Accueil🇫🇷Chercher

Crises du logement en France

Le marché immobilier d’un pays est en situation de « crise du logement » lorsqu’il y existe un manque de logement dû à une demande de logement beaucoup plus importante que l’offre, et que l’ajustement par les prix ne permet pas un rééquilibrage rapide, notamment en raison d'une rigidité de l’offre ou des prix.

Le marché immobilier français a connu plusieurs crises du logement au cours de son histoire.

Entre 2001 et 2012, le nombre de personnes sans domicile fixe a augmenté de 50 %[1]. Leur nombre atteint 300 000 en 2020[2]. En outre, quatre millions de personnes n'ont pas de logement ou sont mal-logées en France en 2019. Près de 15 millions de personnes sont atteintes par la crise du logement (risques pour la santé, risque d'expulsion, confort insuffisant ou environnement quotidien et vie de famille impactés)[3].

Historique

Crise du logement durant l'entre deux guerres en France

Un blocage des loyers stricts décidé en 1914 et jamais remis en cause après la première guerre mondiale va entraîner une paralysie quasi totale de l'investissement locatif privé : le blocage des loyers obérant toute rentabilité de ce type d'investissement, les propriétaires de logements existants cessent de les entretenir, faute de revenus suffisants. Pareillement, la perspective de rendements faibles réduit la construction de nouveaux logements. Ainsi, entre les deux guerres, la France a construit 2,5 fois moins de logements que la Grande-Bretagne, et deux fois moins de logements que l'Allemagne, pourtant affligée par une crise monétaire grave (1923). Entre les logements manquants et les unités insalubres, la pénurie est estimée à 2 millions d'unités[4] - [5].

Crise du logement après la seconde guerre mondiale en France

Les destructions massives de la Seconde Guerre mondiale en France ont accentué considérablement la crise du logement dans l’immédiat après-guerre. Le quart du parc immobilier du pays a été endommagé et certaines localités comme Royan ou Le Havre ont été particulièrement touchées par les bombardements. Des familles doivent vivre dans des logements exigus ou provisoires. « Améliorer les conditions de l'habitat » est un des principaux objectif du 1er plan.

L’État revoit la législation (loi de 1948) et, tout en continuant à exercer un contrôle des loyers, relâche ce contrôle sur les constructions neuves ou rénovées, dans l'espoir de stimuler l'investissement. Par ailleurs il lance la construction de grands ensembles, tant pour répondre rapidement à la demande, que pour stimuler l'apparition d'une véritable industrie du bâtiment capable de mettre en œuvre les nouvelles techniques maintenant disponibles (alors que le secteur était resté très artisanal).

Les années 1950 et 1960 ont été enfin marquées par l’apparition de bidonvilles, qui accueillent des immigrés de fraîche date[6]. L'État met alors plusieurs structures sur place, dont le Fonds d'Action sociale pour les travailleurs musulmans d'Algérie en métropole et pour leur famille qui finance les foyers de travailleurs migrants de la SONACOTRA. Ces bidonvilles disparaissent dans les années 1970.

L'essentiel du parc social HLM est constitué entre 1953 et 1972. Après le tournant de la rigueur, le désinvestissement public dans les aides à la pierre provoque une chute du nombre de mise en chantier[7].

Une crise contemporaine

Certains acteurs repris par les mĂ©dias ont dĂ©noncĂ© la rĂ©Ă©mergence d’une crise du logement en France, en particulier l'AbbĂ© Pierre, dĂ©jĂ  Ă  l'origine d'un appel public lors de l'Hiver 1954. Selon la Fondation AbbĂ©-Pierre, 3 millions de personnes sont alors en France très mal logĂ©es. Un million n'avait pas de domicile personnel, 100 000 n'ayant mĂŞme aucun toit, 150 000 vivant en centres d'hĂ©bergement d'urgence, 200 000 dans des abris de fortune (cabane, camping…), 500 000 environ en chambre d'hĂ´tel, chez des tiers ou Ă©tant en instance d'expulsion. Un million n'auraient pas accès au confort de base et autant vivraient dans un logement trop Ă©troit.

Juste avant la crise de 2008, la part des ménages français se déclarant (selon les enquêtes de l'Insee) mal logés est passé de 13,4 % en 1978 à 6,0 % en 1996, puis est remontée à 7,2 % en 2002 avant de redescendre à 6,5 % en 2006[8].

