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Cirque de Barrosa

Le cirque de Barrosa (Circo de Barrosa en espagnol) est un cirque glaciaire situĂ© au centre de la chaĂźne des PyrĂ©nĂ©es, en Espagne, dans la comarque du Sobrarbe (province de Huesca, communautĂ© autonome d'Aragon). Une partie de sa ligne de crĂȘte forme la frontiĂšre avec la France.

Cirque de Barrosa
Circo de Barrosa
Circo de Barrosa
CoordonnĂ©es 42° 42â€Č 16″ N, 0° 09â€Č 14″ E
Massif Massif de la Munia (Pyrénées)
Pays Drapeau de l'Espagne Espagne
Communauté autonome Aragon
Province Huesca
Orientation est
Origine Cirque glaciaire
Plus haut sommet Pic de la Munia : 3 133 m
CirconfĂ©rence 7 500 m
Géolocalisation sur la carte : Pyrénées
(Voir situation sur carte : Pyrénées)
Cirque de Barrosa
GĂ©olocalisation sur la carte : province de Huesca
(Voir situation sur carte : province de Huesca)
Cirque de Barrosa

Il s’agit d’un beau cirque de montagne, attrayant pour des montagnards, mais il se singularise par sa structure gĂ©ologique en deux Ă©tages, l’étage supĂ©rieur faisant partie d’un chevauchement, et par les vestiges d’un ancien chemin muletier qui le traverse de part en part. Or ces deux singularitĂ©s sont intimement liĂ©es puisque ce chemin a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© sur une corniche naturelle qui court, dans les falaises, Ă  la limite entre les deux Ă©tages, ce qui confĂšre Ă  son parcours un grand intĂ©rĂȘt sur le plan gĂ©ologique.

De plus le cirque de Barrosa fournit l’occasion de s’intĂ©resser Ă  plusieurs histoires : celles de l’exploitation miniĂšre dans la rĂ©gion du cirque, Ă  laquelle ce chemin est liĂ© ; celle des relations humaines entre la France et la vallĂ©e de Bielsa, par ce chemin ou des cols voisins ; celle d’un Ă©pisode de la guerre d’Espagne, dont la vallĂ©e de Bielsa a Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre ; et celle du pyrĂ©nĂ©isme, dont les pionniers dĂ©couvrent le cirque Ă  la fin du XIXe siĂšcle.

Toponymie

Barr- vient de l’indo-europĂ©en, ou du latin, barra- (cime, extrĂ©mitĂ©, branche pour un arbre) qui a donnĂ© « barre » en français avec le sens de piĂšce de bois qu’on met en travers pour « barrer » le passage, comme le fait une « barre rocheuse » plus large que haute[1].

L’origine du suffixe –osa est obscure : peut-ĂȘtre le latin –osus, -osa, qui marque la quantitĂ©, comme en français le suffixe –eux, par exemple dans herbeux.

Barrosa en espagnol devient Barroude en français, -osa passant à –oda, -oudo dans le gascon local

GĂ©ographie

Topographie

Vue panoramique du cirque de Barrosa
Vue panoramique du cirque de Barrosa, prise de la sierra de Liena.

Le cirque glaciaire de Barrosa se situe sur le versant espagnol de la crĂȘte frontiĂšre des PyrĂ©nĂ©es centrales, dans le Haut Aragon (province de Huesca, comarque de Sobrarbe), vallĂ©e de Bielsa. Y prend sa source le rio Barrosa, qui se jette dans le rio Cinca Ă  Bielsa.

Entre le col d’Espluca Ruego au sud (2 493 m) et le port frontalier de Barroude au nord (2 534 m), distants de 3,25 km, sa ligne de crĂȘte principale dessine une demi-confĂ©rence de km de long, passant par les sommets de la Punta d’Espluca Ruego (2 631 m), le pic Robiñera (3 003 m), le pic de la Munia (3 134 m), et le pic de Troumouse (3 085 m). Elle est de km si on la considĂšre comme se prolongeant au-delĂ  du port de Barroude jusqu’au pic Barrosa (2 763 m).

Carte de la région du Cirque de Barrosa
Carte topographique et géologique de la région du cirque de Barrosa

Par l’arĂȘte est du pic de La Munia, qui avance dans le cirque un gros Ă©paulement en forme de dĂŽme, le cirque est divisĂ© en deux parties. Sa partie nord (« dite Barroseta »), qui s’adosse au cirque de Troumouse, et dont la falaise prolonge en Espagne la muraille de Barroude, communique avec la vallĂ©e de La Gela, branche de la vallĂ©e d’Aure, par le port de Barroude. Sa partie sud, la plus grande, comprend la partie centrale du cirque, dont les pentes, sous le large col de Robiñera, sont modĂ©rĂ©es, et la falaise sud du cirque, prolongĂ©e Ă  l’est par le versant nord, abrupt, de la sierra de Liena. Par le col d’Espluca Ruego elle communique avec le plateau pastoral de Liena (ou de Ruego), versant sud de cette sierra, en pente douce au-dessus de la vallĂ©e d’un affluent de la rive droite du rio Barrosa, le rio Real.

