ArrĂȘt Nold
L'arrĂȘt rendu le dans l'affaire J. Nold, Kohlen- und BaustoffgroĂhandlung contre Commission des CommunautĂ©s europĂ©ennes (ou plus simplement arrĂȘt Nold, affaire 4/73) par la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes (ou CJCE) est l'une des bases de la jurisprudence du droit communautaire. Cet arrĂȘt pose le principe du respect par les CommunautĂ©s des droits fondamentaux, tels que souscrits et dĂ©finis par les Ătats membres dans leurs traditions constitutionnelles.
Ces droits humains font donc partie intĂ©grante des principes gĂ©nĂ©raux du droit dont la Cour doit assurer le respect (quand bien-mĂȘme ils ne seraient pas explicitement inscrits dans des TraitĂ©s): si la CJCE confirme la primautĂ© du droit communautaire sur les droits nationaux, celle-ci se trouve de fait limitĂ©e par le respect d'un « socle commun de valeurs » (entre autres, la Convention europĂ©enne des droits de l'homme). RĂ©ciproquement, l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral dĂ©fendu par les CommunautĂ©s ne saurait cependant ĂȘtre subordonnĂ© Ă des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques particuliers.
Faits
Dans une décision du , la Commission européenne autorise de nouvelles rÚgles de vente pour la société de charbonnages Ruhrkohle AG. Celle-ci peut désormais subordonner la vente de charbon à la conclusion de contrats de deux ans minimum, et ce pour un volume minimal de 6 000 tonnes par an.
La sociĂ©tĂ© J. Nold, Kohlen- und BaustoffgroĂhandlung, petit grossiste opĂ©rant essentiellement Ă destination des particuliers, s'estime dĂšs lors lĂ©sĂ©e par cette dĂ©cision, ses volumes de vente Ă©tant bien en deçà des quantitĂ©s exigĂ©es. Elle attaque donc la Commission devant la CJCE pour en rĂ©clamer l'annulation, au motif notamment que ses droits fondamentaux seraient violĂ©s, son exclusion du marchĂ© du charbon mettant son activitĂ© Ă©conomique en pĂ©ril.
DĂ©cision de la CJCE
Affaire
La Cour rĂ©pond que si les droits fondamentaux sont bien dĂ©fendus par les traditions constitutionnelles des Ătats membres, la dĂ©fense de ceux-ci ne saurait s'appliquer (ou se subordonner) aux intĂ©rĂȘts particuliers de la survie d'une seule compagnie, car i) les nouvelles conditions imposĂ©es sont Ă©gales pour tous les clients de la Ruhrkohle et ii) dans un contexte Ă©conomique normal, c'est Ă l'entreprise de s'adapter aux conditions du marchĂ© (qui dĂ©finit lĂ l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral), plutĂŽt que l'inverse.
La plainte est donc rejetée.
Droits fondamentaux
Cette dĂ©cision fait suite aux arrĂȘts Stauder[1] et Internationale Handelsgesellschaft[2], dans lesquels la Cour Ă©voque pour la premiĂšre fois les « droits fondamentaux de la personne y compris [âŠ] les principes gĂ©nĂ©raux du droit communautaire, dont la Cour assure le respect ». La protection des droits humains doit dĂšs lors « ĂȘtre assurĂ©e dans le cadre de la structure des objectifs de la CommunautĂ© ». Ces arrĂȘts consacrent la reconnaissance des droits fondamentaux comme principes gĂ©nĂ©raux, que la Cour de justice se doit de protĂ©ger dans le champ rĂ©trĂ©ci des compĂ©tences communautaires; maniĂšre pragmatique de rĂ©duire le dĂ©ficit dĂ©mocratique dont souffraient dĂ©jĂ Ă l'Ă©poque les CommunautĂ©s.
DĂšs lors, en se rĂ©fĂ©rant pour la premiĂšre fois explicitement aux instruments internationaux de protection des droits de l'homme (ici, la Convention europĂ©enne des droits de l'homme), la Cour profite de cette dĂ©cision pour rĂ©affirmer de maniĂšre claire le devoir de protection des communautĂ©s vis-Ă -vis de leurs citoyens : « la Cour est tenue de s'inspirer des traditions constitutionnelles communes aux Ătats membres et ne saurait, dĂšs lors, admettre des mesures incompatibles avec les droits fondamentaux reconnus et garantis par les Constitutions de ces Ătats » (cons. 13).
Cet arrĂȘt sera maintes fois confirmĂ© et affinĂ© par la suite, notamment par le biais des arrĂȘts Rutili[3], Hauer[4] et Wachauf[5].
Référence
- Affaire 29/69 du 12 novembre 1969, Erich Stauder contre Ville d'Ulm â Sozialamt
- Affaire 11/70 du 17 dĂ©cembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft mbH contre Einfuhr- und Vorratsstelle fĂŒr Getreide und Futtermittel
- Affaire 36/75 du 28 octobre 1975, Ruttili c/ Ministre de l'Intérieur.
- Affaire 44/79 du , Liselotte Hauer/Land Rheinland-Pfalz.
- Affaire 5/88 du 13 juillet 1989, Hubert Wachauf contre Bundesamt fĂŒr ErnĂ€hrung und Forstwirtschaft.
Lien externe
- « Texte de l'arrĂȘt », sur EUR-Lex