La crise de 2008 ou d'autres facteurs ont été source dans certaines villes d'une diminution de la demande de logement (des agences font faillites) et dans d'autres (grandes villes en général) d'une aggravation des tensions sur l'immobilier.

Selon le rapport 2012 de la Fondation AbbĂ©-Pierre pour le logement des dĂ©favorisĂ©s, près de 3 700 000 personnes sont « mal logĂ©es », plus de 5 millions de personnes sont fragilisĂ©es par la crise du logement et 10 millions de personnes sont aujourd’hui touchĂ©es, de près ou de loin par la crise du logement.

En 2013, le législateur reconnaît l’existence d’une « crise du logement » ; En 10 ans (2000-2010), le marché immobilier urbain s'est « tendu » avec une forte inflation des prix et une insuffisance de l’offre de logements, provoquant une augmentation de 110 % en 10 ans du logement ancien (moyenne nationale) qui a atteint 120 % en région Rhône-Alpes, 135 % en Île-de-France et 140 % en région PACA. Dans le même temps, le prix du logement neuf a également augmenté (+86 % pour les maisons et +94 % pour les appartements)[9]. Le loyer moyen d'habitation a de 1984 à 2010 grimpé à un rythme annuel moyen de 3,4 % (« au même rythme que le revenu disponible mais plus rapidement que le revenu moyen des locataires et deux fois plus vite que les prix à la consommation »[9]. « Si l’on isole les seuls flux de biens remis en location, les loyers des relocations ont augmenté de 50 % en dix ans à Paris et de 43 % en petite couronne. Cette inflation concerne également les prix de la construction qui se sont accrus en France de 51 % entre 2000 et 2011, soit un niveau très supérieur à la moyenne européenne »[9].

Durant ces 10 ans, « le taux d’effort des ménages en faveur du logement s’est accru d’au moins deux points. Les dépenses de logement pèsent plus lourd dans le budget des ménages : ainsi, elles représentent en moyenne 21 % du revenu disponible, avant prise en compte des aides personnelles au logement, et un pourcentage significativement supérieur pour les revenus les plus faibles (...) Le poids d’1 m² de logement dans le budget des foyers modestes (foyer du 1er quartile de niveau de vie) s’est accru de 40 % depuis 1985 »[9].

Cette crise n'est pas comparable avec celle des périodes d'après-guerre, notamment car une partie des logements existants sont vacants. Les régions et centres touchés sont également différents et le parc immobilier français contemporain est caractérisé par d'importants coûts de mobilité[9].

Selon le ministère chargĂ© du logement, les besoins de construction Ă©taient en 2013 de 400 000 Ă  500 000 logements par an durant 10 ans, notamment Ă  la suite de la diminution continue de la taille moyenne des mĂ©nages, et en raison d'une croissance dĂ©mographique qui contrairement aux prĂ©visions de nombreux dĂ©mographes est de 2,1 % (2012), la plus forte d’Europe. En France, il se crĂ©e chaque annĂ©e 350 000 mĂ©nages qui doivent se loger dans un contexte de mobilitĂ© accrue, de dĂ©cohabitation accrue, etc.[9]. 2008 a Ă©tĂ© historique en termes de construction (460 000 logements mis en chantier) mais la crise de 2008 a cassĂ© cette dynamique dès 2009 (330 000 logements). Une reprise est annoncĂ©e en 2010 (360 000 logements), confirmĂ©e en 2011 avec plus de 400 000 logements. Avec le soutien de grandes RĂ©gions, une dynamique en faveur de la rĂ©habilitation du logement ancien s'est aussi dĂ©veloppĂ©e, mais l'offre persiste Ă  ĂŞtre infĂ©rieure Ă  la demande ou mal rĂ©partie.

En 2016, quatre millions de personnes en France sont mal logĂ©es selon la Fondation AbbĂ©-Pierre, et douze millions sont fragilisĂ©es par des difficultĂ©s liĂ©es Ă  l'habitat (prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, locataires en impayĂ©s de loyer, etc.)[7]. La part de revenus consacrĂ© par les mĂ©nages Ă  leur logement, infĂ©rieur Ă  10 % dans les annĂ©es 1960, dĂ©passe 18 % en 2013 selon l'Insee (cette proportion est proche des 30 % pour les locataires)[7]. Beaucoup de personnes issues de foyers modestes souffrent aussi de prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique. En 2019, près de 3,6 millions de personnes ont froid dans leur logement, pour des raisons liĂ©es Ă  la prĂ©caritĂ©. Les Français sont 44 % de plus qu'en 2006 Ă  se priver de chauffage Ă  cause de son coĂ»t[3].

