Cirque de Barrosa
Le cirque de Barrosa (Circo de Barrosa en espagnol) est un cirque glaciaire situĂ© au centre de la chaĂźne des PyrĂ©nĂ©es, en Espagne, dans la comarque du Sobrarbe (province de Huesca, communautĂ© autonome d'Aragon). Une partie de sa ligne de crĂȘte forme la frontiĂšre avec la France.
Cirque de Barrosa | |||
Circo de Barrosa | |||
CoordonnĂ©es | 42° 42âČ 16âł N, 0° 09âČ 14âł E | ||
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Massif | Massif de la Munia (Pyrénées) | ||
Pays | Espagne | ||
Communauté autonome | Aragon | ||
Province | Huesca | ||
Orientation | est | ||
Origine | Cirque glaciaire | ||
Plus haut sommet | Pic de la Munia : 3 133 m | ||
Circonférence | 7 500 m | ||
Géolocalisation sur la carte : Pyrénées
GĂ©olocalisation sur la carte : province de Huesca
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Il sâagit dâun beau cirque de montagne, attrayant pour des montagnards, mais il se singularise par sa structure gĂ©ologique en deux Ă©tages, lâĂ©tage supĂ©rieur faisant partie dâun chevauchement, et par les vestiges dâun ancien chemin muletier qui le traverse de part en part. Or ces deux singularitĂ©s sont intimement liĂ©es puisque ce chemin a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© sur une corniche naturelle qui court, dans les falaises, Ă la limite entre les deux Ă©tages, ce qui confĂšre Ă son parcours un grand intĂ©rĂȘt sur le plan gĂ©ologique.
De plus le cirque de Barrosa fournit lâoccasion de sâintĂ©resser Ă plusieurs histoires : celles de lâexploitation miniĂšre dans la rĂ©gion du cirque, Ă laquelle ce chemin est liĂ© ; celle des relations humaines entre la France et la vallĂ©e de Bielsa, par ce chemin ou des cols voisins ; celle dâun Ă©pisode de la guerre dâEspagne, dont la vallĂ©e de Bielsa a Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre ; et celle du pyrĂ©nĂ©isme, dont les pionniers dĂ©couvrent le cirque Ă la fin du XIXe siĂšcle.
Toponymie
Barr- vient de lâindo-europĂ©en, ou du latin, barra- (cime, extrĂ©mitĂ©, branche pour un arbre) qui a donnĂ© « barre » en français avec le sens de piĂšce de bois quâon met en travers pour « barrer » le passage, comme le fait une « barre rocheuse » plus large que haute[1].
Lâorigine du suffixe âosa est obscure : peut-ĂȘtre le latin âosus, -osa, qui marque la quantitĂ©, comme en français le suffixe âeux, par exemple dans herbeux.
Barrosa en espagnol devient Barroude en français, -osa passant Ă âoda, -oudo dans le gascon local
GĂ©ographie
Topographie
Le cirque glaciaire de Barrosa se situe sur le versant espagnol de la crĂȘte frontiĂšre des PyrĂ©nĂ©es centrales, dans le Haut Aragon (province de Huesca, comarque de Sobrarbe), vallĂ©e de Bielsa. Y prend sa source le rio Barrosa, qui se jette dans le rio Cinca Ă Bielsa.
Entre le col dâEspluca Ruego au sud (2 493 m) et le port frontalier de Barroude au nord (2 534 m), distants de 3,25 km, sa ligne de crĂȘte principale dessine une demi-confĂ©rence de 5 km de long, passant par les sommets de la Punta dâEspluca Ruego (2 631 m), le pic Robiñera (3 003 m), le pic de la Munia (3 134 m), et le pic de Troumouse (3 085 m). Elle est de 7 km si on la considĂšre comme se prolongeant au-delĂ du port de Barroude jusquâau pic Barrosa (2 763 m).
