Blazar
En astronomie, un blazar (en anglais : blazing quasi-stellar radiosource, que l'on peut traduire par « source radio éclatante quasi stellaire ») est un quasar très compact associé à un trou noir supermassif situé au centre d'un noyau actif de galaxie, très éloigné de nous. Les blazars sont détectés par leurs jets qui, selon qu'ils sont dirigés plus ou moins exactement vers la Terre, peuvent souvent faire varier leur luminosité de manière importante à travers tout le spectre électromagnétique.
Ce sont parmi les objets les plus puissants et violents de l'Univers et ils font partie, avec les quasars et les radiogalaxies, de la famille des galaxies actives. Ils émettent une grande quantité de rayonnements de toutes les longueurs d'onde (des ondes radio aux rayons gamma) et de particules de haute énergie, telles que des neutrinos et de positrons. Ces rayonnements sont émis depuis une région du centre de leur galaxie qui ne serait pas plus grande que le Système solaire. Ils sont vraisemblablement générés par la présence, au centre de ces galaxies, d'un trou noir supermassif d'une masse considérable, de l'ordre d'un million à un milliard de masses solaires, qui est doté, comme les quasars, d'un disque d'accrétion, lequel émet la plupart du rayonnement par friction. La puissance lumineuse émise est de l'ordre de mille milliards de fois celle du Soleil.
Structure
Vraisemblablement, les quasars, les blazars et les radiogalaxies seraient le même type d'objets : des noyaux actifs de galaxie (objets compacts et extrêmement lumineux, hébergeant un trou noir supermassif), duquel s'échappent de puissants jets de plasma, extrêmement lumineux et souvent très productifs en ondes radio.
Les jets sont composés de particules chargées projetées par un mécanisme encore mal compris, qui fait sans doute intervenir l'énergie gravitationnelle gigantesque du trou noir central. Ces particules sont principalement des électrons et positrons, des protons et des noyaux d'atomes, confinés par d'intenses champs magnétiques. S'y ajoutent des neutrinos de haute énergie[1]. Ces jets quittent le noyau actif à une vitesse proche de celle de la lumière. Ils peuvent même, par un effet d'optique, paraître pour nous plus rapides que celle-ci, et s'étendre à des centaines de milliers d'années-lumière, l'onde de choc finale pouvant former de vastes nuages cosmiques de gaz radioémetteurs, qu'on nomme lobes radio.
Plus précisément, un noyau actif de galaxie est composé d'un trou noir très massif, autour duquel gravite un vaste disque d'accrétion, composé de gaz et de poussières, et de restes d'étoiles. Les abords du trou noir sont extrêmement chauds, à tel point que la partie la plus centrale de ce disque, où le gaz tombe continuellement vers le trou noir, émet souvent des rayons dont les fréquences s'étendent jusqu'aux rayons X et gamma.
Radiogalaxies, quasars et blazars correspondraient en fait à un même genre de galaxies, observé sous des angles différents : si les jets nous parviennent de biais, elles ont l'aspect d'un quasar, mais si elles se présentent de face, c'est l'aspect d'un blazar, et vues complètement de profil, le cœur caché par les disques de poussières, nous détectons une radiogalaxie. Dans tous les cas, la galaxie hôte serait une galaxie elliptique géante.
Découverte
Le premier blazar fut découvert en 1968. Les astronomes détectèrent un signal en provenance d'un étrange objet de la constellation du Lézard, connu alors sous le nom de BL Lacertae, qui a été pris alors à tort pour une étoile variable. Découvert par l'astronome allemand Cuno Hoffmeister en 1929, l'objet a d'abord été pris pour une étoile variable irrégulière de la Voie lactée et a reçu en conséquence une désignation d'étoile variable : BL Lacertae. En 1965, quatre radioastronomes de l'observatoire astronomique de l'université de l'Illinois détectent une radiosource, VRO 42.22.01. Puis en 1968, John Smith à l'observatoire David Dunlap identifie BL Lacertae à VRO 42.22.01 et met en évidence que la radiosource est entourée par une galaxie très pâle. En 1974, John Oke et James Gunn ont mesuré son décalage vers le rouge : z = 0,07, soit une vitesse radiale de 21 000 km/s par rapport à notre galaxie, ce qui le placerait à une distance d'environ 900 millions d'années-lumière, montrant qu'il ne s'agit pas d'une étoile mais bien d'un nouveau type d'objet. Le 2 août 1997 a été observée une augmentation fulgurante de la luminosité X de BL Lac. Elle aurait augmenté d'un facteur 60 en 40 minutes, suivi d'un pic de sa luminosité radio et optique. L'augmentation drastique de la luminosité X, radio et optique, aurait été créée par une hausse de luminosité, suivie d'un jet radio[2].