En 2018, plus de 36 000 personnes ont Ă©tĂ© expulsĂ©es de leur logement par des forces policières, soit une hausse de près de 3 % par rapport Ă  l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente[10]. Pourtant, trois millions de logements sont inoccupĂ©s en 2019[11]. La mĂŞme annĂ©e, 612 personnes sans-abris sont mortes, selon une liste non exhaustive du collectif Les Morts de la rue, ce qui reprĂ©sente une hausse de 15 % sur un an. Selon d'autres estimations publiĂ©s par le Bulletin Ă©pidĂ©miologique hebdomadaire de l'Institut de veille sanitaire, les chiffres seraient six fois supĂ©rieurs. Sur la pĂ©riode 2012-2016, le nombre de dĂ©cès serait de 13 371, soit plus de 3 000 par an[12].

L'ONU considère en 2019 la France « coupable de violations du droit au logement ». Pour la rapporteure spéciale de l’ONU sur le droit au logement, « La France est bien placée pour parvenir à remplir ses obligations en matière de droits de l’homme. C’est un pays riche, le sans-abrisme et le nombre de morts sans-abris ne sont pas acceptables, vu les ressources disponibles »[13].

DĂ©terminants

Parmi les déterminants de la crise actuelle, on distingue souvent des causes d'ordre sociologiques, démographiques et pesant sur la demande, et des causes directes, d'ordre économiques pesant sur l'offre.

Alors que les inégalités de patrimoine augmentent en France, quelque 68 % des logements possédés par des particuliers appartiennent à 24 % des propriétaires en 2017. Les ménages propriétaires d'au moins trois logements (11 % des ménages) possèdent près de la moitié du parc (46 %)[14].

Selon l’Insee, la France compte en 2019 plus de trois millions de logements vacants, soit un million de logements vides de plus par rapport à 2008[15].

