Bathynome géant
Bathynomus giganteus
Le bathynome géant (Bathynomus giganteus) est une espÚce de crustacés isopodes marins de la famille des Cirolanidae.
Ătymologie
L'Ă©tymologie du nom gĂ©nĂ©rique "Bathynomus" n'est pas claire. En effet, s'il on reconnait facilement la premiĂšre partie du nom issu du grec ÎČÎ±ÎžÎżÏ / bathos, profondeur, la signification de la seconde partie "-nomus", n'est pas immĂ©diate, Milne-Edwards ne l'ayant pas explicitĂ© en 1879 dans sa description originale. Deux naturalistes amĂ©ricains, Mary Wicksten (carcinologiste) et Christopher Mah, avancent l'origine latine "nomas", nomade. Ainsi le nom signifierait littĂ©ralement "nomade profond" ou, Ă partir de l'anglais « deep wanderer », « vagabond profond »[1].
Quant au nom spécifique latin "giganteus", il signifie « gigantesque » en référence à la taille de cet isopode qui peut atteindre 35 centimÚtres en moyenne, pour une masse de 1,4 kg, alors que les autres isopodes mesurent à peine 2 cm : c'est un exemple de gigantisme abyssal.
Histoire
En décembre 1878, à l'occasion d'une expédition scientifique effectuée à bord du navire britannique HMS Challenger à proximité de l'ßle Dry Tortugas, dans le golfe du Mexique, un jeune Bathynomus giganteus mùle de 26 cm de long sur 9,5 de large est capturé. Ce spécimen est mis entre les mains du zoologiste français Alphonse Milne-Edwards qui publie une description succincte en 1879. En 1891, les premiers spécimens de femelles sont également capturés, mais ce n'est qu'en 1902 qu'Alphonse Milne-Edwards et Louis EugÚne Bouvier proposent enfin une étude anatomique complÚte de l'espÚce.
Son aspect et sa taille inhabituelle font couler beaucoup d'encre dans les ouvrages populaires de l'Ă©poque. Cette dĂ©couverte est en effet exceptionnelle, non seulement pour les scientifiques, mais Ă©galement pour le grand public. La principale raison Ă©tant qu'Ă l'Ă©poque, elle va Ă l'encontre de l'idĂ©e, alors trĂšs rĂ©pandue, que les profondeurs de l'ocĂ©an sont azoĂŻques, câest-Ă -dire ne contenant aucune trace de vie, ce que certains scientifiques, tels que Charles Wyville Thomson, tentent alors avec peine de rĂ©futer.
En 1991, les chercheurs mexicains Patricia Briones-FourzĂĄn et Enrique Lozano-Ălvarez publient une Ă©tude sur la biologie et l'Ă©cologie de cette espĂšce aprĂšs avoir rĂ©alisĂ© cinq expĂ©ditions autour de la pĂ©ninsule du YucatĂĄn[2].
Description
Le bathynome gĂ©ant, de couleur brun Ă gris-violacĂ©, plus clair sur la face ventrale, est de forme oblongue. Sa cuticule, qui fait office d'exosquelette, est composĂ©e de 14 segments articulĂ©s, tĂȘte et telson compris, disposant chacun d'une paire de pattes. Le large telson est arrondi et Ă©quipĂ© de 12 Ă 14 pointes terminales, tandis que les segments thoraciques sont Ă©quipĂ©s de pleures latĂ©raux plus clairs. La tĂȘte est surmontĂ©e de deux paires d'antennes et ses machoires sont Ă©quipĂ©es de quatre paires de mandibules.
Il possÚde deux larges yeux composés triangulaires de 18 mm, espacés d'environ 25 mm, chacun étant composé d'environ 3 500 ommatidies dont la répartition sur la rétine n'est pas uniforme. La cornée est plate extérieurement et convexe intérieurement. Le cristallin est un cÎne biconvexe. La rétine est tapissée de cellules réflectives, lui permettant de voir dans l'obscurité[3].
Les plus grands exemplaires peuvent atteindre jusqu'Ă 50 cm pour 1,7 kg, ce qui en fait de loin le plus grand des isopodes connus.
Distribution
Le bathynome géant est commun dans tout le golfe du Mexique, des Antilles à l'embouchure de l'Amazone, et en moins grand nombre dans le golfe du Bengale, la mer Rouge et l'océan Indien. On suppose qu'il a une préférence pour les sols boueux ou argileux.
Sa rĂ©partition pĂ©lagique s'Ă©tend entre -170 et -2 140 m, câest-Ă -dire du bas de la zone Ă©pipĂ©lagique jusqu'au milieu de la zone bathypĂ©lagique, dans des eaux oĂč la tempĂ©rature se situe entre 4 et 9 °C. Aux Antilles, oĂč il est trĂšs abondant entre -500 et -1 000 m, il a pendant un temps Ă©tĂ© envisagĂ© de l'exploiter Ă des fins commerciales.
