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Bout (topologie)

En mathématiques, un bout d'un espace topologique est de manière informelle une « composante connexe à l'infini » de cet espace. Dans les bons cas, ajouter un point pour chaque bout induit une compactification de dimension nulle de l'espace, on parle de compactification par les bouts ou Endenkompaktifiezierung en allemand, ou encore end compactification en anglais.

Un bout d'un groupe topologique est une classe d'équivalence de bouts de l'espace topologique sous-jacent pour une relation d'équivalence liée à l'action du groupe.

Historique

C'est le mathématicien Hans Freudenthal qui est à l'origine de la théorie des bouts d'un espace topologique. En 1931 il définit ainsi les bouts d'un espace topologique localement compact (séparé), connexe et localement connexe comme étant (les classes d'équivalence de) certaines suites décroissantes d'ouverts connexes[1]. En 1942 il élargit cette notion en retirant les conditions de connexité sur l'espace ; un bout est alors une base de filtre constituée d'ouverts de bord compact et maximale pour certaines propriétés[2]. En 1945 il étudie les bouts d'espaces qu'il qualifie de "discrets" (une notion différente de celle d'espace topologique discret utilisée aujourd'hui) et en particulier des groupes (discrets) finiment engendrés : un bout d'un tel groupe est alors un bout de son graphe de Cayley[3]. Heinz Hopf[4], Ernst Specker[5], John R. Stallings[6], Peter Scott et Terry Wall[7] entre autres vont démontrer d'autres résultats concernant les bouts d'espaces topologiques et de groupes topologiques finiment engendrés, en particulier donner des conditions pour qu'un groupe ait plus qu'un ou deux bouts.

Dans le contexte précédent se donner un filtre maximal est équivalent à se donner un idéal premier d'une certaine sous-algèbre de Boole de l'algèbre des parties de l'espace considéré. En considérant toutes les sous-algèbres de Boole de , Herbert Abels classifie en 1974 toutes les « compactifications de dimension nulle » d'un espace topologique localement compact, la compactification par les bouts est la « plus grande » de ces compactifications[8]. Les mêmes idées appliquées à la sous-algèbre des parties « compactement quasi-invariantes » d'un groupe topologique localement compact lui permettent alors de généraliser la notion de bout à un groupe topologique. La compactification par les bouts d'un tel groupe est alors la plus grande compactification de dimension nulle admettant des « bonnes » actions du groupe , c'est un quotient de la compactification par les bouts de l'espace topologique sous-jacent.

Il est intéressant de remarquer qu'à un groupe topologique sont attachées deux notions différentes de bouts : les bouts de l'espace topologique sous-jacent et les bouts du groupe topologique. Ces deux notions coïncident si et seulement si le groupe est connexe[8].

Première définition

Soit un espace topologique localement compact (séparé), connexe et localement connexe.

On considère la famille des suites décroissantes d'ouverts connexes non compacts, de bord compact et telles que , sur laquelle on définit une relation d'équivalence comme suit : si .

Les classes d'équivalence pour cette relation sont les bouts de l'espace, on note l'ensemble des bouts de [1].

En décrétant ouvertes les parties satisfaisant : est ouvert dans , et pour tout (dont la classe d'équivalence est) dans il existe tel que , on obtient une topologie sur .

L'espace topologique ainsi obtenu est une compactification de , appelée compactification par les bouts de . L'espace des bouts est totalement discontinu et compact, donc de dimension nulle.

Définition alternative plus intuitive

Michael Spivak propose la définition et l'exercice suivants[9] - [10] :

Soit un espace topologique. Un bout de est une application qui à chaque sous-ensemble compact associe une composante connexe de de sorte que . On note l'ensemble des bouts de et on définit une topologie sur comme suit : est un ouvert et une base de voisinages d'un bout est donnée par la famille des pour compact.

Montrer que lorsque est localement compact, connexe et localement connexe, l'espace est compact.

L'application naturelle est injective, montrer que les deux définitions coïncident revient alors à montrer que c'est un homéomorphisme.

Cette définition de bout d'un espace topologique correspond bien à la notion intuitive de « composante connexe à l'infini Â».

Compactifications de dimension nulle

Soit un espace topologique localement compact (et séparé).

Une compactification de dimension nulle de est une compactification de telle que le bord est totalement discontinu. Deux compactifications de dimension nulle sont dites équivalentes si l'application identité de s'étend en un homéomorphisme entre ces compactifications.

Par ailleurs, notons la famille des parties dont le bord est compact, c'est une algèbre de Boole pour les opérations différence symétrique et intersection. La famille des parties de d'adhérence compacte est un idéal de .

Il existe alors une bijection explicite associant à chaque classe d'équivalence de compactifications de dimension nulle de une sous-algèbre de Boole de contenant [8]. Dans cette bijection, une inclusion d'algèbres induit une application (entre les compactifications correspondantes) qui est continue, surjective, et qui étend l'identité de .

