AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Affaire Omar Raddad

L'affaire Omar Raddad a commencĂ© avec le meurtre de Ghislaine Marchal, tuĂ©e en 1991 dans sa villa La Chamade, sur les hauteurs de Mougins (Alpes-Maritimes). Deux inscriptions en lettres de sang trouvĂ©es sur la scĂšne du crime, indiquant « OMAR M'A TUER » [sic] l’une et « OMAR M’A T » l’autre, ont conduit la justice Ă  inculper Omar Raddad, le jardinier de la victime, malgrĂ© ses protestations d'innocence et de nombreux Ă©lĂ©ments semant le doute.

Affaire Omar Raddad
Fait reproché Homicide volontaire
Chefs d'accusation Meurtre
Pays Drapeau de la France France
Ville Mougins
Nature de l'arme Objet contondant
Arme blanche
Type d'arme Chevron de bois
Arme blanche de type inconnu
Date
Nombre de victimes 1 : Ghislaine Marchal
Jugement
Statut Affaire jugée : condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle ; gracié partiellement et libéré le
Tribunal Cour d'appel de Nice
Formation Cour d'assises des Alpes-Maritimes
Date du jugement
Recours Grùce partielle accordée le
RequĂȘte en rĂ©vision transmise Ă  la chambre criminelle de la Cour de cassation statuant comme Cour de rĂ©vision le , puis rejetĂ©e le

DĂ©fendu par Me Jacques VergĂšs, il a Ă©tĂ© condamnĂ© en 1994 Ă  18 ans de rĂ©clusion criminelle, avant de bĂ©nĂ©ficier, en 1996, d'une grĂące partielle accordĂ©e par le prĂ©sident Jacques Chirac. Depuis sa remise en libertĂ©, Omar Raddad continue Ă  se battre pour faire rĂ©viser sa condamnation[1].

Cette affaire est restĂ©e cĂ©lĂšbre en raison du mystĂšre entourant le scĂ©nario du crime. Le corps de Ghislaine Marchal avait en effet Ă©tĂ© retrouvĂ© dans la cave de sa villa, dont la porte d’accĂšs Ă©tait bloquĂ©e de l’intĂ©rieur.

La condamnation de Raddad a soulevĂ© une vive controverse, en France comme au Maroc, son pays d’origine, la dĂ©fense critiquant la maniĂšre dont l’instruction a Ă©tĂ© conduite et contestant notamment les conclusions de l’autopsie et des analyses graphologiques. AprĂšs la condamnation, Me VergĂšs a d'ailleurs dĂ©clarĂ© que l’origine maghrĂ©bine de l’accusĂ© avait pu jouer contre lui, suscitant l’indignation de l’avocat de la partie civile, Henri Leclerc, par ailleurs vice-prĂ©sident de la Ligue des droits de l'homme.

L'inscription « OMAR M'A TUER » est restée emblématique de cette affaire criminelle, qui compte parmi les plus marquantes des années 1990.

DĂ©roulement de l'affaire

Les faits

NĂ©e Ghislaine de Renty en 1926, Ghislaine Marchal Ă©tait la fille d'un industriel qui s'engagea dans la RĂ©sistance au cours de la Seconde Guerre mondiale et mourut en dĂ©portation. DivorcĂ©e de son premier Ă©poux, dont elle avait eu un fils, elle Ă©tait, en 1991, la veuve fortunĂ©e de Jean-Pierre Marchal, propriĂ©taire d'une cĂ©lĂšbre entreprise d'Ă©quipements automobiles[2], la sƓur de la magistrate Claude du Granrut et donc la belle-sƓur du bĂątonnier Bernard du Granrut[3]. Elle partageait son temps entre sa rĂ©sidence principale, en Suisse, et sa villa La Chamade, qu'elle avait fait construire sur les hauteurs de Mougins[4].

Disparition de Ghislaine Marchal

Le dimanche vers 11 h 48, Ghislaine Marchal, sortant juste de la douche, est au tĂ©lĂ©phone avec son amie Erika S. Il est convenu que son amie viendra dĂ©jeuner Ă  La Chamade le lendemain lundi. Ghislaine Marchal se dit pressĂ©e car elle doit se prĂ©parer pour aller dĂ©jeuner chez ses amis, M et Mme K. Ă  13 h. Toutes deux raccrochent vers 11 h 50. C’est la derniĂšre fois que l’un de ses proches entendra sa voix[5].

TrĂšs Ă©tonnĂ©s de ne pas la voir arriver, ses amis l’appellent en vain plusieurs fois Ă  partir de 13 h 30. Vers 18 h, Colette K. se rend en voiture Ă  La Chamade. Personne ne rĂ©pond Ă  ses coups de sonnette, ni Ă  un nouvel appel tĂ©lĂ©phonique le soir[6].

Le lundi , Erika S. arrive vers 11 h 30 comme convenu. Elle sonne, insiste, appelle, en vain. AlertĂ©e par Mmes Erika S. et Colette K., une troisiĂšme amie, Francine P., fait dĂ©pĂȘcher sur place un employĂ© de la compagnie de gardiennage en dĂ©but d’aprĂšs-midi. La maison, sombre et silencieuse, ne porte aucune trace d’effraction ; les persiennes n’ont Ă©tĂ© relevĂ©es que dans la chambre Ă  coucher ; sur le lit qui n’a pas Ă©tĂ© fait, des lunettes, un journal ; le plateau du petit dĂ©jeuner est posĂ© dans la cuisine. Les clĂ©s sont sur la porte, qui n’est pas verrouillĂ©e, l’alarme n’est pas enclenchĂ©e. On dirait que Ghislaine Marchal vient de se lever, mais elle n’est pas lĂ [7]. Au cours de l’aprĂšs-midi, les recherches reprennent ; l’employĂ© de la compagnie de gardiennage revient avec Francine P. et sa gardienne. Ils sont bientĂŽt rejoints par le mĂ©decin de Ghislaine Marchal. On retrouve des bijoux, un sac Ă  main ouvert, qui ne contient pas de numĂ©raire, mais nulle trace de la propriĂ©taire[8].

Arrivée des gendarmes

Finalement, le au soir, les gendarmes sont alertĂ©s et se rendent sur place. AprĂšs avoir fouillĂ© la maison, ils s'intĂ©ressent Ă  une annexe accolĂ©e Ă  l'habitation principale. Un escalier descend Ă  la cave, qui n'a pas encore Ă©tĂ© visitĂ©e, et dont la porte mĂ©tallique est verrouillĂ©e. AprĂšs son dĂ©verrouillage, la porte refuse de s’ouvrir de plus de cm. Pendant qu’un gendarme pousse de toutes ses forces, au point de gauchir la porte, son collĂšgue passe un bras et repĂšre un lit pliant placĂ© contre elle Ă  l'intĂ©rieur. Il le rejette violemment en arriĂšre : la porte s’ouvre un peu plus, mais un tuyau mĂ©tallique, placĂ© au sol perpendiculairement Ă  la porte, la bloque solidement Ă  sa base. La porte Ă©tant tordue par une forte poussĂ©e de son collĂšgue, il parvient Ă  passer une jambe et raconte avoir donnĂ© « plusieurs coups de pied dans ce tube », qui est placĂ© « au tiers de la porte vers la charniĂšre [...] L’ultime coup de pied dĂ©gage le tube », ce qui permet d’ouvrir la porte[9]. En , les enquĂȘteurs constateront que « la pression exercĂ©e sur la porte a fait riper le tuyau, qui a laissĂ© une empreinte en arc de cercle sur le sol bĂ©tonnĂ© »[10]

DĂ©couverte du corps

Dans la chaufferie, au fond de la cave, Ghislaine Marchal est allongĂ©e de tout son long, face contre terre, les jambes dirigĂ©es vers le mur du fond, les bras sur le sol en avant du corps, vĂȘtue de son seul peignoir de bain ensanglantĂ© retroussĂ© vers le haut du corps, au-dessus de la taille[11].

Les premiĂšres constatations du mĂ©decin faites sur place le 24 au soir, et l’autopsie du [12] rĂ©vĂšleront des blessures gravissimes : cinq coups violents Ă  la tĂȘte, portĂ©s avec un chevron, « assĂ©nĂ©s pour tuer et non pour assommer »[13], qui ont provoquĂ© des plaies bĂ©antes au cuir chevelu et un ƓdĂšme cĂ©rĂ©bral ; une plaie en V Ă  la gorge n’ayant pas atteint les gros vaisseaux du cou ou la trachĂ©e ; dix plaies au thorax et Ă  l’abdomen provoquĂ©es par « une lame effilĂ©e et Ă  double tranchant » mesurant de 15 Ă  20 cm de long et large de cm au maximum, dont une a provoquĂ© une Ă©ventration et trois ont transpercĂ© le foie de part en part (plaies transfixiantes), les trajets de ces coups Ă©tant « lĂ©gĂšrement ascendants » ; deux plaies derriĂšre la cuisse gauche[14] dont l’une, du cĂŽtĂ© interne, a produit un filet de sang perpendiculaire Ă  l’axe de la jambe ; la victime est donc restĂ©e allongĂ©e sur le sol sans bouger, aprĂšs avoir reçu cette blessure, au moins le temps que le sang se coagule[15], soit sept minutes d’aprĂšs les lĂ©gistes[16]. Des blessures et fractures aux mains, avec une phalange presque arrachĂ©e, suggĂ©rant qu'elle a cherchĂ© Ă  se protĂ©ger en portant ses mains au visage, de nombreuses Ă©raflures et ecchymoses sur les bras et les jambes, notamment le dos des pieds et les genoux, des traces de poussiĂšres et de ciment sur le peignoir et sur les anses intestinales, la victime s’étant, ou ayant Ă©tĂ©, apparemment traĂźnĂ©e sur le sol[17].