Voies d'accĂšs

L’accĂšs le plus facile se fait par le lieu-dit l’« Hospital de Parzan », au bord du rio Barrosa, sur la route internationale A-138, Ă  km de la sortie sud du tunnel transfrontalier d’Aragnouet-Bielsa. De lĂ  on atteint le fond du cirque, Ă  pied, en 1 heure 1/4 environ.

Par le sud on peut y accĂ©der par la vallĂ©e de ChisagĂŒes, hameau accessible par la route Ă  laquelle succĂšde une piste, parfois en forte pente, permettant d’atteindre, en km, une cabane sur le plateau de Liena. De lĂ  on monte au col d’Espluca Ruego en 1 heure Ă  pied.

Au nord on peut y accéder par la vallée de La Gela en montant à pied au port de Barroude, en 3 h 30 - 4 h à partir de la route D 173.

GĂ©ologie

Coupe des Pyrénées centrales
Coupe nord-sud des Pyrénées centrales montrant les chevauchements consécutifs à la collision de la plaque tectonique Ibérie contre la plaque eurasienne

La muraille du cirque comporte deux étages[2] - [3], ce qui a d'emblée frappé Franz Schrader[4] lorsque le premier, en 1877, il visite le cirque alors méconnu des pyrénéistes français.

L’étage supĂ©rieur appartient Ă  une unitĂ© chevauchante (« chevauchement », « allochtone ») dite « nappe de charriage de Gavarnie[5] - [6] », et repose par un contact anormal sur une unitĂ© infĂ©rieure (« socle », « substratum », « autochtone »). Ce plan de chevauchement est quasiment horizontal dans le cirque alors qu'au-delĂ  il plonge vers le nord et vers le sud[2] - [3].

Le cirque de Barrosa met ainsi son visiteur en prĂ©sence du mĂ©canisme de la formation des montagnes par collision continentale (ce qui est le cas des PyrĂ©nĂ©es, qui peut ĂȘtre comparĂ© Ă  celui des Alpes[7] - [8] - [9] et de l'Himalaya[10], Ă  base de chevauchements par compression[11] - [12] - [13] - [14] - [8] - [9].

Vers –80 millions d’annĂ©es (Ma), la plaque continentale ibĂ©rique (sa lithosphĂšre) entre en collision avec le bord aquitain de la plaque eurasienne supposĂ©e fixe. La plaque ibĂ©rique[5] s’enfonce (difficilement car relativement lĂ©gĂšre) sous la plaque eurasienne, mais des Ă©cailles, bloquĂ©es contre le front de celle-ci, s’en dĂ©collent successivement et chevauchent, par Ă -coups successifs, la croĂ»te ibĂ©rique sous-jacente qui continue Ă  migrer vers le nord. Un mĂ©canisme analogue affecte Ă  un moindre degrĂ© le bord aquitain de la plaque eurasienne. C’est l'empilement par en dessous de ces « unitĂ©s chevauchantes », dans le prisme formĂ© par les deux plaques, qui, en Ă©paississant la croĂ»te continentale, est le principal mĂ©canisme de la surrection des PyrĂ©nĂ©es. Celle-ci est passĂ©e par un maximum d’intensitĂ© vers –40 Ma. Elle remanie une croĂ»te continentale qui avait Ă©tĂ© affectĂ©e, entre -350 et -300 Ma, par la formation de la chaĂźne hercynienne[15], par la suite rĂ©duite Ă  l’état de pĂ©nĂ©plaine par son Ă©rosion au Permien et au Trias (-300 Ă  -200 Ma). Elle continue aujourd’hui, mais beaucoup plus lentement.

Coupe nord-sud de la région du cirque de Barrosa
Coupe nord-sud de la région du cirque de Barrosa situant celui-ci dans l'empilement des chevauchements, par rapport à la nappe de charriage de Gavarnie

Sur une coupe nord-sud[2] cet empilement a la forme d’un Ă©ventail avec dĂ©versement vers le nord sur la plaque eurasienne (incluant la faille nord-pyrĂ©nĂ©enne qui reprĂ©sente la suture entre les deux plaques), et surtout vers le sud. Dans la partie centrale des PyrĂ©nĂ©es il constitue la chaĂźne axiale, faite en majoritĂ© de terrains primaires. Son versant mĂ©ridional, empilement des tĂȘtes plongeantes des unitĂ©s chevauchantes, est fait surtout de sĂ©diments calcaires crĂ©tacĂ©s et tertiaires ; il constitue le futur massif du Mont-Perdu[16].

