Barbastella barbastellus
Barbastelle d'Europe, Barbastelle commune
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NT : Quasi menacé
La Barbastelle d'Europe ou Barbastelle commune[1] - [2] (Barbastella barbastellus), est une espĂšce de chauve-souris de la famille des VespertilionidĂ©s. De taille moyenne, elle est dotĂ©e dâun pelage long et sombre. Ses oreilles sont larges, aux bords internes soudĂ©s en leur base. Son systĂšme dâĂ©cholocation Ă deux faisceaux, un vers le haut et lâautre vers le bas, est assez unique parmi les VespertilionidĂ©s.
Câest une espĂšce trĂšs sensible aux perturbations de son habitat.
La Barbastelle commune est rĂ©partie dans presque toute lâUnion EuropĂ©enne et un peu plus Ă lâest mais ses populations ont subi un dĂ©clin important depuis le milieu du XXe siĂšcle. LâUICN la classe comme « quasi menacĂ©e ».
Ătymologie
Le terme Barbastella vient dâun terme d'un dialecte transalpin de la rĂ©gion de Bologne dans lequel il tient le rĂŽle de nom gĂ©nĂ©rique pour « chauves-souris »[3]. Morphologiquement, barba.stella signifierait « Ă©toile barbue ».
Description de l'espĂšce
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La Barbastelle se caractérise par[4] :
- Taille du corps : entre 4 et 6 cm
- Queue : de 38 Ă 58 mm, la queue est aussi longue que le corps + la tĂȘte
- Envergure : de 20 Ă 29 cm[5]
- Poids : de 6 Ă 14 g.
- Denture : la formule dentaire 2123/3123 = 34, pour la demi-mùchoire supérieure : 2 incisives dont la premiÚre bifide, 1 canine, 2 prémolaires, 3 molaires. Une petite bouche et une denture délicate ne permettent de manger que de petits insectes.
- Pelage : épais et soyeux, brun-noir foncé. La pointe des poils blanchùtre sur le dos, lui donne un aspect givré.
- Oreilles : deux larges oreilles trapĂ©zoĂŻdales tournĂ©es vers lâavant et jointives Ă la base au-dessus du front, câest une conformation trĂšs caractĂ©ristique qui rend la Barbastelle dâEurope trĂšs reconnaissable. Ă mi-hauteur, le tragus sâamincit fortement et sâĂ©tire ensuite en une longue pointe[4]
- EspĂ©rance de vie : de 5,5 Ă 10 ans, lâĂąge maximal avĂ©rĂ© est presque 22 ans
- Vol : rapide et agile
Cette chauve-souris a un museau trĂšs sombre, renfrognĂ©, Ă©patĂ© comme celui dâun bouledogue. Les narines sâouvrent vers le haut. Le pelage est dâaspect « poivre et sel ».
Son vol est trÚs adroit, en général rapide et au ras de la végétation.
SĂ©dentaire, la barbastelle occupe toute lâannĂ©e le mĂȘme domaine vital.
La maturitĂ© sexuelle est atteinte la premiĂšre ou deuxiĂšme annĂ©e et lâaccouplement a lieu durant l'automne et l'hiver.
Sous-espĂšces
Il existe deux sous-espĂšces[4] :
- B. b. barbastellus, forme nominale
- B. b. guanchae, aux Canaries, forme plus brunùtre, avec des poils sans pointe argentée.
Reproduction
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La maturité sexuelle a lieu la premiÚre année ou la seconde année.
AprĂšs la sĂ©grĂ©gation sexuelle totale de lâĂ©tĂ©, les accouplements se font en fin dâĂ©tĂ© dans des gĂźtes dâaccouplement ou lors de regroupements en grand nombre (dits dâessaimage), en certains lieux. Ils se poursuivent dans les gĂźtes dâhiver. Autour dâun mĂąle se rassemble un harem comprenant jusquâĂ 4 femelles[4].