D’aprĂšs les experts lĂ©gistes, il n’a pas Ă©tĂ© possible de dĂ©terminer l’ordre dans lequel les coups ont Ă©tĂ© portĂ©s. Aucun d’entre eux n’était immĂ©diatement mortel, mais leur somme l’était incontestablement, aprĂšs une agonie certaine, dont ils estiment la durĂ©e entre quinze et trente minutes[18]. Le capitaine Georges Cenci remarque que l’assassin semblait « dĂ©terminĂ©, mais aussi maladroit ou malaisĂ© dans ses mouvements »[19].

Jean Pagliuzza, mĂ©decin lĂ©giste consultĂ© par les avocats de la dĂ©fense lors de l’instruction, a acceptĂ© de donner son avis Ă  la journaliste Ève Livet aprĂšs la condamnation du jardinier. Il pense que le meurtre a pu se passer en une seule sĂ©quence rapide de trois ou quatre minutes. Dans ce genre d’agression, les premiers coups sont donnĂ©s pour neutraliser la victime en l’assommant. Puis les coups portĂ©s avec une arme blanche se succĂšdent, trĂšs rapidement. « Compte tenu de la force des coups, son agresseur Ă©tait un homme. [
] Il Ă©tait gaucher ». Il indique que la blessure la plus basse a Ă©tĂ© faite en premier. « La lame frappait plus haut au fur et Ă  mesure que [la victime] s’affaissait ». La blessure en V au cou « se retrouve frĂ©quemment dans ce genre de meurtre » du fait du dĂ©placement latĂ©ral de la tĂȘte, cherchant Ă  Ă©chapper aux coups. L’expert prĂ©cise que l’agresseur avait forcĂ©ment reçu du sang sur lui[20]. Étant donnĂ© la maniĂšre dont le sang a ensuite coulĂ©, il estime que la victime ne s’est jamais relevĂ©e ; elle serait morte « rapidement par hĂ©morragie ». Si elle s’était relevĂ©e, l’hĂ©morragie du foie aurait rempli la cavitĂ© abdominale, ce qui n’a pas Ă©tĂ© vu par les lĂ©gistes[21].

Découverte des inscriptions « OMAR M'A TUER »

La porte mĂ©tallique d'accĂšs Ă  la cave donne perpendiculairement dans un couloir partant vers la gauche. Sur le cĂŽtĂ© gauche du couloir, « OMAR M'A TUER » est inscrit en lettres de sang bien formĂ©es, Ă  m du sol, sur une porte[22] blanche fermĂ©e Ă  clĂ© menant Ă  une cave Ă  vin. Une trace sanglante est visible sous l'inscription. En face de la porte mĂ©tallique d'accĂšs, si on ne tourne pas vers la gauche, on avance tout droit vers la piĂšce principale, au fond de laquelle la phrase est inscrite de nouveau partiellement sur la porte[23] d'une chaufferie : « OMAR M'A T » [sic][24] - . Cette « deuxiĂšme inscription », comme la nommeront les enquĂȘteurs, plus basse que la premiĂšre, est Ă  peine lisible. Elle est situĂ©e sur la face cĂŽtĂ© chaufferie de la porte, mais celle-ci Ă©tant bloquĂ©e en position ouverte, elle se retrouve orientĂ©e non vers la chaufferie, oĂč se trouve le corps, mais vers l'entrĂ©e de la piĂšce. L'Ă©criture Ă©tant glissĂ©e, il n'a Ă©tĂ© possible d'y relever aucune empreinte[25]. Les analyses gĂ©nĂ©tiques attesteront que les inscriptions ont bien Ă©tĂ© Ă©crites avec le sang de la victime[26].

La porte d'entrée métallique ne porte aucune empreinte sur le panneau intérieur. Quant au palier, de part et d'autre de cette porte, il présente un contraste frappant : ensanglanté à l'intérieur, dans le couloir, il ne présente aucune trace à l'extérieur et dans l'escalier[27].

Qui est l'auteur des inscriptions ?

Si Mme Marchal en est l'autrice, elle a donc indiquĂ© le prĂ©nom de son agresseur, ce qui amĂšnera les enquĂȘteurs Ă  soupçonner son jardinier, Omar Raddad, alors ĂągĂ© de 29 ans. À l'inverse, si le message est d'origine criminelle, il ne peut provenir d'Omar Raddad, qu'on voit mal se dĂ©signer lui-mĂȘme. L'assassin se serait donc arrangĂ© pour qu'on attribue Ă  Ghislaine Marchal la dĂ©nonciation calomnieuse de son jardinier, ou d'un autre Omar.

La formulation du message peut dĂšs l’abord paraĂźtre Ă©trange : Ă©crit-on qu’on a Ă©tĂ© tuĂ©, alors qu’on est encore en vie ? Le juge Renard trouve la phrase « bizarre »[28]. Il est aussi peu probable qu'une personne mourante prenne le temps d'Ă©crire deux fois une phrase complĂšte.

Quant à la faute, Ghislaine Marchal, femme cultivée, aurait-elle fait cette erreur ? Plusieurs documents indiquent que son orthographe était parfois défaillante, notamment en ce qui concerne la confusion du participe passé avec l'infinitif[29] - [30], elle aurait en particulier écrit « payer » sur une facture déjà réglée, ou « j'ai arroser les fleurs ». Cependant ce point est vivement contesté par la défense et par des journalistes[31] - [32] - [33].

Le capitaine Cenci, le juge Coutton et le procureur Farret estiment que cette faute est un Ă©lĂ©ment Ă  charge contre l’accusĂ©[34]. Mais d’aprĂšs la graphologue Françoise De Ricci, cette faute courante n’est pas un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant d’identification (voir infra)[35].

L’écriture des messages est-elle bien celle de Ghislaine Marchal ? Une premiĂšre expertise des Ă©critures est effectuĂ©e en juillet-aoĂ»t, Ă  la demande du juge d’instruction, par Gilles Giessner, qui compare les lettres inscrites sur les portes avec celles des mots croisĂ©s de la victime et divers autres documents. L’expert indique que les lettres des deux portes sont toutes de la mĂȘme personne et que, pour le premier message, cette personne Ă©tait Ă  genoux, alors qu’elle Ă©tait allongĂ©e pour le deuxiĂšme message, dont le cĂŽtĂ© dĂ©structurĂ© atteste, selon lui, son affaiblissement physiologique[36]. L’expert Ă©crit que le scripteur « n’a pu se dĂ©placer pour tracer la fin de son second message, puisque c’est lĂ  que l’on a retrouvĂ© son cadavre »[37]. On notera qu’il semble ignorer que le corps n’a pas Ă©tĂ© retrouvĂ© devant cette porte.

Lors du procĂšs, G. Giessner dĂ©clare qu’il a « mis en Ă©vidence la totale concordance des lettres avec celles des Ă©crits de Mme Marchal ». Puis, pressĂ© par la dĂ©fense, il concĂšde : « C’est aux deux tiers sĂ»rement l’écriture de la victime, Ă  un tiers non »[38].

À la demande de la dĂ©fense, une contre-expertise est confiĂ©e Ă  Mme Buisson-Debar. Elle confirme les conclusions de son confrĂšre[39], non sans quelques incohĂ©rences, puisque son rapport prĂ©cise que sur dix lettres de la premiĂšre inscription, seules cinq ressemblaient Ă  l’écriture de la victime[40].

En 1999, une nouvelle expertise des Ă©critures est entreprise par M. Gauthier et Mme Dumont. PrĂ©sentĂ©e par la dĂ©fense Ă  l’appui d’une demande de rĂ©vision de la condamnation, elle conclut que l’écriture n’est pas celle de la victime[41]. La commission de rĂ©vision demandera alors une autre expertise Ă  Françoise De Ricci et Anne Bisotti, qui estimeront qu’on ne peut « raisonnablement comparer » des Ă©crits effectuĂ©s dans des conditions aussi dissemblables[42].

Françoise Bouzon-Thiam, autrice d’un livre sur l'affaire, observe que les lettres sanglantes prĂ©sentent des derniers jambages anormalement courts, comme « suspendus », alors que celles des mots croisĂ©s de Ghislaine Marchal ont au contraire des jambages allongĂ©s. Le contraste est trĂšs net pour les M, les A et les R. Elle estime que les caractĂšres des messages sont rĂ©vĂ©lateurs de l’écriture de l’assassin[43].

Qui a bloqué la porte métallique et comment ?