Le cirque de Barrosa a Ă©tĂ© creusĂ© par les glaciers quaternaires dans l’épaisseur de deux de ces unitĂ©s chevauchantes superposĂ©es, Ă  un endroit oĂč le plan de chevauchement entre les deux est pratiquement horizontal[3]. L’unitĂ© infĂ©rieure est constituĂ©e de granite dans les parties centrale et mĂ©ridionale du cirque et le plateau de Liena, et de cornĂ©enne (schistes infiltrĂ©s et recuits par le granite Ă  l’état fondu lorsqu’il s’est mis en place dans la chaĂźne hercynienne) dans sa partie nord. Sa surface est celle de l’ancienne pĂ©nĂ©plaine post-hercynienne, par la suite recouverte de sĂ©diments : dĂ©pĂŽts fluviatiles discontinus de grĂšs rouge au Permien et au Trias (pic Barrosa, plateau de Liena) rĂ©sultant de l’érosion de la chaĂźne hercynienne, puis dĂ©pĂŽts calcaires dans une mer peu profonde au CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur moyen[3] - [5] - [6].

L’unitĂ© supĂ©rieure (la « nappe de charriage ») est constituĂ©e, de bas en haut : d'wikt:ampĂ©lite du Silurien, de calcaire du DĂ©vonien infĂ©rieur et de schistes du DĂ©vonien moyen et supĂ©rieur[5] - [6].

Schéma géologique de trois parties du cirque de Barrosa
Schémas de la structure géologique de trois parties du cirque de Barrosa : la falaise sud, la falaise nord et le port de Barroude

En raison de la place importante qu’elle occupe dans la cirque, l'ampĂ©lite[17] - « L'ampĂ©lite » justifie une mention spĂ©ciale. Cette roche contient en effet des matiĂšres organiques, donc du carbone, sous forme de particules de graphite oĂč les feuillets de carbone sont mal liĂ©s entre eux. Ceci explique, outre la couleur noirĂątre de la roche, son dĂ©litement facile (responsable des reliefs Ă©moussĂ©s du port de Barroude), et surtout son rĂŽle de « couche-savon » liĂ© Ă  l’effet lubrifiant du graphite, donc sa position Ă  la base de l’étage supĂ©rieur, juste au-dessus du plan de chevauchement.

Le profil en « auge » de la vallĂ©e du rio Barrosa tĂ©moigne de son Ă©rosion par le glacier quaternaire qui a creusĂ© la partie sud du cirque[18] - [19]. Au centre du cirque, une moraine, masquĂ©e par une pelouse mais parsemĂ©e de blocs calcaires erratiques, en aval d’un verrou glaciaire, est le tĂ©moin du glacier plus rĂ©cent (fin de la derniĂšre pĂ©riode glaciaire : −20 000 Ă  −10 000 annĂ©es) qui a creusĂ© sa partie nord. AprĂšs la fin du petit Ăąge glaciaire, au milieu du XIXe siĂšcle, a persistĂ© dans la versant est du pic Robiñera un glacier aujourd'hui disparu[20] - [4].

Histoire

GĂ©ologie du cirque de Barrosa
GĂ©ologie du cirque de Barrosa montrant sa structure en deux Ă©tages, identifiant leurs roches, et situant le chemin des mines

Plusieurs faits historiques peuvent ĂȘtre rattachĂ©s au cirque de Barrosa ou Ă  ses environs immĂ©diats.

Relations humaines entre les vallées d'Aure et de Bielsa

Pendant des siĂšcles le port de Barroude (surtout Ă  partir du moment oĂč le chemin des mines a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©), et encore plus le Port Vieux et le port de Bielsa voisins, ont Ă©tĂ©, jusqu’à la construction des routes et des tunnels transfrontaliers, un lieu de franchissement Ă  pied de la crĂȘte frontiĂšre des PyrĂ©nĂ©es centrales (comme le Port de Boucharo plus Ă  l’ouest, et le port de Plan plus Ă  l’est). Le lieu-dit HĂŽpital de Parzan tient son nom de l’existence Ă  cet endroit, dans le passĂ©, au dĂ©bouchĂ© de ces trois cols, d’un hospice, ou hĂŽpital (dont il ne reste pratiquement rien), sorte de refuge oĂč les voyageurs trouvaient le gĂźte et le couvert. Il avait son pendant cĂŽtĂ© français dans un hospice qui incluait la chapelle des Templiers[21] - [16].