Fonctionnement
Le mécanisme d'émission de radiation des blazars est similaire à celui d'un quasar ou d'une radiogalaxie (tous regroupés dans les galaxies actives). Il provient de l'activité centrale de leur trou noir supermassif. Celui-ci est entouré d'un disque d'accrétion entrainé dans son champ gravitationnel. Les différentes parties de disque sont brassées (les parties les plus massives sont attirées par celles qui le sont moins), ce qui produit une quantité importante de rayonnement (thermique), à travers un processus de friction. C'est à ce moment que des jets se forment, de grandes quantités de matière se retrouvant entrainées au pôle du trou noir supermassif par l'action de l'ergosphère. Les blazars étant un environnement de forte densité, cela induit que leur disque d'accrétion est petit, mince et dense, ce qui les force à adopter un régime de rayonnement radiativement inefficace qui maintient leur flux d'émission en dessous de 1 % de la luminosité d'Eddington. Leur émission de lumière ne sort alors pas du centre de la galaxie, mais reste concentrée au centre. Le seul flux sortant se fait donc par les jets, et le seul moyen qu'ils soient perçus est un alignement de leur axe d'émission avec la ligne de visée de la Terre.
Les blazars se divisent en deux grandes catégories : les objets BL Lacertae et les quasars radio à spectre plat. Ils sont considérés comme radio-bruyants, émettant des jets relativistes alignés dans la ligne de visée de la Terre. Les BL Lacs et les FSRQ diffèrent par la puissance de rayonnement de leurs jets, leur seule source d'émission, qui est corrélée à la luminosité du disque d'accrétion et est plus faible pour les BL Lacs que pour les FSRQ. Contrairement aux FSRQ, les spectres optiques des BL Lacs ne montrent pas de larges raies d'émission (ou seulement des raies faibles)[3].
Ces raies spectrales sont dominées par un rayonnement thermique, puisqu'elles proviennent directement du disque d'accrétion. Les raies d'émissions larges, telles que le fer dans les rayons X, se produisent par la réflexion d'un flux de photons provenant de la diffusion Compton dans le disque, sur une surface réfléchissante du disque lui même. Cette région réfléchissante est généralement déformée et aplatie par la force centrifuge, et sa déformation a tendance à créer un phénomène très lumineux et court que l'on appel une oscillation quasi-périodique. Celle-ci se produit lorsque le flux de photons se réfléchit sur le disque pendant un instant bref : la région de réflexion étant déformée, seule une partie du disque peut provoquer la réflexion dans l'axe de l'observateur. En raison de cela, à chaque alignement de cette région du disque avec le flux de photons «comptonisés», un flash en rayons X est produit dans la raie du fer (puisque la diffusion Compton inverse a eu lieu avec un nuage d'électrons situé dans la couronne du disque du blazar, qui est riche en fer, corrélé avec l'effet de Lense-Thirring), dans une période bien définie, puisque cela correspond à la période de révolution de la zone réfléchissante[4].
Propriétés spectrales
Depuis 1929, et la découverte de BL Lacertae, il est admis que le blazars présentent des propriétés d'observation extrêmes, telles qu'une variabilité multi-longueur d'onde rapide et forte, une polarisation élevée et variable, des émissions de rayons γ fortes et variables et un mouvement supraluminique apparent aux fréquences radio. Ces propriétés d'observation sont caractéristiques du jet relativiste, qui pointe vers l'observateur. Les blazars émettent un rayonnement, à dominance non thermique, sur tout le spectre électromagnétique. Une distribution spectrale d'énergie (SED) classique d'un blazar affiche un spectre dominé par deux émissions bien distinctes. La première, de faible énergie, culmine dans la gamme de l'infrarouge aux rayons X et est attribuée au rayonnement synchrotron des électrons relativistes, tandis que l'origine de la deuxième, de plus haute énergie, qui culmine aux longueurs d'onde des rayons X aux rayons γ, est en débat.