Déterminants démographiques et sociologiques
  • DĂ©terminants dĂ©mographiques : Les Ă©volutions de la population française (urbanisation croissante, mobilitĂ© plus importante des mĂ©nages[16], espĂ©rance de vie croissante) explique une part de la hausse de demande de logements, particulièrement sensible en ville.
  • DĂ©terminants sociologiques : La baisse continue de la taille des mĂ©nages au XXe siècle induit une hausse de la demande de logement. Entre 1975 et 2005, le nombre moyen de personnes par mĂ©nages est ainsi passĂ© de 2,88 Ă  2,31[17]. La hausse du cĂ©libat (20 % des Français adultes seraient cĂ©libataires selon le sondage Insee de 1999[18]), particulièrement significative dans les grandes villes et Ă  Paris, et la multiplication des divorces (qui entraĂ®nent la demande de deux logements avec des chambres, pour accueillir alternativement les enfants, au lieu d'un seul auparavant) renforce la demande de logement dans ces zones.
Déterminants règlementaires, politiques, et économiques
  • Le foncier constructible : selon un rapport du SĂ©nat, il n'y aurait « pas de pĂ©nurie de foncier brut » (c’est-Ă -dire de terrains qui pourraient accueillir des logements), Ă  l'inverse d'autres pays europĂ©ens, mais une « pĂ©nurie de l'offre de terrains mis sur le marchĂ© au regard de la demande de logements » (c’est-Ă -dire des terrains oĂą la construction de logement a Ă©tĂ© autorisĂ©e par les maires)[19]. En outre, les terrains constructibles ne sont pas lĂ  oĂą la demande est la plus Ă©levĂ©e : de 1995 et 2006, la construction immobilière s'est dĂ©localisĂ©e dans des communes rurales au foncier moins cher[20], loin des centres-villes et des bassins d'emplois, ce qui ne contribue pas Ă  rĂ©duire la crise. Enfin, selon le mensuel Alternatives Ă©conomiques, une des causes de la faiblesse de l'offre s'explique parfois par la rĂ©ticence des maires Ă  accueillir de nouveaux habitants : « modification des Ă©quilibres sociaux et donc politiques de la ville, charges supplĂ©mentaires en termes d'Ă©quipements publics, motif de mĂ©contentement pour les habitants en place », risques financiers et environnementaux, etc.[20].
  • FiscalitĂ© : L'importance des taxes sur l'achat/vente de biens immobiliers varie selon les zones. Selon l'OCDE, la France a des droits de mutation parmi les plus Ă©levĂ©s en Europe (après la Belgique)[21] - [22]. Les collectivitĂ©s locales, qui touchent ces droits qui sont des pourcentages du prix de vente, ont en outre intĂ©rĂŞt Ă  ce que les prix restent Ă©levĂ©s[20]. L'OCDE prĂ©conise la baisse de ces droits de mutation pour augmenter la fluiditĂ© du marchĂ©.
  • Le coĂ»t du crĂ©dit immobilier. Il a massivement baissĂ© pour en novembre 2010 atteindre son taux le plus bas depuis 1945[23]. Cette baisse a pu nourrir la hausse des prix (la baisse du coĂ»t de la dette Ă©tant compensĂ©e par une hausse des prix de vente).
  • instabilitĂ© du cadre des investissements : Philippe Manière note dans son livre L'Aveuglement français (1998) que le taux de dĂ©duction forfaitaire pour frais sur les loyers encaissĂ©s est passĂ© de 25 Ă  20 % en 1981, puis Ă  15 % en 1988, 10 % en 1989, 8 % en 1990, 10 % en 1993, 13 % en 1995 et 14 % en 1997. Selon lui, cette instabilitĂ© rend tout calcul prĂ©visionnel de la viabilitĂ© d'un investissement impossible, et dĂ©courage les investisseurs de construire de nouveaux logements ou de rĂ©nover les logements anciens[24]. De mĂŞme, l'Ă©conomiste Etienne Wasmer dĂ©nonce une surrĂ©glementation de l'immobilier, qui multiplie les effets pervers. Il prĂ©conise de simplifier radicalement les textes pour en revenir Ă  des relations contractuelles standard. Pour l'Ă©conomiste Vincent BĂ©nard[25], la crise du logement en France provient de l'intervention Ă©tatique, tant pour la pĂ©nurie du foncier que dans la rĂ©glementation. Pour lui « en matière de logement, l'intervention de l'État n'est pas la solution : elle est le problème ».
  • Émergence des plateformes de location entre particuliers : selon plusieurs Ă©lus et certains Ă©conomistes, le dĂ©veloppement des plateformes telles Abritel, Airbnb ou Homeaway entrainerait une pĂ©nurie de logements[26] dans les mĂ©tropoles françaises. Ainsi, d'après Ian Brossat, adjoint Ă  la mairie de Paris, chargĂ© du logement, ces nouvelles locations meublĂ©es touristiques rĂ©duisent l'« offre de logement dans la capitale »[27]. En effet, les propriĂ©taires favorisent les locations de court terme via les plateformes comme Airbnb car celles-ci sont plus rentables[28] que les locations de long terme, ce qui crĂ©Ă© une rarĂ©faction des logements disponibles Ă  la location longue durĂ©e[29].

Les effets du logement social

Ses effets sur le marché immobilier sont discutés ; insuffisants pour les uns ou faussant les relations entre l'offre et la demande et renforce la crise du logement pour d'autres

En 2006, 4 millions de mĂ©nages ont cherchĂ© un logement. 800 000 ont accĂ©dĂ© Ă  la propriĂ©tĂ© (en s'endettant ou non). Les autres ont fait appel au parc locatif. Sur ces 3,2 millions de postulants Ă  la location, 430 000 ont obtenu un logement social.

L'offre de logements sociaux a diminuĂ© de 1999 Ă  2005, passant en 6 ans de 500 000 Ă  430 000 logements, pour au moins deux raisons :

  1. un faible taux de construction ; une commune sur cinq n'atteint pas le quota obligatoire de 20 % de logements sociaux (SRU de 2000[20]). Selon la Fondation Abbé-Pierre, depuis 2002, l'aide à la pierre par l’État s'est réduite. Le renouvellement du parc social s'est en outre concentré sur le logement intermédiaire (Produit à loyers intermédiaires et le PLS), tandis que la construction de logements sociaux (PLUS et PLAI) est en baisse (9 % du renouvellement de parc en 2007).
  2. une moindre rotation des locataires (expliquée par un allongement de l'âge de vie et l'écart croissant entre loyers dans le parc HLM et dans le secteur locatif privé ; surtout en région parisienne[30].

