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DĂ©mographie de Mayotte

Mayotte, est un département et une région d’outre-mer français situé dans l’océan indien[7]. L’île est marquée par de nombreuses particularités démographiques par rapport à la France métropolitaine, mais aussi par rapport aux autres DOM-TOM.

DĂ©mographie de Mayotte
Dynamique
Population 310 022 hab.
(estimation 2023[1])
Accroissement naturel 3,3 %
Indice de fĂ©conditĂ© 4,16 enfants par ♀[2]
Taux de natalitĂ© 38,9 â€°[3]
Taux de mortalitĂ© 7,7 â€°[4]
Taux de mortalitĂ© infantile 13,5 â€°[5]
Ă‚ges
EspĂ©rance de vie Ă  la naissance 76,3 ans[6]
Structure par âge 0-14 ans : 46,0 %
15-64 ans : 52,3 %
65 ans et plus : 1,7 %
Sex-ratio
Ă€ la naissance 103 â™‚/100 ♀

Mayotte est le plus petit dĂ©partement d'outre-mer français, et le moins peuplĂ© ; cependant c'est aussi le territoire avec la plus forte croissance dĂ©mographique[8], et la population de l'Ă®le devrait bientĂ´t dĂ©passer celle de la Guyane. Mayotte est cependant dĂ©jĂ  largement en tĂŞte en termes de densitĂ© de population, avec une estimation de 747 hab./km2 au 1er 2020[1] (devant La RĂ©union avec 340 hab./km2)[9].

La population de Mayotte est passĂ©e de 11 000 habitants en 1911 Ă  256 518 en 2017[10], avec un taux de fĂ©conditĂ© qui s'Ă©lève Ă  4,16 enfants par femme en 2020[11], très au-dessus des autres dĂ©partements français.

Mayotte est, en consĂ©quence, le dĂ©partement le plus jeune de France[12] : plus de la moitiĂ© de la population a moins de 17 ans.

En outre, plus de 40 % de la population est de nationalité étrangère en 2018, essentiellement comorienne[13] et en situation irrégulière[14] et 84 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Histoire

La population mahoraise est descendante des Makuas et des Swahilis d'Afrique continentale, de Comoriens d'Anjouan et de la Grande Comore et de Saklavas et de Antalaotsy de Madagascar[15].

Les estimations du seizième siècle oscillent autour de 16 000 habitants. Lorsque la France par achat prend possession de l'Ă®le de Mayotte (1841-1843), la population comptabilisĂ©e ne dĂ©passerait pas 3 000 habitants, dont plus de la moitiĂ© d'esclaves : le long conflit entre les quatre sultans batailleurs des Comores et les monarchies malgaches, ainsi que les frĂ©quentes razzias malgaches, avaient laissĂ© une Mayotte considĂ©rablement dĂ©peuplĂ©e.

La composition de la population mahoraise en 1843 peut s'Ă©tablir comme suit[16] :

  • 500 Mahorais (1/6 de la population)
  • 600 Malgaches sakalaves
  • 700 Arabes
  • 1500 esclaves venus d'Afrique noire (environ 50 % : ce sont des « makoas », venus essentiellement du Mozambique)

Cette composition démographique est à prendre avec précaution dans la mesure où beaucoup de Mahorais s'étaient réfugiés dans les îles voisines lors des razzias et des tensions émanant des introductions de princes malgaches dans les trônes de ces îles : une partie revient en 1846. Si les données sont cohérentes pour le rivage et les plantations, elles minorent fortement la population mahoraise de pauvres cultivateurs réfugiés à l'intérieur de l'île. Longtemps peu accessible, l'intérieur de l'île, tout en étant soumis à l'autorité dominante et protectrice, n'a pas fait l'objet d'un comptage rigoureux[17].