Il existe deux possibilités quant à cette deuxième émission : une théorie (Sokolov & Marscher 2005) évoque que cette émission pourrait provenir de photons, avec une longueur d'onde typique de l'ultraviolet voire en rayon X, dont l'énergie est multipliée grâce à un flux d'électrons via diffusion Compton inverse. La deuxième possibilité, induite du modèle hadronique, interprète une attribution de l'émission au rayonnement synchrotron de protons et à la cascade de particules secondaires, telles que des neutrinos et des positrons.
Le spectre optique et le SED sont utilisés pour faire des classifications pour les blazars. Historiquement, les blazars sont divisés en deux classes, à savoir les quasars radio à spectre plat (FSRQ) et les objets BL Lacertae (BL Lac), en fonction de leurs spectres optiques. Le premier est caractérisé par de fortes raies d'émission, tandis que le second montre un spectre optique sans particularité, ou alors avec des raies d'émission faibles. À l'inverse de ce que l'on pourrait penser, la source montrant des raies d'émissions faibles est la plus active, puisque dans le cas des FSRQ, il est communément admis que leurs raies caractéristiques sont en fait augmentées via l'effet Doppler relativiste[5].
Classification
Les types de classification, qui sont basés sur le spectre optique des blazars, étaient correctes jusqu'à la découverte des blazars variables. Avant la venue des objets variables, les blazars étaient classés sous deux types : le quasar radio à spectre plat, un blazar dominé par un spectre avec de fortes et larges raies d'émission. La largeur de celles-ci est en réalité augmentée par l'effet Doppler relativiste. La deuxième classe de blazars, la plus active, réside dans les objets BL Lac, qui se démarquent par un spectre sans particularités.
Une autre manière de les classer, c'est en fonction de la fréquence de leur émission synchrotron. Dans ce cas, les BL Lacs sont classés comme de très haute fréquence, s'ensuivent les classes intermédiaires et basses fréquences High-frequency BL Lac (HBL), Intermediate-frequency BL Lac (IBL), et les Low-frequency BL Lac (LBL). Il existe une autre classe, les quasars radio à spectre plat (FSRQ), qui sont de très basse fréquence. Les blazars peuvent également être classifiés selon leur morphologie radio à grande échelle, comme les radiogalaxies, avec une classe FR I et FR II, là ou la classe I désigne une source dont la luminosité est concentrée dans le centre, alors que la classe II vise des sources moins lumineuses au centre mais avec de plus grandes structures radio.
Cependant, la diversité des blazars est telle que ces classes semblent insuffisantes pour tracer les propriétés spécifiques de chaque source. En 2016, H. Sol et al. propose une classification (admise en partie) qui se base sur les caractéristiques cinématiques de leurs jets astrophysiques. H. Sol et al. suggère de s'appuyer sur des mesures d'interférométrie à très longue base (Very Long Baseline Interferometry, VLBI), pour obtenir des valeurs précises. À cette fin, ils proposent d'utiliser les données publiques de la collaboration Monitoring Of Jets in Active galactic nuclei with VLBA Experiments (MOJAVE), afin d'en tirer plusieurs classes bien définies. Trois classes distinctes de jets ont pu être observées en fonction de la cinématique des nœuds radio de la structure. Les nœuds radio sont des régions ou le gaz s'accumule dans le jet à cause d'une activité non linéaire. La classe I est décrite par des nœuds de gaz quasi-stationnaires, la classe II avec des nœuds en mouvement relativiste à partir du noyau radio, et la classe I/II, intermédiaire, montrant des nœuds quasi-stationnaires au niveau du jet et d'autres avec des mouvements relativistes. Un résultat notable de cette classification est le bon recouvrement de toutes les cinématiques connues (tout en permettant de soustraire les facteurs de l'effet Doppler et de l'effet Lorentz), qui peut en plus être ajoutée avec la classification spectrale habituelle ; la classe I correspond aux HBL, la classe II aux FSRQ et la classe I/II aux IBL/LBL[6].
Formation
Les mécanismes de formation et de croissance rapide des trous noirs supermassifs dans l'Univers primordial restent discutables et ont un lien complexe avec l'évolution de leurs galaxies hôtes par rétroaction. La découverte de quasars à décalage vers le rouge élevé indique que des trous noirs supermassifs actifs ont déjà existé lorsque l'Univers était à environ un dixième de son âge actuel. Les relevés spectroscopiques ont largement permis la découverte de galaxies et de quasars à haut décalage vers le rouge, ouvrant la voie à des observations de suivi optiques, infrarouges et radio plus profondes. Actuellement (2023), plus de 200 quasars ont été découverts au-dessus du redshift de 5,7.