C’était surtout les habitants des vallĂ©es françaises et espagnoles qui franchissaient ces ports transfrontaliers. Jouissant d’une grande autonomie par rapport au pouvoir royal, ils Ă©taient libres d’aller d’un versant Ă  l’autre. Or les deux versants sont complĂ©mentaires sur le plan du climat (humide et froid du cĂŽtĂ© français, sec et chaud cĂŽtĂ© espagnol) et donc sur celui des ressources, qu’ils avaient intĂ©rĂȘt Ă  Ă©changer pour survivre.

Partie sud du cirque de Barrosa
Partie sud du cirque de Barrosa, du col d'Espluca Ruego à gauche au pic Robiñera à droite

Par exemple les Espagnols menaient leurs bovins paĂźtre les grasses prairies du versant nord louĂ©es aux communes françaises propriĂ©taires. Des habitants des vallĂ©es françaises allaient vendre du fromage, du beurre, des objets artisanaux, des mulets, dans les vallĂ©es espagnoles, et les Espagnols apportaient en France de la laine, de l’huile d’olive, du sel, des fruits, du vin. Les ports Ă©taient aussi franchis par des pĂšlerins, des commerçants, des ouvriers saisonniers, des contrebandiers, des dĂ©serteurs, ou simplement par des personnes allant rendre visite Ă  des amis ou des parents de l’autre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre[21] - [16].

Pour que ces Ă©changes se dĂ©roulent dans un climat de solidaritĂ© et de paix, et de façon permanente, Ă  l’écart des guerres entre les deux royaumes, des reprĂ©sentants des habitants de deux versants s'assemblaient pour voter et jurer de respecter, sous le nom de « lies et passeries », une charte commune assurant libertĂ© de circulation, non-agression, secours mutuel, rĂ©ciprocitĂ© juridique[21] - [16].

Histoire miniĂšre

À proximitĂ© du cirque, Ă  l’extrĂ©mitĂ© nord-est du plateau de Liena, dans les versants sud et est du pic Liena, des mines de plomb argentifĂšre et de fer[21] - [22] - [23] ont Ă©tĂ© exploitĂ©es, probablement depuis l’AntiquitĂ© et jusqu'au XXe siĂšcle. Il existe d’ailleurs des vestiges d’autres mines dans la rĂ©gion : mines de Ruego, Ă  l’autre extrĂ©mitĂ© du plateau de Liena, mines de Mallo Ruego dans le flanc sud du pic Barrosa, mines du pic Mener face au pic Liena, sur la rive gauche du rio Barrosa, mines de La Gela, cĂŽtĂ© français, au-dessous du Port Vieux. À partir du minerai de fer, des forges, Ă  Bielsa, ont produit dans le passĂ©, notamment aux XVIIe et XIXe siĂšcles, du fer d’excellente qualitĂ©.

Falaise sud du cirque de Barrosa vue du col d'Espluca Ruego
Falaise sud du cirque de Barrosa vue du col d'Espluca Ruego ; Ă  droite : pics de la Munia et de Troumouse

Mais le minerai extrait de ces mines du pic Liena Ă©tait nĂ©cessairement transportĂ© dans des centres de traitement Ă©loignĂ©s. Or la dissymĂ©trie des PyrĂ©nĂ©es fait que son transport vers les vallĂ©es françaises Ă©tait nettement plus court et facile que le transport vers la vallĂ©e de l’Èbre[24]. Entre 1912 et 1928, date Ă  laquelle l’exploitation des mines, difficile en raison de leur altitude, voisine de 2 500 m, a cessĂ© d’ĂȘtre rentable, l’essor de la technologie du fer a permis l’installation d’audacieux cĂąbles transporteurs aĂ©riens. L’un d’eux descendait le minerai du pic Liena Ă  des installations miniĂšres (dont il ne reste aujourd’hui que des ruines envahies par la vĂ©gĂ©tation) construites Ă  l’Hospital de Parzan, au bord du rio Barrosa, oĂč il Ă©tait dĂ©barrassĂ© dans une laverie de sa partie stĂ©rile. L’autre, transfrontalier, de 10 km de long, le transportait en vallĂ©e d’Aure, au pont du Moudang[21].