En 1846, l'abolition de l'esclavage mis en place par l'autorité militaire française provoque une émigration massive des maîtres et de leurs esclaves. Désormais la population de Mayotte est insuffisante pour fournir de la main d'œuvre, malgré les appels au retour des populations exilées du temps de razzias. Aussi la mise en place de travail forcé, pour le monopole de compagnie française, amène une insurrection dès 1856. Le repeuplement s'opère pourtant rapidement dès 1860. Mais l'administration ne favorise pas seulement le retour des Mahorais, elle invite à s'installer des familles d'Anjouanais qui, disposant de plus grande richesse, achètent des terres et assurent une mainmise de plus en plus hégémonique sur l'économie de l'île au grand lagon.

Évolution de la population

Au début du XXIe siècle, La croissance démographique est extrêmement forte à Mayotte, du fait de la fécondité et de l'immigration importantes : la population a été multipliée par 7 entre 1950 et les années 2010[8]. Mayotte a même la plus forte croissance démographique de tout le continent africain, à l'exception du Niger, pays le plus jeune de la planète[9].

Année Population Accroissement
annuel en %
dĂ» au
solde naturel
dĂ» au
solde migratoire
1841 1 200 — — —
1843 3 300 — — —
1846 5 268 — — —
1851 6 898 — — —
1855 6 829 — — —
1858 7 122 — — —
1866 11 731 — — —
1869 12 000 — — —
1911 11 000 — — —
1958 23 364 — — —
1966 32 607 4,3 2,7 1,6
1978 47 246 3,1 2,9 0,2
1985 67 205 5,2 3,8 1,4
1991 94 410 5,8 4,1 1,7
1997 131 320 5,7 4,0 1,7
2002 160 265 4,1 3,6 0,5
2007 186 452 3,1 3,8 -0,7
2012 212 645 2,7 3,1 -0,4
2017 256 518 3,8 3,3 0,5
Sources : recensements de la population de 2002[18], de 2007[19], de 2012[20], de 2017[21] et fiches démographique de l'INSEE[22].

source 1958-2017[23] - [24].

Le recensement de 2017 a dĂ©nombrĂ© 256 518 habitants, contre 212 645 lors du recensement de 2012 et 186 452 habitants en 2007. Cela en fait le dĂ©partement français avec le plus fort taux de croissance dĂ©mographique (3,8 % par an), ainsi que la plus importante densitĂ© hors dĂ©partements d'ĂŽle-de-France (682 hab./km2)[10]. Ă€ titre de comparaison, le second DOM le plus densĂ©ment peuplĂ© est La RĂ©union, avec seulement 339 hab./km2, soit moins de la moitiĂ© de la densitĂ© mahoraise[9]. Mayotte a une population très jeune : six Mahorais sur dix Ă©taient âgĂ©s de moins de 25 ans en 2012 et trois sur dix avaient moins de 10 ans[25].

Ces chiffres font de Mayotte le dĂ©partement français avec la plus importante densitĂ© de population de France (hors Paris) avec 690 hab./km2 en 2017[10], estimation passant a 747 hab./km2 au 1er janvier 2020[1].

Ces chiffres de l'INSEE sont toutefois contestĂ©s par certains acteurs locaux du fait de la grande proportion de clandestins, qui avancent parfois des estimations de population beaucoup plus importantes, entre 300 000 et 500 000 habitants. Cependant, ces chiffres fondĂ©s essentiellement sur un ressenti populaire sont considĂ©rĂ©s comme fantaisistes par l'INSEE[10], et appuyĂ©s par aucune Ă©tude de terrain sĂ©rieuse.

Le taux d'accroissement annuel de la population est le plus Ă©levĂ© de France avec 3,8 %, devant la Guyane qui est Ă  2,4 %[10]. Cela en fait le territoire avec la plus forte croissance dĂ©mographique de tout le continent africain, après seulement le Niger[9]. Selon une projection de l'ONU, la population pourrait atteindre 497 000 habitants en 2050[26].