En particulier, la compactification par les bouts de est la compactification correspondant à l'algèbre , elle vérifie la propriété universelle suivante : pour toute compactification de dimension nulle de il existe une unique application continue, surjective, et qui étend l'identité de . L'espace des bouts de est alors le bord .

Compactifications de Specker

Soit un groupe topologique localement compact (et séparé).

Une compactification de Specker de est une compactification de dimension nulle de (l'espace topologique) satisfaisant les deux propriétés suivantes :

  • pour tout , la multiplication par à gauche s'étend en une application continue,
  • l'application est continue (dit autrement, étendre toutes les multiplications à droite par l'identité au bord donne une application globale continue).

Notons alors la famille des parties compactes non vides de et (où désigne la différence symétrique entre parties de ). La famille est une sous-algèbre de Boole de contenant , de plus l'action naturelle à droite de sur son algèbre des parties laisse invariante (i.e. ).

La bijection du paragraphe précédent induit alors par restriction une bijection entre les classes d'équivalence de compactifications de Specker de et les sous-algèbres de Boole de contenant et invariantes par l'action de à droite[8].

En particulier, la compactification de Specker correspondant à est universelle au sens suivant : pour toute compactification de Specker de il existe une unique application continue, surjective, -équivariante et qui étend l'identité de . L'espace des bouts du groupe topologique est alors le bord .

Propriétés et exemples

  • L'ensemble des bouts d'un espace topologique est vide si et seulement si l'espace est compact.
  • La droite réelle et le groupe discret ont exactement deux bouts.
  • En fait, un groupe localement compact et compactement engendré a deux bouts si et seulement si il est quasi-isométrique[11] à (ou ), ce qui est aussi équivalent au fait que le groupe est hyperbolique et que son bord a deux points.
  • Lorsque G est un groupe localement compact et finiment (ou compactement) engendré, les bouts de G sont exactement les bouts de l'un de ses graphes de Cayley.
  • Pour l'espace euclidien et le groupe abélien libre ont exactement un bout.
  • Pour le graphe de Cayley du groupe libre à générateurs est l'arbre (infini) de degré constant et l'espace des bouts du groupe discret est un ensemble de Cantor.
  • Les bouts d'un groupe localement compact G coïncident avec les bouts de l'espace topologique sous-jacent G si et seulement si G est connexe[8].
  • Un groupe localement compact, non compact et compactement engendré possède 1, 2 ou une infinité de bouts[8].
  • Le théorème de Stallings sur la structure des groupes dit qu'un groupe discret de type fini possède plus que deux bouts si et seulement si il admet une certaine décomposition.

Bouts de graphes

Voir l' article détaillé End (graph theory) (en)

Références

  1. (de) Hans Freudenthal, « Über die Enden topologischer Räume und Gruppen », Mathematische Zeitschrift, vol. 33,‎ , p. 692–713 (ISSN 0025-5874 et 1432-1823, DOI 10.1007/BF01174375, lire en ligne, consulté le )
  2. (de) H. Freudenthal, « Neuaufbau der Endentheorie », Annals of Mathematics (2),‎ , p. 261-279 (ISSN 0003-486X)
  3. (de) H. Freudenthal, « Über die Enden diskreter Raüme und Gruppen », Comment. Math. Helv., no 17,‎ , p. 1-38 (ISSN 0010-2571)
  4. (de) H. Hopf, « Enden offener Raüme und unendliche diskontinuierliche Gruppen », Comment. Math. Helv., no 16,‎ , p. 81-100 (ISSN 0010-2571)
  5. (de) E. Specker, « Endenverbände von Raümen und Gruppen », Math. Ann., no 122,‎ , p. 167-174 (ISSN 0025-5831)
  6. (en) John Stallings, Group theory and three-dimensional manifolds, , 65 p. (ISBN 0-300-01397-3)
  7. (en) P. Scott et T. Wall, « Topological methods in group theory », London Math. Soc. Lecture Note Ser., no 36,‎ , p. 137-203
  8. (de) H. Abels, « Specker-Kompaktifizierungen von lokal kompakten topologischen Gruppen », Math. Z., no 135,‎ , p. 325-361 (ISSN 0025-5874)
  9. (en) M. Spivak, A Comprehensive Introduction to Differential Geometry, vol. 1, Publish or Perish, , 3e éd. (lire en ligne), p. 23, Problem 19.
  10. (en) « Ends of topological spaces. Why independent of choice of ascending sequence of compact subsets? », sur MathOverflow, .
  11. Une application entre espaces métriques est quasi-isométrique s'il existe deux constantes et telles que . C'est une quasi-isométrie si son image est cobornée, c'est-à-dire s'il existe une constante telle que : . Deux espace métriques sont quasi-isométriques s'il existe une quasi-isométrie entre les deux.
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