Le capitaine Georges Cenci affirme que la porte mĂ©tallique de la cave est « la seule issue permettant d’y accĂ©der, et d’en interdire l’accĂšs »[44] ; dans ces conditions, la victime Ă©tant seule prĂ©sente dans les lieux, elle seule a pu s’y barricader. La dĂ©fense ne semble jamais avoir contestĂ© le premier point, s’attachant seulement Ă  dĂ©montrer que l’assassin aurait pu sortir par la porte mĂ©tallique d’accĂšs, tout en provoquant son blocage.

On a vu plus haut que lors de l'ouverture de la porte, un tuyau mĂ©tallique la bloquait Ă  la base. Or ce tuyau, trĂšs peu Ă©pais, passe facilement sous la porte s’il est allongĂ© au sol, car il existe un interstice entre le bas de la porte et le sol. Comment, dans ces conditions, a-t-il pu la bloquer[45] - [46] ?

En , lors d’une visite sur place des enquĂȘteurs, des magistrats et des avocats, l’enquĂȘte conclut que Ghislaine Marchal a placĂ© le tube mĂ©tallique en appui sur un chevron de bois, ce qui a eu pour effet de le soulever du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă  la porte, la pente ainsi obtenue permettant de s’opposer Ă  son ouverture[47].

Les avocats de la dĂ©fense protestent et font valoir que les gendarmes n’avaient pas remarquĂ© ce chevron le [48]. Ils affirment en revanche avoir dĂ©montrĂ© qu’il Ă©tait possible d’appuyer le lit pliant contre la porte ouverte de telle sorte qu’en sortant et en refermant celle-ci lentement, on fasse tomber le lit derriĂšre elle pour la bloquer. La barre de fer aurait pu tomber lorsque les gendarmes ont repoussĂ© le lit[49].

Ève Livet observe que l’interstice sous la porte se rĂ©duit prĂšs de la charniĂšre, car le sol n’est pas Ă  niveau. L'extrĂ©mitĂ© de la barre mĂ©tallique Ă©tant situĂ©e Ă  proximitĂ© de cette charniĂšre, son Ă©paisseur aurait suffi Ă  bloquer la porte, comme l’indique la trace de ripage au sol. Elle pense aussi que le lit aurait pu se coincer momentanĂ©ment sur un gros tuyau en PVC situĂ© de l’autre cĂŽtĂ© du couloir[50].

Le dĂ©tective Roger-Marc Moreau affirmera avoir trouvĂ© un moyen permettant facilement de bloquer la porte dans les mĂȘmes conditions de l'extĂ©rieur[51]. Le capitaine Cenci estime, de son cĂŽtĂ©, que c'est impossible du fait d'une surĂ©lĂ©vation sous la porte, et que M. Moreau n'est jamais venu le constater sur place[52].

La scĂšne de crime est-elle une mise en scĂšne ?

La défense soutient que le « véritable auteur » des faits aurait procédé à la mise en scÚne macabre et aurait quitté les lieux en laissant des preuves fabriquées pour faire accuser le jardinier (voir infra).

Selon l'accusation, cette théorie ne tient pas, au regard de plusieurs éléments :

  • Il est peu crĂ©dible que les « vĂ©ritables assassins » aient choisi un dimanche pour mettre au point ce scĂ©nario, car Omar Raddad ne travaillait jamais ce jour-lĂ . Sa prĂ©sence sur les lieux du crime Ă©tait exceptionnelle et uniquement connue de Mme Marchal et de sa voisine. Il aurait Ă©tĂ© trĂšs hasardeux pour eux de choisir un dimanche pour perpĂ©trer leur crime, car cela aurait supposĂ© que, par une chance extraordinaire, Omar travaille justement ce jour-lĂ [53].
  • La mise en place du mĂ©canisme depuis l'extĂ©rieur aurait supposĂ© que Mme Marchal soit dĂ©jĂ  morte et ait dĂ©jĂ  maculĂ© le palier de son sang (d'importantes quantitĂ©s en ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es par terre, derriĂšre la porte). Le « vĂ©ritable assassin » aurait donc dĂ» dĂ©poser le lit pliant, le chevron de bois et la barre de fer dans cet environnement souillĂ©, puis sortir et manƓuvrer le mĂ©canisme de l'extĂ©rieur pour l'installer. Il paraĂźt tout simplement impossible que quelqu'un ait pu faire cela sans laisser la moindre trace de sang sur le palier extĂ©rieur ni de trace de pas Ă  l'intĂ©rieur[53].

Y avait-il un autre moyen de sortir des lieux ?

La journaliste Ève Livet se demande si l’assassin n’aurait pas pu sortir des lieux par la cave Ă  vin. Ayant obtenu l’accĂšs au dossier, elle dit y avoir constatĂ© un manque : « Toutes les piĂšces du sous-sol Ă©taient dĂ©crites, sauf une : la cave Ă  vin ». Elle affirme que la cave Ă  vin ne fut pas visitĂ©e lors du transport sur les lieux, et qu'avocats, juges, Omar Raddad lui-mĂȘme, personne « ne se souvient y ĂȘtre entrĂ© et ne peut la dĂ©crire ». En outre le procĂšs-verbal d’un maçon, interrogĂ© par les gendarmes en , indique que le travail qui lui fut commandĂ© consistait « en 1989, Ă  faire des aĂ©rations dans la cave Ă  vin [...], puis dans un second temps, en Ă©tĂ© 1990, Ă  rouvrir deux des fenĂȘtres, qui avaient Ă©tĂ© bouchĂ©es lors de notre premiĂšre intervention, pour assurer une meilleure ventilation de la cave ». Une personne aurait-elle pu ressortir par ces aĂ©rations ou fenĂȘtres[54] ?

Point de vue de l'accusation

Ghislaine Marchal
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Nom de naissance
Ghislaine de Renty
Fratrie

Pour l’accusation, c’est Ghislaine Marchal elle-mĂȘme qui a dĂ©signĂ© son assassin avant de se barricader. Le capitaine Cenci estime qu’elle est probablement descendue d’elle-mĂȘme Ă  la cave pour mettre en marche le systĂšme de nettoyage de la piscine, en prĂ©vision de la visite de son amie le lendemain. Il en veut pour preuve qu’elle Ă©tait chaussĂ©e pour sortir (mules Ă  talons compensĂ©s), et que le systĂšme de nettoyage fonctionnait effectivement encore le lendemain[55].

Le capitaine Cenci estime que la victime a bien vu et reconnu son agresseur : elle a tentĂ© de se protĂ©ger des coups, face Ă  lui, comme en tĂ©moignent les blessures aux mains. Ses lunettes ne lui servant qu’à lire et Ă©crire, elle voyait parfaitement. Elle n’aurait pu le confondre avec quelqu’un d’autre, le frĂšre d’Omar par exemple, dont elle estimait qu’il ne lui ressemblait pas du tout[56]. L’hypothĂšse qu’elle aurait pu prendre son agresseur pour Omar a Ă©tĂ© examinĂ©e par les enquĂȘteurs (voir infra).

Mais « Raddad n’est pas un tueur », admet le capitaine Cenci. Il ne serait venu Ă  La Chamade que pour rĂ©clamer de l’argent. Le crime n’ayant donc pas Ă©tĂ© prĂ©mĂ©ditĂ©, il faut admettre qu’il aurait trouvĂ© l’arme du crime sur place. D'aprĂšs cette hypothĂšse, pris d’une soudaine et trĂšs violente colĂšre devant les refus blessants de sa patronne, il commence Ă  la frapper avec un chevron, trouvĂ© sur place. Puis, ne pouvant laisser sa victime vivante, capable de le dĂ©noncer, et n’ayant pas de poignard sur lui, il va chercher la cisaille Ă  haie en haut de l’escalier, dans un local Ă  bois oĂč sont entreposĂ©s les outils de jardinage, et redescend lui infliger les blessures par arme blanche. Le maniement maladroit de la cisaille Ă  haie, arme probable du crime pour le capitaine Cenci, et un handicap d’Omar Raddad au bras droit, Ă  la suite d’un accident au coude en 1988, expliqueraient « la multitude et la dissĂ©mination des coups portĂ©s »[57].

En repartant, le jardinier met la clĂ© de la cave dans ce local Ă  bois sous le taille-haie, aprĂšs l’avoir nettoyĂ©[58]. Il vole ensuite l’argent qui se trouvait dans le sac Ă  main, dans la chambre[59].

Autre hypothĂšse de Me Leclerc, avocat de la partie civile : l’arme du crime pourrait ĂȘtre un couteau de cuisine[60]. La femme de mĂ©nage, de son cĂŽtĂ©, a remarquĂ© en la disparition d’un coupe-papier en argent acĂ©rĂ© en forme de dague qui appartenait Ă  la victime[61].

