Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
La Charte des droits fondamentaux de l'Union europĂ©enne, parfois appelĂ©e charte europĂ©enne des droits fondamentaux, est une dĂ©claration des droits fondamentaux adoptĂ©e le par l'Union europĂ©enne. Elle est mise en Ćuvre par le traitĂ© de Nice.
- Ătats parties Ă la Charte
- Ătats avec au moins une dĂ©rogation
Titre | Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne |
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Organisation internationale | Union européenne |
Langue(s) officielle(s) | 24 langues officielles |
Type | traité |
Entrée en vigueur |
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Lire en ligne
Le traitĂ© de Lisbonne de 2007 fait mention de la Charte Ă l'article 6 du traitĂ© sur l'Union europĂ©enne (TUE) et lui donne une valeur juridiquement contraignante (la charte disposant dĂšs lors de la mĂȘme valeur juridique que les traitĂ©s). La Pologne[1] et le Royaume-Uni se voient accorder par le protocole 30 une dĂ©rogation [2] ; ce n'est pas une option de retrait mais une prĂ©cision concernant l'absence d'invocabilitĂ© de la Charte dans certains champs sociaux[3].
Ălaboration de la Charte
La charte a Ă©tĂ© signĂ©e et proclamĂ©e par les prĂ©sidents du Parlement europĂ©en, du Conseil et de la Commission lors du Conseil europĂ©en de Nice le . Cette Charte est le rĂ©sultat d'une procĂ©dure originale - et sans prĂ©cĂ©dent dans l'histoire de l'Union europĂ©enne - qui peut ĂȘtre ainsi rĂ©sumĂ©e :
- Les Conseils européens de Cologne (3 et ) et de Tampere (octobre 1999) ont donné mandat à un groupe de travail, autoproclamé en Convention, de rédiger un projet. Constituée en décembre 1999, elle adopte son projet le .
- Le Conseil européen de Biarritz (13 et ) a donné son accord unanime sur ce projet et l'a transmis au Parlement européen et à la Commission.
- Le Parlement européen a donné son accord le et la Commission le .
- Au nom de leurs institutions, les présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission ont signé et proclamé la Charte le à Nice.
- Celle-ci a été proclamée une nouvelle fois le lors d'une cérémonie officielle au Parlement européen à Strasbourg[4].
- La Charte des droits fondamentaux a acquis pleine force contraignante par le traitĂ© sur l'Union europĂ©enne (article 6, paragraphe 1 TUE), tel que rĂ©visĂ© par le traitĂ© de Lisbonne du 13 dĂ©cembre 2007, entrĂ© en vigueur le . La Charte a depuis cette date la mĂȘme valeur que les traitĂ©s.
La Convention était composée de représentants des gouvernements et de parlementaires européens et nationaux désignés comme suit :
- 15 par les chefs d'Ătat et de gouvernement ;
- 16 par le Parlement européen ;
- 30 par les Parlements nationaux ;
- 1 par la Commission européenne.
La Convention était présidée par Roman Herzog, ancien président de la République fédérale d'Allemagne et de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, avec comme secrétaire général Jean-Paul Jacqué pour le Conseil et Jean-Guy Giraud pour le Parlement européen.
Le Bureau de la Convention était composé de :
- Pedra Bacelar de Vasconcelos et Guy Braibant pour les reprĂ©sentants des Chefs d'Ătat et de gouvernement
- Gunnaro Jansson pour les représentants des Parlements nationaux
- Ăñigo MĂ©ndez de Vigo pour les reprĂ©sentants du Parlement europĂ©en
- António Vitorino, commissaire européen à la Justice et aux Affaires intérieures
La charte et le projet de Traité constitutionnel
La charte constituait le titre II du traitĂ© Ă©tablissant une Constitution pour l'Europe. Ce traitĂ© n'ayant pas Ă©tĂ© ratifiĂ© par tous les Ătats membres, le statut juridique de la Charte en est restĂ© inchangĂ©.
Description de la Charte
Fondement
La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne reprend en un texte unique, pour la premiÚre fois dans l'histoire de l'Union européenne, l'ensemble des droits civiques et sociaux des citoyens européens, y compris droit de pétition, protection de la donnée personnelle et interdiction de l'eugénisme, du clonage humain et des discriminations fondées sur la race, le sexe, la fortune, la naissance, le handicap, l'ùge et l'orientation sexuelle[5], ainsi que de toutes personnes vivant sur le territoire de l'Union.
Ils sont fondĂ©s notamment sur les droits et libertĂ©s fondamentales reconnus par la Convention europĂ©enne des droits de l'homme (instrument du Conseil de l'Europe), les traditions constitutionnelles des Ătats membres de l'Union europĂ©enne, la Charte sociale europĂ©enne du Conseil de l'Europe et le ComitĂ© europĂ©en des Droits sociaux ainsi que d'autres conventions internationales auxquelles adhĂšrent l'Union europĂ©enne ou ses Ătats membres. L'arrĂȘt Nold de la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes du affirme cependant dĂ©jĂ que les droits fondamentaux tels que reconnus dans les droits nationaux font partie du droit des CommunautĂ©s et doivent ĂȘtre dĂ©fendus par celles-ci.