Par lâarĂȘte est du pic de La Munia, qui avance dans le cirque un gros Ă©paulement en forme de dĂŽme, le cirque est divisĂ© en deux parties. Sa partie nord (« dite Barroseta »), qui sâadosse au cirque de Troumouse, et dont la falaise prolonge en Espagne la muraille de Barroude, communique avec la vallĂ©e de La Gela, branche de la vallĂ©e dâAure, par le port de Barroude. Sa partie sud, la plus grande, comprend la partie centrale du cirque, dont les pentes, sous le large col de Robiñera, sont modĂ©rĂ©es, et la falaise sud du cirque, prolongĂ©e Ă lâest par le versant nord, abrupt, de la sierra de Liena. Par le col dâEspluca Ruego elle communique avec le plateau pastoral de Liena (ou de Ruego), versant sud de cette sierra, en pente douce au-dessus de la vallĂ©e dâun affluent de la rive droite du rio Barrosa, le rio Real.
Voies d'accĂšs
LâaccĂšs le plus facile se fait par le lieu-dit lâ« Hospital de Parzan », au bord du rio Barrosa, sur la route internationale A-138, Ă 3 km de la sortie sud du tunnel transfrontalier dâAragnouet-Bielsa. De lĂ on atteint le fond du cirque, Ă pied, en 1 heure 1/4 environ.
Par le sud on peut y accĂ©der par la vallĂ©e de ChisagĂŒes, hameau accessible par la route Ă laquelle succĂšde une piste, parfois en forte pente, permettant dâatteindre, en 8 km, une cabane sur le plateau de Liena. De lĂ on monte au col dâEspluca Ruego en 1 heure Ă pied.
Au nord on peut y accéder par la vallée de La Gela en montant à pied au port de Barroude, en 3 h 30 - 4 h à partir de la route D 173.
GĂ©ologie
La muraille du cirque comporte deux étages[2] - [3], ce qui a d'emblée frappé Franz Schrader[4] lorsque le premier, en 1877, il visite le cirque alors méconnu des pyrénéistes français.
LâĂ©tage supĂ©rieur appartient Ă une unitĂ© chevauchante (« chevauchement », « allochtone ») dite « nappe de charriage de Gavarnie[5] - [6] », et repose par un contact anormal sur une unitĂ© infĂ©rieure (« socle », « substratum », « autochtone »). Ce plan de chevauchement est quasiment horizontal dans le cirque alors qu'au-delĂ il plonge vers le nord et vers le sud[2] - [3].
Le cirque de Barrosa met ainsi son visiteur en prĂ©sence du mĂ©canisme de la formation des montagnes par collision continentale (ce qui est le cas des PyrĂ©nĂ©es, qui peut ĂȘtre comparĂ© Ă celui des Alpes[7] - [8] - [9] et de l'Himalaya[10], Ă base de chevauchements par compression[11] - [12] - [13] - [14] - [8] - [9].
Vers â80 millions dâannĂ©es (Ma), la plaque continentale ibĂ©rique (sa lithosphĂšre) entre en collision avec le bord aquitain de la plaque eurasienne supposĂ©e fixe. La plaque ibĂ©rique[5] sâenfonce (difficilement car relativement lĂ©gĂšre) sous la plaque eurasienne, mais des Ă©cailles, bloquĂ©es contre le front de celle-ci, sâen dĂ©collent successivement et chevauchent, par Ă -coups successifs, la croĂ»te ibĂ©rique sous-jacente qui continue Ă migrer vers le nord. Un mĂ©canisme analogue affecte Ă un moindre degrĂ© le bord aquitain de la plaque eurasienne. Câest l'empilement par en dessous de ces « unitĂ©s chevauchantes », dans le prisme formĂ© par les deux plaques, qui, en Ă©paississant la croĂ»te continentale, est le principal mĂ©canisme de la surrection des PyrĂ©nĂ©es. Celle-ci est passĂ©e par un maximum dâintensitĂ© vers â40 Ma. Elle remanie une croĂ»te continentale qui avait Ă©tĂ© affectĂ©e, entre -350 et -300 Ma, par la formation de la chaĂźne hercynienne[15], par la suite rĂ©duite Ă lâĂ©tat de pĂ©nĂ©plaine par son Ă©rosion au Permien et au Trias (-300 Ă -200 Ma). Elle continue aujourdâhui, mais beaucoup plus lentement.