Mais, avant 1912, un chemin muletier, appelĂ© en France « chemin des mines », a sans doute permis, pendant un temps, le transport du minerai de plomb argentifĂšre Ă  dos de mulets, sans grande perte d’altitude, Ă  travers le cirque de Barrosa, oĂč il avait pu ĂȘtre amĂ©nagĂ© grĂące Ă  une corniche naturelle. Son tracĂ©, intimement liĂ© Ă  la structure gĂ©ologique du cirque, court en effet dans les falaises sud et nord, juste au niveau du plan de chevauchement, sur cette corniche naturelle liĂ©e au fait que l’étage supĂ©rieur, plus sensible Ă  l’érosion, est un peu en retrait par rapport Ă  l’étage infĂ©rieur. Cet amĂ©nagement, sans doute au XIXe siĂšcle, a cependant nĂ©cessitĂ© la construction de murettes de soutĂšnement (aujourd’hui disparues, sauf dans un court tronçon-tĂ©moin dans la falaise sud) et, Ă  certains endroits, l’élargissement de la corniche Ă  coups d’explosifs[22].

Vire du cirque de Barrosa dans la falaise sud
D'un éperon de la falaise sud vue sur la vire au départ du col d'Espluca Ruego

Cette situation du chemin au niveau du plan de chevauchement explique qu’au col d’Espluca Ruego il soit de plain-pied avec la surface du plateau de Liena, et que dans les falaises, ou mĂȘme ailleurs, sa chaussĂ©e lui soit offerte par la mince assise de calcaire crĂ©tacĂ© qui recouvre le granite ou la cornĂ©enne du socle, et que, lorsqu’on le parcourt, on cĂŽtoie souvent la base de la couche d’ampĂ©lite noirĂątre qui lui a donnĂ© son nom espagnol. Cela fait de lui un « chemin gĂ©ologique », spectaculaire et peut-ĂȘtre unique.

Partant des mines de Liena il traversait horizontalement le haut du plateau de Liena (oĂč ses vestiges sont encore visibles) jusqu’au col d’Espluca Ruego. Sur le versant français du Port de Barroude, probablement relayĂ© par un petit cĂąble aĂ©rien pour franchir l’escarpement rocheux qui soutient le balcon de Barroude, il descendait dans la vallĂ©e de La Gela. Ce chemin permettait de toute façon le dĂ©placement du personnel travaillant aux mines, et le transport du matĂ©riel, entre la France et celles-ci.

D’autres mines ont Ă©tĂ© exploitĂ©es dans la rĂ©gion, comme dans beaucoup d’autres rĂ©gions des PyrĂ©nĂ©es, jusqu’au XIXe siĂšcle, principalement aux XVIe et au XVIIe : des mines, dites de Mallo Ruego, dans la versant sud du Pic Barrosa, avec un cĂąble aĂ©rien dont on peut voir des vestiges dans la haute vallĂ©e du rio Barrosa ; des mines de fer dans le versant ouest du Pic Mener, face au pic Liena sur la rive gauche du rio Barrosa, alimentant les forges de Bielsa ; des mines dans la vallĂ©e du Rio Cinqueta (notamment des mines de cobalt au-dessus du village du Plan) ; d’autres mines dans le massif proche de La Punta Suelsa. Sur le versant français des mines de plomb argentifĂ©re ont Ă©tĂ© Ă©galement exploitĂ©es, notamment au XIXe siĂšcle, dans la vallĂ©e de La Gela, sous le Port Vieux.

La Bolsa de Bielsa

Falaise nord du cirque de Barrosa
Falaise nord du cirque de Barrosa, avec vue, au-delĂ  du port de Barroude, Ă  droite, sur la muraille de Barroude

Pendant la guerre civile espagnole l’histoire de la vallĂ©e de Bielsa a Ă©tĂ© marquĂ©e, au printemps 1938, par un cĂ©lĂšbre et dramatique Ă©pisode connu sous le nom de « Bolsa de Bielsa ». Pendant 3 mois, la 43e division de l’armĂ©e rĂ©publicaine, adossĂ©e Ă  la frontiĂšre française, a opposĂ©, dans la haute vallĂ©e du rio Cinca, une farouche rĂ©sistance Ă  l’avancĂ©e franquiste renforcĂ©e par l’aviation allemande et italienne qui a semĂ© la terreur en incendiant les villages de Bielsa et de Parzan, ainsi que les installations miniĂšres de l’Hospital de Parzan oĂč la 43e division avait installĂ© son quartier gĂ©nĂ©ral. Les combats ont rendu nĂ©cessaire l’exil de 6 000 civils qui, abandonnant tous leurs biens, ont dĂ» franchir au mois d’avril, dans la neige, le Port Vieux (2 378 mĂštres d’altitude), et d’autres ports frontaliers, dont le port de Barroude, pour se rĂ©fugier en France, par la vallĂ©e de La Gela, dans la vallĂ©e d’Aure. Cet exil a Ă©tĂ© suivi, Ă  la mi-juin, par le repli de l’armĂ©e rĂ©publicaine sur le versant français, avant son retour en Catalogne pour y reprendre le combat[25].

