Danah Boyd
Danah Boyd, nom stylisé en danah boyd (sans majuscules[Note 1]), née sous le nom de Danah Michele Mattas le à Altoona (Pennsylvanie), est une chercheuse américaine en communication[1].
Naissance | |
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Formation |
Université Brown University of California, Berkeley School of Information (en) Massachusetts Institute of Technology Manheim Township High School (en) |
Activités |
Blogueuse, professeure dâuniversitĂ© |
A travaillé pour | |
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Directeur de thĂšse |
Peter Lyman (en) |
Site web |
Elle est chercheuse en chef chez Microsoft Research et mĂšne des recherches incluant des projets sur la culture des jeunes, la vie privĂ©e, les pratiques socio-techniques, la sĂ©curitĂ© en ligne, la traite des humains et la visibilitĂ©[2]. Elle occupe Ă©galement les postes de professeure assistante de recherche en « MĂ©dia, culture et communication » Ă l'UniversitĂ© de New York, de chercheuse invitĂ©e Ă la FacultĂ© de droit de Harvard et de professeure adjointe Ă l'UniversitĂ© de Nouvelle-Galles du Sud. Elle reçoit un doctorat en 2008 Ă l'Ăcole d'information de l'UniversitĂ© de Californie Ă Berkeley (sous la direction de Peter Lyman (en) et Mimi Ito (en))[3].
La recherche de Danah Boyd porte sur les concepts de vie privĂ©e, contexte, culture des jeunes, mĂ©dias sociaux et BigData. Elle tient deux blogs, danah.org et zephoria.org, oĂč elle se prĂ©sente en quelques lignes et entraĂźne ses lecteurs dans des rĂ©flexions personnelles avec sĂ©rieux mais toujours avec une pointe d'humour. On y trouve Ă©galement l'ensemble de ses publications, contributions, publications sur des blogs qui traitent de questions particuliĂšres en profondeur.
Le nom zephoria fait Ă©galement Ă©cho Ă son compte Twitter.
Biographie
Jeunesse
Danah Michele Mattas nait le à Altoona en Pennsylvanie. Son frÚre, Ryan, naßt deux ans plus tard. Ses parents divorcent cinq ans plus tard et elle déménage avec sa mÚre et son frÚre à York, en Pennsylvanie. La famille déménage à Lancaster quelques années plus tard, au moment du remariage de sa mÚre. Au lycée, elle fréquente les forums de discussion électronique. Elle évoque particuliÚrement un échange avec un jeune soldat de retour de la guerre du Golfe, alors qu'elle envisageait d'entrer dans l'armée. Elle s'affirme queer[4]. Six années plus tard, sa mÚre et son beau-pÚre divorcent mais la mÚre de Danah reste à Lancaster. Elle décide de changer son nom de famille en boyd et de supprimer la majuscule de son prénom.
Son frĂšre lâinitie Ă lâinformatique, il possĂšde un compte EPIX sur Internet et cela excite sa curiositĂ©. Elle se met Ă utiliser lâIRC (lâInternet Relay Chat) et Ă frĂ©quenter lâUsenet. Elle dĂ©couvre les rapports intenses qui existent entre utilisateurs Ă©loignĂ©s. Elle discute de tous les sujets avec des utilisateurs anonymes : sexualitĂ©, identitĂ© et toutes autres angoisses adolescentes. Ă ce propos, danah dĂ©livre une anecdote Ă France Culture concernant son intĂ©rĂȘt Ă l'Ă©poque pour le sexe et la sexualitĂ© sur Internet. Elle raconte avoir participĂ© Ă une sĂ©ance de sexe en ligne avec des amis, inventant un faux profil : « On a choisi une image dâune femme totalement irrĂ©elle, personne ne pouvait y croire, elle avait une Ă©norme poitrine, elle Ă©tait hypersexuelle, une sorte de fantasme »[5]. Elle considĂšre cette expĂ©rience plus formatrice que dangereuse.
Elle crĂ©e sa premiĂšre page Internet en 1995 ; un site oĂč sont reproduites les paroles des chansons de Ani DiFranco. Fan de musique au collĂšge, elle suit des cours de rock classique. Au lycĂ©e, elle Ă©coute du ska, de lâalternatif et du punk rock. Son intĂ©rĂȘt pour le rock classique lui fait apprĂ©cier les groupes des annĂ©es 1960 et 1970. Par la suite, en suivant Sarah McLachlan, elle dĂ©veloppe une obsession pour les artistes fĂ©minines (chanteuses et autrices-compositrices) ce qui la mĂšne aux concerts de Tori Amos et de Ani DiFranco. Son obsession pour cette derniĂšre est immĂ©diate et persistante.
Ses annĂ©es Ă lâĂ©cole secondaire ne sont pas toujours faciles. Elle attribue dâailleurs sa « survie » dans ce milieu Ă trois choses : sa mĂšre, Internet et un camarade de classe misogyne. Sa mĂšre lui apportait une sĂ©curitĂ© affective, Internet lui ouvrait le monde, et son copain misogyne avec qui elle se dispute Ă©normĂ©ment et pour qui les femmes ne peuvent pas pratiquer les sciences, lui donne des objectifs pour lesquels elle a envie de se battre[6].
Ătudes[6]
Danah boyd commence son cursus universitaire Ă lâUniversitĂ© de Brown. Elle entame des Ă©tudes de mathĂ©matiques et sâinscrit au cours dâintroduction Ă lâinformatique de Andries van Dam, avant de se rendre compte que les mathĂ©matiques ne lui conviennent pas. Elle se dirige alors vers lâinformatique. Elle obtient son diplĂŽme avec les honneurs et rend un travail de fin d'Ă©tudes sur Depth Cues in Virtual Reality and the Real World: Understanding Individual Differencesin Depth Perception by Studying Shape-from-shading and Motion Parallax[7].