Sur une coupe nord-sud[2] cet empilement a la forme dâun Ă©ventail avec dĂ©versement vers le nord sur la plaque eurasienne (incluant la faille nord-pyrĂ©nĂ©enne qui reprĂ©sente la suture entre les deux plaques), et surtout vers le sud. Dans la partie centrale des PyrĂ©nĂ©es il constitue la chaĂźne axiale, faite en majoritĂ© de terrains primaires. Son versant mĂ©ridional, empilement des tĂȘtes plongeantes des unitĂ©s chevauchantes, est fait surtout de sĂ©diments calcaires crĂ©tacĂ©s et tertiaires ; il constitue le futur massif du Mont-Perdu[16].
Le cirque de Barrosa a Ă©tĂ© creusĂ© par les glaciers quaternaires dans lâĂ©paisseur de deux de ces unitĂ©s chevauchantes superposĂ©es, Ă un endroit oĂč le plan de chevauchement entre les deux est pratiquement horizontal[3]. LâunitĂ© infĂ©rieure est constituĂ©e de granite dans les parties centrale et mĂ©ridionale du cirque et le plateau de Liena, et de cornĂ©enne (schistes infiltrĂ©s et recuits par le granite Ă lâĂ©tat fondu lorsquâil sâest mis en place dans la chaĂźne hercynienne) dans sa partie nord. Sa surface est celle de lâancienne pĂ©nĂ©plaine post-hercynienne, par la suite recouverte de sĂ©diments : dĂ©pĂŽts fluviatiles discontinus de grĂšs rouge au Permien et au Trias (pic Barrosa, plateau de Liena) rĂ©sultant de lâĂ©rosion de la chaĂźne hercynienne, puis dĂ©pĂŽts calcaires dans une mer peu profonde au CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur moyen[3] - [5] - [6].
LâunitĂ© supĂ©rieure (la « nappe de charriage ») est constituĂ©e, de bas en haut : d'wikt:ampĂ©lite du Silurien, de calcaire du DĂ©vonien infĂ©rieur et de schistes du DĂ©vonien moyen et supĂ©rieur[5] - [6].
En raison de la place importante quâelle occupe dans la cirque, l'ampĂ©lite[17] - « L'ampĂ©lite » justifie une mention spĂ©ciale. Cette roche contient en effet des matiĂšres organiques, donc du carbone, sous forme de particules de graphite oĂč les feuillets de carbone sont mal liĂ©s entre eux. Ceci explique, outre la couleur noirĂątre de la roche, son dĂ©litement facile (responsable des reliefs Ă©moussĂ©s du port de Barroude), et surtout son rĂŽle de « couche-savon » liĂ© Ă lâeffet lubrifiant du graphite, donc sa position Ă la base de lâĂ©tage supĂ©rieur, juste au-dessus du plan de chevauchement.
Le profil en « auge » de la vallĂ©e du rio Barrosa tĂ©moigne de son Ă©rosion par le glacier quaternaire qui a creusĂ© la partie sud du cirque[18] - [19]. Au centre du cirque, une moraine, masquĂ©e par une pelouse mais parsemĂ©e de blocs calcaires erratiques, en aval dâun verrou glaciaire, est le tĂ©moin du glacier plus rĂ©cent (fin de la derniĂšre pĂ©riode glaciaire : â20 000 Ă â10 000 annĂ©es) qui a creusĂ© sa partie nord. AprĂšs la fin du petit Ăąge glaciaire, au milieu du XIXe siĂšcle, a persistĂ© dans la versant est du pic Robiñera un glacier aujourd'hui disparu[20] - [4].
