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Angelica heterocarpa

espĂšce de plantes

Angélique des estuaires, Angélique à fruits variables

Pour les articles homonymes, voir Angélica.

L'AngĂ©lique des estuaires, l’AngĂ©lique Ă  fruits variables, l’AngĂ©lique Ă  fruits variĂ©s (Angelica heterocarpa) est une espĂšce vĂ©gĂ©tale de la famille des Apiaceae, du genre Angelica.

Il s'agit d'une plante endémique de la France. Son aire géographique naturelle se limite aux grands estuaires du littoral atlantique soumis à la marée. Elle n'est ainsi connue dans le monde que dans les seuls estuaires de la Loire, de la Charente, de la Gironde et de l'Adour[1].

C'est une plante menacĂ©e et protĂ©gĂ©e (au niveau europĂ©en). Elle fait notamment l'objet d'un « plan de conservation global en faveur de l’angĂ©lique des estuaires dans l’estuaire de la Loire ».

Étymologie

L'adjectif heterocarpa utilisé comme nom d'espÚce associe deux termes grecs :

  • Â«Â Î”Ï„Î”ÏÎżÏ‚Â Â» (autre)
  • « ÎșÎ±ÏÏ€ÎżÏ‚Â Â» (fruit).

Son nom signifie donc « angélique à fruits variés »[2].

Description

Angélique des estuaires en bord de Loire, à Nantes

L'angélique des estuaires a une durée de vie courte, de trois à quatre ans. Elle ne fleurit généralement qu'une seule et unique fois, puis meurt. Un seul pied peut produire jusqu'à 100 000 graines qui sont disséminées par le fleuve au moment des grandes marées[1].

Son « inventeur » (Lloyd) la considÚre comme une vivace (bien qu'à courte durée de vie), hémicryptophyte, cespiteuse et les botanistes la décrivent comme suit :

  • Tige de 1 Ă  2 m (jusqu'Ă  3 m exceptionnellement) trĂšs creuse, lisse, exceptĂ© dans le haut oĂč elle est cannelĂ©e et rude-pubescente.
  • Feuilles trĂšs grandes, 2 Ă  3 fois pennĂ©es, les radicales pĂ©tiolĂ©es avec rachis en gouttiĂšre ainsi que les pĂ©tioles largement dilatĂ©s Ă  la base en gaine quelquefois rougeĂątre, folioles ovales-lancĂ©olĂ©es, plus foncĂ©es et luisantes en dessus, Ă  dents de scie terminĂ©es en pointe blanchĂątre et scarieuse. (Quand l'hiver est doux, les feuilles persistent toute l'annĂ©e).
  • Ombelles Ă  rayons nombreux, striĂ©s, pubescents-rudes. Involucre nul, ou Ă  1-3 folioles plus ou moins caduques ; folioles de l’involucelle linĂ©aires.
  • Fleurs blanches, petites, ovales Ă  pointe inflĂ©chie (floraison de juillet Ă  aoĂ»t, avec quelques floraisons tardives jusqu'en septembre).
  • Carpelles ovales ou elliptiques-oblongs Ă  cĂŽtes latĂ©rales un peu plus grandes, quelquefois dilatĂ©es en forme d’aile plus Ă©troite que le corps du mĂ©ricarpe. Ce dernier point est considĂ©rĂ© par Lloyd, comme Ă©tant le plus important Ă  observer.
  • Fructification en septembre-octobre. Les graines tombĂ©es flottent un certain temps et peuvent alors ĂȘtre transportĂ©es par les marĂ©es et courants. Les graines semblent normalement germer en novembre.

Biométrie : les botanistes Corillion et Coste précisent que :

  • les folioles ovales-lancĂ©olĂ©es mesurent 10 × 3 cm
  • les fruits oblongs font 4-6 × 2-3 mm

Confusion possible

L'angĂ©lique des estuaires peut ĂȘtre confondue avec l'AngĂ©lique des bois (Angelica sylvestris) qui prĂ©sente un port identique, mais :

  • qui fleurit plus tardivement,
  • qui a des folioles plus large
  • qui produit un fruit diffĂ©rent ; uniforme, comprimĂ© par le dos, Ă  carpelles elliptiques-arrondis, bordĂ©s d’une large aile membraneuse, ondulĂ©e, plus large que le corps du mĂ©ricarpe chez A. sylvestris. Chez A. heterocarpa - comme son nom l'indique - le fruit est variable ; quand il est mĂ»r (mais pas encore sec), il est un peu plus large sur le cĂŽtĂ© que sur le dos, chaque carpelle est elliptique-oblong Ă  5 cĂŽtes obtuses, les latĂ©rales Ă©tant un peu plus fortes. Parfois, sur les ombelles des individus les plus grands, le fruit est comprimĂ© par le dos, en raison de cĂŽtes latĂ©rales surdĂ©veloppĂ©es en aile Ă©paisse (de largeur variable).