La pĂ©riode dâhibernation a lieu de fin octobre Ă fin mars (en Nouvelle-Aquitaine[6]), isolĂ©ment et parfois en groupe. Les gĂźtes dâhiver sont de nature variable : caves voĂ»tĂ©es, ruines, souterrains, cavitĂ©s dans les arbres, etc. La Barbastelle trĂšs fidĂšle Ă ses gĂźtes dâhibernation, s'accroche librement Ă la voĂ»te ou se tient Ă plat ventre dans une anfractuositĂ©.
Lorsque les femelles sortent d'hibernation, la fĂ©condation diffĂ©rĂ©e se dĂ©clenche. Pour mettre bas et Ă©lever leurs petits, elles se rassemblent en petites colonies, situĂ©es dans des trous dâarbre ou sous des Ă©corces dĂ©collĂ©es.
Ă partir de la mi-juin, chaque femelle gestante donne naissance Ă un ou deux nouveau-nĂ©s quâelle allaite jusquâĂ six semaines[4]. Les gĂźtes de maternitĂ© en milieu forestier, dans les arbres, comprennent de 10 Ă 20 femelles. Les individus restent trĂšs peu de temps dans le mĂȘme gĂźte, pouvant mĂȘme en changer tous les jours. Une colonie peut occuper en forĂȘt plus de 30 gĂźtes dans les arbres. Les gĂźtes dans les bĂątiments peuvent rassembler jusquâĂ 100 femelles. Ils peuvent se situer dans des bĂątiments agricoles (linteaux en bois des portes de grange), derriĂšre les volets des maisons[5]. Ils sont en gĂ©nĂ©ral plus stables, et peuvent durer tout lâĂ©tĂ©.
RĂ©gime alimentaire
Son rĂ©gime alimentaire est trĂšs spĂ©cifique, puisquâelle se nourrit presque exclusivement de lĂ©pidoptĂšres (jusquâĂ 99 %), tels que pyrales et lithosies, et dans une moindre mesure aussi de diptĂšres, des nĂ©vroptĂšres, et selon les rĂ©gions, de petits colĂ©optĂšres et dâaraignĂ©es[5]. Les proies sont capturĂ©es en vol.
Cris dâĂ©cholocation
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Le systĂšme dâĂ©cholocation de la barbastelle dâEurope est assez unique parmi les VespertilionidĂ©s europĂ©ens. Elle Ă©met en alternance, deux types de cris ultrasonores (Denzinger et al[7], 2001 et Seibert et al[8], 2015) :
- les signaux de type 1, dirigé vers le bas, émis par la gueule ouverte, en fréquences modulées descendants de 36 à environ 28 kHz, de faible intensité, de courte durée, de 2-3 ms
- les signaux de type 2, dirigĂ© vers le haut, Ă©mis par les narines (lâangle entre les deux faisceaux Ă©tant approximativement de 70°), plus longs, de faible intensitĂ©, en frĂ©quences modulĂ©es descendants de 45 kHz Ă 32 kHz donc de bande plus large.
Les barbastelles sortant de leur gĂźte Ă©mettent alternativement ces deux types de signaux. Les signaux de type 1 recueillis par les microphones infĂ©rieurs ont toujours une pression sonore supĂ©rieure que ceux de type 2 recueillis par les micros supĂ©rieurs. ArrivĂ©es Ă 1-2 m du rĂ©seau, les chauves-souris passent aux cris dâapproches de larges bandes et cessent les signaux de type 1.
Lâanatomie de la tĂȘte de la barbastelle montre que la direction dâouverture des narines est Ă peu prĂšs perpendiculaire Ă la direction dâouverture de la bouche. Cette conformation anatomique pourrait expliquer lâangle de 70° observĂ© entre la direction des deux faisceaux. Les signaux de type 1 sont en dessous de la direction de vol et ceux de type 2 sont au-dessus. En volant, la chauve-souris tourne la tĂȘte et fixe une cible avec le faisceau nasal.
La barbastelle utilise des signaux qui sont 10 Ă 100 fois plus faibles que ceux des autres chauves-souris chassant en vol pour empĂȘcher la dĂ©tection prĂ©coce et le comportement de fuite des papillons de nuit. Alors que les neurones de ces papillons rĂ©agissent toujours aux signaux de recherche forts Ă©mis par Nyctalus leisleri avant que la chauve-souris ne dĂ©tecte lâĂ©chos sur elle, ces mĂȘmes neurones ne dĂ©tectent pas les signaux dâ« Ă©cholocation furtive » de la barbastelle[8].