Histoire
Plusieurs faits historiques peuvent ĂȘtre rattachĂ©s au cirque de Barrosa ou Ă ses environs immĂ©diats.
Relations humaines entre les vallées d'Aure et de Bielsa
Pendant des siĂšcles le port de Barroude (surtout Ă partir du moment oĂč le chemin des mines a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©), et encore plus le Port Vieux et le port de Bielsa voisins, ont Ă©tĂ©, jusquâĂ la construction des routes et des tunnels transfrontaliers, un lieu de franchissement Ă pied de la crĂȘte frontiĂšre des PyrĂ©nĂ©es centrales (comme le Port de Boucharo plus Ă lâouest, et le port de Plan plus Ă lâest). Le lieu-dit HĂŽpital de Parzan tient son nom de lâexistence Ă cet endroit, dans le passĂ©, au dĂ©bouchĂ© de ces trois cols, dâun hospice, ou hĂŽpital (dont il ne reste pratiquement rien), sorte de refuge oĂč les voyageurs trouvaient le gĂźte et le couvert. Il avait son pendant cĂŽtĂ© français dans un hospice qui incluait la chapelle des Templiers[21] - [16].
CâĂ©tait surtout les habitants des vallĂ©es françaises et espagnoles qui franchissaient ces ports transfrontaliers. Jouissant dâune grande autonomie par rapport au pouvoir royal, ils Ă©taient libres dâaller dâun versant Ă lâautre. Or les deux versants sont complĂ©mentaires sur le plan du climat (humide et froid du cĂŽtĂ© français, sec et chaud cĂŽtĂ© espagnol) et donc sur celui des ressources, quâils avaient intĂ©rĂȘt Ă Ă©changer pour survivre.
Par exemple les Espagnols menaient leurs bovins paĂźtre les grasses prairies du versant nord louĂ©es aux communes françaises propriĂ©taires. Des habitants des vallĂ©es françaises allaient vendre du fromage, du beurre, des objets artisanaux, des mulets, dans les vallĂ©es espagnoles, et les Espagnols apportaient en France de la laine, de lâhuile dâolive, du sel, des fruits, du vin. Les ports Ă©taient aussi franchis par des pĂšlerins, des commerçants, des ouvriers saisonniers, des contrebandiers, des dĂ©serteurs, ou simplement par des personnes allant rendre visite Ă des amis ou des parents de lâautre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre[21] - [16].
Pour que ces Ă©changes se dĂ©roulent dans un climat de solidaritĂ© et de paix, et de façon permanente, Ă lâĂ©cart des guerres entre les deux royaumes, des reprĂ©sentants des habitants de deux versants s'assemblaient pour voter et jurer de respecter, sous le nom de « lies et passeries », une charte commune assurant libertĂ© de circulation, non-agression, secours mutuel, rĂ©ciprocitĂ© juridique[21] - [16].
Histoire miniĂšre
Ă proximitĂ© du cirque, Ă lâextrĂ©mitĂ© nord-est du plateau de Liena, dans les versants sud et est du pic Liena, des mines de plomb argentifĂšre et de fer[21] - [22] - [23] ont Ă©tĂ© exploitĂ©es, probablement depuis lâAntiquitĂ© et jusqu'au XXe siĂšcle. Il existe dâailleurs des vestiges dâautres mines dans la rĂ©gion : mines de Ruego, Ă lâautre extrĂ©mitĂ© du plateau de Liena, mines de Mallo Ruego dans le flanc sud du pic Barrosa, mines du pic Mener face au pic Liena, sur la rive gauche du rio Barrosa, mines de La Gela, cĂŽtĂ© français, au-dessous du Port Vieux. Ă partir du minerai de fer, des forges, Ă Bielsa, ont produit dans le passĂ©, notamment aux XVIIe et XIXe siĂšcles, du fer dâexcellente qualitĂ©.
