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Kwassa kwassa (Comores)

Kwassa-kwassa (ou kwasa kwasa) est le nom comorien d'un type de canots de pĂŞche rapides de 7 Ă  10 m de long pour m de large, Ă  fond plat et Ă©quipĂ©s aujourd'hui d'un ou deux moteur(s).

Un kwassa-kwassa.

On parle aussi de « drame des kwassa » pour parler des personnes qui pĂ©rissent[1] chaque annĂ©e en tentant de se rendre sur l'Ă®le de Mayotte, de manière illĂ©gale[2] et dont la traversĂ©e de 70 km dans un bras de mer est rĂ©putĂ©e pour ĂŞtre particulièrement pĂ©rilleuse[3] entre Anjouan et Mayotte.

Origines

À l'origine, « kwasa kwasa » est le nom d'une danse congolaise connue pour être très rythmée et saccadée. Dans l'archipel des Comores, le terme « kwassa-kwassa » a fini par désigner des pirogues légères, du fait qu'elles tanguent énormément.

Dans le but de développer la pêche aux Comores, l'ONU a financé au début des années 2010 la construction sur l'île d'Anjouan d'une usine de construction de pirogues motorisées légères en résine plastique à faible coût, adaptées à la pêche côtière[4].

Drame des kwassa-kwassa

Rapidement, les embarcations très peu coĂ»teuses fabriquĂ©es Ă  Anjouan (quelques centaines d'euros) ont commencĂ© Ă  ĂŞtre utilisĂ©es puis privilĂ©giĂ©es par les rĂ©seaux de passeurs comorien, pour rallier les cĂ´tes de Mayotte de manière illĂ©gale[2] - [5], en dĂ©pit du danger des 70 km d'ocĂ©an qui sĂ©parent Anjouan[2] de Mayotte, et pour laquelle ces frĂŞles esquifs ne sont absolument pas adaptĂ©s (une seule traversĂ©e, mĂŞme couronnĂ©e de succès, suffit gĂ©nĂ©ralement Ă  rendre la coque inutilisable[6], et elles sont la plupart du temps abandonnĂ©es sur la plage une fois dĂ©lestĂ©es de leurs moteurs).

Les kwassa-kwassa sont aujourd'hui le principal moyen employĂ© par les passeurs pour l'immigration clandestine vers Mayotte[7] dont l’île attire une forte immigration en provenance des Comores[2], en grande partie illĂ©gale[5]. En 2014, 597 kwassa kwassas ont ainsi Ă©tĂ© interceptĂ©s par les autoritĂ©s françaises, avec Ă  leur bord 12 879 personnes, et 610 passeurs ont Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©s, selon des donnĂ©es de la Direction gĂ©nĂ©rale des Outre-Mer[8]. On estime le flux entrant d'immigrĂ©s clandestins Ă  environ 25 000 Ă  30 000 personnes par an[5], pour 18 000 Ă  20 000 reconduites Ă  la frontière. MalgrĂ© la prĂ©sence marginales d'Africains continentaux, ce flux serait essentiellement constituĂ© de Comoriens, et notamment d'Anjouanais[9].

La traversĂ©e en kwassa-kwassa coĂ»te 250 â‚¬, contre 1 000 â‚¬ pour un passage en bateau privĂ©[8]. Avec ces tarifs, un kwassa kwassa est rentabilisĂ© mĂŞme s'il est interceptĂ© (la France dĂ©truit chaque annĂ©e des centaines de coques, souvent devenues inutilisables après une seule traversĂ©e[10]). Ces barques semblent de plus en plus « pilotĂ©es par des mineurs en raison de l'impunitĂ© pĂ©nale dont ils bĂ©nĂ©ficient » dans le droit français[11] - [4].

Responsabilité de l’État comorien

Les autorités comoriennes quant à elles semblent peu impliquées dans la lutte contre ce drame qui décime pourtant les couches les plus vulnérables de leur population : alors que l'industrie de l'immigration clandestine se fait à ciel ouvert côté comorien, les autorités interceptent environ un kwassa-kwassa par an (pour 450 à 500 départs annuels) au titre de leur coopération régionale dans la lutte contre l'immigration clandestine[4], et l'usine qui produit ces barques à usage unique à un rythme effréné n'a jamais été mise en cause[4].

De nombreuses personnalités mahoraises dénoncent une complicité active de l’État comorien dans ce drame : les réseaux de passeurs n'ont jamais fait l'objet d'une action de police majeure aux Comores, abandonnant l'ensemble de la gestion de ce drame humanitaire à l’État français[4], c'est-à-dire à l'autre bout de la mer, après la mort de nombreux passagers. Cette sinistre industrie de mort connaît ainsi une prospérité économique florissante en toute impunité à Anjouan[10].