Construire plus de logement social est une solution critiquĂ©e par l'Ă©conomiste et militant libĂ©ral Jacques Garello qui parle d'une « double tromperie : d’une part le parc public n’est pas la solution, d’autre part le parc public n’est pas social Â»[31]. Philippe Galy, Ă©lu UMP et ancien fonctionnaire dans le logement social, estime que la crise du logement a en partie pour origine la gestion des aides au logement et des HLM. Les allocations accordĂ©es aux locataires nourrissent la hausse des loyers, tandis que les HLM limitent la mobilitĂ© des habitants sans profiter Ă  ceux qui en ont besoin. Ce constat est partagĂ© par Jean-Baptiste NoĂ© (historien et Ă©conomiste) pour qui « les locations Ă  loyer modĂ©rĂ© renchĂ©rissent le coĂ»t global du logement et ne profitent pas aux populations les plus pauvres Â»[32]. Selon l'universitaire Claire LĂ©vy-Vroelant, les hausses de loyers sont essentiellement encouragĂ©es par un nombre insuffisant de HLM en comparaison de la demande. D'après l'Inspection gĂ©nĂ©rale des affaires sociales, les APL permettent de diminuer le taux d'effort des allocataires dans leur logement de 35,8 % Ă  19,5 %, ce qui fait des APL l'un des principaux instruments de lutte contre la pauvretĂ© en France[7].

Difficultés nouvelles pour le logement des classes moyennes

De 1990 à 2006, les ménages de la classe moyenne voient leur poste de consommation « logement, eau, gaz et électricité » passer de 20 % à 25,2 % des dépenses de consommation du ménage ; premier poste de consommation loin devant les transports (14,7 % en 2006) et l'alimentation (13,7 % en 2006)[33]. Ceci s'explique notamment par l'envolée des prix de vente au mètre carré (doublement depuis 2001 à 2006) et dans une moindre mesure par l'augmentation des loyers[34].

Politiques proposées ou mises en œuvre contre la crise

Les mesures prises par l'État et de nombreuses collectivités ont principalement été :

  • accorder un "droit au logement opposable" ;
  • AccroĂ®tre la protection des locataires en difficultĂ©, soit, vu de l'autre cĂ´tĂ©, restreindre les droits des bailleurs ;
  • subventionner directement, ou indirectement (par des exonĂ©rations fiscales), la construction et la rĂ©novation ;
  • Projet de garantie universelle des loyers (GUL) pour protĂ©ger les propriĂ©taires contre les risques d'impayĂ©s, encourager la mise en location de logements vacants et faciliter l'entrĂ©e des locataires dans le logement
  • clarification des règles pour les professionnels de l'immobilier, afin de limiter les pratiques abusives (qui ont aussi dĂ©gradĂ© l’image de l’intermĂ©diaire et a pesĂ© sur le dynamisme de l'immobilier). La loi propose de rĂ©organiser la profession autour d'une nouvelle dĂ©ontologie et en amĂ©liorant la formation des syndics notamment (Loi ALUR, 2014).
  • rĂ©formes imposant plus de transparence dans les marchĂ©s fonciers et le logement social[35] (Loi ALUR, 2014)
  • reconnaissance et encouragement de l'habitat participatif, par crĂ©ation en 2014 de nouveaux statuts juridiques possibles : « sociĂ©tĂ© d'habitat participatif Â» ; « sociĂ©tĂ© coopĂ©rative d'habitants » et « sociĂ©tĂ© d'attribution et d'autopromotion » permettant - Ă  certaines conditions - Ă  un groupe de gens d'acheter du terrain et faire construire un ou plusieurs immeubles d'habitation cogĂ©rĂ©s, contenant des espaces et matĂ©riels mutualisĂ©s, et d'en faire l'autopromotion (Loi ALUR, 2014).
  • reconnaissance possible par les documents d'urbanisme de plusieurs formes d’habitat lĂ©ger, mobile et dĂ©montable (autres que caravanes et mobilhomes) [36] (Loi ALUR, 2014).
  • voter un dĂ©cret en avril 2017[37] afin de garantir l'accès au logement pour les populations dans les grandes villes touristiques (il permet aux communes de plus de 200 000 habitants de contraindre les loueurs utilisant les plateformes collaboratives de location entre particuliers, comme Abritel, Airbnb ou Homeaway, Ă  s’enregistrer en mairie)[38].