Espérance de vie

L'espĂ©rance de vie moyenne Ă  Mayotte est très basse pour un dĂ©partement français : 74,7 ans pour les hommes et 77,9 ans pour les femmes[27], soit une moyenne de 76,3 ans contre 82,4 ans en MĂ©tropole. Il s'agit donc du dĂ©partement Ă  l'espĂ©rance de vie la plus faible. Ce chiffre est cependant nettement supĂ©rieur Ă  ceux des Comores (64 ans[28]) et de Madagascar (65,5 ans), et placerait Mayotte, Ă  l'Ă©chelle mondiale, parmi les pays en dĂ©veloppement, Ă  Ă©galitĂ© avec l'Argentine Ă  la 50e place du classement mondial, la France dans son ensemble occupant la 10e place (sur 194 pays).

MalgrĂ© une très faible proportion de personnes âgĂ©es (1,7 % de plus de 65 ans), Mayotte compte toutefois quelques personnes très âgĂ©es, dont Tava Colo, officiellement nĂ©e le Ă  PassamaĂŻnty[29] et dĂ©cĂ©dĂ©e dans la mĂŞme ville le , et qui fut doyenne des Français pendant plusieurs annĂ©es[30].

Mortalité

L'amĂ©lioration des conditions d'hygiène, de santĂ© publique (mĂ©decine rurale, prĂ©ventive, gratuite pour tous jusqu'en 2005) et du niveau de vie a eu pour consĂ©quence une diminution du taux de mortalitĂ© passĂ© de 25 â€° habitants lors du recensement de 1958, Ă  7,36 â€° en 2008 puis 2,9 â€° (ce qui reste important par rapport Ă  l'extrĂŞme jeunesse de la population)[28].

La mortalitĂ© infantile est estimĂ©e en 2017 Ă  13,5 â€° (soit 1,35 %), ce qui est quatre fois supĂ©rieur Ă  la moyenne française, et le maximum national[31].

Natalité

Mayotte est le département français où le taux de natalité est le plus élevé. L'amélioration des conditions de santé et d'éducation, parallèle au maintien de traditions natalistes, expliquent en partie la croissance très rapide de la population mahoraise.

En 2007, l'indice de fĂ©conditĂ© Ă©tait de 5 enfants par femme : 6,4 pour les mères nĂ©es Ă  l’étranger (principalement aux Comores) et 3,4 pour les mères nĂ©es en RĂ©publique française (Ă  Mayotte ou ailleurs sur le territoire national)[32]. En 2020, l'indice de fĂ©conditĂ© s'Ă©lève Ă  4,16 enfants par femme[11].

Le CHM de Mayotte est ainsi la « première maternitĂ© de France » et d'Europe, avec 9 800 naissances par an[33].

Actuellement, plus d'un habitant sur deux a moins de 20 ans Ă  Mayotte (contre 1/3 Ă  La RĂ©union et 1/4 en mĂ©tropole)[8]. Sur les 9 800 naissances rĂ©pertoriĂ©es en 2018 (soit 3% de hausse), trois quarts des mères sont de nationalitĂ© Ă©trangère, dont 69% Comoriennes et 4% Malgaches[33]. Dans la moitiĂ© des cas le père dĂ©clarĂ© est français, mais les autoritĂ©s soupçonnent une pratique rĂ©pandue de reconnaissance frauduleuse de paternitĂ©[33]. Une mère sur 20 est mineure (soit 470 naissances par an), dont 120 mères de moins de 15 ans, et deux de 12 ans[33].

Évolution de la natalité à Mayotte[34]
201420152016201720182019202020212022
Naissances 7 3068 9979 4969 7629 5909 7689 18410 500[35]10 730[36]
Indice de fécondité
(enfants par femme)
4,124,874,954,924,664,594,174,394,66[37]
Taux de natalité
(naissances pour mille habitants)
32,3 ‰38,2 ‰38,7 ‰38,3 ‰36,2 ‰35,6 ‰32,4 ‰

Croissance urbaine

Longtemps petite île aux nombreux villages de brousse, Mayotte voit la croissance démographique rapide changer ses paysages. L'urbanisation rapide est marquée par la multiplication des villes moyennes que l'État doit équiper des infrastructures communes aux autres villes françaises.