Histoire du pyrénéisme

Le cirque de Barrosa a sa place dans l’histoire du pyrĂ©nĂ©isme. RestĂ© longtemps mystĂ©rieux il a Ă©tĂ© visitĂ© et admirĂ© par les grands noms français de la montagne pyrĂ©nĂ©enne : en 1877 Franz Schrader[4], remontant la vallĂ©e de Bielsa, accompagnĂ© du guide CĂ©lestin Passet, le dĂ©couvre, enthousiasmĂ© Ă  la vue de sa partie sud ; en 1878 le comte Henry Russell[20] le contemple depuis le sommet du pic Robiñera ; plus tard, en 1897, venant de HĂ©as, Lucien Briet[26] trimestres 1902 l’aborde par le port de Barroude, visite sa partie nord, dont il parcourt la vire, et le photographie, avant de rentrer Ă  HĂ©as par le col Robiñera ; en 1902 les cinq frĂšres Cadier[27], Ă©merveillĂ©s, aprĂšs une nuit passĂ©e dans le cirque, montent au pic de la Munia par ce mĂȘme col. D'autres pyrĂ©nĂ©istes ont visitĂ© le cirque autour de 1900 et l'ont dĂ©crit dans leurs rĂ©cits d'excursions : Bertrand de Lassus[28], Emile Belloc[29], le Docteur Verdun[30]. Entre 1978 et 1982 les frĂšres Jean et Pierre Ravier, enchantĂ©s par le cirque, y ouvrent de spectaculaires voies d’escalade et le traversent par le chemin des mines

Tourisme

Le chemin des mines

Les Espagnols l'appellent Camino de Las Pardas (dans la traversée du cirque il cÎtoie une roche sombre : l'ampélite)[22] - [23] - [26]

Chemin des mines dans la falaise nord du cirque de Barrosa
Chemin des mines, coupé par une cascade, dans la falaise nord du cirque de Barrosa, courant sur la couverture en calcaire crétacé blanc du socle

De ce chemin muletier qui, entre le col d’Espluca Ruego et le port de Barroude, traverse le cirque de Barrosa, quasi-horizontalement, entre 2 500 et 2 300 m d’altitude, il ne reste aujourd’hui que des vestiges, difficilement repĂ©rables quand il traverse des pentes herbeuses, ou effacĂ©s dans les Ă©boulis. Dans les falaises du cirque il persiste une Ă©troite corniche qui a perdu son amĂ©nagement initial, sauf sur un court secteur de la falaise sud.

Son parcours reste cependant possible pour traverser à pied le cirque entre les deux cols, mais demande une bonne expérience de la montagne avec absence d'appréhension et un pied sûr, surtout dans des traversées d'éboulis pentus et croulants. Des mains courantes rassurent dans des passages rocheux impressionnants.

Pratique de la montagne

Le cirque de Barrosa, de mĂȘme que son environnement immĂ©diat, a beaucoup d’atouts pour attirer les montagnards : balade familiale, randonnĂ©e pĂ©destre, ski de randonnĂ©e, escalade de tout niveau, escalade glaciaire, canyoning peuvent y ĂȘtre pratiquĂ©s. Ils trouvent une cabane-bivouac dans les pelouses du fond du cirque, Ă  1 740 m d’altitude.

Sont Ă  conseiller en particulier les courses suivantes[31] - [32] :