L'angĂ©lique des estuaires peut aussi ĂȘtre confondue avec l’Ɠnanthe safranĂ©e d'autant que cette derniĂšre partage volontiers le mĂȘme habitat, dans les mĂ©gaphorbiaies littorales.

Hybridation

L'hybridation est possible avec une espÚce voisine : Angelica sylvestris, par exemple en SÚvre nantaise[3].
Les autres espÚces présentes sur le littoral français sont : Angelica archangelica L. subsp. archangelica et Angelica razulii Gouan. Il est possible que des complexes d'hybridation existent avec ces espÚces, qui seraient à confirmer par des études génétiques.

Habitat

Angélique des estuaires en bord de Loire, à Nantes

C'est une hydrophyte (oligohaline, c'est-Ă -dire ne tolĂ©rant qu'une faible salinitĂ© du substrat (c'est-Ă -dire de la nappe superficielle), comme Eleocharis bonariensis et Schoenoplectus triqueter qui partagent un mĂȘme habitat. Elle est infĂ©odĂ©e aux rivages d'estuaires du sud-ouest de la France, poussant sur une frange Ă©cotoniale entre la mer (salĂ©e) et les fleuves et plus prĂ©cisĂ©ment :

  • sur les berges argilo-vaseuses des riviĂšres soumises Ă  la marĂ©e
  • dans la zone submergĂ©e par la marĂ©e, « comprise entre la cote moyenne estivale des marĂ©es et la cote moyenne estivales des pleines mers de vives eaux »[4].
  • elle semble pousser le mieux sur des vases colmatĂ©es plutĂŽt compactes (naturelle ou anciennes sur des berges artificielles ou remaniĂ©es, et si ces vases sont stabilisĂ©es par des voiles microbiens Ă  cyanobactĂ©ries ou plus rarement par bryophytes aquatiques.

Vivant l'à l'intérieur de la zone de balancement des marées, sa présence est conditionnée par quatre principaux facteurs écologiques :

  • le degrĂ© de salinitĂ©
  • la frĂ©quence de submersion par la marĂ©e
  • la nature du substrat
  • le degrĂ© de luminositĂ©

Les plus belles populations se trouvent en milieu ouvert sur les berges occupées par une végétation de hautes herbes ou en contact avec des boisements. Toutefois, des individus isolés arrivent parfois à coloniser des ouvrages artificiels en bois ou en béton[1].

Sur la Loire, elle est plutĂŽt sciaphile (Ă  l'ombre de frĂȘnaies, peupleraies ou saulaies, ou en lisiĂšre de ces boisements), peut-ĂȘtre parce que cette ombre est moins propice Ă  la mĂ©gaphorbiaie, ce qui dĂ©favorise la concurrence d'autres plantes. À Nantes, elle est prĂ©sente sur les berges de la Loire, dans la zone de talus de battement des marĂ©es (entre les cotes 2,40 m et 4,00 m NGF). Certains quais soutenus par une succession d'arcades (comme le quai PrĂ©sident-Wilson sur l'Île de Nantes) sont propices Ă  l'installation de l'angĂ©lique des estuaires en plus grand nombre (associĂ©es au mĂȘme cortĂšge floristique des berges en milieu ouvert), grĂące Ă  l'accumulation de vases Ă©paisses sur les poutrelles horizontales en bĂ©ton[1].

Populations et répartition

C'est une des rares espĂšces vĂ©gĂ©tales endĂ©miques du littoral de l'ouest de la France mĂ©tropolitaine (elle ne pousse encore que dans les estuaires de la Loire, de la Charente, de la Gironde et de l’Adour.

Elle a Ă©tĂ© dĂ©crite en 1859 par le botaniste James Lloyd dans l'estuaire de la Loire. À partir des annĂ©es 1970, Pierre Dupont a affinĂ© sa carte de rĂ©partition, et a montrĂ© qu'elle Ă©tait en forte rĂ©gression dans ce secteur Ă  la suite des amĂ©nagements de l'estuaire. Des inventaires botaniques ont Ă©tĂ© faits en 1997[5] et en 2002 par le Conservatoire Botanique National de Brest sur toute son aire de rĂ©partition connue (de Cordemais Ă  La Chapelle-Basse-Mer en Loire, et jusqu’à Vertou dans la SĂšvre nantaise. Au total 418 stations de cette espĂšce ont Ă©tĂ© recensĂ©es dans l’estuaire de la Loire en 2002, qui laisse penser que les mesures de protection ont Ă©tĂ© efficaces (seules 148 stations avaient Ă©tĂ© repĂ©rĂ©es lors de l'inventaire prĂ©cĂ©dent), mais cette progression est probablement aussi due Ă  une mĂ©thode d'inventaire plus fine. Les botanistes ont estimĂ© en 2002 la population ligĂ©rienne d'angĂ©lique des estuaires Ă  15 000 pieds, rĂ©partis sur environ 52,9 kilomĂštres de berges, avec un net dĂ©placement des populations vers l'amont observĂ© de 1970 Ă  1995, attribuĂ© Ă  une remontĂ©e du front de salinitĂ© et du « bouchon vaseux », remontĂ©e qui semble stabilisĂ©e depuis 1997. Des reconstitutions expĂ©rimentales « biotope Ă  angĂ©lique » sont en cours dans l'estuaire[6].