Les dix principales communes de l'île sont, en 2017[38] :

Commune Population
2023 2017 2007
Mamoudzou97 15371 43753 022
Koungou42 46432 15619 831
Dzaoudzi17 84115 339
Dembeni15 84810 141
Bandraboua13 9899 013
Tsingoni13 9349 200
Pamandzi11 4429 077
Sada11 1568 007
Bandrele10 2826 838
Ouangani10 2036 577

Originalité mahoraise, une grande partie de la population est encore rurale[9].

Conditions matérielles

Taudis à Kawéni, surnommé le plus grand bidonville de France[39]

Les conditions matérielles d'une importante partie de la population demeurent très faibles, avec une extension des bidonvilles qui est sans doute la première d'Europe : « 28 % des logements ne disposent pas d'eau courante, 59 % n'ont pas de toilettes à l'intérieur de l'habitation et 52 % n'ont ni baignoire ni douche »[40]. 79% des ménages de Mayotte vivent en habitat précaire, et seulement 3% bénéficient de logements sociaux[41].

On estime que 84 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté à Mayotte[42]. L'indice de développement humain pour Mayotte a été estimé à 0,75[43], ce qui selon les auteurs de l'estimation placerait Mayotte à la soixante-dixième place du classement mondial (à égalité avec la Bosnie-Herzégovine).

Conditions culturelles

Avec plus de la moitié de la population en âge d'être scolarisée, Mayotte est un département exceptionnellement jeune, où l'éducation est un défi à de multiples égards.

L'analphabĂ©tisme est extrĂŞmement important dans l'Ă®le. En 2000, il concernait encore 35 % des hommes et 40 % des femmes[44]. Selon les donnĂ©es JDC de 2015, 50,9 % des jeunes seraient en situation d'illettrisme[45]. 71 % de la population ne possède aucun diplĂ´me[46]. Par ailleurs, certains habitants ne maĂ®trisent pas l'alphabet latin mais lisent quand mĂŞme l'arabe[47]. Le français est la seule langue utilisĂ©e en classe, mĂŞme si la majoritĂ© des jeunes ne le connaissent pas Ă  leur arrivĂ©e Ă  l'Ă©cole[48]. En 2022, l'INSEE estime que seules 55 % des personnes vivant sur le territoire affirment maĂ®triser le français, un taux qui s'Ă©lève jusqu’à 75 % pour les habitants nĂ©s sur le territoire[47].

La coupure entre la génération Y et leurs aînés pose le problème du suivi des devoirs à la maison. Le français, bien que langue officielle, est peu utilisé au domicile, ce qui compromet l'adaptation aux études et entraîne progressivement l'échec scolaire. En général, les jeunes mahorais ne se rendent compte de leurs lacunes qu'en terminale. En une année, certains tentent alors de rattraper le retard des acquisitions censées être intégrées depuis le collège, mais les chances de réussite dans les études supérieures de niveau national demeurent très faibles.

Les minorités ethniques et religieuses

Environ 95 % de la population mahoraise est musulmane. La tradition sunnite y fut introduite par des populations arabo-persanes tandis que la culture africaine est venue la teinter d'animisme[49]. Dès l'âge de six ans, une grande partie des enfants fréquentent en parallèle l'école coranique et l'école primaire publique. Cela dit cette double fréquentation est en perte de vitesse du fait de l'influence croissante de la République française et des médias français. La madrassa est donc de moins en moins une formalité nécessaire pour les Mahorais. L'islam mahorais est de tradition chaféite, réputé modéré, ouvert et tolérant[50], et l'île n'a jamais connu de conflit religieux, ni de problème lié à la radicalisation[51]. Cependant, une influence saoudienne commence à se faire sentir (passant vraisemblablement par les Comores), et le châle traditionnel est désormais parfois remplacé par un voile islamique (interdit en tant que tel à l'école), voire dans certaines familles de l'ouest de l'île par le niqab (théoriquement interdit sur la voie publique)[52].