Pour le capitaine Cenci, Ghislaine Marchal, restĂ©e seule, ne touche pas Ă  la porte mĂ©tallique, car elle se sait enfermĂ©e, ce qui atteste qu’elle avait encore toute sa luciditĂ©. Elle allume la lumiĂšre, et se rend devant la porte de la cave Ă  vin oĂč elle Ă©crit, Ă  genoux et le « buste droit »[62], Ă  m de hauteur[63]. « Elle ne prend appui ni sur la porte ni sur le mur » : elle aurait seulement appuyĂ© sa tĂȘte Ă  la porte pour se reposer de ses efforts, donnant lieu Ă  l’unique trace de sang visible sous l’inscription. Elle se relĂšve ensuite « sans prendre appui, que ce soit sur le sol, le mur ou la porte » ce qui confirme qu’elle avait encore des forces[64].

Elle tire ensuite le lit pliant (de 12 kg, muni de roulettes) jusqu’à la porte d’entrĂ©e pour se barricader, afin de se protĂ©ger d’un Ă©ventuel retour de son agresseur, et place la barre mĂ©tallique et le chevron pour parachever le blocage[65].

D’aprĂšs les traces de sang, le capitaine Cenci pense qu’elle Ă©teint alors la lumiĂšre et se traine sur le sol, puis se relĂšve pour parcourir debout la distance qui la sĂ©pare de la porte de la chaufferie, grande ouverte vers la cave. Elle s’allonge alors au sol en s’aidant de la poignĂ©e anti-panique, que l'on retrouvera ensanglantĂ©e, et, Ă  bout de forces, Ă  la seule clartĂ© d’un rai de lumiĂšre provenant de la porte d’entrĂ©e, y trace son deuxiĂšme message[66].

Son corps n’ayant pas Ă©tĂ© retrouvĂ© devant cette inscription, mais de l’autre cĂŽtĂ© de la porte, dans la chaufferie, le capitaine Cenci estime qu’elle a donc encore trouvĂ© la force de ramper dans cette chaufferie, et de se retourner face vers la sortie, aprĂšs un mouvement « de recul et de droite Ă  gauche »[67].

Point de vue de la défense

Omar Raddad
Omar Raddad en 2011.
Biographie
Naissance
Nationalité
Activité

Pour la dĂ©fense, la violence et la multiplicitĂ© des coups montrent « un acharnement quasi passionnel, l’expression d’une haine recuite » qui cadre mal avec la personnalitĂ© d’Omar Raddad et ses bonnes relations avec son employeur (voir infra). Me VergĂšs invoque aussi l’absence de traces ou de griffures sur les mains d’Omar, ou de sang sur ses vĂȘtements. Puisque le capitaine Cenci admet que le crime n’était pas prĂ©mĂ©ditĂ©, Omar n’avait donc ni gants ni vĂȘtements de rechange avec lui. Comment ses vĂȘtements n’auraient-ils pas Ă©tĂ© tachĂ©s de sang (voir infra)[68]?

En outre la gravitĂ© des blessures rend invraisemblable toutes les actions prĂȘtĂ©es Ă  Ghislaine Marchal (inscriptions sans prendre appui et le buste droit, dĂ©placements multiples, blocage de la porte).

Me VergĂšs remarque que le corps de la victime ne se trouvait pas devant la deuxiĂšme inscription. Au procĂšs, Me Leclerc, avocat de la partie civile, dira qu’elle « s’est traĂźnĂ©e pour Ă©crire ces derniers mots d’une main qui meurt ». On se la reprĂ©sente donc comme si elle avait Ă©crit ce message dans un dernier souffle, juste avant de mourir[69]. Or elle se trouve en fait Ă  1,50 m derriĂšre cette porte, et la position Ă©talĂ©e des membres, le peignoir relevĂ© vers le haut du corps rĂ©vĂšlent, pour la dĂ©fense, que cette personne a Ă©tĂ© traĂźnĂ©e par les pieds[70].

Autre dĂ©tail rĂ©vĂ©lateur pour la dĂ©fense : le filet de sang perpendiculaire au sol et Ă  l’axe de la jambe, sur le cĂŽtĂ© interne de la cuisse de la victime, et qui aurait mis sept minutes Ă  se coaguler, Ă©tait parfaitement net. Si la victime s’était relevĂ©e pour faire tout ce qu’on a dit, ce filet de sang aurait coulĂ© dans une autre direction, ou aurait Ă©tĂ© brouillĂ© par le frottement entre les cuisses. La victime n’a donc plus bougĂ© aprĂšs le dĂ©part de son agresseur[71]. Cette blessure, comme un coup de dague, pourrait avoir Ă©tĂ© portĂ©e pour s’assurer que la victime ne rĂ©agissait plus. « Un procĂ©dĂ© que connaissent tous les chasseurs »[72]. En outre le peignoir n’ayant pas Ă©tĂ© transpercĂ© au niveau de ce coup, la blessure a donc Ă©tĂ© infligĂ©e alors que le vĂȘtement Ă©tait dĂ©jĂ  repoussĂ© vers le haut du corps[73].

Enfin la thĂšse du taille-haie ou d’un couteau de cuisine comme arme du crime ne cadre pas avec la description d’une lame effilĂ©e Ă  double tranchant, large de cm[74]. D’ailleurs le jardinier aurait-il Ă©tĂ© assez « stupide » pour ranger la clĂ© de la cave avec les outils de jardinage, comme pour se dĂ©signer lui-mĂȘme[75] ?

Les dĂ©fenseurs d’Omar Raddad ont prĂ©sentĂ© plusieurs scĂ©narios pour ce crime, de profondes divergences s’étant dĂ©clarĂ©es entre eux Ă  ce sujet[76].

  • Dans un premier temps, les avocats de la dĂ©fense, MaĂźtres Girard et Baudoux, ont admis que l’écriture Ă©tait bien celle de Mme Marchal, qui aurait Ă©crit sous la contrainte et mĂȘme sous la torture. C’est le « scĂ©nario diabolique »[76]. Les expertises ont pourtant affirmĂ© que les blessures de la victime ne sont pas dues Ă  des actes de torture et cette thĂšse a Ă©tĂ© rejetĂ©e par toutes les parties[77].
  • Un nouvel avocat de la dĂ©fense, MaĂźtre Guidicelli, ne croit pas au « scĂ©nario diabolique » ; il ne conteste pas le rapport des premiers graphologues, mais pense que Ghislaine Marchal s’est mĂ©prise sur l’identitĂ© de son agresseur[78]. Cette hypothĂšse sera Ă©galement envisagĂ©e par les enquĂȘteurs (voir infra). La « zizanie » entre les avocats de la dĂ©fense amĂšnera Me Guidicelli Ă  se retirer de l’affaire[79]
  • Puis MaĂźtre VergĂšs prend les choses en main. Il conteste formellement les conclusions des graphologues et pense que c’est l’agresseur qui a Ă©crit le message « de sa main gantĂ©e », traĂźnĂ© le corps de sa victime dans la chaufferie, et Ă©crit de mĂȘme le deuxiĂšme message, avec l’intention de faire croire qu'ils auraient Ă©tĂ© Ă©crits par Ghislaine Marchal. C’est la « thĂšse de la mise en scĂšne », qui sera prĂ©sentĂ©e lors du procĂšs[80]. Devant l’impossibilitĂ© de mettre d’accord ses trois avocats, Omar Raddad se sĂ©parera « Ă  contrecƓur » de MaĂźtres Girard et Baudoux 10 jours avant le dĂ©but du procĂšs[81].

Variante de la thĂšse de la mise en scĂšne : le ou les assassins aurai(en)t transportĂ© ou traĂźnĂ© la victime, inconsciente, devant les portes pour lui faire Ă©crire les inscriptions en guidant son doigt trempĂ© dans son propre sang, cependant que sa tĂȘte pendante, appuyĂ©e contre la « premiĂšre porte », y imprimait la tache sanglante figurant sous le message. L’assassin aurait pensĂ© que les enquĂȘteurs identifieraient les empreintes, ce qui n’a pas Ă©tĂ© possible, les tracĂ©s Ă©tant « glissĂ©s ». Dans cette hypothĂšse aussi l’écriture serait celle de l’assassin, car lorsque l'on guide la main de quelqu'un pour lui faire Ă©crire quelque chose, c’est l’écriture de celui qui tient la main qui apparaĂźt[82].

Le dĂ©tective Roger-Marc Moreau et l'experte en Ă©criture DaniĂšle Dumont dĂ©velopperont la thĂ©orie selon laquelle l'inscription incomplĂšte ayant Ă©tĂ© tracĂ©e en premier en tenant la main du cadavre de la victime, cette derniĂšre n'aurait pas Ă©tĂ© suffisamment lisible, d'oĂč l'idĂ©e qu'auraient eue les auteurs du crime d'Ă©crire plus clairement, en lettres gĂ©antes, la seconde inscription accusatrice[30].

Au sujet de l'hypothĂšse d'une mise en scĂšne, l'accusation a soulevĂ© une question : qui pouvait savoir qu'Omar Raddad allait se trouver Ă  proximitĂ© du lieu du crime ce jour-lĂ  ? Le jardinier ne travaillait jamais le dimanche, et en ce jour de fĂȘte religieuse musulmane[83], il aurait dĂ» rester en famille, ce qui rend sa prĂ©sence trĂšs improbable ce dimanche chez Francine P. Le capitaine Cenci estime que les deux seules personnes Ă  le savoir Ă©taient Francine P. et Omar Raddad lui-mĂȘme[84]. À moins que les inscriptions ne dĂ©signent un autre Omar.