Les blazars à décalage vers le rouge élevé sont des sondes utiles de l'Univers primitif en raison de leur émission, qui en fait l'une des sources les plus brillantes. Alors que leur puissance de jet évolue avec la masse du trou noir en activité, les blazars éclairent l'évolution cosmique des trous noirs massifs, puisqu'une simple observation de plusieurs blazars à des décalages vers le rouges élevés permet de déterminer le chemin évolutif des trous noirs supermassifs. Cependant, aucun blazar n'a était observé au-delà d'un décalage vers le rouge de 7 (le plus lointain étant J233153.200+112952.11, ayant un décalage vers le rouge de 6,5).
La source J0906+6930, identifiée comme un blazar, reste l'un des blazar les plus éloignés découvert à ce jour. Démêler la structure du jet des blazars à décalage vers le rouge élevé nécessite une résolution extrêmement élevée. La particularité de J0906+6930 est d'avoir une structure radio étendue qui est facilement séparable du reste de l'émission. Notamment, Il est connu pour émettre un jet astrophysique d'une taille d'environ 5 pc (∼16,3 a.l.), ce qui le rend discernable par interférométrie. Une étude intense de sa structure radio, grâce à des données du Very Long Baseline Array, a permis de montrer que les blazars suivent un même processus de formation que les quasars ; ils naissent dans les galaxies les plus massives et débutent leur accrétion après un court laps de temps d'existence. Son observation a d'ailleurs démontré qu'à cette époque, les trous noirs possédaient déjà une masse très importante, ce qui induit que leur phase d'accrétion et de gain de masse s'est produite peu de temps après leur formation[7].
D'autres observations du quasar ULAS J1342+0928 montrent que la période de forte croissance se produit très peu de temps après leur formation, puisque ce quasar montre une masse de 7,8+0,33
−0,19 × 108 M☉ à une distance de 12,8 milliards d'années[8]. Plus récemment (Hennawi et al. 2020, 2021), les quasars QSO J0313-1806 et J1007+2115 ont été découverts. Ceux-ci présentent des propriétés qui confirment que la phase de croissance se situe au début de l'Univers, quand les galaxies étaient encore très riches en poussière. En effet, leurs distances d'observation sont estimées à 13,2 et 13,02 milliards d'années-lumière, et les différentes études les concernant estiment que leurs masses sont de 1,6 x 109 M☉ et 1,5 x 109 M☉, respectivement[9] - [10].
Il existe une théorie pour expliquer la présence de tels trous noirs supermassifs au début de l'univers, la théorie de l'effondrement direct. Celle-ci stipule que les trous noirs massifs se soient formés dans une plage de décalages vers le rouge allant de 15 à 30, lorsque l'Univers avait entre 100 et 250 millions d'années. Contrairement aux trous noirs formés à partir de la première population d'étoiles, l'effondrement direct théorise un mécanisme de formation par instabilité relativiste, ce qui permet aux trous noirs massifs de se former à partir de régions très denses en gaz léger (comme l'hydrogène et l'hélium), par effondrement, sans passer par les scénarios de supernova à effondrement de cœur et de quasi-étoile. Cela implique que les molécules présentes dans ces régions soient détruites par un rayonnement de photons de Lyman-Werner. Cela permettrait de former des trous noirs avec des masses primaires de 105 M☉, sans passer par le modèle actuel, le reste de la masse serait donc obtenue par le modèle classique (processus d’accrétion)[11].
Évolution
Dans le futur, il pourrait se produire une extraction de l'énergie des tous les blazars via le processus de Blandford-Znajek ; en effet, si ce processus se produit, les jets émetteurs des blazars s'éteindront à cause de la faible accrétion, et du manque de matière à proximité. Avec l'échelle de temps nécessaire au processus Blandford-Znajek pour épuiser l'énergie du noyau actif, le noyau actif des blazars pourrait rester actif pendant plusieurs milliards d'années, avant que son activité intense ne s'estompe. L'échelle de temps augmentera si l'on implique directement le disque d'accrétion interne. Ensuite, la décroissance de son émission d'énergie leur fera obtenir la classification de quasars radio-silencieux, puis de noyaux ou système fossile, raison pour laquelle aucun blazar n'est observé à de faibles distances ; leurs activités n'existent plus[12].
