AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

DĂ©terminant fonctionnel

En analyse fonctionnelle, une branche des mathĂ©matiques, il est parfois possible de gĂ©nĂ©raliser la notion de dĂ©terminant d'une matrice carrĂ©e d'ordre fini (reprĂ©sentant une transformation linĂ©aire d'un espace vectoriel de dimension finie vers lui-mĂȘme) au cas de dimension infinie d'un opĂ©rateur linĂ©aire S mappant un espace fonctionnel V Ă  lui-mĂȘme. La quantitĂ© correspondante det(S) est appelĂ©e le dĂ©terminant fonctionnel de S.

Il existe plusieurs formules pour le dĂ©terminant fonctionnel. Ils sont tous basĂ©s sur le fait que le dĂ©terminant d'une matrice finie est Ă©gal au produit des valeurs propres de la matrice. Une dĂ©finition mathĂ©matiquement rigoureuse est via la fonction zĂȘta de l'opĂ©rateur ,

oĂč tr reprĂ©sente la trace fonctionnelle : le dĂ©terminant est alors dĂ©fini par

oĂč la fonction zĂȘta au point s = 0 est dĂ©finie par prolongement analytique. Une autre gĂ©nĂ©ralisation possible, souvent utilisĂ©e par les physiciens lors de l'utilisation du formalisme d'intĂ©grale de chemin de Feynman en thĂ©orie quantique des champs (QFT), utilise une intĂ©grale fonctionnelle :

Cette intĂ©grale de chemin n'est bien dĂ©finie que jusqu'Ă  une certaine constante multiplicative divergente. Pour lui donner un sens rigoureux, il doit ĂȘtre divisĂ© par un autre dĂ©terminant fonctionnel, annulant ainsi effectivement les « constantes » problĂ©matiques.

Ce sont maintenant, ostensiblement, deux dĂ©finitions diffĂ©rentes du dĂ©terminant fonctionnel, l'une provenant de la thĂ©orie quantique des champs et l'autre de la thĂ©orie spectrale. Chacun implique une sorte de rĂ©gularisation : dans la dĂ©finition populaire en physique, deux dĂ©terminants ne peuvent ĂȘtre comparĂ©s qu'entre eux ; en mathĂ©matiques, la fonction zĂȘta a Ă©tĂ© utilisĂ©e. Osgood, Phillips & Sarnak (1988) ont montrĂ© que les rĂ©sultats obtenus en comparant deux dĂ©terminants fonctionnels dans le formalisme de la thĂ©orie quantique des champs concordent avec les rĂ©sultats obtenus par le dĂ©terminant fonctionnel zĂȘta.

DĂ©finir des formules

Par une intégrale de chemin

Pour un opérateur auto-adjoint positif S sur un espace euclidien de dimension finie V, la formule est vérifiée :

Le problÚme est de trouver un moyen de donner un sens au déterminant d'un opérateur S sur un espace fonctionnel de dimension infinie. Une approche, privilégiée dans la théorie quantique des champs, dans laquelle l'espace des fonctions est constitué de chemins continus sur un intervalle fermé, consiste à tenter formellement de calculer l'intégrale

oĂč V est l'espace des fonctions et le produit interne L2, et la mesure de Wiener. L'hypothĂšse de base sur S est qu'il doit ĂȘtre auto-adjoint et avoir un spectre discret λ1, λ2, λ3, 
 avec un ensemble correspondant de fonctions propres f1, f2, f3, 
 qui sont complĂštes dans L2 (comme ce serait par exemple le cas pour l'opĂ©rateur de dĂ©rivĂ©e seconde sur un intervalle compact Ω). Cela signifie grossiĂšrement que toutes les fonctions φ peuvent ĂȘtre Ă©crites comme des combinaisons linĂ©aires des fonctions fi :

Par consĂ©quent, le produit scalaire dans l'exponentielle peut ĂȘtre Ă©crit comme

Dans la base des fonctions fi, l'intĂ©gration fonctionnelle se rĂ©duit Ă  une intĂ©gration sur toutes les fonctions de base. Formellement, en supposant que le cas de la dimension finie se rĂ©percute comme supposĂ© dans le cadre de la dimension infinie, la mesure devrait alors ĂȘtre Ă©gale Ă 

Cela fait de l'intégrale fonctionnelle un produit d'intégrales gaussiennes :

Les intĂ©grales peuvent alors ĂȘtre Ă©valuĂ©es :

oĂč C est une constante infinie qui doit ĂȘtre traitĂ©e par une procĂ©dure de rĂ©gularisation. Le produit de toutes les valeurs propres est Ă©gal au dĂ©terminant pour les espaces de dimension finie, et on dĂ©finit donc formellement que c'est Ă©galement le cas dans le cas de la dimension infinie. Cela se traduit par la formule

Si toutes les quantitĂ©s convergent dans un sens appropriĂ©, alors le dĂ©terminant fonctionnel peut ĂȘtre dĂ©crit comme une limite classique (Watson et Whittaker). Sinon, il est nĂ©cessaire d'effectuer une sorte de rĂ©gularisation. La plus usuelle pour le calcul des dĂ©terminants fonctionnels est la rĂ©gularisation zĂȘta [1]. Par exemple, cela permet de calculer le dĂ©terminant des opĂ©rateurs de Laplace et de Dirac sur une variĂ©tĂ© riemannienne, en utilisant la fonction zĂȘta de Minakshisundaram-Pleijel (en). Sinon, il est aussi possible de considĂ©rer le quotient de deux dĂ©terminants, faisant s'annuler les constantes divergentes.