Interpellation

Le soir de la dĂ©couverte macabre, Francine Pascal, qui rĂ©side Ă  environ 800 mĂštres de la propriĂ©tĂ© de Ghislaine Marchal, indique aux gendarmes qu’elles ont en commun un jardinier rĂ©pondant au nom d’Omar Raddad et que celui-ci est venu travailler chez elle, le dimanche .

Omar Raddad est arrivĂ© en France en , ne parlant que le berbĂšre[85]. Il a Ă©tĂ© accueilli par son pĂšre, qui travaillait depuis une vingtaine d’annĂ©es comme jardinier chez Francine Pascal, qu’Omar dĂ©crit comme « une charmante vieille dame », et qui va l’embaucher aussi comme jardinier, d’abord Ă  temps partiel. Il se marie avec Latifa Cherachini, de nationalitĂ© française et reste ainsi en France. Francine trouve au jeune couple un studio, et fait Ă  Omar Raddad un contrat Ă  durĂ©e indĂ©terminĂ©e, pour qu’il puisse rĂ©gulariser sa situation[86]. C’est chez elle qu’il rencontrera Ghislaine Marchal, qui l’embauchera Ă  son tour comme jardinier. Par la suite, Ghislaine Marchal a engagĂ© Latifa comme femme de mĂ©nage, et a installĂ© le jeune couple chez elle, dans un petit studio au-dessus du garage. À l’arrivĂ©e de leur premier enfant, le couple dĂ©mĂ©nage, avec l’aide de Francine Pascal cette fois. Omar Raddad raconte dans son livre comment ces deux dames « se relayaient » pour les aider, et la gentillesse de Ghislaine Marchal Ă  leur Ă©gard. « Elle ne perdait jamais l’occasion de nous faire des cadeaux ». Elle a demandĂ© un jour Ă  voir le bĂ©bĂ© : « elle avait prĂ©parĂ© pour nous une jolie table
elle n’aurait pas reçu autrement des membres de sa famille »[87]. Il rĂ©pĂšte souvent que Mme Marchal Ă©tait comme une seconde mĂšre pour lui[88].

Les gendarmes, apprenant qu’il est de nationalitĂ© marocaine et craignant une fuite vers son pays d’origine, le recherchent activement dĂšs le mardi . Mais il n’y a personne Ă  son domicile, qui est perquisitionnĂ©. Omar Raddad avait obtenu de travailler exceptionnellement chez Francine P. le dimanche afin de se libĂ©rer deux jours de suite, les lundi et mardi, pour la cĂ©lĂ©bration de l’AĂŻd al-Adha. Il se trouve en fait chez la mĂšre de son Ă©pouse, Ă  Toulon. Cette derniĂšre est allĂ©e s’y reposer, avec leurs deux enfants, dont un nouveau-nĂ©[89].

Garde Ă  vue

Il est alors interpellĂ© et placĂ© en garde Ă  vue, « comme tĂ©moin important » prĂ©cise le capitaine Cenci, soucieux de montrer que l’enquĂȘte n’avait pas Ă©tĂ© orientĂ©e dĂšs le dĂ©but[90]. AprĂšs avoir longuement interrogĂ© le jardinier, Cenci note qu’il a toujours niĂ© ĂȘtre l’auteur du crime et ne s’est jamais contredit. Il lui est apparu comme un homme « calme, rĂ©flĂ©chi, atypique, dĂ©concertant par son impassibilitĂ©, psychologiquement solide »[91]. Le psychologue l’ayant examinĂ© le dĂ©crit « analphabĂšte tant en arabe qu’en français »[92].

D’aprĂšs Omar Raddad, cette garde Ă  vue a Ă©tĂ© Ă©puisante, physiquement et moralement. Il dit n’avoir pas su qu’il pouvait demander l’assistance d’un avocat et d’un interprĂšte, et qu’il Ă©tait gĂȘnĂ© par son manque de vocabulaire en français, les quelques mots qu’il avait appris dans son travail concernant « essentiellement le jardinage »[93]. Lors de sa garde Ă  vue, il n’a compris le sens du mot « tuĂ© » qu’en voyant les photos qu’on lui montrait. Et en voyant l’inscription sur la porte de la cave, « je n’y ai reconnu qu’un mot, « Omar », parce que c’est le seul que je sache Ă©crire »[94]. Il racontera de mĂȘme que son avocat, Me Girard, et lui-mĂȘme n’arrivaient pas Ă  se comprendre, et qu’ils durent avoir recours Ă  un dĂ©tenu tunisien parlant les deux langues, autorisĂ© Ă  les accompagner au parloir[95]. La question de ses difficultĂ©s en français a Ă©tĂ© frĂ©quemment contestĂ©e par les enquĂȘteurs et les juges, notamment lors de son procĂšs[96].

Lors de la garde Ă  vue, il dit avoir eu le sentiment que les gendarmes « Ă©crivaient Ă  peu prĂšs ce qu’ils voulaient sur les procĂšs-verbaux » : lorsqu’il rĂ©pondait en arabe, le gendarme continuait Ă  taper, alors qu’il ne comprenait pas cette langue. Par extrĂȘme lassitude, et aussi par crainte d’ĂȘtre frappĂ©, il aurait laissĂ© entendre qu’il avait eu recours Ă  des prostituĂ©es, mot qu’il dit ne pas avoir compris Ă  l’époque[97]. Lors de sa deuxiĂšme nuit au poste, il ne tenait plus debout : « les gendarmes me retiraient ma chaise chaque fois que je voulais m’asseoir. C’était un vrai supplice »[98]. Le capitaine Cenci Ă©crira qu’Omar Raddad n’a pas fait Ă©tat de difficultĂ©s en français, et n’a pas demandĂ© d’interprĂšte[99].

AprĂšs la deuxiĂšme nuit de garde Ă  vue, Omar Raddad raconte que les gendarmes l’emmĂšnent chez lui et demandent Ă  voir les vĂȘtements qu’il portait le dimanche, et qui n’ont pas Ă©tĂ© lavĂ©s ; ils ne portent aucune trace de sang. Devant l’insistance des gendarmes, « j’ai fini par leur dire que je ne savais mĂȘme pas faire marcher la machine Ă  laver » Ă©crira-t-il. Il raconte qu’au retour, les gendarmes se sont arrĂȘtĂ©s prĂšs d’une boulangerie. L’un d’eux y entre, mais Omar Raddad affirme n’y « avoir prĂȘtĂ© aucune attention », croyant qu’il allait acheter du pain. Sans faire descendre Omar Raddad de la voiture, les gendarmes le montrent de loin Ă  l’une des vendeuses, qui ne sait pas si elle lui a vendu du pain le . Or, d'aprĂšs lui, la boulangerie dont il Ă©tait client n’était pas celle-lĂ . Il ne se serait aperçu que bien plus tard, en voyant son dossier, que cet arrĂȘt avait pour objet de vĂ©rifier son alibi (voir infra)[100].

Inculpation

À l'issue de sa garde Ă  vue, au soir du , Omar Raddad sera finalement prĂ©sentĂ© Ă  Mme Sylvaine Arfinengo, juge d’instruction, pour l’interrogatoire de premiĂšre comparution, toujours sans avocat, auquel il aurait renoncĂ© « sans bien comprendre »[101], ni interprĂšte. DĂšs le 27, elle lui notifie son inculpation et le fait Ă©crouer.

Sur la crémation de la victime

La juge signe le un permis d'incinĂ©rer, avant d’avoir reçu le rapport des mĂ©decins lĂ©gistes. La crĂ©mation de Ghislaine Marchal, intervenue le , soit 5 jours aprĂšs l'autopsie, est jugĂ©e prĂ©maturĂ©e par la dĂ©fense, privĂ©e de la possibilitĂ© de demander une contre-expertise. On pourra lire dans la presse que la famille aurait voulu faire rapidement incinĂ©rer le corps. Affirmation lamentable, d’aprĂšs le capitaine Cenci, qui affirme que ce dĂ©lai n’a rien d’exceptionnel.

La controverse portera aussi sur les derniĂšres volontĂ©s de Ghislaine Marchal. Elle aurait fait construire un « superbe caveau [
] oĂč elle souhaitait ĂȘtre enterrĂ©e », raconte une de ses amies Ă  Jean-Marie Rouart[102]. Or, selon sa sƓur Claude, Ghislaine Marchal avait exprimĂ© le dĂ©sir d’ĂȘtre incinĂ©rĂ©e[103] - [104] comme le confirme un Ă©crit trouvĂ© par les enquĂȘteurs. La concession en question avait Ă©tĂ© achetĂ©e par son deuxiĂšme mari, dont elle s’était sĂ©parĂ©e[105].

Partie peu aprÚs en congé maternité, Mme Arfinengo sera remplacée par le juge d'instruction Jean-Paul Renard[106].

Sur la date et l'heure du crime

La dĂ©termination de la date et de l’heure du crime a donnĂ© lieu Ă  une controverse d’autant plus vive qu’Omar Raddad travaillait non loin de La Chamade le dimanche 23, mais qu’il n’était pas prĂ©sent Ă  Mougins le lundi 24.