Mais le minerai extrait de ces mines du pic Liena Ă©tait nĂ©cessairement transportĂ© dans des centres de traitement Ă©loignĂ©s. Or la dissymĂ©trie des PyrĂ©nĂ©es fait que son transport vers les vallĂ©es françaises Ă©tait nettement plus court et facile que le transport vers la vallĂ©e de lâĂbre[24]. Entre 1912 et 1928, date Ă laquelle lâexploitation des mines, difficile en raison de leur altitude, voisine de 2 500 m, a cessĂ© dâĂȘtre rentable, lâessor de la technologie du fer a permis lâinstallation dâaudacieux cĂąbles transporteurs aĂ©riens. Lâun dâeux descendait le minerai du pic Liena Ă des installations miniĂšres (dont il ne reste aujourdâhui que des ruines envahies par la vĂ©gĂ©tation) construites Ă lâHospital de Parzan, au bord du rio Barrosa, oĂč il Ă©tait dĂ©barrassĂ© dans une laverie de sa partie stĂ©rile. Lâautre, transfrontalier, de 10 km de long, le transportait en vallĂ©e dâAure, au pont du Moudang[21].
Mais, avant 1912, un chemin muletier, appelĂ© en France « chemin des mines », a sans doute permis, pendant un temps, le transport du minerai de plomb argentifĂšre Ă dos de mulets, sans grande perte dâaltitude, Ă travers le cirque de Barrosa, oĂč il avait pu ĂȘtre amĂ©nagĂ© grĂące Ă une corniche naturelle. Son tracĂ©, intimement liĂ© Ă la structure gĂ©ologique du cirque, court en effet dans les falaises sud et nord, juste au niveau du plan de chevauchement, sur cette corniche naturelle liĂ©e au fait que lâĂ©tage supĂ©rieur, plus sensible Ă lâĂ©rosion, est un peu en retrait par rapport Ă lâĂ©tage infĂ©rieur. Cet amĂ©nagement, sans doute au XIXe siĂšcle, a cependant nĂ©cessitĂ© la construction de murettes de soutĂšnement (aujourdâhui disparues, sauf dans un court tronçon-tĂ©moin dans la falaise sud) et, Ă certains endroits, lâĂ©largissement de la corniche Ă coups dâexplosifs[22].
Cette situation du chemin au niveau du plan de chevauchement explique quâau col dâEspluca Ruego il soit de plain-pied avec la surface du plateau de Liena, et que dans les falaises, ou mĂȘme ailleurs, sa chaussĂ©e lui soit offerte par la mince assise de calcaire crĂ©tacĂ© qui recouvre le granite ou la cornĂ©enne du socle, et que, lorsquâon le parcourt, on cĂŽtoie souvent la base de la couche dâampĂ©lite noirĂątre qui lui a donnĂ© son nom espagnol. Cela fait de lui un « chemin gĂ©ologique », spectaculaire et peut-ĂȘtre unique.
Partant des mines de Liena il traversait horizontalement le haut du plateau de Liena (oĂč ses vestiges sont encore visibles) jusquâau col dâEspluca Ruego. Sur le versant français du Port de Barroude, probablement relayĂ© par un petit cĂąble aĂ©rien pour franchir lâescarpement rocheux qui soutient le balcon de Barroude, il descendait dans la vallĂ©e de La Gela. Ce chemin permettait de toute façon le dĂ©placement du personnel travaillant aux mines, et le transport du matĂ©riel, entre la France et celles-ci.