La communautĂ© catholique, très minoritaire, formĂ©e d'environ 4 000 personnes, ne dispose que d'une seule paroisse avec deux lieux de cultes : l'Ă©glise Notre-Dame-de-Fatima Ă  Mamoudzou et l'Ă©glise Saint-Michel Ă  Dzaoudzi[53]. S'ils se sentent « tolĂ©rĂ©s dans le cadre de tĂ©moignages ou de missions auprès des exclus », les catholiques n'ont toutefois pas le droit de faire sonner leurs cloches avant la messe[54].

La communautĂ© indienne (au sens large, certains venant de La RĂ©union, de Maurice ou du Sri Lanka) de Mayotte compte environ 500 membres, en majoritĂ© musulmans mais d'un rite diffĂ©rent de celui en vigueur Ă  Mayotte (Khojas, ismaĂ©lites...) et certains hindous[16].

Migrations

Selon Didier Breton de l'INED, « Le solde global migratoire à Mayotte est négatif. Il y a plus de personnes qui partent que de personnes qui rentrent »[55].

L'immigration clandestine

Un kwassa kwassa, canot de pêche utilisé par les migrants pour se rendre à Mayotte.

Il est difficile d'estimer la part de l'immigration clandestine dans la population mahoraise. Elle n'est pas un phĂ©nomène rĂ©cent. DĂ©jĂ  en 1978, Ă  la suite des dramatiques troubles internes au nouvel État comorien, Mayotte, restĂ©e française, avait accueilli en quelques annĂ©es plus de 7 000 rĂ©fugiĂ©s. Ă€ la suite de la reconquĂŞte d'Anjouan par les autoritĂ©s comoriennes (Ă©vacuation du colonel Mohamed Bacar par la France le 27 mars 2008), le conseil gĂ©nĂ©ral de Mayotte estime que l'afflux de rĂ©fugiĂ©s atteint 400 nouveaux clandestins par jour, soit 12 000 pendant le mois d'avril.

Mayotte est aujourd'hui confrontée à une immigration clandestine importante, qui a beaucoup augmenté avec la départementalisation de 2011[56] et, conséquemment depuis mai 2014, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) s'applique à Mayotte[57]. En mars 2018 la population immigrée totale (légale et clandestine) est estimée à 45 % de la population adulte de l’île[42]. 95 % des étrangers sont de nationalité comorienne ; en 2012, 39 % de ces étrangers étaient nés sur le territoire mahorais, essentiellement des mineurs qui pourront donc prétendre à la nationalité à leur majorité[9].

La disparitĂ© Ă©norme entre les conditions Ă©conomiques de cette Ă®le française soutenue par la mĂ©tropole et les autres Ă®les de l'union des Comores dont Mayotte ne fait pas partie, en fait une rĂ©gion frontière entre les Pays du Nord et les Pays du Sud. Chaque annĂ©e au moins une dizaine de milliers de clandestins franchissent le bras de mer large de 70 km dans de frĂŞles embarcations appelĂ©es kwassa kwassa (bateaux de pĂŞche en rĂ©sine Ă  très faible coĂ»t produits dans une usine spĂ©cialisĂ©e Ă  Anjouan et financĂ©s par l'ONU, initialement dans le but d'augmenter l'effort de pĂŞche comorien). Environ 12 000 personnes auraient trouvĂ© la mort en tentant de rejoindre Mayotte dans ces embarcations de fortune[58], ce qui fait du bras de mer sĂ©parant Mayotte d'Anjouan le premier cimetière marin au monde[59].

Mayotte apparaĂ®t donc comme un territoire français oĂą le nombre de clandestins serait supĂ©rieur Ă  l'effectif des immigrĂ©s en situation rĂ©gulière[60]. La maternitĂ© de Mamoudzou est la plus grosse maternitĂ© de France avec ses 9 800 naissances annuelles : 65 Ă  75 % de ces naissances seraient en fait issues de l'immigration clandestine[61].