Le concept de la séquence évolutive des noyaux galactiques actifs à jets (AGN) a été remis en question au cours des dernières décennies, car les sous-classes de noyaux galactiques actifs sont considérées comme différentes en raison de leur angle de vision. Tous les astrophysiciens s'accordent pour dire qu'au bout de 11 voire 12 milliards d'années, les blazars ne peuvent maintenir un rythme d'activité intense à cause du manque de matière à accréter. Il s'agit d'une des explications les plus probables pour trouver une solution au manque de blazars, quasars, et objets BL Lac près de la Voie Lactée, puisqu'en effet, aucun de ces objets n'est observé après 12 milliards d'années d'existence.
La séquence blazar propose que les objets FSRQ et BL Lac soient des formes d'objets avec le même processus physique, mais diffèrent par la luminosité bolométrique. Cela implique que les sous-classes FSRQ et BL Lac évoluent progressivement vers des sous-classes d'AGN plus classiques. Le nouveau schéma unifié des AGN postule que ces galaxies de Seyfert (semblables à des blazars) sont de jeunes homologues à jets des AGN radio-forts, ou une partie d'une plus grande sous-classe d'AGN qui sont détectés différemment en raison de, soit l'orientation différente par rapport à la ligne de visée de la Terre, soit d'observations à différents stades d'évolution. Par conséquent, ces objets peuvent prétendument être unifiés avec les sous-classes blazar conventionnelles par évolution, orientation ou séquence blazar. Ce modèle permettrait donc de théoriser que l'évolution des blazars tend à un désalignement du jet par rapport à la Terre, les faisant devenir des galaxies de Seyfert de type 1 ou 2[13].
Variabilité
La variabilité des blazars est un phénomène bien connu depuis les années 1930, avec la découverte de BL Lacertae. Récemment, B. Rani et al. montrent, sur la base d'une série d'observations radio, optiques, rayons X et rayons γ du blazar S5 0716+714, que la variabilité des blazars se fait de manière majoritairement répétitive, avec des épisodes à long terme et rapides. Ce blazar fait partie d'une classe très rare, dite de variabilité extrême (ou variable optiquement violent). Les observations en ondes radio et en rayons X montrent que la variabilité dans ces fréquences est due à l'action du jet : la luminosité intense de ces astres est due à la présence du jet, qui, s'il est aligné avec l'axe de l'observateur, produit un flux très important de lumière. Avec ce fait, et des observations à long terme, il a été démontré que la variabilité des blazars en radio, X et infrarouge, comme S5 0716+714, est due à l'activité non linéaire de l'objet : ce fait produit des irrégularités dans l'émission du jet, ce qui produit des variabilités lorsque que celui-ci baisse ou augmente en intensité.
Cependant, les blazars présentent également des variations dans les longueurs d'onde optiques et gamma. Les observations de S5 0716+714 montrent une activité intense et simultanée aux fréquences optiques et gamma, ce qui incite à croire que ces deux variabilités soient liés par le même phénomène. Il est théorisé depuis longtemps, que les mécanismes de rayonnement synchrotron et de diffusion Compton inverse peuvent produire des variations dans l'émission optique et à haute énergie. Des recherches approfondies en ondes radio ont permis de conclure que le rayonnement synchrotron pouvait créer des variations dans les fréquences basses. Deux éruptions radio majeures à faible pic ont été observées au cours de cette période d'activité élevée des rayons optiques/γ. Les éruptions radio se caractérisent par une phase montante et une phase décroissante, ce qui s'accorde avec la formation d'un choc.