La Charte des droits fondamentaux de l'Union a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e par une convention composĂ©e dâun reprĂ©sentant de chaque pays de lâUE et de la Commission europĂ©enne, ainsi que de membres du Parlement europĂ©en et des parlements nationaux. Elle a Ă©tĂ© formellement adoptĂ©e Ă Nice en dĂ©cembre 2000 par le Parlement europĂ©en, le Conseil et la Commission.
Contenu
Le texte comprend 54 articles précédés d'un bref préambule. Les droits sont regroupés en six grands chapitres, auxquels s'ajoute un septiÚme chapitre sur les dispositions générales.
Chapitre I : Dignité
- Article 1er : dignité humaine ;
- Article 2 : droit Ă la vie ;
- Article 3 : droit à l'intégrité de la personne ;
- Article 4 : interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
- Article 5 : interdiction de l'esclavage et du travail forcé.
Chapitre II : Liberté
- Article 6 : droit à la liberté et à la sûreté ;
- Article 7 : respect de la vie privée et familiale ;
- Article 8 : protection des données à caractÚre personnel ;
- Article 9 : droit de se marier et droit de fonder une famille ;
- Article 10 : liberté de pensée, de conscience et de religion ;
- Article 11 : liberté d'expression et d'information ;
- Article 12 : liberté de réunion et d'association ;
- Article 13 : liberté des arts et des sciences ;
- Article 14 : droit Ă l'Ă©ducation ;
- Article 15 : liberté professionnelle et droit de travailler ;
- Article 16 : liberté d'entreprise ;
- Article 17 : droit de propriété ;
- Article 18 : droit d'asile ;
- Article 19 : protection en cas d'Ă©loignement, d'expulsion et d'extradition.
Chapitre III : ĂgalitĂ©
- Article 20 : égalité en droit ;
- Article 21 : non-discrimination ;
- Article 22 : diversité culturelle, religieuse et linguistique ;
- Article 23 : égalité entre hommes et femmes ;
- Article 24 : droits de l'enfant ;
- Article 25 : droits des personnes ùgées ;
- Article 26 : intégration des personnes handicapées.
Chapitre IV : Solidarité
- Article 27 : droit Ă l'information et Ă la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise ;
- Article 28 : droit de négociation et d'actions collectives ;
- Article 29 : droit d'accĂšs aux services de placement ;
- Article 30 : protection en cas de licenciement injustifié ;
- Article 31 : conditions de travail justes et Ă©quitables ;
- Article 32 : interdiction du travail des enfants et protection des jeunes au travail ;
- Article 33 : vie familiale et vie professionnelle
- Article 34 : sécurité sociale et aide sociale ;
- Article 35 : protection de la santé ;
- Article 36 : accĂšs aux services d'intĂ©rĂȘt Ă©conomique gĂ©nĂ©ral ;
- Article 37 : protection de l'environnement ;
- Article 38 : protection des consommateurs.
Chapitre V : Citoyenneté
- Article 39 : droit de vote et d'éligibilité aux élections au parlement européen ;
- Article 40 : droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales ;
- Article 41 : droit Ă une bonne administration ;
- Article 42 : accĂšs aux documents ;
- Article 43 : médiateur ;
- Article 44 : droit de pétition ;
- Article 45 : liberté de circulation et de séjour ;
- Article 46 : protection diplomatique et consulaire ;
Chapitre VI : Justice
- Article 47 : droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial ;
- Article 48 : présomption d'innocence et droit de la défense ;
- Article 49 : principe de légalité et de proportionnalité des délits et des peines ;
- Article 50 : droit Ă ne pas ĂȘtre jugĂ© ou puni pĂ©nalement deux fois pour une mĂȘme infraction.
Chapitre VII : Dispositions générales
- Article 51 : champ d'application ;
- Article 52 : portée des droits garantis ;
- Article 53 : niveau de protection ;
- Article 54 : interdiction de l'abus de droit.
Valeur contraignante
La Charte des droits fondamentaux n'a pas, officiellement, eu de valeur contraignante jusqu'au traité de Lisbonne. Toutefois, le Tribunal de premiÚre instance et la Cour de justice de l'Union européenne s'y référent de plus en plus souvent. Les avocats généraux la mentionnent également fréquemment dans leurs conclusions générales. Enfin, elle constitue une rÚgle interne au Parlement européen.