  • Le vendredi , jour de l’autopsie Ă  laquelle il a assistĂ©, le capitaine Cenci rĂ©dige le procĂšs-verbal aux fins d'inhumer, et situe le moment probable de l’assassinat le dimanche 23 vers 12 h, dans les minutes qui ont suivi l'entretien tĂ©lĂ©phonique avec Erika S[107]. Il justifie cette estimation en remarquant : « Elle [la victime] n’est pas habillĂ©e, pas maquillĂ©e » et sort juste de sa douche. Toujours trĂšs ponctuelle, elle Ă©tait ce jour-lĂ  pressĂ©e d’aller dĂ©jeuner chez ses amis K., qu’elle avait mĂȘme appelĂ©s vers 10 h 30 pour prĂ©ciser l’heure du dĂ©jeuner. Elle avait achetĂ© un cadeau pour son hĂŽte, dont c’était l’anniversaire, et vu la faible distance Ă  parcourir en voiture, elle aurait dĂ» quitter La Chamade vers 13 h[108].
  • Mais dans le rapport du [109], les mĂ©decins lĂ©gistes situent le moment du dĂ©cĂšs entre 11 h et 13 h 30 le lundi [110]. Ils Ă©crivent notamment que la rigiditĂ© complĂšte du corps (examinĂ© dans la cave le lundi 24 en fin de journĂ©e) indique que le dĂ©cĂšs remonte Ă  plus de six heures[111]. Les avocats d’Omar Raddad ne dĂ©couvrent qu’à la mi-dĂ©cembre cette datation du crime, qui offre un alibi Ă  leur client, et la signalent aussitĂŽt... Ă  la presse, et au juge. Le Parquet indique alors Ă  la presse qu’il s’agit d’une simple faute de frappe d’une des secrĂ©taires. Il fallait lire le 23. La dĂ©fense fait remarquer que ce serait alors tout le paragraphe qui serait Ă  revoir, et non seulement le chiffre 24[112]. À la suite de cette erreur, et pour lever toute ambiguĂŻtĂ©, le juge demande aux mĂ©decins de prĂ©ciser les Ă©lĂ©ments objectifs leur ayant permis de conclure Ă  la date du .
    • Pour justifier leur rĂ©ponse, les experts prĂ©cisent (rapport du ) que le corps Ă©tait Ă  la tempĂ©rature ambiante (tempĂ©rature qu'ils n'avaient pas relevĂ©e), ce qui se produit au bout de 12 h, que la rigiditĂ© cadavĂ©rique Ă©tait complĂšte, ce qui se produit aprĂšs 13 h, et que les lividitĂ©s cadavĂ©riques avaient un aspect qui ne se voit [qu’] Ă  partir de la 30e heure aprĂšs la mort. Ils ajoutent que leur estimation se fonde aussi sur les constatations de l’enquĂȘte, concernant le laps de temps entre le dernier entretien tĂ©lĂ©phonique de la victime, Ă  11 h 45, et le premier coup de tĂ©lĂ©phone sans rĂ©ponse de sa part, Ă  13 h 30[113].
    • Une contre-expertise, Ă  partir du dossier, sera effectuĂ©e Ă  la demande de la dĂ©fense par le Docteur Le Poivre, qui conclut Ă  un dĂ©cĂšs le 24, les yeux paraissant encore clairs d’aprĂšs les photos alors qu’ils auraient dĂ» ĂȘtre voilĂ©s au bout de 5 ou 6 heures[114]. Il estime en outre que si les lividitĂ©s prouvaient vraiment un dĂ©cĂšs datant de 30 heures, il est inexplicable que les experts n’en aient pas tenu compte dans leur premier rapport[115].
    • Il existe pourtant une explication possible Ă  cette supposĂ©e faute de frappe : les experts ayant indiquĂ© s’ĂȘtre fondĂ©s sur les constatations de l’enquĂȘte, ils auraient peut-ĂȘtre oubliĂ© Ă  quelle date l’enquĂȘte avait situĂ© le crime. Croyant se souvenir que c’était vers midi le jour-mĂȘme oĂč ils avaient examinĂ© le corps, ils auraient rĂ©digĂ© leur rapport, quatre mois plus tard, en ne retenant que les observations confortant cette hypothĂšse.
    • Pour le Major Cenci, il n’y a aucune supercherie dans cette regrettable faute de frappe. La dĂ©fense au contraire, ironise, MaĂźtre VergĂšs parlant de « la mise en harmonie de l’art mĂ©dical avec l’accusation »[116]. Elle va s'appuyer sur cet Ă©lĂ©ment du rapport pour suggĂ©rer une pression du juge qui aurait fait avancer le moment du crime au , puisque le 24, Omar Raddad avait un alibi, ayant pris le train au petit matin pour se rendre Ă  Toulon fĂȘter l’AĂŻd-el-KĂ©bir en famille. Cette « erreur » contribuera Ă  alimenter la thĂšse d'un « complot »[117]. Ce qui n’empĂȘchera pas la dĂ©fense de soutenir qu’Omar Raddad a bien un alibi le dimanche . Cette fois, c’est au tour du capitaine Cenci d’ironiser : « La dĂ©fense est poignante dans sa dĂ©marche [quand elle soutient l’alibi d’Omar Raddad le 23 juin] pour se lancer Ă  corps perdu dans la thĂšse du meurtre du lundi »[118].

Sur l'alibi d'Omar Raddad

Concernant son emploi du temps le dimanche 23, Omar Raddad en donne la description suivante lors de sa garde Ă  vue :

  • Il affirme avoir travaillĂ© toute la matinĂ©e chez Francine P. et s’ĂȘtre absentĂ© de son lieu de travail entre 12 h et 13 h 10 pour aller dĂ©jeuner Ă  son domicile situĂ© au Cannet Ă  5,5 km.
  • Vers 12 h 05, il dit avoir achetĂ© du pain dans une boulangerie du Val de Mougins. Ce point est d’importance, puisque c’est prĂ©cisĂ©ment aux environs de midi, le , que l’enquĂȘte situe le meurtre de Ghislaine Marchal. Le capitaine George Cenci a voulu vĂ©rifier ce qu’il en Ă©tait, juste aprĂšs la garde Ă  vue (voir supra). Il affirme que Raddad lui-mĂȘme lui a dĂ©signĂ© la boulangerie La Huche Ă  pain, celle « oĂč il n’y a pas d’escalier », celle « oĂč il y a un homme qui [le] sert parfois »[119]. VĂ©rification faite, personne ne se souvient de lui Ă  La Huche Ă  pain[120], oĂč il n’y avait aucun boulanger Ă  ce moment de la journĂ©e[121]. L’enquĂȘte en conclut qu’il n’a pas d’alibi aux environs de midi le .

De son cĂŽtĂ©, Omar Raddad affirme n’avoir rĂ©alisĂ© que bien plus tard, quand il eut accĂšs Ă  son dossier, qu’il y avait eu mĂ©prise sur la boulangerie. La sienne Ă©tait « la premiĂšre sur mon chemin – celle qui a des marches » Ă©crira-t-il dans son livre, prĂ©cisant y avoir fait longuement la queue ce jour-lĂ [122]ÂČ.

Il y avait en effet une autre boulangerie non loin de La Huche Ă  Pain. La journaliste d’investigation Ève Livet retrouvera, des annĂ©es plus tard, cet autre boulanger, Marcel M. dĂ©sormais Ă  la retraite. Il lui confirmera qu’Omar Raddad Ă©tait un client habituel, qu’il « venait assez rĂ©guliĂšrement sur le coup de midi, midi et demi », et s’étonnera que la gendarmerie n’ait enquĂȘtĂ© que dans l’autre magasin : « Chez nous jamais personne ne nous a posĂ© de questions »[123]. Lors du procĂšs, le prĂ©sident Djian dĂ©clarera en effet « ne pas avoir connaissance dans le dossier de vĂ©rifications auprĂšs de l’autre boulangerie »[124].