Lors de l'Ă©tĂ© 2000, elle continue sa formation universitaire Ă lâInstitut Technologique du Massachusetts (MIT). Elle travaille essentiellement sur le sujet des outils de visualisation et aborde Ă©galement une Ă©tude portant sur la prĂ©sence des jeunes en ligne. Ses travaux sont supervisĂ©s par Genevieve Bell. Cette derniĂšre va lâinitier Ă lâethnographie ainsi quâĂ lâanthropologie. Ă la fin de son cursus Ă lâinstitut, elle Ă©labore une thĂšse qui rĂ©unit tous les sujets pour lesquels elle a montrĂ© de lâintĂ©rĂȘt lors de son cursus universitaire. Elle rĂ©alise alors une thĂšse sur le sujet : Faceted Id/entity: Managing Representation in a Digital World[7].
A l'automne 2003, elle commence des Ă©tudes Ă lâUniversitĂ© de Californie, Ă Berkeley. Durant son cursus Ă Berkeley, elle effectue une variĂ©tĂ© de stages chez Google ainsi que chez Yahoo. Les sujets quâelle aborde lors de ces stages sont exclusivement centrĂ©s sur le monde des blogs, lâĂ©tude des mĂ©dias sociaux et les usages des jeunes dans le numĂ©rique. Elle termine son cursus avec un mĂ©moire, qui est le suivant : Taken Out of Context: American Teen Sociality in Networked Publics [7].
CarriĂšre
De 2004 Ă 2005, Danah Boyd travaille comme chercheuse pour Google. Un an plus tard, elle exerce la mĂȘme activitĂ© pour Yahoo et ce, jusqu'en 2006[2]. Depuis 2007, elle travaille Ă l'UniversitĂ© Harvard, pour Microsoft Research (depuis 2009), Ă l'UniversitĂ© de New York (depuis 2011) et est fondatrice de Data & Society Research Institute (depuis 2013)[7]. Elle est Ă©galement directrice de Crisis Text Line (depuis 2012)[2].
Sa passion pour la science-fiction et l'informatique la mÚne à des études d'informatique à l'Université Brown, dans le Rhode Island, puis à l'Institut de technologie du Massachusetts[8], à Cambridge. C'est là , au début des années 2000, qu'elle commence à se pencher sur les réseaux sociaux. Friendster, MySpace, Facebook : suivant les modes, les usagers se déplacent de l'un à l'autre. La chercheuse les étudie en se concentrant sur les utilisateurs les plus jeunes[1].
Sa carriĂšre dĂ©bute Ă Harvard en 2007 en tant que membre affiliĂ© au Berkman Center for Internet & Society, dont elle fait toujours partie et oĂč elle a suivi une recherche dans le dĂ©partement du droit. Cette annĂ©e lĂ , elle publie une Ă©tude sur les adolescents utilisant Facebook et MySpace qui va Ă l'encontre des clichĂ©s traditionnels. Elle dĂ©montre que le rĂ©seau de Mark Zuckerberg, Ă©purĂ© et blanc, est Ă l'Ă©poque peuplĂ© plutĂŽt par des adolescents blancs et aisĂ©s. MySpace, personnalisable et clinquant, est au contraire frĂ©quentĂ© par les enfants des classes populaires et noirs. Son Ă©tude est reprise par les mĂ©dias, et d'autres de ses Ă©crits sont traduits et relayĂ©s sur des blogs francophones, des mĂ©dias en ligne ou des revues de recherche[1].
En 2009, Danah Boyd s'engage auprÚs de Microsoft Research New England[9] en tant que chercheuse à Cambridge (Massachusetts) et en 2013, elle obtient le grade de chercheuse principale. Elle décroche en 2011 un poste en tant que chercheuse assistante à l'Université de New York (NYU) dans le département Média, culture et communication[10]. Danah Boyd fonde le Data & Society Research Insitute[11] en 2013 avec l'aide de Anil Dash (en) (cofondateur de ThinkUp and Activate) et John Palfrey (en) (Head of School (en) à la Phillips Academy)[12].
Dans une interview donnĂ©e Ă France Culture, elle dĂ©clare ĂȘtre entrĂ©e dans le monde acadĂ©mique en tant quâactiviste. En sâengageant dans la recherche (notamment auprĂšs de Microsoft Research), sa volontĂ© est de veiller Ă ce que le public soit le plus informĂ© possible en lui proposant des clĂ©s de comprĂ©hension. « En tant quâactiviste, je suis persuadĂ©e que le monde irait mieux si les gens Ă©taient informĂ©s et avaient une approche plus nuancĂ©e des choses »[13]. Câest ainsi quâelle perçoit son engagement auprĂšs de Microsoft Research.
Selon ses dires[5], les entreprises investissent dans la recherche industrielle, lĂ oĂč les universitĂ©s nâont pas toujours les fonds pour sâassurer que de telles recherches soient faites. Elle dĂ©clare alors que ces derniĂšres nâont pas pour but premier dâaboutir Ă la crĂ©ation dâun produit mais contribuent, avant tout, au bien public et Ă ce rĂŽle dâinformation envers la sociĂ©tĂ©.
D'ailleurs, son intĂ©rĂȘt se porte davantage sur les diffĂ©rentes applications et leurs utilisations que sur les dispositifs techniques eux-mĂȘmes. Ainsi, dans une autre interview elle dit passer aisĂ©ment d'un support technique Ă l'autre en fonction du contexte et de l'environnement. Elle utilise donc une multitude de supports (iPhone, ordinateurs portables, Kindle, etc) que ce soit pour son travail ou dans sa vie privĂ©e. Outre l'Ă©tude des mĂ©dias sociaux et leurs utilisations, elle aime aussi se servir de ceux-ci comme un moyen d'expression. Elle est notamment trĂšs active sur Twitter[14].
