Art nouveau à Bruxelles

L'Art nouveau en Belgique, et notamment à Bruxelles, tire ses sources des changements sociaux qui ont eu lieu durant les XVII^e et XVIII^e siècles[1]. Si l'instauration de la monarchie en 1831 a permit une union administrative de la Wallonie et des Flandres, bien que la première région soit plus tournée vers la France, et la seconde vers les Pays-Bas[1]. Depuis la création du royaume de Belgique, le tissus social était rompu, problème auquel se rajoute celui des langues[2]. Les cercles aisés et les milieux dirigeants étaient francophones, tandis que le peuple était exclusivement flamands[3]. De plus s'ajoutaient à cela la forte influence de la France et le fait que les secteurs industriels étaient, au xix^e siècle, implanté en Wallonie, faisant grossir l'importance de cette région par rapport à la Flandre[3].

De cette séparation culturelle ressort un certain goût pour le factice, puisque personne ne sait discerner « l'authentique et ce qui ne l'était pas »[3]. C'est ainsi qu'a été construit le Palais de justice de Bruxelles en 1880 par l'architecte Joseph Poelaert, labyrinthe architectural d'une grande complexité[3]. Moins extravagants, mais tout aussi fantasques et luxueuses sont les serres botaniques du parc de Laeken, que le roi Léopold II fait construire à peu près à la même époque[3].

À l'extrême fin du xix^e siècle, en 1896 exactement, le roi Léopold II rencontre la danseuse Cléo de Mérode, qui sera pour la Belgique ce qu'Isadora Duncan sera pour la France : l'incarnation de nouvelles aspirations artistiques[4].

Outre les histoires sentimentales de la haute société, le peuple belge avait fondé, en 1895, le Parti ouvrier belge, dont la création fut suivie d'émeutes réprimées par l'armée au cours de l'année qui suivit[4]. Cela amena à faire adhérer au parti des intellectuels et des membres de la bourgeoisie[5]. Ce sont eux qui firent pression pour qu'en 1897, l'architecte Victor Horta, alors peu connu, soit le réalisateur de la Maison du Peuple[6]. Ce bâtiment fut un jalon dans l'instauration de l'Art nouveau, puisque la clarté de la construction répondait parfaitement à son usage et sa fonction spécifique[6]. Un autre membre du mouvement Art nouveau avait lui aussi reçu des commandes du parti : Henry Van de Velde[6].

Aux origines de ce courant artistique, on trouve aussi les noms de Paul Hankar et Gustave Serrurier-Bovy, considérés comme les inventeurs du style « à membrures », que l'on retrouve dans les premiers temps de l'Art nouveau, et qui a été suivi un temps par Henry Van de Velde[6]. Paul Hankar et Gustave-Serrurier-Bovy marquaient notamment une certaine prédilection pour les styles arqués[6]. Gustave Serrurier-Bovy était notamment inspiré par les modèles anglais, auxquels il se sentait redevable, expliquant l'étrange mélange de raideur et de hardiesse qu'il donnait à ses meubles[6]. Paul Hankar, mort en 1901 à l'âge de quarante ans, ne mena qu'un petit nombre d'ouvrages, mais ils sont emprunts de ce même style[6].

Chandelier, argent et ivoire, ca. 1900, hauteur : 37 cm, Frans Hooseman et Égide Rombaux, Berlin, Kunstgewerbemuseum Berlin.

Si les signes avant-coureurs se trouvaient chez Paul Hankar et Gustave Serrurier-Bovy, c'est Victor Horta qui opéra la transition du bois vers l'acier dans la structure monumentale[7]. Cette transition signifiait tout autant celle de l'artisanat à la technique et celle, plus globale, de la tradition au modernisme[8]. Ainsi, l'hôtel Tassel à Bruxelles est souvent considéré comme l'acte fondateur de l'Art nouveau[9]. Création de l'architecte Victor Horta en 1893, cet édifice fait rapidement des émules parmi ses confrères. L'usage de l'acier démontre une pensée du bâtiment à la façon d'un ingénieur : la praticité ne s'oppose pas à l'élégance du bâtiment[8]. Les éléments rationnels et artistiques sont alors en symbiose, en équilibre, même si celui-ci peut paraître précaire[10]. Cette même élégance, combiné à la praticité de l'objet se retrouve par exemple dans le chandelier de l'artiste Frans Hooseman[11]. Si l'usage de l'acier visible a été banalisé au cours du xix^e siècle, la nouveauté réside dans son usage dans une maison privée relativement modeste, dans un endroit où il aurait été facile de s'en passer[11]. C'est dans un but de transparence que Victor Horta va utiliser l'acier au cours de sa carrière, faisant preuve d'une virtuosité toujours plus grande[12]. De fait, l'étroitesse des parcelles constructibles à Bruxelles obligeait les architecte à agrandir artificiellement l'intérieur des bâtiments[12]. Ainsi, de grandes verrières permettaient l'arrivée de la lumière par le haut au travers des étages pendant que des miroirs se faisant face donnaient une impression d'agrandissement de l'espace[12]. Dans l'hôtel Tassel, les colonnes d'acier prennent des motifs végétaux classiques[12]. C'est notamment au niveau du traitement du pilier de soutient de l'escalier que les choses sont inhabituelles, puisqu'il se subdivise en plusieurs parties[12]. Cependant, si le traitement de l'intérieur de l'hôtel Tassel est d'une complexité toute relative, le traitement de la façade en est beaucoup plus sobre[13]. Ce traitement de la transparence va changer radicalement lors du travail sur la façade de la Maison du Peuple : la façade va être traitée en grandes baies vitrées et fines poutrelles d'acier[13]. De plus, la Maison du Peuple se trouvant sur la place place Émile Vandervelde, place circulaire, Victor Horta va profiter d'une position courbe au sol[14]. Le bâtiment, rasé dans les années 1960, présentait un aspect sobre, loin d'une « belle » architecture, et ne reniant pas l'aspect « fabrique »[13].