Depuis dĂ©cembre 2009 et lâentrĂ©e en vigueur du traitĂ© de Lisbonne, la Charte des droits fondamentaux de l'Union sâest vu confier la mĂȘme force juridique obligatoire que les traitĂ©s. En effet, tel que rĂ©visĂ© par le traitĂ© de Lisbonne, l'article 6(1) TUE dispose que l'Union « reconnait les droits, les libertĂ©s et les principes Ă©noncĂ©s dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union europĂ©enne du 7 dĂ©cembre 2000, telle qu'adaptĂ©e le 12 dĂ©cembre 2007 Ă Strasbourg, laquelle a la mĂȘme valeur juridique que les traitĂ©s ».
Le Royaume-Uni, la Pologne et la République tchÚque avaient demandé une dérogation touchant à l'absence d'invocabilité de la Charte dans certains domaines. Depuis, le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne, et la République tchÚque a renoncé, en 2014, à invoquer cette exception[6]. La dérogation ne concerne donc plus que la Pologne.
Une charte relative au droit européen
L'article 51, alinéa 1er, précise que « Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité ».
Pour les Ătats membres, la charte ne s'impose Ă eux que lorsqu'ils mettent en Ćuvre le droit de l'Union. Cette charte s'applique bel et bien dans les trois piliers europĂ©ens.
L'article 52 prĂ©cise : « Dans le respect du principe de proportionnalitĂ©, des limitations ne peuvent ĂȘtre apportĂ©es que si elles sont nĂ©cessaires et rĂ©pondent effectivement Ă des objectifs d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertĂ©s d'autrui. »
Une référence pour la Convention européenne et pour l'Agence des droits fondamentaux
La Convention europĂ©enne qui Ă©labora le projet de Constitution europĂ©enne sous la prĂ©sidence de ValĂ©ry Giscard d'Estaing en 2002 sera constituĂ©e sur le mĂȘme modĂšle que la Convention sur la Charte et s'inspirera de son fonctionnement.
La Charte sera d'autre part la référence pour l'action de l'Agence des droits fondamentaux mise en place en février 2007[7].
Cette agence a trois responsabilités :
- recueillir des informations et des données,
- formuler des conseils Ă l'intention de l'Union europĂ©enne et de ses Ătats membres,
- stimuler le dialogue avec la société civile afin de sensibiliser davantage le public aux droits fondamentaux.
Références
- La Plateforme civique (PO) de Donald Tusk, vainqueur des élections législatives du 21 octobre 2007 en Pologne a annoncé le soir des élections que la Pologne adhérera à la Charte des droits fondamentaux. Jean Quatremer, « Jaroslaw Kaczynski n'est plus Premier Ministre ».
- (en) « EUR-Lex - 12008E/PRO/30 - EN - EUR-Lex », sur eur-lex.europa.eu (consulté le ).
- Parlement européen, « Rapport relatif au projet de protocole sur l'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à la République tchÚque (article 48, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne) », (consulté le ).
- Proclamation de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, communiqué de presse du Parlement européen
- l'article 21
- « La fin de l'exception tchÚque au traité de Lisbonne », sur Radio Prague International, (consulté le ).
- La Commission européenne se félicite de l'ouverture de l'Agence des droits fondamentaux, Commission européenne, 01/03/2007
Compléments
Lectures approfondies
- L. Burgorgue-Larsen (dir.), La France face Ă la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne, Bruxelles, Bruylant, 2005, 696p. (Col. du Credho, n°8, prĂ©face de Guy Braibant).
- L. Burgorgue-Larsen, A. Levade, F. Picod (dir.), TraitĂ© Ă©tablissant une Constitution pour lâEurope. Partie II. La Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne â Commentaire article par article, Bruxelles, Bruylant, 2005, 837p.
- L. Burgorgue-Larsen,«La Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne racontĂ©e au citoyen europĂ©en », Revues des Affaires europĂ©ennes (RAE-LEA), 2000-4, pp.398-409.
- L. Burgorgue-Larsen,«La âforce de lâĂ©vocationâ ou le fabuleux destin de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne », LâĂ©quilibre des pouvoirs et lâesprit des institutions. MĂ©langes en lâhonneur de Pierre Pactet, Paris, Dalloz, 2003, pp.77-104.
- L. Burgorgue-Larsen,«Ombres et lumiĂšres de la constitutionnalisation de la Charte des droits fondamentaux de lâUnion europĂ©enne », Cahiers de droit europĂ©en, 2004, n°4-6, pp.863-890. Ă©galement in Revista Brasileira de Direito Constitucional, Julio/Dezembro 2005-n°6, Teoria Da Constituiçao, pp.64-85.
- L. Burgorgue-Larsen,« Lâapparition de la Charte des droits fondamentaux dans la jurisprudence de la Cour de justice des CommunautĂ©s », note sous Parlement c. Conseil, 27 juin 2006, AJDA, 4 dĂ©cembre 2006, n°41/2006, pp.2286-2288.