Changement de nom
Danah Boyd est nĂ©e Danah Michele Mattas. Sa mĂšre ajoute le « h » parce quâelle apprĂ©cie lâĂ©quilibre que cette lettre donne au nom. La mĂšre de danah sâest remariĂ©e quand elle Ă©tait jeune et danah dĂ©cide alors dâajouter « Beard » Ă la fin de son nom. Le nom quâelle porte Ă©tant enfant est : Danah Michele Mattas Beard et ce jusquâau collĂšge. Au lycĂ©e, aprĂšs le divorce de sa mĂšre, elle entame une procĂ©dure de changement de nom, qui dure plusieurs annĂ©es. Câest enfin durant lâĂ©tĂ© 2000 que Danah Michele Mattas obtient lâattestation lĂ©gale de son changement de nom. Elle s'appelle dĂ©sormais danah michele boyd. boyd vient de ses grands-parents maternels et plus particuliĂšrement de son grand-pĂšre. Ce nom reprĂ©sente sa famille, sa culture et son hĂ©ritage. Elle dit l'avoir choisi par respect. Câest une rĂ©elle volontĂ© de lâautrice de laisser son nom sans lettres capitales. Il y a plusieurs raisons Ă cela, certaines sont politiques, dâautres plus personnelles. Tout dâabord, « danah » lui semble visuellement plus Ă©quilibrĂ© que « Danah ». Ensuite, le fait de mettre une majuscule Ă la premiĂšre lettre du nom et du prĂ©nom ainsi que celle du premier pronom personnel singulier en anglais (« I ») lui parait Ă©galement trĂšs Ă©gocentrique. Elle dira alors Ă ce sujet : « Jâai pensĂ© que lâeffort pour minimaliser lâindividualisation pouvait commencer chez soi ». Ăcrire son nom dâune maniĂšre diffĂ©rente des normes est pour elle un moyen de le possĂ©der pleinement. ConsidĂ©rant le nom comme une description de soi, elle dĂ©cide de le choisir elle-mĂȘme afin quâil lui corresponde et quâelle puisse s'identifier[15] Ă lui.
Vie privée
DĂšs lâadolescence, Danah Boyd est plongĂ©e dans Internet et sâinterroge sur les questions de sexe et de genre. Sa rencontre avec une personne trans lui permet de douter de la dichotomie des genres[16], laissant de cĂŽtĂ© des rĂ©alitĂ©s complexes comme celle des personnes intersexes ou trans. Elle sâidentifie alors comme queer, refusant de se voir dĂ©finie par son sexe, son orientation ou ses pratiques sexuelles[17] et dĂ©crit sa sexualitĂ© comme « enracinĂ©e dans une combinaison dâamour et de dĂ©sir qui nâa pas de frontiĂšres de genre »[18].
En 2013, elle donne naissance Ă un garçon Ziv Lotan Boyd[19]. Son compagnon dâorigine israĂ©lienne, Gilad Lotan, est spĂ©cialiste de l'informatique des donnĂ©es chez Betaworks (en) Ă New York. Elle annonce la naissance de son premier enfant sur son blog personnel, et sur Twitter la naissance de son deuxiĂšme enfant. Avant chaque naissance, Danah Boyd partage sur son blog ses incertitudes par rapport Ă son futur rĂŽle de mĂšre. Dans son post, elle Ă©voque sa chance dâexercer un travail qui lui offre des congĂ©s de maternitĂ© aussi souples.
Sur la question de la maternitĂ©, Danah Boyd Ă©vite un maximum de donner sens aux conseils des parents qui lui disent quoi faire, comment le faire, comment elle devrait se sentir Ă lâarrivĂ©e de ses enfants et Ă quel point ses prioritĂ©s de carriĂšre vont changer au profit de sa famille. Dans ces recommandations, Boyd dĂ©nonce le manque dâincompatibilitĂ© entre devenir mĂšre et ĂȘtre une femme active, impliquĂ©e dans une carriĂšre professionnelle. Ă sa chance de pouvoir gĂ©rer au mieux les deux rĂŽles, elle oppose la difficultĂ© quâont les femmes dans notre sociĂ©tĂ© Ă jongler entre famille et travail, pour des raisons dues Ă la culture du travail. Elle mentionne son utopie de pouvoir vivre dans un monde qui permettrait aux gens de faire leurs choix sans pression, et dâatteindre un Ă©quilibre entre travail et famille.
Ă la suite de son accouchement, la chercheuse mentionne Ă©galement sur son blogue le fait qu'elle prĂ©voit d'ĂȘtre injoignable Ă©lectroniquement durant un certain temps. Elle pense de ce fait, donner une autre possibilitĂ© Ă ses collaborateurs et partenaires pour la contacter Ă©tant donnĂ© son absence Ă la commission durant cette pĂ©riode. Par ailleurs, elle promet de s'assurer de la bonne marche de la sociĂ©tĂ© en son absence, mais refuse de communiquer sur le dĂ©roulement et l'organisation de ses congĂ©s parentaux. Elle pense que le fait dâavoir et d'aimer un enfant lui permettront dâaimer d'autant plus ce quâelle fait professionnellement, et ce malgrĂ© les personnes qui lui disent que le travail ne compte pas. La chercheuse rĂ©itĂšre dâailleurs sa volontĂ© de continuer Ă ĂȘtre passionnĂ©e dans son travail avec lâarrivĂ©e de cet enfant. Par contre, elle recommande Ă toute personne dĂ©sireuse dâun service de sa part, de le faire en ce moment et elle fera de son mieux. Elle est excitĂ©e que sa famille grandisse et est extasiĂ©e dâavoir Ă©tĂ© capable de construire une activitĂ© Ă but non lucratif[20].
Chaque année, elle s'accorde un temps de pause sans Internet afin de se reposer et de s'y consacrer pleinement[21].
Publications
- C'est compliqué, les vies numériques des adolescents, C&F éditions, 2016[22], traduction de It's Complicated: The Social Lives of Networked Teens, Yale University Press, 2014
- Nicole B.Ellison et danah boyd, Chapter 8 : Sociality through Social Network Sites, Oxford University Press, 2013
- (en) danah boyd (2011), White Flight In Networked Publics : How Race And Class Shaped American Teen Engagement With Myspace And Facebook, dans L. Nakamura et P. Chow-White, Race After the Internet, Routledge, 2011, p. 203â222.