Les commandes postérieures de Victor Horta démontreront davantage de richesses[15]. Ce sera notamment le cas des deux grands magasins qu'il construira peu après 1900[15]. La façade du magasin « À l'Innovation » s'élargit à nouveau en une gigantesque fenêtre, tandis que celle du « Grand Bazar Anspach » consiste essentiellement en un mélange hybride d'acier et de pierres[15].

Si Victor Horta aurait pu faire accéder Bruxelles et la Belgique à une certaine notoriété, c'est l'œuvre d'Henry Van de Velde qui trouvera un écho plus important[15]. C'est par la construction de sa propre maison qu'il accéda au titre d'architecte et de designer, sans pour autant en avoir reçu les formations[16]. Henry Van de Velde s'inspire notamment de William Morris, dont il reprend des tissus et des papiers pour décorer sa maison, Le Bloemenwerf, en 1895[17]. L'esthétique, inspirée de celle de l'Angleterre, d'Henry Van de Velde a été ressenti comme trop doctrinaire par le public belge, qui lui préférait l'esthétique française de Victor Horta, le poussa à partir en Allemagne vers les années 1900[17]. Victor Horta devint alors l'architecte le plus en vue de Bruxelles, comme le dénote le grand nombre d'immeubles luxueux qu'il y construit[18]. Il continue alors à développer les idées exposées dans l'hôtel Tassel, et jusque dans sa propre maison, dans une moindre mesure[18].

Victor Horta assujettie ses différentes idées (élargissement de l'espace par les miroirs, arrivée de la lumière par des verrières, usage de l'acier mélangé à la pierre…) à une idée unique et le réalise alors dans un bâtiment nouveau : l'hôtel van Eetvelde[19]. L'architecture est nervurée par une structure en spirale qui part de l'entrée de droite jusqu'au mur latéral gauche, formant un arc de cercle ascendant dont le diamètre est identique à la largeur du bâtiment[20]. La progression à l'intérieur du bâtiment s'accompagne d'une progression de l'intensité lumineuse[20]. Cet hôtel avait aussi un accès à la maison attenante, accès qui a été supprimé depuis[21]. Cette organisation quasi-organique du bâtiment ainsi que la transition inter-étage est un des exemples les plus marquant de l'Art nouveau à Bruxelles[21]. Un autre bâtiment construit par Victor Horta est celui de l'hôtel Solvay, construit pour Armand Solvay sur l'avenue Louise[21]. La façade du bâtiment préfigure celle du « Grand Bazar Anspach »[21]. L'étage principal est constitué de baies vitrées et de vitrines qui peuvent aussi coulisser, laissant une transparence se faire de multiples façons[21]. Cependant, si l'acier est très présent dans ce bâtiment, Victor Horta lui couple les bois et marbres précieux[21].

Certains des quartiers de Bruxelles, comme Schaerbeek, Etterbeek, Ixelles et Saint-Gilles, sont développés pendant l'âge d'or de l'Art nouveau et incluent de nombreux édifices de ce style.

Malgré les nombreuses démolitions entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fin des années 1960, Bruxelles compte encore plus de 500 bâtiments de style Art nouveau.

• Art nouveau en Belgique :
  • Art nouveau à Anvers
  • Art nouveau à Charleroi
  • Art nouveau à Liège
  • Art nouveau à Namur
  • Art nouveau à Spa
  • Art nouveau à Tournai
• Art nouveau à Paris

• Pour l'ensemble des points mentionnés sur cette page : voir sur OpenStreetMap (aide) ou télécharger au format KML (aide).
• Article "L'Art nouveau à Bruxelles" sur le site ArchivIris.
• Article "Figures de l'Art nouveau à Woluwe-Saint-Lambert" sur le site ArchivIris.
• Pierre Istace, Bruxelles Art Nouveau, blog en ligne.