Proposé par la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), un fichier national des locataires mauvais payeurs devrait être opérationnel en 2021, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi Nogal sur les relations propriétaire-locataire. Le fichier recensera les locataires en retard de trois mois dans le paiement de leur loyer[39].

Deux grandes tendances s'opposent dans la préconisation des politiques à apporter.

1) Agir sur l'offre (par des aides ou l'accroissement de mesures existantes voire par réquisition de friches industrielles ou de logements vacants), pour :

  • accroĂ®tre, de moderniser et de mieux rĂ©partir gĂ©ographiquement le parc de logement social (HLM) ;
  • orienter cet accroissement vers la partie la plus sociale (PLUS et PLAI) plutĂ´t que vers le logement intermĂ©diaire (produit Ă  loyers intermĂ©diaires et PLS) ;
  • orienter le parc HLM existant vers les familles rĂ©ellement modestes (rapprocher des prix de marchĂ© les loyers des dĂ©tenteurs d'un HLM dont les revenus sont Ă©levĂ©s, voire les expulser au-delĂ  d'un plafond[40] ;

Ces propositions sont le plus portées par des acteurs politiques qui insistent plus généralement sur la nécessité de l'intervention publique.

2) libérer l'offre :

  • supprimer les règlementations de zonage qui « limitent artificiellement la constructibilitĂ© du sol » et ainsi provoquent une « raretĂ© artificielle » qui serait responsable d'un tiers de la valeur des biens immobiliers en 2005. « Tout terrain doit ĂŞtre prĂ©sumĂ© constructible ».
  • supprimer ou rĂ©duire drastiquement les subventions et aides Ă  la propriĂ©tĂ©, qui seraient facteurs de la hausse des prix (d'achat comme de location)
  • simplifier la rĂ©glementation et diminuer la protection des locataires, qui se retourne contre eux puisque les propriĂ©taires demandent plus de garantie : l'Ă©conomiste Étienne Wasmer Ă©crit dans LibĂ©ration : « Faisons de la loi sur le logement un simple sous-chapitre du droit des contrats : on signe, on paie, si on ne paie pas, on s'en va. Divisons la longueur des textes de lois par deux. Simplifions leur exposition, plus besoin de lire trente dĂ©crets d'application pour comprendre comment faire appliquer ses droits. Â»[41]
  • remplacer le système du logement social et le système complexe des aides au logement par un chèque logement, fonction du nombre de personnes du foyer et dĂ©gressif avec les revenus pour Ă©viter les effets de seuil, utilisable pour l'achat ou la location[42] ;
  • vendre les HLM Ă  leurs locataires, ce qui rendrait actif un capital actuellement mort (du point de vue de la thĂ©orie de Hernando de Soto), et rendrait plus efficient le marchĂ© immobilier (actuellement fragmentĂ© en sous-marchĂ©s) ;
  • ouvrir l'immigration aux professionnels Ă©trangers pour que les entreprises puissent rĂ©pondre Ă  la demande de construction.
Encadrement des loyers

Face à la hausse importante des loyers après l'an 2000, une première tentative d'encadrement des loyers du secteur privé est introduite par la loi ALUR en 2014, mais du fait de ses modalités d'application, les mesures prises à Paris et Lille sont annulées par la Justice. De nouvelles dispositions sont introduites par la loi ELAN votée en novembre 2018. Des villes comme Paris s'inscrivant dans la démarche, mais le dispositif reste dans l'attente de décrets d'application attendues pour l'été 2019[43].

Par régions

ĂŽle-de-France

37 000 logements sont construits chaque annĂ©e en ĂŽle-de-France. Un objectif de 70 000 logements construits par an est inscrit dans la loi du Grand Paris, mais elle n'est pas contraignante[44].

Le conseil Ă©conomique, social et environnemental rĂ©gional (CESER) d'ĂŽle-de-France prĂ©conise la construction de 100 000 logements en dix ans pour les mĂ©nages Ă  revenus moyens. Ces 450 000 mĂ©nages (soit 9,3 % des Franciliens) sont trop riches pour accĂ©der au logement "très social" mais pas assez pour se loger correctement dans le parc privĂ© selon le CESER. 292 000 d'entre eux avec des revenus mensuels de 3 500 euros sont Ă©ligibles au logement social, mais en sont exclus fautes de place[44].