- Hanging out, messing around, and geeking out: kids living and learning with new media, Mizuko Ito, Sonja Baumer, Matteo Bittanti, dinah boyd, Rachel Cody, Becky Herr-Stephenson, Heather A. Horst, Patricia G. Lange, Dilan Mahendran, Katynka Z. Martinez, C.J. Pascoe, Dan Perkel, Laura Robinson, Christo Sims, Lisa Tripp. The MIT Press, 2009.
- (en) danah boyd, Taken out of context: American teen sociality in networked publics, thĂšse de PhD. UniversitĂ© de Californie-Berkeley, Ăcole d'information, 2008.
C'est compliqué, les vies numériques des adolescents (2014)
En 2014, Danah Boyd publie C'est compliqué, les vies numériques des adolescents, pour inviter les parents à moins angoisser devant les réseaux sociaux utilisés par leurs enfants. Le livre a pour vocation d'expliquer aux parents ce que font concrÚtement leurs enfants sur Internet. Ainsi, la chercheuse s'attache à démonter plusieurs fantasmes et à nuancer les risques les plus couramment évoqués (cyberaddiction, perte d'identité, disparition de leur vie privée, harcÚlement, mauvaises rencontres). Elle propose alors, de voir « les réseaux sociaux comme un espace public dans lequel les adolescents traßnent »[23]".
(en) Nicole B.Ellison and danah boyd, Chapter 8 : Sociality through Social Network Sites, Oxford University Press, 2013[24]
En 2007, Nicole B. Ellison et Danah Boyd essayent de consolider une dĂ©finition des rĂ©seaux sociaux. Selon les deux chercheuses, ce sont « des services Web qui permettent aux individus de construire un profil public ou semi-public dans le cadre dâun systĂšme limitĂ©, dâarticuler une liste d'autres utilisateurs avec lesquels ils partagent des relations et de voir et de croiser leurs listes de relations et celles faites par d'autres Ă travers la plate-forme » (boyd et Ellison, 2007). Les trois caractĂ©ristiques d'un site de rĂ©seau social semblaient ĂȘtre le profil, les listes de relations et la capacitĂ© fonctionnelle de traverser ces relations. Depuis lors, le paysage social et technique de ces sites a changĂ© radicalement. Dans le chapitre 8 de lâouvrage, les deux autrices situent leur Ă©volution dans un contexte de Web 2.0 et discutent des dĂ©fis liĂ©s Ă lâĂ©tude de sites de rĂ©seaux mĂ©diatiques et sociaux. En effet, dĂ©finir ce que constitue les sites de rĂ©seaux sociaux devient de plus en plus contestĂ© car les systĂšmes dâordinateurs en rĂ©seaux prolifĂšrent et Ă©voluent rapidement. Certaines des caractĂ©ristiques, qui les ont initialement distinguĂ©s, se confondent dĂ©sormais dans leurs significations tandis que d'autres se sont reproduites dans d'autres genres de mĂ©dias sociaux.
Race After the Internet : White Flight In Networked Publics : How Race And Class Shaped American Teen Engagement With Myspace And Facebook
Le livre Race After the Internet, de Lisa Nakamura et Peter Chow-White, regroupe diffĂ©rents essais dâauteurs aussi divers que variĂ©s touchant Ă plusieurs disciplines, afin de voir quel est lâimpact des mĂ©dias digitaux (et sociaux) et des nouvelles technologies sur la conception de la notion de race.
Voici la liste des contributeurs[25] : danah boyd, Peter Chow-White, Wendy Chun, Sasha Costanza-Chock, Troy Duster, Anna Everett, Rayvon Fouché, Alexander Galloway, Oscar Gandy, Eszter Hargittai, Jeong Won Hwang, Curtis Marez, Tara McPherson, Alondra Nelson, Christian Sandvig, Ernest Wilson.
Lâouvrage comprend quatorze thĂ©matiques, et Danah Boyd est lâautrice du 9e chapitre intitulĂ© White flight In Networked Publics : How Race And Class Shaped American Teen Engagement With Myspace And Facebook[26] (Ă savoir : « Comment la Race et la Classe ont formĂ© l'engagement des jeunes AmĂ©ricains avec Myspace et Facebook »).
Il sâagit dâune Ă©tude ethnographique que Danah Boyd a menĂ©e par le biais dâinterviews de jeunes AmĂ©ricains dans une Ă©cole de classe moyenne concernant le passage de MySpace vers Facebook entre 2006-2007.
La prĂ©fĂ©rence de lâun ou lâautre rĂ©seau social va au-delĂ du choix des consommateurs. Selon elle, cela reproduit les catĂ©gories sociales que lâon observe dans la vie rĂ©elle. De fait, on reconstitue nos rĂ©seaux dâamitiĂ©s rĂ©elles sur le(s) rĂ©seau(x) virtuel(s). Donc, si nos amis sâinscrivent sur Facebook, et non plus sur MySpace, on fera de mĂȘme. Les groupes dâutilisateurs se rassemblent aussi selon des rĂ©fĂ©rents spatiaux (ex : ghetto), des centres dâintĂ©rĂȘts (ex : goĂ»ts musicaux) et des valeurs. Toujours selon boyd, le mouvement des jeunes de MySpace vers Facebook reproduit lâHistoire tragique du White flight (= la migration des personnes d'origine europĂ©enne hors des zones urbaines).
Il y a deux maniĂšres dâentrer en contact avec MySpace. Soit on sây inscrit pour suivre des groupes musicaux (dans ce cas-ci surtout des groupes de rock indĂ©pendant et de hip-hop), soit par le bouche-Ă -oreilles, notamment par le biais des membres de notre famille, dâamis ou de rencontres dans divers contextes (Ă©glise, vacances, activitĂ©s sportivesâŠ). Dâun point de vue gĂ©ographique, MySpace touche dâabord la cĂŽte Ouest des USA (car le site est lancĂ© Ă Los Angeles), puis se propage vers la cĂŽte Est. Les centres urbains sont Ă©galement touchĂ©s avant les banlieues et les campagnes.