Enfin, le « marché très juteux » (selon la Police aux Frontières) de l'immigration clandestine bénéficierait largement aux Comores[10], leur permettant d'évacuer leur excédent de population et notamment les chômeurs, les délinquants et les malades, mais aussi de bénéficier en retour d'une importante rente en provenance des quelques membres de la diaspora connaissant le succès économique. Le business du passage génère ainsi des dizaines de milliers d'euros de bénéfice net chaque année, sans compter qu'une grande partie des objets et équipements volés à Mayotte se retrouvent ensuite sur le marché comorien, à faible prix.

En retour, l’Association nationale d'assistance aux frontières pour les Ă©trangers note que nombre de Mahorais profitent aussi de cette situation pour employer illĂ©galement la main-d’œuvre immigrĂ©e Ă  très faible coĂ»t et dans des conditions parfois extrĂŞmement prĂ©caires[10]. Les familles d'accueil pour mineurs isolĂ©s constituent aussi une rente importante (environ 1 000 â‚¬ par mois et par enfant), courant le risque de voir Ă©merger des dynasties de ThĂ©nardiers mahorais.

Polémique sur le terme kwassa-kwassa en 2017

En , lors d'une visite au Centre rĂ©gional opĂ©rationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) atlantique situĂ© Ă  Étel dans le Morbihan, une phrase du prĂ©sident de la RĂ©publique, Emmanuel Macron, dans une sĂ©quence captĂ©e par les Ă©quipes de l'Ă©mission Quotidien, dĂ©clenche une polĂ©mique sur les mĂ©dias sociaux : « Mais le kwassa-kwassa pĂŞche peu : il amène du Comorien. C’est diffĂ©rent. » Le dĂ©putĂ© socialiste de Seine-Saint-Denis Daniel Goldberg — en tant que prĂ©sident du groupe d'amitiĂ© France-Union des Comores de l’AssemblĂ©e nationale — « invite Emmanuel Macron Ă  rĂ©gler les problèmes locaux plutĂ´t qu'Ă  en rire »[12]. De son cĂ´tĂ© l’ex-ministre Ă©cologiste CĂ©cile Duflot, rappelle qu’un rapport du SĂ©nat Ă©value Ă  7 000 Ă  10 000 le nombre de morts entre 1995 et 2012 liĂ©s Ă  la migration en kwassa-kwassa[12]. Finalement, l'Ă©quipe de communication de l’ÉlysĂ©e reconnaĂ®t « une plaisanterie pas très heureuse sur un sujet grave », « complètement regrettable et malvenue »[13].

Mohamed Bacar Dossar, ministre comorien des Affaires étrangères, souhaite des excuses du président de la République Emmanuel Macron, considérant que l'usage du terme « du », devant Comorien, est « choquant et méprisant ». Pour les Comores, cette déclaration est à mettre « sur le compte de la jeunesse »[14].

Notes et références

  1. « Naufrage d'un kwassa ce samedi matin : 5 décès à déplorer », sur Mayotte la 1ère (consulté le )
  2. « Un nouveau drame de l’immigration clandestine à Mayotte fait plusieurs morts, dont un enfant », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « Un kwassa-kwassa secouru par la gendarmerie française au large de Mayotte », sur Ambassade de la France aux Comores,
  4. Nassuf Mohamed, « Comores : où est l’État ? », sur mayottedepartement.fr.
  5. L'Express, « De 40 à 50 000 clandestins vivraient à Mayotte - Selon les dernières estimations, un cinquième de la population de l'archipel serait en situation irrégulière », sur LExpress.fr, (consulté le )
  6. franek2, Reste de kwassa kwassa comorien, (lire en ligne)
  7. « Le passeur en kwassa-kwassa n'aura plus le droit de venir en France », sur Zinfos974,
  8. « Les «kwassa-kwassas» et les Comoriens, l’indécente blague de Macron », sur Mediapart,
  9. Geoffroy Vauthier, « Sur l'immigration à Mayotte », Mayotte Hebdo, no 868,‎ .
  10. « L’immigration illégale: une véritable industrie et un enjeu économique », sur Le Journal de Mayotte, .
  11. Mélanie Longuet, « Les kwassa-kwassa, une (très) mauvaise blague de Macron, et un vrai drame humanitaire », sur Le Parisien,
  12. « Vives réactions après une plaisanterie douteuse de Macron sur les «kwassa-kwassa» qui «amènent du Comorien» », sur 20 minutes,
  13. « "Douteuse", "insensée"… Tollé après la plaisanterie de Macron sur les "kwassa-kwassa" qui "amènent du Comorien" », sur France Info,
  14. « "Kwassa-kwassa": les Comores exigent des excuses de Macron », sur L'Express,
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