Le nombre d'expulsions de personnes en situation irrĂ©gulière, qui Ă©tait de 8 536 en 2004, a atteint 16 040 en 2008 (soit plus de la moitiĂ© des expulsions rĂ©alisĂ©es par la France)[62], et on estime en 2019 le flux entrant d'immigrĂ©s clandestins Ă  environ 25 000 Ă  30 000 personnes par an, pour 18 000 Ă  20 000 reconduites Ă  la frontière. MalgrĂ© la prĂ©sence marginales d'Africains continentaux, ce flux serait essentiellement constituĂ© de Comoriens, et notamment d'Anjouanais[63]. MalgrĂ© ces reconduites Ă  la frontière, on note, de par cette arrivĂ©e de clandestins, un dĂ©veloppement anarchique de l'habitat spontanĂ© sur des terrains squattĂ©s, comme le quartier de KawĂ©ni, un des plus vastes bidonvilles de France voire d'Europe[64].

De nombreuses associations (comme l’Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers) et personnalités mahoraises dénoncent une complicité active de l’État comorien dans ce drame[9] : l'usine qui produit les fragiles embarcations à Anjouan n'a jamais été inquiétée, et sur les 450 à 500 départs estimés chaque année, les autorités comoriennes en interceptent à peine un, laissant ainsi prospérer cette sinistre industrie de mort[65], et abandonnant l'ensemble de la gestion de ce drame humanitaire à l’État français, de l'autre côté de l'océan[66].

Cette immigration incontrôlée a également entraîné des réactions exaspérées voire violentes de la part de certain Mahorais, qui accusent les clandestins d'alimenter l'insécurité spectaculaire de l'île, ainsi que de saturer ses services (hôpital, écoles, services sociaux, eau potable...), ce qui a donné lieu à de nombreuses manifestations et grèves, comme le Mouvement social de 2018 à Mayotte[67]. En outre, des milices anti-comoriens ont vu le jour, et se sont livrées à des exactions particulièrement violentes dans certains bidonvilles (« crise des décasages »[68])[67].

En 2023, Mediapart rĂ©vèle un rapport rĂ©digĂ© en janvier 2022 par six ministères sur l’état de Mayotte. Le rapport pointe notamment que, selon le scĂ©nario le plus alarmiste de l’Insee, l’immigration comorienne pourrait conduire Ă  comptabiliser 760 000 habitants Ă  l’horizon 2050[69]. Le Canard enchaĂ®nĂ© rĂ©vèle dĂ©but 2023 la prĂ©paration d'une opĂ©ration militaro-policière, appelĂ©e opĂ©ration Wuambushu visant Ă  expulser un très grand nombre d'Ă©trangers[70].

L'Ă©migration vers les Comores

À la suite des événements marqués par les tentations séparatistes en particulier d'Anjouan, l'union des Comores refuse le retour de ses ressortissants illégaux expulsés par les autorités françaises.

La diaspora mahoraise

Entre 13 000 et 35 000 Mahorais vivraient dĂ©sormais Ă  La RĂ©union et 35 000 en mĂ©tropole.

Selon Didier Breton de l'INED, « énormément de natifs de Mayotte quittent l'île pour étudier en métropole ou à La Réunion »[55]. Seule une petite fraction revient sur l'île, le bassin d'emplois étant trop faible.