MySpace bĂ©nĂ©ficie alors dâune couverture mĂ©diatique Ă double tranchant : soit les jeunes sâinscrivent parce que les mĂ©dias en parlent comme un effet de mode, soit les adolescents lâĂ©vitent Ă cause des risques exposĂ©s par les mĂ©dias.
Si tout le monde ne sâinscrit pas directement sur Facebook, câest parce que ce nouveau rĂ©seau Ă©tait limitĂ© aux Ă©tudiants universitaires lors de sa crĂ©ation en 2004 (et plus spĂ©cialement Harvard), ce qui donnait un cĂŽtĂ© « Ă©litiste » et « intellectuel » au rĂ©seau social. Son accĂšs faisait alors partie du rite de passage lors de l'entrĂ©e Ă lâuniversitĂ©. Ă partir de 2005, Facebook est accessible par les Ă©tudiants du secondaire, et enfin en 2006 par tout le monde (13 ans minimum), ce qui donne alors un choix plus libre entre MySpace et Facebook.
Si beaucoup de jeunes sâinscrivent sur les deux rĂ©seaux, ceux qui ne choisissent que lâun dâentre eux semblent venir de milieux diffĂ©rents. MySpace attire davantage les jeunes appartenant Ă des sous-cultures, ou Ă des milieux moins privilĂ©giĂ©s, et comme lâa remarquĂ© Danah Boyd les noirs et les latinos (mĂȘme si les critĂšres de races et dâethnies sont aussi liĂ©s Ă des facteurs socio-Ă©conomiques). Alors que Facebook attire la masse dite ordinaire, une Ă©lite universitaire, de blancs et d'asiatiques.
Un premier essai sur ses observations, publiĂ© sur son blog en 2007, a suscitĂ© la controverse auprĂšs des internautes. Dâautres chercheurs ont alors partagĂ© avec elle le mĂȘme genre dâobservations.
Hanging out, messing around, and geeking out: kids living and learning with new media[27]
Comment les jeunes amĂ©ricains communiquent avec leurs familles et amis en sachant quâils bĂ©nĂ©ficient Ă prĂ©sent de smartphones et sont sur les rĂ©seaux sociaux ? Comment ces jeunes intĂšgrent ces nouveaux mĂ©dias dans leur vie de tous les jours[28] ?
Ce livre, financĂ© par le Digital Media and Learning Initiative de la fondation MacArthur[29], est le fruit de trois annĂ©es dâĂ©tudes ethnographiques durant lesquelles de nombreux chercheurs ont tentĂ© de rĂ©pondre Ă ces nouvelles questions. Cette Ćuvre ne met pas seulement en avant cette nouvelle gĂ©nĂ©ration numĂ©rique mais on peut aussi y retrouver certaines questions telles que lâinĂ©galitĂ© dâaccĂšs et de participation ou les conflits entre jeunes et adultes Ă propos du dĂ©veloppements des nouveaux mĂ©diasâŠ
Danah Boyd contribue au chapitre 2, Friendship, en tant quâautrice principale ainsi quâau chapitre 3, Intimacy, dans lequel elle a dĂ©veloppĂ© le sujet suivant : The Public Nature of Mediated Breakups. Dans le chapitre 2, la chercheuse souligne le fait que les jeunes aiment raconter des potins, partager de lâinformation, flirter, se donner rendez-vous et rompreâŠNĂ©anmoins, tout cela pouvait s'observer dans les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes. Le changement vient du fait que maintenant, ces Ă©changes ont changĂ© et nâapparaissent plus seulement dans la vie rĂ©elle mais aussi Ă travers les rĂ©seaux sociaux. Dans The Public Nature of Mediated Breakups, danah b. dĂ©peint la relation amoureuse de deux adolescents (leur relation rĂ©elle et virtuelle), depuis le jour de leur rencontre jusquâĂ leur rupture.
Cet ouvrage se distingue par la richesse de son corpus, allant du partage de musiques jusquâaux ruptures de couple en ligne. Chaque chapitre de ce livre est agrĂ©mentĂ© dâun tĂ©moignage qualitatif avec les jeunes et sa collaboration unique caractĂ©risĂ©e par la dynamique dâun grand nombre de chercheurs (rĂ©seau dâauteurs, de collaborateurs ainsi que dâinstitutions). Il prĂ©sente, de façon trĂšs dĂ©taillĂ©e, la maniĂšre dont les jeunes apprennent et interagissent avec leurs pairs au travers de ces nouveaux moyens de communication. De plus, il donne lâoccasion de rĂ©flĂ©chir Ă lâutilisation des nouveaux mĂ©dias ainsi quâĂ leur Ă©ventuelle intĂ©gration dans lâenseignement[30].
Taken out of context: American teen sociality in networked publics
En 2008, Danah Boyd Ă©crit une thĂšse de doctorat portant sur « la sociabilitĂ© des adolescents amĂ©ricains dans les espaces publics en rĂ©seaux »(Taken Out of Context : American Teen Sociality in Networked Publics). Elle pense que comprendre les adolescents permet de comprendre la technologie. Elle articule ainsi sa rĂ©flexion autour du conflit constant entre ce que les personnes imaginent quâils se passent dans les rĂ©seaux et ce que les jeunes y vivent rĂ©ellement : « jâessaye de comprendre oĂč rĂ©sident les risques rĂ©els, les complexitĂ©s, lâĂ©cart entre les possibilitĂ©s offertes et la maniĂšre dont on les interprĂšte »[31]. Cette thĂšse lui permet dâavoir un regard plus prĂ©cis sur la maniĂšre dont les adolescents amĂ©ricains utilisent les rĂ©seaux sociaux comme Facebook ou Myspace pour entrer en relation avec leurs pairs. En effet, ces rĂ©seaux sociaux sont en grande partie utilisĂ©s par les adolescents et ce quotidiennement pour parler, partager ou y passer du temps tout simplement. Cependant les adultes manifestent une certaine crainte vis-Ă -vis de ces rĂ©seaux qu'ils connaissent peu[32].