Seibert et al.[8] font lâhypothĂšse que lâĂ©cholocation « furtive » de la Barbastelle est bifonctionnel. Le signal Ă©mis vers le haut par les narines pourrait servir principalement Ă chercher et Ă localiser les proies. Son faible niveau sonore empĂȘche certes sa dĂ©tection par les papillons mais limite aussi beaucoup le champ de dĂ©tection perceptible situĂ© sous la chauve-souris. Le second faisceau vers le bas pourrait avoir Ă©voluĂ© pour compenser le dĂ©savantage dâutiliser un faisceau furtif.
Activité
La Barbastelle quitte son gĂźte au crĂ©puscule et chasse prĂšs de la vĂ©gĂ©tation, souvent juste au-dessus de la couronne des arbres, en forĂȘt le long des chemins mais aussi sous la canopĂ©e ou le long de lisiĂšre vĂ©gĂ©tale. Les terrains de chasse sont situĂ©s prĂšs des gĂźtes de maternitĂ©, jusquâĂ 4,5 km. Les jeunes et les mĂąles chassent en moyenne plus prĂšs de leur gĂźte que les femelles adultes. Certains individus peuvent exploiter jusquâĂ 10 zones de chasse diffĂ©rents par nuit.
Aire de distribution
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La zone de rĂ©partition de la Barbastelle dâEurope est l'Union europĂ©enne (dont le nord de la pĂ©ninsule ibĂ©rique, le sud de l'Angleterre et de la SuĂšde, les pays Baltes), la BiĂ©lorussie, lâUkraine, ArmĂ©nie, AzerbaĂŻdjan, Iran et au Maroc. Elle vit jusquâĂ la latitude de 58°â60° N, la limite septentrionale traversant lâĂcosse et la SuĂšde. Elle est prĂ©sente en Corse, Sardaigne, Sicile, Canaries, BalĂ©ares et au Maroc. Elle est disparue aux Pays-Bas[9].
En France, la Barbastella barbastellus est prĂ©sente dans la plupart des dĂ©partements, du niveau de la mer (Charente-Maritime) jusquâĂ 2 035 m dans les Alpes-Maritimes. Les observations sont trĂšs rares en bordure mĂ©diterranĂ©enne. Elle est en voie dâextinction dans plusieurs rĂ©gions de la moitiĂ© nord de la France, les effectifs sont plus rassurants dans certaines zones du Doubs, de Dordogne, de VendĂ©e, de lâAllier et de Haute-Marne[5]. En Limousin, lâespĂšce est prĂ©sente un peu partout dans les milieux boisĂ©s de feuillus, toutefois les effectifs ont tendance Ă diminuer[6].
Habitat
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EspÚce solitaire, la barbastelle d'Europe fréquente en été les régions boisées et les massifs forestiers assez ouverts qui lui fournissent son terrain de chasse. Elle se rencontre aussi dans les bocages et les jardins prÚs des boisements.
Elle sâabrite dans les arbres ou sous les toits. On la trouve aussi dans les bĂątiments (derriĂšre les volets, dans les doubles poutres). Bien rĂ©sistante au froid, en hiver elle se rĂ©fugie dans les grottes, et les caves.
Statut
En Europe, les populations de Barbastelle subissent un déclin général depuis le milieu du XXe siÚcle.
L'espÚce a été déclarée « vulnérable » en 1996 par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). En 2008 son statut est réévalué en « quasi-menacée »[9]. C'est une espÚce dont les populations sont sur le déclin :
- Belgique : observĂ©e dans 145 sites entre 1930 et 1960, elle est aujourdâhui considĂ©rĂ©e comme en danger en Wallonie[10]
- Angleterre : trĂšs rare, aucune colonie connue
- Allemagne, Italie, Suisse, Espagne, Hongrie, Yougoslavie : rare
- Pologne et Tchécoslovaquie : commune
- France : menacĂ©e dâextinction en Picardie et Ile-de-France. Ailleurs, elle nâest observĂ©e que dans un nombre trĂšs faible de sites, Ă raison de 1 Ă 5 individus par sites en gĂ©nĂ©ral, hormis 5 sites hivernaux accueillant rĂ©guliĂšrement entre 100 et 900 individus. Dans de nombreux dĂ©partements, aucune colonie de mise bas nâest connue[5].