Notes et références

  1. « Régions - Départements », sur insee.fr (consulté le ).
  2. L'indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) pour une année donnée est la somme des taux de fécondité par âge observés cette année. Cet indicateur peut être interprété comme le nombre moyen d'enfants qu'aurait une génération fictive de femmes qui connaîtrait, tout au long de leur vie féconde, les taux de fécondité par âge observés cette année-là. Il est exprimé en nombre d’enfants par femme. C’est un indicateur synthétique des taux de fécondité par âge de l'année considérée.
  3. Le taux de natalité est le rapport du nombre de naissances vivantes l'année à la population totale moyenne de l'année.
  4. Le taux de mortalité est le rapport du nombre de décès, au cours d'une année, à la population moyenne de l'année.
  5. Le taux de mortalité infantile est le rapport entre le nombre d'enfants décédés à moins d'un an et l'ensemble des enfants nés vivants.
  6. L'espérance de vie à la naissance est égale à la durée de vie moyenne d'une génération fictive qui connaîtrait tout au long de son existence les conditions de mortalité par âge de l'année considérée. C'est un indicateur synthétique des taux de mortalité par âge de l'année considérée.
  7. (en-US) « Mayotte | Le Comptoir de l'Outremer PACA 06 » (consulté le )
  8. « Au rythme de la vie mahoraise », Caribou à Mayotte - magazine spécial nouveaux arrivants,‎ , p. 12.
  9. Gérard-François Dumont, « Découvrir Mayotte, une géopolitique singulière », sur DiploWeb.com, .
  10. Ornella Lamberti, « Mayotte remporte le record démographique de France », sur Mayotte Hebdo, .
  11. Insee - Indicateur conjoncturel de fécondité en 2020 : comparaisons régionales et départementales
  12. Le Cercle des Epargnants, « INSEE territoire : Zoom sur Mayotte, le plus jeune département de France | Le Cercle des Épargnants » (consulté le )
  13. http://www.insee.fr/fr/insee_regions/mayotte/themes/dossiers/tem/tem_2-4-migrations.pdf
  14. Sirpa Gendarmerie, Gendarmerie nationale, « Les autorités comoriennes enregistrent des résultats records dans la lutte contre l’immigration illégale à destination de Mayotte », sur www.gendinfo.fr (consulté le )
  15. Ali Saïd Attoumani, « Mayotte : prise en compte du shimaore et du kibushi dans la charte européenne des langues régionales », Expressions,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. Marie Céline Moatty et Yves Moatty, Mayotte en 200 questions-réponses, Chevagny-sur-Guye, Orphie, , 191 p. (ISBN 978-2-87763-479-3).
  17. Les Mahorais non comptabilisés, dispersés et abrités à l'intérieur de l'île, pourraient être plus d'un millier. L'estimation grossière est la même pour les exilés susceptibles de rentrer.
  18. INSEE Première no 940 - Mayotte : recensement de la population du 30 juillet 2002
  19. Insee - Populations légales à Mayotte au recensement de 2007
  20. Insee - Populations légales à Mayotte au recensement de 2012
  21. Insee - 256 500 habitants Ă  Mayotte en 2017
  22. Insee Mayotte -Karibou Maore
  23. 256 500 habitants Ă  Mayotte en 2017
  24. À Mayotte, près d’un habitant sur deux est de nationalité étrangère
  25. « Mayotte, département le plus jeune de France », Insee Première, no 1488, , consulté le .
  26. La Cour des comptes s’alarme de la situation à Mayotte, la-croix.com, 13 janvier 2016
  27. Commission nationale consultative des droits de l’homme, « Avis sur le droit à la protection de la santé dans les territoires ultramarins », sur cncdh.fr, .
  28. Anne Perzo-Lafont, « INSEE : Espérance de vie de 77 ans pour les femmes et 74 ans pour les hommes à Mayotte », sur Le Journal de Mayotte, .
  29. Ornella Lamberti, « La doyenne des Français serait Mahoraise », sur Mayotte Hebdo, .
  30. « Tava Colo, la Mahoraise doyenne de France s’est éteinte à l’âge de 118 ans », sur Mayotte la 1ère (consulté le )
  31. Ornella Lamberti, « La commission des droits de l’homme sévère sur l’accès aux soins à Mayotte », sur Mayotte Hebdo, .
  32. http://www.insee.fr/fr/insee_regions/mayotte/themes/dossiers/tem/tem_2-5-natalite-fecondite.pdf
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  34. Insee - La situation démographique en 2020
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Voir aussi

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