Les interactions sur Internet ont aussi fait partie de lâadolescence de la chercheuse, elle est donc trĂšs bien placĂ©e pour observer le phĂ©nomĂšne. Pour comprendre ce dernier, Danah Boyd adopte (durant ses deux ans et demi de recherche) une position dâethnographe. Cette mĂ©thode nĂ©cessite lâanalyse de nombreuses pages Facebook et Myspace ainsi que lâinterview de cent enfants qui utilisaient ces rĂ©seaux sociaux. Cela permet de voir non seulement lâimplication des adolescents sur ces plateformes, mais Ă©galement la maniĂšre dont cette participation contribue Ă trois ensembles trĂšs importants dans leur vie: la reprĂ©sentation de soi (relation avec soi-mĂȘme), la relation avec leurs pairs et la relation avec les adultes. Plus prĂ©cisĂ©ment, Danah Boyd analyse trois axes Ă travers sa thĂšse. Elle s'attache d'abord Ă la production de l'identitĂ©, Ă savoir, comment les jeunes s'expriment dans les mĂ©dias sociaux. Ensuite, elle s'intĂ©resse Ă comment ils se sociabilisent et utilisent les mĂ©dias sociaux pour s'engager dans une interaction sociale, et finalement, comment les jeunes composent avec les parents et le pouvoir qu'ils appuient sur eux.
Encore une fois, Danah Boyd ne considĂšre pas ces complications comme nocives pour les adolescents ou comme des faiblesses pour les rĂ©seaux sociaux. Selon la chercheuse, les jeunes ont toujours trouvĂ© la maniĂšre d'ĂȘtre sur Facebook ou Myspace malgrĂ© les restrictions parentales. D'ailleurs, beaucoup de parents continuent Ă croire que les rĂ©seaux sociaux sont risquĂ©s pour leurs enfants et ne voient pas les bienfaits que peuvent entraĂźner une telle participation. Or, Danah Boyd perçoit ces rĂ©seaux comme des endroits oĂč lâon peut justement apprendre beaucoup au sujet des relations sociales. Selon elle, au fur et Ă mesure, les adolescents ont appris Ă manier les rĂ©seaux sociaux et Ă la suite de cela, ils sont capables de gĂ©rer les inconvĂ©nients et la complexitĂ© que gĂ©nĂšrent ces sites (les audiences invisibles, lâeffondrement des contextes et le flou public/privĂ©). Dâun cĂŽtĂ©, nous avons ces nouvelles technologies qui bouleversent la vie publique et de lâautre, nous avons les adolescents qui, grĂące Ă leur investissement sur ces sites, reconfigurent la technologie elle-mĂȘme.
GrĂące Ă cette thĂšse financĂ©e par la fondation MacArthur[33], Danah Boyd a voulu rĂ©futer certains mythes qui prolifĂšrent autour de l'utilisation des rĂ©seaux sociaux. Cette recherche a donc donnĂ© la parole aux adolescents amĂ©ricains en ayant lâespoir que les adultes les comprennent.
Faceted Id/entity: Managing representation in a digital world
La thĂšse rĂ©alisĂ©e par Danah Boyd lors de son cursus Ă lâInstitut technologique du Massachusetts sâarticule autour dâune thĂ©orie expliquant comment et pourquoi les internautes utilisent le contexte pour transmettre seulement une facette de leur identitĂ© lors dâinteractions sociales.
MĂ©thodologie en recherche digitale
Dans lâarticle Making Sense of Teen Life : Strategies for Capturing Ethnographic Data in a Networked Era, boyd explique la mĂ©thodologie quâelle applique dans ses recherches. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la mĂ©thode est divisĂ©e en quatre parties distinctes :
- Immersion dans la pop culture et la sous-culture des adolescents (par exemple, pour comprendre les références culturelles des adolescents, danah boyd consomme des médias qui sont populaires auprÚs de ces derniers).
- Observation participante et analyse de contenu des activités des adolescents sur les médias sociaux.
- Observation participante et deep hanging out dans les espaces physiques oĂč les adolescents se rĂ©unissent.
- Entretiens ethnographiques semi-directifs.
Pour elle, les recherches ethnographiques sur Internet peuvent avoir de lâintĂ©rĂȘt. Cependant, comme dâautres chercheurs dont Kendall, Bennett, Miller ou encore Slater lâont soulignĂ©, prendre le contexte en considĂ©ration et reconnaĂźtre des liens entre les contextes en ligne et hors ligne est essentiel, mĂȘme quand on tente de comprendre des pratiques mĂ©diatiques[34].
Par ailleurs, mĂȘme si ses recherches se centrent sur les rĂ©seaux sociaux, cela ne signifie pas qu'elle questionne uniquement les adolescents sur la technologie. Par exemple, lors d'une de ses interviews avec une adolescente, cette derniĂšre lui racontait comment MySpace rĂ©vĂšle les groupes exclusifs qui sont visibles dans cour de l'Ă©cole, comment les tĂ©lĂ©phones portables sont devenus les nouvelles baskets Nikes, etc. et peuvent ĂȘtre potentiellement des marqueurs de statut. Ce qui, selon Danah Boyd, souligne l'importance d'Ă©tudier ces technologies en contexte[34].
Pour trouver des adolescents Ă interviewer, la chercheuse identifie des communautĂ©s locales, oĂč elle pense qu'il sera possible de trouver des personnes Ă interroger. Comme chaque communautĂ© a ses propres particularitĂ©s et limitations, Danah Boyd essaie toujours d'en choisir une qui est la plus diffĂ©rente possible de la prĂ©cĂ©dente. Elle privilĂ©gie les communautĂ©s oĂč elle connaĂźt un informateur local (Ă©ducateurs, libraires, centre de jeunes, etc.) qui lui permettra d'obtenir un Ă©chantillon reprĂ©sentatif des adolescents. Pour ce faire, elle demande Ă son informateur local de ne pas lui prĂ©senter des adolescents dont les parents sont acadĂ©miciens ou travaillent dans la technologie[34].