À Paris, les catégories socioprofessionnelles les plus favorisées représentent, en 2018, 86 % des transactions de logements contre 69 % en 1998. Inversement, la part des employés et ouvriers achetant un logement n’a cessé de fondre en 20 ans. Leur proportion a été divisée par trois, passant de 15 % à 5 %[45].

Paris compte en 2019 un nombre de 346 000 logements vacants, soit 11,7 % des logements de la capitale. Des associations entreprennent des actions pour tenter d'obtenir des rĂ©quisitions afin de loger les sans-abris[46]. En fĂ©vrier 2019, 2 000 bĂ©nĂ©voles et travailleurs sociaux ont recensĂ© 3 641 sans-abri Ă  Paris, soit 600 personnes de plus que l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Les deux-tiers disent ne jamais appeler le 115, parce qu'ils ne connaissent pas l'existence de ce dispositif ou parce que les conditions d'accueil ou de sĂ©curitĂ© ne leur conviennent pas[47]. Le Samu social alerte Ă©galement sur le manque de place en hĂ©bergement d'urgence ; chaque jour, 400 familles qui composent le 115 dans l'espoir de trouver un toit pour passer la nuit, restent sans rĂ©ponse[48].

Notes et références

  1. « Le nombre de SDF a augmenté de 50% en 10 ans, dénonce la Fondation Abbé Pierre », sur France Bleu,
  2. « La Fondation AbbĂ© Pierre recense près de « 300 000 SDF en France », un « Ă©lectrochoc » », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
  3. « 15 millions de Français sont affectés par la crise du logement », sur Orange Actualités, .
  4. Le logement social en France : 1789 à nos jours, Jean-Marc Stébé, coll. Que sais-je ?, Presses universitaires de France, Paris, 3e édition revue en novembre 2007, (ISBN 2130555942)
  5. La dramatique crise du logement de l’entre-deux-guerres, par Marina Bellot, mai 2018.
  6. Des bidonvilles aux portes de Paris
  7. « Réforme des APL, torpille contre l'habitat social », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. enquêtes sur le logement, France métropolitaine ; source : Quelques caractéristiques du parc de résidences principales, Insee. Consulté le 13 avril 2008
  9. voir chap I Le déficit structurel de l’offre à l’origine des difficultés d’accès au logement, et paragraphe 1) La situation économique du logement en France et ses conséquences sociales, in étude d'impact de la loi ALUR, Assemblée nationale (2013)
  10. « Nouveau record d’expulsions locatives, la Fondation Abbé Pierre tire la sonnette d’alarme », AFP,‎ (lire en ligne).
  11. « Paris : plus de 200 SDF ont occupĂ© un immeuble du 13e arrondissement pour dĂ©noncer les 346 000 logements vacants », sur France Info, .
  12. « 612 personnes sans-abri sont mortes en France en 2018 », sur AFP, (consulté le ).
  13. « L’ONU avertit la France, coupable de violations du droit au logement », L'Obs, .
  14. « Un quart des multipropriétaires détient 2 logements sur 3… Un problème ? », sur www.20minutes.fr,
  15. Sophie Chapelle, « Un fonds d'investissement porte plainte contre Droit au logement », sur bastamag.net, (consulté le )
  16. Population, « Les flux migratoires interrégionaux en France depuis cinquante ans », no 1, 2007, revue publiée par l'INED décompose en trois périodes la mobilité des ménages français : forte entre 1945 et 1975, faible durant les années 1970 et 80 et de nouveau en forte croissance depuis les années 1990.
  17. Alternatives économiques, « Couple et famille, les grandes transformations », paru dans le hors-série no 74, quatrième trimestre 2008.
  18. Chiffre cité dans un article, « Célibataires, une solitude douce-amère » paru dans le quotidien La Croix, le 7 octobre 2005
  19. Les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, rapport du SĂ©nat, 2004, introduction
  20. Alternatives économiques, « Trois dossiers chauds pour les maires », article de Pascal Canfin, paru dans le no 266, février 2008.