La Barbastelle dâEurope est une espĂšce trĂšs farouche face au dĂ©rangement, elle disparaĂźt gĂ©nĂ©ralement au lendemain dâune forte perturbation, comme une sĂ©ance de prises de vues ou une observation prolongĂ©e Ă la lampe[6].
Menaces
- Destruction de peuplements arborĂ©s linĂ©aires bordant les chemins, les routes, les ruisseaux et les parcelles agricoles. Disparition dâarbres creux.
- Pratique dâĂ©claircie et de nettoyage de sous-bois
- Aménagement des grottes ayant provoqué des dérangements
- Réduction du nombre des proies, notamment des petits lépidoptÚres
- Grande sensibilité aux traitements insecticides en agriculture[6].
Notes
Références
- (en) Murray Wrobel, 2007. Elsevier's dictionary of mammals: in Latin, English, German, French and Italian. Elsevier, 2007. (ISBN 0-444-51877-0), 9780444518774. 857 pages. Rechercher dans le document numérisé
- Meyer C., ed. sc., 2009, Dictionnaire des Sciences Animales. consulter en ligne. Montpellier, France, Cirad.
- Laurent Arthur et MichĂšle Lemaire, Les Chauves-souris de France Belgique Luxembourg et Suisse, Biotope, , 576 p.
- Christian Dietz, Otto von Helversen, Dietmar Nill (traduction Dubourg-Savage), LâencyclopĂ©die des chauves-souris dâEurope et dâAfrique du Nord, delachaux et niestlĂ©, (2007) 2009, 400 p.
- Audrey Savouré-Soubelet , INPN, Inventaire National du Patrimoine Naturel, MNHN, « Barbastella barbastellus (Schreber, 1774) » (consulté le )
- Valorisation, Ăvaluation des Ressources et du Patrimoine Naturel (VERPN/DREAL) (2014), « Barbastelle dâEurope » (consultĂ© le )
- A Denzinger, B M Siemers, A Schaub, H U Schnitzler, « Echolocation by the Barbastelle Bat, Barbastella Barbastellus », J Comp Physiol, vol. 187, no 7,â , p. 521-8
- Anna-Maria Seibert, Jens C. Koblitz, Annette Denzinger, Hans-Ulrich Schnitzler, « Bidirectional Echolocation in the Bat Barbastella barbastellus: Different Signals of Low Source Level Are Emitted Upward through the Nose and Downward through the Mouth », PLoS ONE, vol. 10, no 9,â (lire en ligne)
- Piraccini R, « Barbastella barbastellus. The IUCN Red List of Threatened Species » (consulté le )
- « Liste rouge | Chauves-souris | EspÚces | La biodiversité en Wallonie », sur biodiversite.wallonie.be (consulté le )
Liens externes
- (fr) Référence INPN : Barbastella barbastellus (Schreber, 1774) (TAXREF)
- (en) Référence Mammal Species of the World (3e éd., 2005) : Barbastella barbastellus Schreber, 1774
- (en) Référence Catalogue of Life : Barbastella barbastellus (Schreber, 1774) (consulté le )
- (en) Référence Fauna Europaea : Barbastella barbastellus (Schreber, 1774) (consulté le )
- (fr+en) Référence ITIS : Barbastella barbastellus (Schreber, 1774)
- (en) Référence Animal Diversity Web : Barbastella barbastellus
- (en) Référence NCBI : Barbastella barbastellus (taxons inclus)
- (en) Référence UICN : espÚce Barbastella barbastellus (Schreber, 1774) (consulté le )
- (fr) RĂ©fĂ©rence CITES : taxon Barbastella barbastellus (sur le site du ministĂšre français de l'Ăcologie) (consultĂ© le )
- (en) Référence Fonds documentaire ARKive : Barbastella barbastellus .
- Conseil Chauve-souris blessée
- Contacts chiropÚtres régionaux en France