Menaces

Cette espÚce est surtout menacée par les aménagements portuaires et le phénomÚne de périurbanisation des villes estuariennes, responsables de la fragmentation écologique du littoral et/ou de la destruction d'habitats.

Sauvegarde

Aujourd'hui, l'angélique des estuaires est une espÚce dite patrimoniale, menacée, elle est mentionnée dans la liste rouge des espÚces menacées en France, elle et son habitat bénéficient d'une protection à l'échelle européenne.
Les sites Natura 2000 nos 621 et 622 proposĂ©s au titre de la Directive Habitats (« Estuaire de la Loire » et « vallĂ©e de la Loire » en amont de Nantes) n'incluent qu'environ 20 % des stations inventoriĂ©es en 1997 par le Conservatoire Botanique National de Brest, le reste se trouvant surtout en milieu pĂ©riurbain, dans l’agglomĂ©ration nantaise. Les communes (ex : Bordeaux, Nantes), conformĂ©ment Ă  la lĂ©gislation intĂšgrent la sauvegarde de l'angĂ©lique des estuaires dans leurs projets d'amĂ©nagement de bords de fleuve. Sur la rive droite de Bordeaux, un parc portant le nom de Parc aux angĂ©liques[7] a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© le long du fleuve.

Notes et références

  1. Panneau de présentation de l'Angélique des estuaires sur les bords de Loire à Nantes, consulté en juillet 2013
  2. Couplan F., 2000, selon l'étude de février 2003 citée en liens externes
  3. Source : étude de 2003 citée en liens externes
  4. étude de 2003 citée en "liens externes"
  5. Sylvie Magnanon, Pierre Dupont, FrĂ©dĂ©ric Bioret, Angelica heterocarpa dans l’estuaire de la Loire : rĂ©partition, Ă©cologie, menaces. Propositions de mesures de gestion, 1997, publiĂ© en 1998,
  6. Voir étude citée en " Liens externes "
  7. « Le Parc aux angéliques », sur Site officiel de la ville de Bordeaux (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Dupont P., 1978 – Étude gĂ©nĂ©rale d’environnement de l’estuaire de la Loire (contrat O.R.E.A.M.). La vĂ©gĂ©tation des zones humides bordant l’estuaire de la Loire. Laboratoire d’Écologie et de PhytogĂ©ographie, UniversitĂ© de Nantes. 250 pages.
  • Dupont P., 1981 – La vĂ©gĂ©tation de l’estuaire de la Loire ; intĂ©rĂȘt, modifications rĂ©centes, urgence de mesures de protection. FĂ©dĂ©ration RĂ©gionale des Associations de Protection de l’Environnement du Centre, MinistĂšre de l’Environnement : 123-144.
  • Dupont P., 2001 – Atlas floristique de la Loire-Atlantique et de la VendĂ©e. État et avenir d’un patrimoine. Conservatoire Botanique National de Brest, SociĂ©tĂ© des Sciences Naturelles de l’Ouest de la France, tome 1, 175 p et tome 2 (cartes et commentaires), 559 p.
  • Figureau Cl., Richard P. – Angelica heterocarpa Ll. Écologie et rĂ©partition dans le sud armoricain. Jardin Botanique de Nantes, Index Seminum : 18-24.
  • Gehu J. M., Gehu J., 1976 - Les groupements Ă  Angelica heterocarpa des estuaires atlantiques français. Coll. Phytosoc., vol. 5 : 359-362.
  • Lloyd J., 1868 – Flore de l’Ouest de la France, ou description des plantes qui croissent spontanĂ©ment dans les dĂ©partements de : Charente-InfĂ©rieure, Deux-SĂšvres, VendĂ©e, Loire-InfĂ©rieure, Morbihan, FinistĂšre, CĂŽtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine. Nantes, seconde Ă©dition.
  • Magnanon S., Dupont P., Bioret F., 1998 - Angelica heterocarpa dans l'estuaire de la Loire : rĂ©partition, Ă©cologie, menaces. Propositions de mesures de gestion., Conservatoire Botanique National de Brest, DIREN Pays de la Loire 25 p + cartes et annexes.