  • En arrivant dans la cour de son immeuble, « vers 12 h 15 ou 12 h 20 », Omar Raddad dit y avoir aperçu le gĂ©rant du Casino, Jean-Pierre G[125]. InterrogĂ© par Alain LĂ©authier, pour LibĂ©ration, en , Jean-Pierre G. confirmera sa prĂ©sence inhabituelle Ă  cette heure-lĂ  dans la cour[126]. Il racontera que vers midi, revenant d’une promenade avec sa femme, son fils et leur chien, ils ont rencontrĂ© un voisin et convenu de monter dĂ©jeuner chez lui. Il prĂ©cisera au journaliste qu’aprĂšs ĂȘtre allĂ© chercher des victuailles dans la rĂ©serve de son magasin « j'ai rejoint tout le monde chez notre ami, il devait ĂȘtre entre 12 h 15 et 12 h 25 ». Il dit n’avoir pas remarquĂ© le jardinier « ce qui ne prouve rien d’ailleurs. Des fois on ne fait pas attention Ă  des visages familiers »[127]. L’accusation signale qu’Omar Raddad n’a pas mentionnĂ© les autres personnes prĂ©sentes, le voisin, l’épouse et le fils du gĂ©rant, qui ne l’ont pas remarquĂ© non plus. Elle en conclut Ă  l’absence d’alibi de l’inculpĂ©[128]. Pour sa dĂ©fense, Omar dira au juge que s’il avait su qu’il serait accusĂ©, il aurait bien notĂ© tous les dĂ©tails utiles pour son alibi[129].
  • Il indique enfin avoir quittĂ© son domicile aux alentours de 12 h 40, et avoir repris le travail aprĂšs 13 h 10 au Mas Saint-BarthĂ©lemy, la villa de Mme Francine P. Selon l'accusation et la partie civile, la fille de celle-ci, Arlette B. se serait Ă©tonnĂ©e de le voir revenir travailler aussi tĂŽt alors que son activitĂ© ne reprenait gĂ©nĂ©ralement qu'Ă  13 h 30 : Omar Raddad lui aurait rĂ©pondu qu'il rattrapait le retard qu'il avait accumulĂ© le matin. Arlette B. a prĂ©cisĂ© qu’« il n’avait aucune attitude particuliĂšre, il Ă©tait souriant, comme d’habitude », et qu’il Ă©tait arrivĂ© « dans la tenue de travail qu’il conserve toute la journĂ©e »[130]. Son Ă©poux lui trouve « les traits tirĂ©s », pense qu’il n’a pas dĂ©jeunĂ© et lui offre un sandwich et une glace[121]. La dĂ©fense fera valoir que s’il avait assassinĂ© Ghislaine Marchal Ă  l’heure du dĂ©jeuner, il aurait eu bien besoin de ces 20 minutes pour effectuer son crime et revenir Ă  son travail sans avoir l’air de rien. En outre, comment ses vĂȘtements n’auraient-ils pas Ă©tĂ© tachĂ©s de sang, puisqu’il ne s’est pas changĂ© ? Me Leclerc voit au contraire dans ce retour prĂ©maturĂ© un indice Ă  charge : il serait revenu « se faire voir » sur son lieu de travail le plus tĂŽt possible, pour avoir un alibi[131]. La question du retard Ă  rattraper donnera lieu Ă  polĂ©mique : il aurait Ă©tĂ© plus tard Ă©tabli qu'il n'aurait eu en rĂ©alitĂ© aucun retard[30].
  • Omar Raddad dit s’ĂȘtre arrĂȘtĂ© en fin d’aprĂšs-midi, aprĂšs son travail, Ă  une cabine tĂ©lĂ©phonique prĂšs de son domicile, pour appeler sa femme Ă  Toulon[132]. Or, vĂ©rification faite, il l’a en fait appelĂ©e Ă  12 h 51 minutes ; il avait donc oubliĂ© ce dĂ©tail, pourtant favorable Ă  l’établissement de son alibi[133]', et fera remarquer qu’il ne pouvait deviner qu’il serait accusĂ© d’un crime, et qu’il aurait Ă  dĂ©crire avec prĂ©cision tous ses faits et gestes du jour[134]. Le capitaine Cenci y voit une contradiction de plus dans ses propos, et s’interroge : « Le mensonge est-il chez Raddad une seconde nature ? »[135]. Les gendarmes vont minuter son trajet en motocyclette[136] et calculer qu’il aurait eu 35 Ă  40 minutes pour « accomplir son forfait »[137]. La justice conclut de toutes ces investigations et tĂ©moignages qu’il n’avait aucun alibi Ă  l’heure du dĂ©jeuner, et qu'il aurait tout Ă  fait eu le temps d'assassiner Mme Marchal entre 12 h et 13 h 10.

Sur le trajet d'Omar Raddad

Plusieurs personnes, dont messieurs Jean-Claude G. et Christian V., se trouvaient sur l'Ă©troit chemin Saint-BarthĂ©lemy Ă  Mougins, Ă  un endroit situĂ© entre la propriĂ©tĂ© de Francine P. (oĂč Omar Raddad travaillait le dimanche ) et la propriĂ©tĂ© de Ghislaine Marchal (oĂč le crime a Ă©tĂ© commis). Pour se rendre Ă  La Chamade, situĂ©e au fond d'une impasse, ou pour en partir, Omar Raddad aurait obligatoirement dĂ» passer devant eux ; or les deux hommes ne l'ont pas vu passer[138]. La fille de la gardienne de Francine P. a affirmĂ© elle aussi qu’Omar n’est pas remontĂ© vers la Chamade le dimanche , car il serait passĂ© le long de leur maison et, faisant aboyer leurs cinq chiens, aurait Ă©tĂ© repĂ©rĂ© immanquablement[139]. Une autre personne, Mme T. qui remontait le mĂȘme chemin en voiture vers 12 h 30, ne l’a pas vu non plus, Ă  l’heure oĂč il aurait dĂ» passer pour aller tĂ©lĂ©phoner Ă  sa femme[140].

Sur les employeurs d'Omar Raddad

Les employeurs d’Omar Raddad, ainsi que la fille et le gendre de Francine Pascal se sont mobilisĂ©s dĂšs son arrestation pour tĂ©moigner qu’ils ne croient pas Ă  la culpabilitĂ© du jardinier et pour lui trouver un avocat. Leur mise sur Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques, ainsi que les Ă©coutes de la famille d’Omar Raddad, permettront aux enquĂȘteurs de constater la multiplicitĂ© des appels de ces personnes entre elles, vers des avocats, ou vers la presse. Elles se rĂ©unissaient aussi pour discuter de l’affaire, et chercher des solutions[141].

Mme Francine Pascal sera mise en garde Ă  vue malgrĂ© son Ăąge, aprĂšs avoir informĂ© les enquĂȘteurs d’un appel tĂ©lĂ©phonique anonyme qu’elle avait reçu le soir du . Une voix d’homme lui avait dit : « Il en a fait de belles, votre jardinier. Elle l’a Ă©crit avec son sang »[142]. Il lui sera reprochĂ© de ne pas en avoir parlĂ© tout de suite aux gendarmes[143], mais seulement six mois plus tard, en dĂ©cembre[144].

Me Girard parlera de « la sympathie gĂ©nĂ©rale qui a Ă©tĂ© constante [
] de la part de grands bourgeois » Ă  l’égard du jeune jardinier marocain[145].

Pour les enquĂȘteurs, « l’étau se referme » sur Omar Raddad[146]. Les inscriptions l’accusent, la victime l’a reconnu et elle est coutumiĂšre de la faute d’orthographe constatĂ©e, la thĂšse de la mise en scĂšne est impossible du fait du blocage de la porte, et il n’a pas d’alibi. En outre, lui seul et Francine savaient qu’il allait travailler ce jour-lĂ  Ă  proximitĂ© de la Chamade[147]. Il reste Ă  dĂ©terminer le mobile du crime : ce sera le besoin d’argent.

Sur le mobile d'Omar Raddad

Pour le capitaine Cenci, Omar Raddad « n’est pas venu pour tuer ni mĂȘme pour voler »[148]. Il est venu rĂ©clamer de l’argent, et comme on l’a vu (supra), aurait Ă©tĂ© pris d’une fureur meurtriĂšre devant les refus de Ghislaine Marchal.

L’enquĂȘte a Ă©tabli qu’il aurait retirĂ© de son compte de grosses sommes en deux ans (80 000 francs). Pour quel usage ? « Parce que les prostituĂ©es et les machines Ă  sous ont un coĂ»t » affirme le capitaine Cenci[149]. Omar Raddad rĂ©pond que ces 80 000 francs appartenaient Ă  son frĂšre, qui n’avait pas de compte bancaire en France. C’est donc Ă  la demande de son frĂšre que, chaque fois qu’il repartait au Maroc, il retirait une somme Ă  rapporter au pays[150].

Il existerait en outre un motif de friction entre le jardinier et ses employeurs liĂ© aux demandes d’avance sur salaire. D’aprĂšs Francine P., Ă  qui le jardinier demandait aussi des avances, Ghislaine Marchal Ă©tait « exaspĂ©rĂ©e » par ces sollicitations, estimant qu’« il ne fallait pas se laisser faire, pour son bien »[151]. Son livre de comptes fait Ă©tat, pour le mois de juin, d’une seule avance sur salaire de 1 000 Francs. La femme de mĂ©nage affirmera avoir Ă©tĂ© tĂ©moin d’une deuxiĂšme avance au jardinier, le , ce qui est formellement contestĂ© par Omar Raddad, et n’a jamais Ă©tĂ© notĂ© par Mme Marchal[152]. Au mois de juin, il avait Ă©galement demandĂ© Ă  Francine P. par deux fois des avances pour payer son loyer ou envoyer de l’argent au Maroc Ă  sa mĂšre. L’enquĂȘte a montrĂ© qu’il n’a fait ni l’un ni l’autre[153].

Mais si le juge parle d’« Ă©normes difficultĂ©s financiĂšres », le rapport de synthĂšse des enquĂȘteurs n’en conclut pas moins : « Hormis les arriĂ©rĂ©s de loyer, l’enquĂȘte ne dĂ©termine pas d’autres dettes ou difficultĂ©s financiĂšres pour le couple Raddad »[154]. L’enquĂȘte rĂ©vĂšle que les comptes du couple sont crĂ©diteurs, en France comme au Maroc. Omar ne rĂ©clame d’ailleurs que ce qui lui est dĂ» et qui correspond au travail effectuĂ©[155].