Dâautres mines ont Ă©tĂ© exploitĂ©es dans la rĂ©gion, comme dans beaucoup dâautres rĂ©gions des PyrĂ©nĂ©es, jusquâau XIXe siĂšcle, principalement aux XVIe et au XVIIe : des mines, dites de Mallo Ruego, dans la versant sud du Pic Barrosa, avec un cĂąble aĂ©rien dont on peut voir des vestiges dans la haute vallĂ©e du rio Barrosa ; des mines de fer dans le versant ouest du Pic Mener, face au pic Liena sur la rive gauche du rio Barrosa, alimentant les forges de Bielsa ; des mines dans la vallĂ©e du Rio Cinqueta (notamment des mines de cobalt au-dessus du village du Plan) ; dâautres mines dans le massif proche de La Punta Suelsa. Sur le versant français des mines de plomb argentifĂ©re ont Ă©tĂ© Ă©galement exploitĂ©es, notamment au XIXe siĂšcle, dans la vallĂ©e de La Gela, sous le Port Vieux.
La Bolsa de Bielsa
Pendant la guerre civile espagnole lâhistoire de la vallĂ©e de Bielsa a Ă©tĂ© marquĂ©e, au printemps 1938, par un cĂ©lĂšbre et dramatique Ă©pisode connu sous le nom de « Bolsa de Bielsa ». Pendant 3 mois, la 43e division de lâarmĂ©e rĂ©publicaine, adossĂ©e Ă la frontiĂšre française, a opposĂ©, dans la haute vallĂ©e du rio Cinca, une farouche rĂ©sistance Ă lâavancĂ©e franquiste renforcĂ©e par lâaviation allemande et italienne qui a semĂ© la terreur en incendiant les villages de Bielsa et de Parzan, ainsi que les installations miniĂšres de lâHospital de Parzan oĂč la 43e division avait installĂ© son quartier gĂ©nĂ©ral. Les combats ont rendu nĂ©cessaire lâexil de 6 000 civils qui, abandonnant tous leurs biens, ont dĂ» franchir au mois dâavril, dans la neige, le Port Vieux (2 378 mĂštres dâaltitude), et dâautres ports frontaliers, dont le port de Barroude, pour se rĂ©fugier en France, par la vallĂ©e de La Gela, dans la vallĂ©e dâAure. Cet exil a Ă©tĂ© suivi, Ă la mi-juin, par le repli de lâarmĂ©e rĂ©publicaine sur le versant français, avant son retour en Catalogne pour y reprendre le combat[25].
Histoire du pyrénéisme
Le cirque de Barrosa a sa place dans lâhistoire du pyrĂ©nĂ©isme. RestĂ© longtemps mystĂ©rieux il a Ă©tĂ© visitĂ© et admirĂ© par les grands noms français de la montagne pyrĂ©nĂ©enne : en 1877 Franz Schrader[4], remontant la vallĂ©e de Bielsa, accompagnĂ© du guide CĂ©lestin Passet, le dĂ©couvre, enthousiasmĂ© Ă la vue de sa partie sud ; en 1878 le comte Henry Russell[20] le contemple depuis le sommet du pic Robiñera ; plus tard, en 1897, venant de HĂ©as, Lucien Briet[26] trimestres 1902 lâaborde par le port de Barroude, visite sa partie nord, dont il parcourt la vire, et le photographie, avant de rentrer Ă HĂ©as par le col Robiñera ; en 1902 les cinq frĂšres Cadier[27], Ă©merveillĂ©s, aprĂšs une nuit passĂ©e dans le cirque, montent au pic de la Munia par ce mĂȘme col. D'autres pyrĂ©nĂ©istes ont visitĂ© le cirque autour de 1900 et l'ont dĂ©crit dans leurs rĂ©cits d'excursions : Bertrand de Lassus[28], Emile Belloc[29], le Docteur Verdun[30]. Entre 1978 et 1982 les frĂšres Jean et Pierre Ravier, enchantĂ©s par le cirque, y ouvrent de spectaculaires voies dâescalade et le traversent par le chemin des mines
Tourisme
Le chemin des mines
Les Espagnols l'appellent Camino de Las Pardas (dans la traversée du cirque il cÎtoie une roche sombre : l'ampélite)[22] - [23] - [26]
De ce chemin muletier qui, entre le col dâEspluca Ruego et le port de Barroude, traverse le cirque de Barrosa, quasi-horizontalement, entre 2 500 et 2 300 m dâaltitude, il ne reste aujourdâhui que des vestiges, difficilement repĂ©rables quand il traverse des pentes herbeuses, ou effacĂ©s dans les Ă©boulis. Dans les falaises du cirque il persiste une Ă©troite corniche qui a perdu son amĂ©nagement initial, sauf sur un court secteur de la falaise sud.