  • dans le domaine de la randonnĂ©e pĂ©destre facile ou peu difficile :
    • depuis l’Hospital de Parzan en passant par le cirque : le port de Barroude (Ă©galement accessible par le refuge de Barroude) et le pic Barrosa ou le pic de Port Vieux, qui offrent de vastes panoramas, et le pic de la Munia ou le pic Robiñera,
    • par la vallĂ©e de ChisaguĂ«s : le plateau de Liena avec ses mines et le site du col d'Espluca Ruego d'oĂč on surplombe le cique et oĂč sont bien visibles sa gĂ©ologie et celle du chemin des mines, au pied de la Punta du mĂȘme nom ;
  • une randonnĂ©e comportant des passages d'escalade peu ou assez difficiles, mais peu nombreux : le pic de la Munia par l’arĂȘte est du pic de Troumouse et une partie de la crĂȘte du cirque de Troumouse ;
  • deux circuits de deux jours pour pyrĂ©nĂ©istes confirmĂ©s, avec couchage au refuge de Barroude :
    • au dĂ©part de l'Hospital de Parzan : montĂ©e au refuge par le port de Barroude, traversĂ©e du cirque par le chemin des mines (qui demande une bonne expĂ©rience de la montagne), pic Liena et descente sur l’Hospital de Parzan,
    • au dĂ©part de HĂ©as, un circuit qu'avait rĂ©alisĂ© Lucien Briet : montĂ©e au refuge de Barroude par la hourquette de HĂ©as et la hourquette de Chermentas, traversĂ©e de la falaise nord du cirque par le chemin des mines, et retour par le col Robiñera ;
  • Ă  skis de randonnĂ©e : le pic Barrosa, avec descente de son versant ouest, face Ă  la muraille du cirque.
  • Images du cirque de Barrosa
  • Chemin des mines envahi par l'herbe dans la partie centrale du cirque et sa traversĂ©e de la falaise sud
    Chemin des mines envahi par l'herbe dans la partie centrale du cirque et sa traversée de la falaise sud
  • Premiers pas sur la vire sud du cirque au dĂ©part du col d'Espluca Ruego
    Premiers pas sur la vire sud du cirque au départ du col d'Espluca Ruego
  • Sur les Ă©perons granitiques de la falaise sud, au pied des aiguilles de calcaire dĂ©vonien ; Ă  droite, le pic de la Munia
    Sur les éperons granitiques de la falaise sud, au pied des aiguilles de calcaire dévonien ; à droite, le pic de la Munia
  • SoulignĂ©e par la neige, vire de la falaise sud du cirque sur la mince couche de calcaire crĂ©tacĂ© qui recouvre le socle granitique
    Soulignée par la neige, vire de la falaise sud du cirque sur la mince couche de calcaire crétacé qui recouvre le socle granitique
  • Chemin des mines dans le granite du gros Ă©paulement du cirque, avec au deuxiĂšme plan la falaise nord et au loin le port de Barroude
    Chemin des mines dans le granite du gros Ă©paulement du cirque, avec au deuxiĂšme plan la falaise nord et au loin le port de Barroude
  • Corniche naturelle dans la falaise nord, liĂ©e au retrait de l'ampelite par rapport Ă  la couche de calcaire crĂ©tacĂ©, mise Ă  profit pour l'amĂ©nagement du chemin des mines
    Corniche naturelle dans la falaise nord, liée au retrait de l'ampelite par rapport à la couche de calcaire crétacé, mise à profit pour l'aménagement du chemin des mines
  • Depuis le pic Barrosa, vue sur le port de Barroude au pied de la jonction entre la falaise nord du cirque Ă  gauche et la muraille de Barroude Ă  droite
    Depuis le pic Barrosa, vue sur le port de Barroude au pied de la jonction entre la falaise nord du cirque Ă  gauche et la muraille de Barroude Ă  droite
  • Sous le pic Robiñera, dans la partie centrale du cirque, le chemin des mines, envahi par l'herbe, avait Ă©tĂ© lĂ  aussi amĂ©nagĂ© sur la couche de calcaire crĂ©tacĂ© blanc
    Sous le pic Robiñera, dans la partie centrale du cirque, le chemin des mines, envahi par l'herbe, avait été là aussi aménagé sur la couche de calcaire crétacé blanc
  • Cabane de Barrosa, au centre du cirque, au-dessous de blocs erratiques, Ă  la naissance de la haute vallĂ©e du rio Barrosa
    Cabane de Barrosa, au centre du cirque, au-dessous de blocs erratiques, à la naissance de la haute vallée du rio Barrosa
  • Punta d'Espluca Ruego qui domine le plateau de Liena oĂč on repĂšre la trace du chemin des mines avant sa traversĂ©e du cirque, Ă  droite
    Punta d'Espluca Ruego qui domine le plateau de Liena oĂč on repĂšre la trace du chemin des mines avant sa traversĂ©e du cirque, Ă  droite
  • Sur le plateau de Liena, tranchĂ©e d'extraction du plomb argentifĂšre Ă  la limite entre le grĂšs rouge Ă  gauche et le granite Ă  droite ; au loin, le massif du Mont-Perdu
    Sur le plateau de Liena, tranchée d'extraction du plomb argentifÚre à la limite entre le grÚs rouge à gauche et le granite à droite ; au loin, le massif du Mont-Perdu
  • Dans les anciennes installation miniĂšres de l'Hospital de Parzan, vestiges de la station d'arrivĂ©e du cĂąble aĂ©rien qui descendait le minerai des mines du pic Liena
    Dans les anciennes installation miniÚres de l'Hospital de Parzan, vestiges de la station d'arrivée du cùble aérien qui descendait le minerai des mines du pic Liena
  • GrĂšs rouge au sommet du pic La Mota qui domine le plateau et la sierra de Liena ; au loin, les sommets du cirque
    GrĂšs rouge au sommet du pic La Mota qui domine le plateau et la sierra de Liena ; au loin, les sommets du cirque
  • Vire de la falaise nord du cirque de Barrosa, encombrĂ©e par des dĂ©bris d'ampĂ©lite
    Vire de la falaise nord du cirque de Barrosa, encombrée par des débris d'ampélite