Bien sĂ»r, Danah Boyd est consciente que les informateurs peuvent ne pas ĂȘtre objectifs. C'est pourquoi, pour s'assurer qu'elle rencontre des adolescents qui reprĂ©sente la communautĂ© en gĂ©nĂ©ral, elle collecte les donnĂ©es de recensement de ces communautĂ©s et visite diffĂ©rentes parties de la ville Ă l'aide de Google Maps, pour mieux sentir la communautĂ©. Elle se rend Ă©galement au cinĂ©ma, dans les centres commerciaux et aux Ă©vĂ©nements sportifs pour voir quels adolescents sont prĂ©sents. En plus de cela, elle va voir les pages MySpace et Facebook en lien avec ces communautĂ©s[34].
Interventions
Vivre dans un monde de flux
Lors de la Web 2.0 Expo de New York de 2009, danah boyd prĂ©sente les consĂ©quences liĂ©es au fait de vivre dans un monde de flux et en dresse la liste des limites. Le titre de cette prĂ©sentation est Streams of Content, Limited Attention: The Flow of Information through Social Media (Flux de contenus, attention limitĂ©e : le flot dâinformations dans les mĂ©dias sociaux). Lors de cette exposĂ©, Danah Boyd explique que les sites dâinformations ont, pendant longtemps, Ă©tĂ© une destination. En effet, accĂ©der Ă lâinformation a Ă©tĂ© un processus, produire lâinformation une tĂąche. Elle poursuit son explication en disant que « nous sommes passĂ©s des mĂ©dias de diffusion aux mĂ©dias en rĂ©seau, ce qui modifie fondamentalement la maniĂšre dont sâĂ©coule lâinformation »[35].
De nos jours, chacun a la possibilitĂ© « de crĂ©er, diffuser et relier ses propres contenus via Internet », dit-elle. Toujours selon la chercheuse : « les technologies Internet dĂ©mantĂšlent et remanient les structures de distribution ». Elle explique aussi que lâacte de distribution a moins dâimportance que lâacte de consommation et ce, mĂȘme si les obstacles Ă la distribution sâeffondrent. Pour danah boyd donc, « le dĂ©mantĂšlement des structures traditionnelles de distribution nous pousse Ă construire de nouvelles formes de diffusion de lâinformation ». Elle interroge ainsi sur la maniĂšre dont lâinformation circule aujourdâhui et ce qui a changĂ© par rapport Ă ce quâil se passait auparavant. Elle en arrive ainsi Ă Ă©voquer quatre fausses idĂ©es sur la rĂ©volution numĂ©rique[36].
Danah Boyd et la question du Big Data[5]
Ă la diffĂ©rence de la reprĂ©sentation que les jeunes ont du Big Data, celle dâune masse de donnĂ©es disponibles et quantifiables, Danah Boyd perçoit quant Ă elle un phĂ©nomĂšne social, technologique et savant. Un phĂ©nomĂšne qui part de lâobsession que toutes ces donnĂ©es vont permettre de comprendre lâhumanitĂ© et de rĂ©soudre tous les problĂšmes du monde. Pour la chercheuse, lâenjeu est ailleurs. Plus il y a de donnĂ©es, plus les entreprises peuvent les monnayer. Ces donnĂ©es collectĂ©es par ces derniĂšres et par lâĂtat sont analysĂ©es et posent alors des questions relatives aux jeux de pouvoir et Ă lâintimitĂ©.
Dans une interview avec le SFR player, Danah Boyd met aussi les chercheurs en garde face à l'utilisation de ces données. Bien qu'elle considÚre que celles-ci soient trÚs intéressantes dans une recherche en raison de leurs richesses d'informations et des corrélations importantes qu'elles permettent, elle rappelle qu'il est essentiel de garder un esprit critique lors de leur interprétation afin d'éviter les biais[37].
Une autre question qui se pose aux Ătats-Unis est celle de la surveillance de lâĂtat. Ainsi, Danah Boyd sâinterroge sur la finalitĂ© de lâutilisation des donnĂ©es : « Ces donnĂ©es vont-elles servir un idĂ©al ? Vont-elles ĂȘtre utilisĂ©es pour le plus grand nombre ? ». Comprendre les possibilitĂ©s offertes par ces donnĂ©es et les risques qui y sont liĂ©s, nâest selon elle, pas chose aisĂ©e. Dans son entretien, elle cite le travail « The pathetic dot theory » (en) de Lawrence Lessig qui dĂ©clare que toute forme de rĂ©gulation sociale est dĂ©terminĂ©e par quatre forces : le marchĂ©, les lois, les normes sociales et lâarchitecture technologique. Lorsque ces forces sont orientĂ©es dans une mĂȘme direction, des changements sociaux massifs apparaissent. GĂ©nĂ©ralement, ces forces ne sont pas alignĂ©es et le but recherchĂ© est donc lâalignement. Le rĂŽle que se donne la chercheuse, Ă travers lâanalyse du Big Data, est dâaider le public Ă comprendre la complexitĂ© du phĂ©nomĂšne pour que « les normes sociales puissent activer un changement social plus global »[38].
Networked Norms: How Tech Startups and Teen Practices Challenge Organizational Boundaries, 2013
Cet exposĂ© a Ă©tĂ© Ă©crit pour la confĂ©rence de TechKnowledge mis sur pied par l'American Society for Training & Development. Il a Ă©tĂ© initialement intitulĂ© L'apprentissage en rĂ©seau: comment les travailleurs de demain vont changer les organisations dâaujourdâhui ?. Cette confĂ©rence est notamment un de ses travaux en cours.
Pour comprendre comment les travailleurs de demain font Ă©voluer les organisations dâaujourdâhui, elle sâappuie sur ce quâelle a compris Ă propos de la culture des start-ups, de lâindustrie de la technologie, ainsi que des recherches quâelle a rĂ©alisĂ©es sur certaines parties de la vie des adolescents, mĂȘme si elle dit que les adolescents ne sont pas nĂ©cessairement une bonne indication pour le futur car ceux-ci sont dans une Ă©tape de la vie particuliĂšre. Cependant, elle invite tout de mĂȘme Ă repenser les comportements et les pratiques des adolescents et des technologues, avec une vision plus actuelle.