Son parcours reste cependant possible pour traverser à pied le cirque entre les deux cols, mais demande une bonne expérience de la montagne avec absence d'appréhension et un pied sûr, surtout dans des traversées d'éboulis pentus et croulants. Des mains courantes rassurent dans des passages rocheux impressionnants.
Pratique de la montagne
Le cirque de Barrosa, de mĂȘme que son environnement immĂ©diat, a beaucoup dâatouts pour attirer les montagnards : balade familiale, randonnĂ©e pĂ©destre, ski de randonnĂ©e, escalade de tout niveau, escalade glaciaire, canyoning peuvent y ĂȘtre pratiquĂ©s. Ils trouvent une cabane-bivouac dans les pelouses du fond du cirque, Ă 1 740 m dâaltitude.
Sont Ă conseiller en particulier les courses suivantes[31] - [32] :
- dans le domaine de la randonnée pédestre facile ou peu difficile :
- depuis lâHospital de Parzan en passant par le cirque : le port de Barroude (Ă©galement accessible par le refuge de Barroude) et le pic Barrosa ou le pic de Port Vieux, qui offrent de vastes panoramas, et le pic de la Munia ou le pic Robiñera,
- par la vallĂ©e de ChisaguĂ«s : le plateau de Liena avec ses mines et le site du col d'Espluca Ruego d'oĂč on surplombe le cique et oĂč sont bien visibles sa gĂ©ologie et celle du chemin des mines, au pied de la Punta du mĂȘme nom ;
- une randonnĂ©e comportant des passages d'escalade peu ou assez difficiles, mais peu nombreux : le pic de la Munia par lâarĂȘte est du pic de Troumouse et une partie de la crĂȘte du cirque de Troumouse ;
- deux circuits de deux jours pour pyrénéistes confirmés, avec couchage au refuge de Barroude :
- au dĂ©part de l'Hospital de Parzan : montĂ©e au refuge par le port de Barroude, traversĂ©e du cirque par le chemin des mines (qui demande une bonne expĂ©rience de la montagne), pic Liena et descente sur lâHospital de Parzan,
- au départ de Héas, un circuit qu'avait réalisé Lucien Briet : montée au refuge de Barroude par la hourquette de Héas et la hourquette de Chermentas, traversée de la falaise nord du cirque par le chemin des mines, et retour par le col Robiñera ;
- à skis de randonnée : le pic Barrosa, avec descente de son versant ouest, face à la muraille du cirque.