Notes et références

  1. Le Robert (Dictionnaire historique de la langue française) sous la direction d'Alain Rey, 1998, tome 1, page 336.
  2. Carte géologique des Pyrénées à 1:400000, BRGM, Instituto Geologico y Minero de España, planÚteterre
  3. R. Mirouse et P. BarrÚre, Carte géologique de la France à 1:50000, feuille Vielle-Aure, BRGM, 1993
  4. F. Schrader, Pyrénées, Privat-Didier, 1936, tome 1 (Courses et ascensions), p. 155-175 (« Barrosa ») ; tome 2 (Science et art), p. 186 (« Glaciers »)
  5. R. Mirouse, Pyrénées centrales franco-espagnoles, collection « Guides géologiques régionaux », Masson, 1992, p. 9-39 (« Formation des Pyrénées »), p. 131-135 (« Région de Barrosa », avec en p. 134 un dessin de la partie sud du cirque), p. 155-167 (« Région de Gavarnie »)
  6. F. Bixel, M. Clin, C. Lucas, C. Majesté-Menjoulas, R. Mirouse, P. Roger, Pyrénées : 500 millions d'années, BRGM, 1983, p. 4-23 (« Formation des Pyrénées »), p. 65-89 (« Nappe de Gavarnie »)
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  8. M. Marthaler, « Le Cervin est-il africain? », L. E. P. Loisirs et Pédagogie, 2001, p. 47-64 (« Formation des montagnes »)
  9. M. Mattauer, Ce que disent les pierres, BibliothÚque Pour la science, 1998, p. 34-51 (« Formation des montagnes »), p. 128-137 (« Pyrénées »)
  10. G. Mascle, B. Decaillau, G. Hérail, « La formation de l'Himalaya », La Recherche, n° 217, janvier 1990, p. 30-39
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  12. G. Boillot, P. Huchon, Y. Lagabrielle, Introduction à la géologie. La dynamique de la lithosphÚre, Dunod, 3e édition, 2003, p. 125-132
  13. M. Mattauer, Monts et merveilles, Hermann, 1989, p. 121-128 (« Formation des montagnes »), p. 178-190 (« Formation des Pyrénées »)
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  22. P. Vivez, « Les sentiers du fer et de l'argent », Revue pyrénéenne, n° 94, p. 19-22
  23. P. Vivez, « Le mythe des mines pyrénéennes, eldorado ou descente aux enfers », Pyrénées, n° 199, 3/1999, p.273-287
  24. C. Dubois, Industrie et circulation transpyrénéenne à la fin du XIXe et au début du XXe siÚcle, 7e cours d'Histoire d'Andorra, CNRS - Université du Mirail, 2003, p. 275-286.
  25. A. Gascon Ricao, La Bolsa de Bielsa, El heroico final de la republica en Aragon, Diputacion de Huesca, Diputation de Huesa et Musée de Bielsa
  26. L. Briet, Autour du Mont - Perdu, La Géla et le cirque de Barrosa, Bulletin de la Société Ramond, premier (p. 23-36) et deuxiÚme (p. 1-86)
  27. Les cinq frÚres Cadier, Au pays des isards, Les amis du livre pyrénéen, 1968, p. 59-61
  28. J. Ritter, Le pyrénéisme avec Henry Russell et Bertrand de Lassus, Louveciennes, 2001, p. 214-218
  29. E. Belloc, De la vallée d'Aure à Gavarnie par le nord de l'Espagne, Bulletin pyrénéen, 1902
  30. Docteur Verdun, Quelques courses dans le nord de l'Aragon, de Fabian Ă  Bielsa par le port de Barroude, Annuaire du CAF, p. 5-11
  31. R. Ollivier, Pyrénées centrales, tome 3 (Vallées d'Aure et de Luchon), p. 39 ; tome 2 (Bigorre, Arbizon, Néouvielle, Troumouse), p. 281
  32. M. Angulo, Pyrénées, 1000 ascensions, tome 3 (de Gavarnie à Bielsa), p. 142 et 151

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