RĂ©gime alimentaire
Le bathynome géant est principalement un carnivore et un important charognard de la zone benthique. Il erre sur les fonds marins à la recherche de cadavres de poissons, de baleines ou de calmars. Il lui arrive d'attaquer des poissons qui passent à sa portée, et il n'hésite pas également à se nourrir d'échinodermes, d'holothuries, d'éponges, de crevettes, de copépodes, de nématodes, de radiolaires ou d'autres benthos, qui font partie de son régime alimentaire[4].
La nourriture n'Ă©tant pas toujours abondante dans les profondeurs, il est capable de longues pĂ©riodes de jeĂ»ne, dont certaines ont Ă©tĂ© mesurĂ©es Ă plus de cinq ans en aquarium[5]. Ce qui ne l'empĂȘche pas d'ĂȘtre dotĂ© d'un grand appĂ©tit lorsque l'occasion se prĂ©sente. Il est alors capable de dĂ©vorer et de se remplir l'intestin au point de compromettre ses capacitĂ©s locomotrices, voire d'expulser les Ćufs de la poche ventrale dans le cas des femelles. Des pĂȘcheurs ont rapportĂ© que lorsqu'il est pris dans les filets de pĂȘche, il a tendance Ă dĂ©vorer goulĂ»ment les poissons autour de lui, et Ă s'empiffrer tellement qu'il a ensuite peine Ă se tenir debout sur ses pattes[6].
Reproduction
Les donnĂ©es scientifiques concernant la reproduction de l'espĂšce sont encore trĂšs insuffisantes. DiffĂ©rentes Ă©tudes sur son abondance saisonniĂšre suggĂšrent que la pĂ©riode de reproduction aurait principalement lieu durant les mois d'hiver et de printemps, et pourrait ĂȘtre influencĂ©e par un manque de nourriture durant les mois d'Ă©tĂ©.
Lorsqu'elle est sexuellement active, la femelle dĂ©veloppe une poche incubatrice appelĂ©e marsupium, situĂ©e sous le corps, entre les pattes, dans laquelle elle pourra couver ses Ćufs pour une durĂ©e encore inconnue.
à sa naissance, le jeune est à un stade appelé « manca ». Il ne s'agit pas d'un stade larvaire, le jeune étant un véritable adulte au format miniature, si ce n'est que sa derniÚre paire de péréiopodes n'est pas encore entiÚrement développée.
Consommation
D'aprĂšs un rapport de l'Ifremer de 1993, sa chair est comestible, de bonne qualitĂ©, et a des qualitĂ©s gustatives intĂ©ressantes[7]. Certains comparent mĂȘme le goĂ»t de sa chair Ă celle du crabe[8]. La taille minimale pouvant reprĂ©senter un intĂ©rĂȘt commercial a Ă©tĂ© estimĂ©e Ă 21 cm, mais les captures et la production maximale de chair consommable sont trĂšs irrĂ©guliĂšres, ce qui, heureusement pour la survie de l'espĂšce, rend son exploitation commerciale sans intĂ©rĂȘt.
En Guadeloupe, quelques pĂȘcheurs capturent le bathynome au casier (attachĂ© Ă un orin pouvant mesurer 700 m), uniquement sur commande de restaurants gastronomiques[9].
Annexes
Articles connexes
Références taxinomiques
- (en) Référence World Register of Marine Species : espÚce Bathynomus giganteus A. Milne Edwards, 1879
- (fr+en) Référence ITIS : Bathynomus giganteus A. Milne-Edwards, 1879
- (en) Référence Catalogue of Life : Bathynomus giganteus A. Milne-Edwards, 1879 (consulté le )
- (en) Référence uBio : site déclaré ici indisponible le 7 avril 2023
- (en) Référence Animal Diversity Web : Bathynomus giganteus
- (en) Référence NCBI : Bathynomus giganteus (taxons inclus)
Lien externe
- (en) Dr. Christopher L. Mah, « 5 epic Deep-Sea Giant Isopod (Bathynomus) Observations from Japan », sur Echinoblog, .
Références
- Bathynome géant américain; Doris
- (en) Aspects of the biology of the giant isopod Bathynomus Giganteus (Briones-FourzĂĄn, P. & E. Lozano-Ălvarez)
- (en) Morphology of the compound eye of the giant deep-sea isopod Bathynomus giganteus (Steven C. Chamberlain, V. Benno Meyer-Rochow, William P. Dossert)
- (en) [PDF] Bathynomus giganteus: A rare occurrence in coastal waters of Thoothukkudi, India (B. Srikrishnadhas & M. Venkatasamy)
- (fr) Un isopode géant meurt aprÚs avoir passé 5 ans sans manger dans un aquarium
- (fr) Bathynomus giganteus, l'isopode géant
- (fr)[PDF] Crustacés profonds capturés aux casiers aux Antilles françaises (Gérard Paulmier, Ifremer)
(fr)[PDF] PĂȘches expĂ©rimentales des crustacĂ©s profonds dans les eaux de la Martinique (GĂ©rard Paulmier & Paul Gervain, Ifremer) - (fr)[PDF] Faune marine profonde des Antilles françaises (Joseph Poupin)
- Guadeloupe 1Ăšre, journal radio de 7h, Ă©dition du 20 octobre 2020, entre 14min00s et 16min45