Étant donné l'émission radio dans la bande étroite du rayonnement synchrotron, l'intensité de l'émission dans cette raie spectrale montre que le champ magnétique du blazar est d'environ 0,36 Gauss. Les délais plus longs entre les éruptions radio et les éruptions optiques impliquent que les éruptions optiques sont les précurseurs des éruptions radio. Comme dit ci-dessus, l'émission optique et gamma provient de la diffusion Compton inverse. Ce phénomène se produit lorsqu'un électron incident entre en collision avec un photon, ce qui a pour effet de diffuser un photon de très haute énergie et un électron libre. De par ce principe, des photons présents dans l'environnement d'un blazar peuvent gagner en énergie de par la diffusion, lorsqu'ils entrent en collision avec un électron relativiste qui provient du rayonnement synchrotron. Il s'agit du mécanisme d'émission optique et gamma du blazar, puisqu'il s'agit d'un régime radiativement inefficace. Dans ce cas, lorsque que le blazar entre dans une phase importante d'activité, le nombre d'électrons relativistes augmente et la diffusion Compton inverse devient plus importante, ce qui a pour effet d'émettre des photons de haute énergie avant que le jet se forme, la raison du décalage entre l'émission optique et gamma et l'émission radio, X, ultraviolette et infrarouge. Cependant, il peut arriver que des particules de haute énergie provenant du rayonnement synchrotron et de la diffusion Compton, entrent en collision avec de la matière environnante, ce qui a pour effet de monter celle-ci à de hautes températures. Elle se met donc à émettre des rayons X, ce qui a pu être confondu avec une variation au niveau de S5 0716+714 et de 3C 279[14].
Particules
Les blazars sont depuis bien longtemps connus pour être des sources de particules à haute énergie, tels que les électrons, les positrons et les neutrinos. Cependant, l'origine de telles particules est une question de longue date en astrophysique. Un fait sûr est que les particules sont accélérées à des énergies cinétiques proches de celle du seuil supraluminique. Une théorie majoritairement admise est le fait que ces particules de très haute énergie proviennent d'un processus d'accélération via le champ magnétique de l'objet. Celui-ci peut être sondé par des observations de la polarisation de la lumière des jets astrophysiques. Dans ce cas, les mesures en rayons X sont particulièrement intéressantes puisqu'elles permettent d'observer directement la zone d'émission des particules de haute énergie. Généralement, l'émission de particules relativistes se détecte via la raie étroite du rayonnement synchrotron, ce qui marque le passage d'électrons de haute énergie. Il est théorisé que ce mécanisme soit à l'origine de la plupart des particules de haute énergie, en particulier les positons et les neutrinos.
Une autre source identifiée via l'observation des disques d'accrétion est la diffusion Compton. Il peut arriver que des particules chargées du rayonnement synchrotron entrent en collision avec des photons, ce qui a pour effet de produire une diffusion Compton inverse et de créer une paire de particules de haute énergie. Ce phénomène ne peut être produit que via des photons, et s'observe dans les longueurs d'onde optiques et gamma. C'est la théorie la plus utilisée quant à l'explication de l'émission en rayons gamma des blazars, car la diffusion Compton est censée se produire dans les régimes radiativement inefficaces. Plusieurs études ont montré que la diffusion Compton, de par des observations d'un phénomène appelé les oscillations quasi-périodiques, était le mécanisme le plus probable pour expliquer la présence de telles particules.
Récemment, une observation à court terme du blazar Markarian 501 indique que des chocs dans les jets peuvent directement accélérer des particules, source d'accélération des particules. Cela implique également que le plasma devient de plus en plus turbulent avec la distance du choc. Ces chocs de plasma peuvent être une source d'accélération de particules, puisque des observations de plusieurs sursauts gamma interprétés comme des supernovæ de type II ont montré que le sursaut était probablement causé par l'accélération de particules à proximité du progéniteur lors de la supernova. Ces chocs ont également été observés en ondes radio et en rayons X sous la forme de nœuds de gaz qui se forment lorsque le blazar connaît une activité non linéaire, et que deux jets astrophysiques se rencontrent sur le même axe. Les chocs sont donc également des sources d'émission de haute énergie[15].
Exemples
- S5 0014+81, constellation de Céphée, un des quasars les plus lumineux connus contenant l'un des trous noirs les plus massifs jamais recensés ;
- BL Lacertae, constellation du Lézard, distance 900 millions d'années-lumière ;
- OJ 287, constellation du Cancer, distance 3,5 milliards d'années-lumière ;
- 3C 279, constellation de la Vierge, distance de 5 milliards d'années-lumière ;
- TXS0506+056, distant de plus de 4 milliards d'années-lumière, émetteur en 2017 d'un neutrino particulièrement énergétique (290 TeV, plus de 20 fois celle des collisions proton-proton du LHC)[16] - [17]. Des travaux ultérieurs ont montré que des neutrinos ayant la même provenance avaient été détectés en 2014 par IceCube[18].
Notes et références
- « Un trou noir massif à l'origine des neutrinos cosmiques », sur techno-science.net, (consulté le ).
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