Par la fonction zĂȘta

Soit S un opérateur différentiel elliptique à coefficients lisses qui est positif sur les fonctions de support compact. Autrement dit, il existe une constante c > 0 telle que

pour toutes les fonctions lisses Ă  support compact φ. Alors S admet un prolongement auto-adjoint vers un opĂ©rateur sur L 2 de borne infĂ©rieure c. Les valeurs propres de S peuvent ĂȘtre disposĂ©es en une suite

Alors la fonction zĂȘta de S est dĂ©finie par la sĂ©rie :

On sait que ζ S a un prolongement mĂ©romorphe Ă  tout le plan. De plus, bien que l'on puisse dĂ©finir la fonction zĂȘta dans des situations plus gĂ©nĂ©rales, la fonction zĂȘta d'un opĂ©rateur diffĂ©rentiel elliptique (ou opĂ©rateur pseudo-diffĂ©rentiel) est rĂ©guliĂšre en .

Formellement, dériver cette série terme à terme donne

et donc si le dĂ©terminant fonctionnel est bien dĂ©fini, alors il devrait ĂȘtre donnĂ© par

Puisque la suite analytique de la fonction zĂȘta est rĂ©guliĂšre en zĂ©ro, cela peut ĂȘtre rigoureusement adoptĂ© comme dĂ©finition du dĂ©terminant.

Ce type de dĂ©terminant fonctionnel zĂȘta-rĂ©gularisĂ© apparaĂźt Ă©galement lors de l'Ă©valuation des sommes de la forme . L'intĂ©gration en a donne qui peut simplement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le logarithme du dĂ©terminant pour un oscillateur harmonique. Cette derniĂšre valeur est juste Ă©gale Ă  , oĂč est la fonction zĂȘta de Hurwitz.

Exemple pratique

Le puits de potentiel infini avec A = 0.

Puits de potentiel infini

On calcule le déterminant de l'opérateur suivant décrivant le mouvement d'une particule de mécanique quantique dans un puits de potentiel infini :

oĂč A est la profondeur du potentiel et L est la longueur du puits. On va calculer ce dĂ©terminant en diagonalisant l'opĂ©rateur et en multipliant les valeurs propres. Pour ne pas avoir Ă  s'embarrasser de la constante divergente sans intĂ©rĂȘt, nous allons calculer le quotient entre les dĂ©terminants de l'opĂ©rateur de profondeur A et de l'opĂ©rateur de profondeur A = 0. Les valeurs propres de ce potentiel sont Ă©gales Ă 

Cela signifie que

On peut maintenant utiliser la formule du produit eulérien pour la fonction sinus :

Ă  partir de laquelle une formule similaire pour la fonction sinus hyperbolique peut ĂȘtre dĂ©rivĂ©e :

En appliquant cela, on constate que

Autre façon de calculer le déterminant fonctionnel

Pour les potentiels unidimensionnels, un raccourci donnant le déterminant fonctionnel existe[2]. On commence par considérer l'expression suivante :

oĂč m est une constante complexe. Cette expression est une fonction mĂ©romorphe de m, ayant des zĂ©ros lorsque m est Ă©gal Ă  une valeur propre de l'opĂ©rateur de potentiel V1(x) et un pĂŽle lorsque m est une valeur propre de l'opĂ©rateur de potentiel V2(x). On considĂšre maintenant les fonctions ψm
1
(x)
et ψm
2
(x)
avec

respectant les conditions aux limites

Si on construit la fonction

qui est aussi une fonction mĂ©romorphe de m, on voit qu'elle a exactement les mĂȘmes pĂŽles et zĂ©ros que le quotient de dĂ©terminants qu'on cherche Ă  calculer : si m est une valeur propre de l'opĂ©rateur numĂ©ro un, alors ψm
1
(x)
en sera une fonction propre, c'est-Ă -dire ψm
1
(L) = 0
; et de maniĂšre analogue pour le dĂ©nominateur. D'aprĂšs le thĂ©orĂšme de Liouville, deux fonctions mĂ©romorphes avec les mĂȘmes zĂ©ros et pĂŽles doivent ĂȘtre proportionnelles l'une Ă  l'autre. Dans le cas Ă©tudiĂ©, la constante de proportionnalitĂ© s'avĂšre ĂȘtre Ă©gale Ă  1, et on obtient

pour toutes les valeurs de m. Pour m = 0, on obtient

Le potentiel infini bien revisité

Le problĂšme de la section prĂ©cĂ©dente peut ĂȘtre rĂ©solu plus facilement avec ce formalisme. Les fonctions ψm
1
(x)
et ψm
2
(x)
vérifient :

donnant les solutions suivantes :

Cela donne l'expression finale

Articles connexes

Références

  1. (Branson 1993); (Osgood, Phillips et Sarnak 1988)
  2. S. Coleman, The uses of instantons, Int. School of Subnuclear Physics, (Erice, 1977)

Bibliographie

 

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.