se souvient d'avoir été la patiente du D^r Cameron au Allan Memorial Institute et engage des poursuites contre la CIA[17]. D'autres personnes, notamment Jean-Charles Page, Robert Logie, Rita Zimmerman, Louis Weinstein, Janine Huard, Lyvia Stadler, Mary Morrow, et Mrs. Florence Langleben, rejoindront son action. En 1988, d'autres victimes, comme Linda Macdonald, s'ajouteront à la liste et parviendront à obtenir une compensation en 1992[12].

• (en) D. Ewen Cameron, Objective and experimental psychiatry, Macmillan, 1935, 271 p.
• (en) D. Ewen Cameron, General psychotherapy; dynamics and procedures, Grune & Stratton, 1950, 300 p.
• (en) D. Ewen Cameron, « Psychic Driving », The American Journal of Psychiatry, vol. 112, n^o 7,‎ 1^er janvier 1956, p. 502–509 (lire en ligne)
• (en) D. Ewen Cameron, « The Big Sleep », the Time magazine, vol. LXX, n^o 12,‎ 16 septembre 1957 (lire en ligne)
• (en) D. Ewen Cameron et Leonard Levy, « Sensory Deprivation: Effects upon the Functioning Human in Space Systems », Psychological Aspects of Space Flight, Columbia University Press,‎ 1961, p. 225-237 (lire en ligne)
• (en) D. Ewen Cameron et J.G. Lohrenz, « The Depatterning Treatment of Schizophrenia », Comprehensive Psychiatry, vol. 3, n^o 2,‎ avril 1962, p. 65–76 (lire en ligne)