Au sein de grandes entreprises, Danah Boyd avance que nous prenons pour acquis les frontiÚres organisationnelles. En effet, selon la chercheuse, la logique organisationnelle traditionnelle suggÚre que la plupart des employés des grandes entreprises ne doivent surtout pas parler à d'autres personnes, mais uniquement à celles de leur organisation afin de réaliser leur travail. Dans ce cadre, les entreprises sont trÚs protectrices de leurs biens et voient tout partage de connaissances avec les «concurrents» comme un affaiblissement de leurs actifs de base.
Pour un adolescent qui grandit dans un monde en « rĂ©seau », ce modĂšle nâa absolument aucun sens. Sâils ont accĂšs Ă l'Internet, ils ont dĂ©veloppĂ© une sensibilitĂ© pour l'obtention de connaissances Ă partir d'une grande variĂ©tĂ© de sources. Cela contredit ainsi totalement le principe de nombreuses organisations.
La chercheuse aborde ainsi cette question via trois grands axes : les changements dans le développement de logiciels et le secteur de la technologie, la dynamique de la culture de la jeunesse et les implications que ces dynamiques ont pour la culture organisationnelle au sens large[39].
LâĂ©change de sextos chez les adolescents et son impact sur le secteur des technologies
Cette confĂ©rence de Danah Boyd aborde la problĂ©matique de lâĂ©change de contenus Ă caractĂšre sexuel par les adolescents. Ce procĂ©dĂ© appelĂ© sexting pose de nombreuses questions dâordre moral et culturel mais a Ă©galement un impact sur lâindustrie du web. La confĂ©rence aborde les aspects lĂ©gaux et quelques cas problĂ©matiques de sexting. La chercheuse invite alors Ă une rĂ©flexion autour de ce thĂšme.
RĂ©compenses et honneurs
En 2009, le magazine Fast Company désigne danah boyd comme étant : « l'une des femmes les plus influentes dans le secteur des technologies »[40]. En 2010, l'Association américaine de sociologie lui remet le prix de Sociologie publique dans le secteur des Technologies de la communication et de l'information[41] et le magazine Fortune la nomme universitaire la plus douée dans le secteur des technologies[42] ainsi qu'experte sur la maniÚre dont les jeunes utilisent Internet (the reigning expert on how young people use the Internet)[43]. Elle est également incluse dans le classement TR35 (en) des meilleurs innovateurs de moins de 35 ans[44].
Danah Boyd participe Ă de nombreuses confĂ©rences acadĂ©miques, au SIGIR (en), au SIGGRAPH, au CHI (en), au Personal Democracy Forum (en) ainsi qu'Ă l'Association amĂ©ricaine pour l'avancement des sciences. En 2010, elle prononce le discours d'ouverture du SXSW Interactive et du WWW oĂč elle parle du Big Data, de la publicitĂ© et de la vie privĂ©e[45] - [46] - [47]. En 2008, elle fait Ă©galement une apparition dans le documentaire Growing Up Online de l'Ă©mission de tĂ©lĂ©vision Frontline oĂč elle s'exprime sur la jeunesse et la technologie[48].
Le magazine Foreign Policy intÚgre Danah Boyd dans le classement Top 100 Public Intellectuals Poll de 2012 pour avoir montré que le Big Data n'est pas forcément de la meilleure information (« for showing us that Big Data isn't necessarily better data »)[49].
En 2013, elle reçoit le SXSW Interactive Festival Hall of Fame[2].
Vidéos
- danah boyd présente It's Complicated à la libraire Politics and Prose de Washington, 2014.
- danah Boyd présente le discours d'ouverture sur les réseaux sociaux au 14e Symposium Annuel de la Communication à l'Institut de Communication de Bernard L. Schwartz, 2014.
- danah boyd Ă la Nais Annual Conference discutant de la culture jeune, 2013
- danah boyd donnant une conférence sur la culture de la peur, Webstock 2012
- danah boyd au Hyperpublic Symposium, discutant autour de la question de la vie privée chez les jeunes via leurs comportement sur les réseaux sociaux., juin 2011.
- Hanging out, messing around, and geeking out: kids living and learning with new media, 2010.
- danah boyd présente Streams of Content, Limited Attention à la Web 2.0 de New York en 2009.
- danah boyd présente Connecting with Communities à la Web 2.0 de New York en 2010.
Notes et références
Notes
- Les explications de son pseudonyme sans majuscule sur son blog.
Références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Taken Out of Context: American Teen Sociality in Networked Publics » (voir la liste des auteurs).
- Alexandre Léchenet, « danah boyd, anthropologue de la génération numérique », sur lemonde.fr, Le Monde, .
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- Alexandre LĂ©chenet, « danah boyd, anthropologue de la gĂ©nĂ©ration numĂ©rique », Le Monde,â (lire en ligne)
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- Alexandre LĂ©chenet et MichaĂ«l Szadkowski, « 6 clĂ©s pour comprendre comment vivent les ados sur les rĂ©seaux sociaux », Le Monde,â (lire en ligne)
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- dnaah boyd, White Flight in Networked Publics? How Race and Class Shaped American Teen Engagement with MySpace and Facebook, In Race After the Internet (eds. Lisa Nakamura and Peter A. Chow-âWhite). Routledge, 2011, p. 203-222. (consultĂ© le 17.11.14)
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- Association américaine de sociologie. Citasa Award for Public Sociology, « Citasa Award for Public Sociology ».
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- Hempel, Jessi (2010), « Ones to watch: Danah Boyd », sur Fortune (consulté le ).
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- (en) Alicia P.Q. Wittmeyer, « The FP Top 100 Global Thinkers », sur foreignpolicy.com, (consulté le )
Liens externes
- Site officiel
- Alexandre LĂ©chenet, « danah boyd, anthropologue de la gĂ©nĂ©ration numĂ©rique », Le Monde,â (lire en ligne , consultĂ© le )
- Ressources relatives Ă la recherche :