  21. OCDE ou commande OCDE ? (date ?) Part II Chapitre 4 Le logement et l'économie : des politiques à rénover, PDF 28 pages. Les auteurs précisent en note 1 : que ce chapitre est « fondé sur l’analyse qui figure dans Andrews, D. Caldera-Sánchez, A et Å. Johansson (2011), « Housing Markets and Structural Policies in OECD Countries » qui fait largement référence aux travaux effectués sur les marchés du logement »,
  22. Marchés du logement et croissance, Contrepoints.org, 21 janvier 2011
  23. Les taux d'emprunt immobilier au plus bas depuis 1945, Easybourse.com
  24. « Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions que le parc locatif privé se restreigne année après année, avec les conséquences que l'on sait sur le logement » ; Philippe Manière in L'Aveuglement français, Stock, 1998, p. 191-192
  25. Le Logement : crise publique, remèdes privés
  26. «Airbnb nourrit la pénurie de logements à Paris», sur 20minutes.fr (consulté le )
  27. « Airbnb : un problème pour Paris ? », sur europe1.fr,
  28. « A Paris, la location Airbnb rapporte 2,6 fois plus que la location classique », sur journaldunet.com,
  29. « Comment Airbnb a dépeuplé le centre de Paris », sur telerama.fr,
  30. Chiffres cités dans l'article « L'angoisse du logement » paru dans Alternatives économiques, Hors-série no 74 : Les chiffres de l'économie - 4e trimestre 2007.
  31. Vive le logement social, Jacques Garello, La Nouvelle Lettre
  32. Le logement social est-il juste ?, Atlantico, 10 mars 2011
  33. Chiffres cités dans l'article « Le logement, dépense numéro un » paru dans Alternatives économiques, Hors-série no 74 : Les chiffres de l'économie - 4e trimestre 2007.
  34. Chiffres publiés par le conseil général de l'environnement et du développement durable .
  35. art 142, avec légifrance
  36. Article 132
  37. « DĂ©cret Airbnb : les loueurs vont devoir s'enregistrer », leparisien.fr,‎ 2017-05-05cest11:48:56+02:00 (lire en ligne, consultĂ© le )
  38. « Décret « Airbnb » : les villes peuvent contrôler les loueurs », Le Monde,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  39. « Immobilier : vers la création d'un fichier national des locataires mauvais payeurs », sur Les Échos,
  40. Propositions de l'Institut Montaigne sur le logement
  41. Logement et réglementation
  42. « Deux bonnes nouvelles pour le logement », Les Échos, .
  43. Nathalie Coulaud, « L’encadrement des loyers revient par la – petite – fenêtre », sur lemonde.fr, (consulté le )
  44. Se loger en Ile-de-France, un casse-tête pour les revenus moyens aussi, Le Monde, 8 décembre 2011
  45. « Ouvriers et employés ont totalement disparu du marché immobilier parisien », sur Le Figaro,
  46. « Paris : plus de 200 SDF ont occupĂ© un immeuble du 13e arrondissement pour dĂ©noncer les 346 000 logements vacants », sur francetvinfo.fr, .
  47. « Paris compte 3 641 SDF, un nombre en hausse par rapport Ă  2018 », L'Express, .
  48. « Plus aucune place d'hébergement d'urgence n'est disponible à Paris, alerte le Samu social », L'Express,‎ (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Pierrette Briant, division Logement, Insee, no 1291 - mai 2010 - L’accession Ă  la propriĂ©tĂ© dans les annĂ©es 2000
  • Vincent BĂ©nard, Le Logement : crise publique, remèdes privĂ©s, Romillat, 2007. (ISBN 2878941365), [prĂ©sentation en ligne]
  • Patrick GrĂ©pinet, La crise du logement. Des chiffres pour comprendre, des pistes pour agir, Ă©dition L'Harmattan, coll. Questions contemporaines, 2006, 200 p., (ISBN 2296005888)
  • Christian Julienne, Logement, solutions pour une crise fabriquĂ©e, 2006, Paris, Les Belles Lettres, 332 p., (ISBN 2251443088), [prĂ©sentation en ligne]
  • Georges Mesmin, Urbanisme et logement : Analyse d'une crise, 1992, Paris, PUF, 173 p., (ISBN 2130448488)
  • Fondation AbbĂ© Pierre, L'Ă©tat du mal logement en France
  • Henry Hazlitt, L'Ă©conomie politique en une leçon, Ă©dition de 1979, chap. 18 : Les rĂ©sultats du contrĂ´le des loyers, [lire en ligne]

Filmographie

Liens externes

Sources

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.