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Œnanthe safranée

Oenanthe crocata

L’œnanthe safranée (Oenanthe crocata) est une plante herbacée de grande taille de la famille des Apiacées, commune dans les zones humides de l'ouest européen[1].

L'intoxication par cette plante est une urgence médicale.

Habitat

Elle se rencontre dans les régions atlantiques de l'Europe tempérée (Royaume-Uni, Irlande, Belgique, France, Espagne, Portugal), mais également sous climat méditerranéen dans l'Ouest de l'Espagne[1].

Elle pousse dans les zones humides où elle participe à la formation de communautés de mégaphorbiaies. On la rencontre également dans les sous-bois des forêts alluviales claires, surtout en situation de lisière.

Noms communs et étymologie

En français on l'appelle « œnanthe safranée » : traduction littérale du nom latin de l'espèce (crocata : jaune safran[2]), couleur de l'exsudat racinaire jaune-orangé de la plante[3].

Un autre nom moins usité est « pansacre » en référence au mot latin « pancration » qui désigne une scille : plante également très toxique[4].

En néerlandais, elle est appelée « Dodemansvingers » (doigts de mort), et en espagnol « nabo del diablo » (navet du diable).

Description

Fleurs

Plante vivace (géophyte), herbacée, de grande taille, sa tige érigée, creuse, porte de nombreuses feuilles pennatipartites, rappelant celles du persil. Elle produit à la fin du printemps de grandes ombelles de fleurs blanches. Ses racines forment des tubercules allongés exsudant un suc jaune safran[5].

Données d'après : Julve, Ph., 1998 ff. - Baseflor. Index botanique, écologique et chorologique de la flore de France. Version : 23 avril 2004.

Confusion possible : angélique, angélique des estuaires, carotte sauvage

Toxicologie

L'œnanthe safranée a fait l'objet d'une thèse de pharmacie en 1878[6].
Toute la plante est toxique, surtout ses parties souterraines, et la dessication, si elle en diminue la toxicité, ne l'élimine pas complètement.
Parmi les Apiacées (ex-ombellifères), l’œnanthe safranée est, avec la grande ciguë (Conium maculatum) et la ciguë vireuse (ou ciguë aquatique, Cicuta virosa), « l'une des 3 principales espèces dangereuses trouvées en France »[7] :

Énanthotoxine.
Cicutoxine.

L'énanthotoxine de l'oenanthe safranée, tout comme la cicutoxine de la ciguë vireuse[Note 1], est un alcool polyinsaturé remarquable par la présence de triples liaisons carbone-carbone[8] : énanthotoxine et cicutoxine sont d'ailleurs isomères l'une de l'autre, ne différant que par l'ordre de succession de leurs liaisons doubles et triples, toutes conjuguées entre elles. Cette différence conditionne fortement leur toxicité, puisqu'alors que la DL50 de la cicutoxine est estimée à 9 mg/kg de masse corporelle, celle de l'énanthotoxine ne l'est qu'à 0,6 mg/kg, ce qui en fait un poison nettement plus violent.

L'énanthotoxine est un antagoniste de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA), un neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux central : en se liant à ses récepteurs GABAA, l'énanthotoxine l'empêche de jouer son rôle inhibiteur, et entraîne une hyperactivité des neurones.

« rire sardonique » sur un masque, Sardaigne.

Des intoxications sont possibles tant chez l'animal que chez l'homme : ce dernier peut confondre les feuilles avec celles de certaines variétés de persil, ou le tubercule avec ceux du radis, du navet ou du céleri ; le risque est aggravé par son odeur et son goût agréables[8].

La mort peut survenir en 3 heures. La contraction des muscles du visage qu'induit l'intoxication peut ressembler à un rire malveillant : ce rire sardonique se retrouve sur des masques de la civilisation nuragique, ce qui a conduit à proposer que l'œnanthe safranée soit l'« herbe sardonique » utilisée pour le meurtre rituel des personnes âgées en Sardaigne pré-romaine[8].

Des accidents sont rapportés plusieurs fois par an, parfois mortels, souvent à la suite d'une de ces confusions, notamment lors d'opérations « survie » ou lors d'un repas au « naturel » improvisé[9].

Elle est également toxique pour certains animaux domestiques[5], qui peuvent notamment en consommer les racines mises au jour avec l'épandage de boues de curage de mares, fossés, étangs[14].

Notes et références

Notes

  1. Le principe toxique de la grande ciguë, la coniine (DL50 estimée à 100 mg/kg), est quant à lui un alcaloïde sans aucune parenté structurale avec l'énanthotoxine, malgré la parenté botanique des plantes qui les produisent.

Références

  1. (en) « Oenanthe crocata L. », sur www.gbif.org (consulté le )
  2. « crocatus — Wiktionnaire », sur fr.wiktionary.org (consulté le )
  3. « Oenanthe crocata - Oenanthe safranée », sur Tela Botanica (consulté le )
  4. « pansacre — Wiktionnaire », sur fr.wiktionary.org (consulté le )
  5. neurobovin, « affections neurologiques des bovins, intoxications par l'oenanthe safranée » Accès libre (consulté le )
  6. C. Ordonneau, Études sur l’œnanthe safranée (Œnanthe crocata) ; thèse présentée et publiquement soutenue à l’École supérieure de pharmacie de Montpellier, Montpellier,
  7. Durand, M. F., Pommier, P., Chazalette, A., & de Haro, L. (2008). Intoxication par une apiacée sauvage: à propos d’une observation pédiatrique. Archives de pédiatrie, 15(2), 139-141 (résumé)
  8. Appendino G, Pollastro F, Verotta L et Als. Polyacetylenes from Sardinian Oenanthe fistulosa: A Molecular Clue to risus sardonicus, J Nat Prod, 2009;72:962-965
  9. Polese JM (2007). Encyclopédie visuelle des plantes sauvages. Éditions Artemis.
  10. Fradin, P., Gamelin, L., Chiale, E., Connan, L., Gabillet, L., & Pluchon, Y. M. (2005). Intoxication volontaire à l’Œnantha crocata: À propos d’un cas. Journal européen des urgences, 18(1), 33-36.(résumé).
  11. Archives d'Ajaccio, Archives d'Ajaccio, La Flore endémique de la Corse EDISUD
  12. Marc Gozlan, « Mort après avoir consommé une plante toxique de son jardin », Réalités Biomédicales, (lire en ligne, consulté le )
  13. Le Figaro, « Un homme décède lors d'un «stage de survie» dans le Morbihan », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  14. Geoffrion, R. (2000). Les plantes toxiques dans les cultures : à redouter dans des parcelles non ou mal désherbées. Phytoma-La Défense des végétaux, (532), 8-11.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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