- Chemin des mines envahi par l'herbe dans la partie centrale du cirque et sa traversée de la falaise sud
- Premiers pas sur la vire sud du cirque au départ du col d'Espluca Ruego
- Sur les éperons granitiques de la falaise sud, au pied des aiguilles de calcaire dévonien ; à droite, le pic de la Munia
- Soulignée par la neige, vire de la falaise sud du cirque sur la mince couche de calcaire crétacé qui recouvre le socle granitique
- Chemin des mines dans le granite du gros Ă©paulement du cirque, avec au deuxiĂšme plan la falaise nord et au loin le port de Barroude
- Corniche naturelle dans la falaise nord, liée au retrait de l'ampelite par rapport à la couche de calcaire crétacé, mise à profit pour l'aménagement du chemin des mines
- Depuis le pic Barrosa, vue sur le port de Barroude au pied de la jonction entre la falaise nord du cirque Ă gauche et la muraille de Barroude Ă droite
- Sous le pic Robiñera, dans la partie centrale du cirque, le chemin des mines, envahi par l'herbe, avait été là aussi aménagé sur la couche de calcaire crétacé blanc
- Cabane de Barrosa, au centre du cirque, au-dessous de blocs erratiques, à la naissance de la haute vallée du rio Barrosa
- Punta d'Espluca Ruego qui domine le plateau de Liena oĂč on repĂšre la trace du chemin des mines avant sa traversĂ©e du cirque, Ă droite
- Sur le plateau de Liena, tranchée d'extraction du plomb argentifÚre à la limite entre le grÚs rouge à gauche et le granite à droite ; au loin, le massif du Mont-Perdu
- Dans les anciennes installation miniÚres de l'Hospital de Parzan, vestiges de la station d'arrivée du cùble aérien qui descendait le minerai des mines du pic Liena
- GrĂšs rouge au sommet du pic La Mota qui domine le plateau et la sierra de Liena ; au loin, les sommets du cirque
- Vire de la falaise nord du cirque de Barrosa, encombrée par des débris d'ampélite
Notes et références
- Le Robert (Dictionnaire historique de la langue française) sous la direction d'Alain Rey, 1998, tome 1, page 336.
- Carte géologique des Pyrénées à 1:400000, BRGM, Instituto Geologico y Minero de España, planÚteterre
- R. Mirouse et P. BarrÚre, Carte géologique de la France à 1:50000, feuille Vielle-Aure, BRGM, 1993
- F. Schrader, Pyrénées, Privat-Didier, 1936, tome 1 (Courses et ascensions), p. 155-175 (« Barrosa ») ; tome 2 (Science et art), p. 186 (« Glaciers »)
- R. Mirouse, Pyrénées centrales franco-espagnoles, collection « Guides géologiques régionaux », Masson, 1992, p. 9-39 (« Formation des Pyrénées »), p. 131-135 (« Région de Barrosa », avec en p. 134 un dessin de la partie sud du cirque), p. 155-167 (« Région de Gavarnie »)
- F. Bixel, M. Clin, C. Lucas, C. Majesté-Menjoulas, R. Mirouse, P. Roger, Pyrénées : 500 millions d'années, BRGM, 1983, p. 4-23 (« Formation des Pyrénées »), p. 65-89 (« Nappe de Gavarnie »)
- H. Le Meur, E. Calais, M. Tardy, « Les Alpes battent en retraite », La Recherche, n° 355, juin 2003, p. 30-37
- M. Marthaler, « Le Cervin est-il africain? », L. E. P. Loisirs et Pédagogie, 2001, p. 47-64 (« Formation des montagnes »)
- M. Mattauer, Ce que disent les pierres, BibliothÚque Pour la science, 1998, p. 34-51 (« Formation des montagnes »), p. 128-137 (« Pyrénées »)
- G. Mascle, B. Decaillau, G. Hérail, « La formation de l'Himalaya », La Recherche, n° 217, janvier 1990, p. 30-39
- C. Pomerol, Y. Lagabrielle, M. Renard, ĂlĂ©ments de gĂ©ologie, Dunod, 13e Ă©dition, 2005, p. 267-320 (« Coupe des PyrĂ©nĂ©es » : p. 308)
- G. Boillot, P. Huchon, Y. Lagabrielle, Introduction à la géologie. La dynamique de la lithosphÚre, Dunod, 3e édition, 2003, p. 125-132
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- O. Merle, Nappes et chevauchements, Masson, 1994, p. 77-108
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Voir aussi
Articles connexes
Autres cirques proches :
- Cirque de Troumouse (France) ;
- Cirque d'Estaubé (France) ;
- Cirque de Gavarnie (France).