Pour sa dĂ©fense, Omar Raddad fait valoir que pour avoir de l’argent « On peut voler. Pas besoin de faire quelque chose d’aussi sauvage que ça »[156]. AccusĂ© d’avoir, le jour du meurtre, pris l’argent liquide dans le sac de Ghislaine Marchal, il indique que sa patronne soupçonnait sa femme de mĂ©nage de plusieurs vols chez elle[157]. Et s’il avait agi pour de l’argent, pourquoi n’aurait-il pas pris aussi les bijoux et la montre Cartier de la victime, lui que l’on a soupçonnĂ© d’avoir volĂ© la chaĂźne en or de sa femme (voir infra) ?

Omar Raddad reconnaĂźt toutefois qu’il joue aux machines Ă  sous. Les procĂšs-verbaux d'audition du personnel du casino de la Croisette de Cannes, et de deux autres Ă©tablissements (soit 25 tĂ©moignages d’agents de sĂ©curitĂ©[158]) dĂ©crivent un homme frĂ©quentant les machines Ă  sous Ă  5 francs plusieurs fois par semaine. Omar Raddad affirmera au procĂšs qu’il ne jouait que ce qu’il gagnait, et qu’il avait « parfois perdu ». Les reprĂ©sentants de l'accusation pensent qu'Omar Raddad aurait utilisĂ© les avances sur salaires pour jouer au casino afin de rĂ©cupĂ©rer sa mise, Ă©tant donnĂ© qu'il a cachĂ© sa passion du jeu Ă  son Ă©pouse et aux magistrats[159].

Lors du procĂšs, les enquĂȘteurs Ă©voqueront aussi la frĂ©quentation de prostituĂ©es, mais Omar Raddad niera farouchement cette dĂ©position, faite pendant la garde Ă  vue (voir supra). Le capitaine Cenci explique qu’ils ont « harponnĂ© toute la Croisette pour trouver les prostituĂ©es que frĂ©quentait Omar Raddad ». En cinq nuits de recherches, ils ne trouvent que deux jeunes femmes. N.X se souvient seulement qu’Omar l’avait regardĂ©e. Quant Ă  F.X, elle dit avoir eu Omar Raddad comme client, le dĂ©crit comme « trĂšs pressant et excitĂ© », et rĂ©clamant ensuite d’ĂȘtre remboursĂ©[160]. Cette prostituĂ©e ne viendra pas finalement tĂ©moigner au procĂšs, et niera plus tard avoir tenu de tels propos. Mais en attendant, l’enquĂȘte estime avoir trouvĂ© une raison supplĂ©mentaire aux problĂšmes d’argent de l’inculpĂ©.

À la fin du mois d’aoĂ»t, l’enquĂȘte estime donc avoir un prĂ©sumĂ© coupable, Ă  la personnalitĂ© moins lisse qu’il n’y paraĂźt, affligĂ© de vices coĂ»teux (le jeu et « les prostituĂ©es »), sans alibi, qui ment Ă  sa famille, dĂ©pense pour ses vices l’argent du loyer, a de gros problĂšmes financiers, et devant le refus de sa patronne de lui accorder une avance sur salaire, n’a pas eu d'alternative que de la tuer[161]. En outre, l'absence d'effraction Ă  la Chamade et le supposĂ© simple vol de 5 000 francs (762 euros) dans le sac Ă  main de la victime[24] – alors que les objets de valeur et bijoux sont retrouvĂ©s intacts dans la villa – orientent l'enquĂȘte vers un familier des lieux proche de la victime.

Omar Raddad se plaindra Ă  maintes reprises, et notamment lors du procĂšs (voir infra) d'avoir Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment et injustement « sali » par les enquĂȘteurs, qui cherchaient Ă  donner de lui une image aussi nĂ©gative que possible, faute de la moindre preuve formelle de sa culpabilitĂ©.

Il reste en effet Ă  confirmer l'hypothĂšse de son implication dans le meurtre par des preuves : elles ont Ă©tĂ© recherchĂ©es, dĂšs le dĂ©but de l’enquĂȘte, dans les analyses des prĂ©lĂšvements effectuĂ©s sur la victime, sur les vĂȘtements d’Omar Raddad et dans la cave (murs, sol, chevron, barre de fer etc.).

Recherche de preuves et rÎle des médias

En septembre, la presse mentionne le vol de l’argent liquide de la victime, et le goĂ»t d’Omar Raddad pour le jeu et « les prostituĂ©es » comme indices supposĂ©s des problĂšmes d’argent l’ayant menĂ© au crime. Elle commence rapidement aussi Ă  titrer sur les raisons de douter de sa culpabilitĂ©[162]. Le , Nice Matin avait en effet appris, par une fuite du laboratoire de police scientifique, que les analyses des prĂ©lĂšvements effectuĂ©s dans la cave, sur la victime, et sur le jardinier, n’avaient rien donnĂ©[163].

PremiĂšres analyses

Les premiers rĂ©sultats d’analyses indiquent en effet que l’on n’a trouvĂ© aucune trace du jardinier dans la cave, sur le chevron ou sur la barre de fer qu’il est censĂ© avoir maniĂ©s, ni sur la victime (qui n’a pas Ă©tĂ© agressĂ©e sexuellement) ; le sang retrouvĂ© sur le chevron, le tube galvanisĂ© et sous les ongles de la victime est bien celui de Ghislaine Marchal[164]', mais il n’y a aucune trace provenant du corps de la victime sur les vĂȘtements d’Omar Raddad dont il a Ă©tĂ© confirmĂ© que c’étaient bien ceux qu’il portait le [165]. Aucune empreinte digitale n'a Ă©tĂ© relevĂ©e sur les lieux du crime. Selon les gendarmes, aucune trace exploitable n'aurait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e[166], y compris celles de la victime elle-mĂȘme sur son propre sac Ă  main[167].

Aucune particule du sol de la cave sur ses chaussures, aucune trace de terre ou de brin d’herbe sur le sol de la cave, alors que le jardinier avait passĂ© sa matinĂ©e Ă  tondre l’herbe. Pour le capitaine Cenci, l’absence de trace de terre ou d’herbe sous les semelles s’explique par le fait qu’elles sont « totalement usĂ©es et lisses »[168].

Mais si Omar Raddad n’a pas prĂ©mĂ©ditĂ© son crime, ne portait donc vraisemblablement pas de gants et ne s’est pas changĂ©, comment alors expliquer qu’il n’ait laissĂ© aucune empreinte et que ses vĂȘtements ne soient pas tachĂ©s de sang[169]?

En octobre, le juge demande des prĂ©cisions sur les modes de saignement de la victime : les enquĂȘteurs rĂ©pondent que « les hĂ©morragies ont Ă©tĂ© surtout extĂ©riorisĂ©es [
] sans projection importante ». Le peignoir aurait tout absorbĂ©[170]. Il y avait pourtant des Ă©claboussures de sang sur le mur de la chaufferie[171].

En octobre, l’analyse de la cisaille, arme prĂ©sumĂ©e du crime, Ă©tablit qu’on a trouvĂ© sur l’outil de l’ « ADN animal », « le terme animal Ă©tant pris au sens large d’oĂč le sang humain n’est pas exclu ». Pour le capitaine Cenci, le taille-haie pourrait donc ĂȘtre l’arme du crime[172]. Il est toutefois Ă  noter que les mĂ©decins lĂ©gistes indiqueront lors du procĂšs que « le taille-haie ne peut pas ĂȘtre Ă  l’origine de certaines blessures profondes de la victime. »[173].

DeuxiĂšme et troisiĂšme analyses

Le juge Renard demande par deux fois au laboratoire Serma des expertises des traces de poussiĂšre de la cave sur les vĂȘtements et les chaussures d’Omar Raddad, ainsi que d’éventuelles traces d’ADN[174]. Il apprend que ces analyses n’ont rien donnĂ©, mais que le laboratoire a dĂ©celĂ© la prĂ©sence de « traces de plĂątre ou de fibre de verre sur le pantalon d’Omar »[175].

PremiĂšre grĂšve de la faim

Le , Omar Raddad entame sa premiĂšre grĂšve de la faim. Une nuit, dans son dĂ©sespoir, il met le feu Ă  sa couverture[176]. Le , il est hospitalisĂ© Ă  Fresnes. Il ne consentira Ă  se rĂ©alimenter que 36 jours plus tard, le , sur l’insistance de son pĂšre[177].

DeuxiÚme demande de mise en liberté provisoire

La fin de l’annĂ©e 1991 est une pĂ©riode dĂ©licate pour l’instruction. Le , la deuxiĂšme demande de mise en libertĂ© provisoire a Ă©tĂ© rejetĂ©e, alors que la presse a relevĂ© plusieurs Ă©lĂ©ments qui mettent en difficultĂ© la thĂšse des magistrats : analyses nĂ©gatives, grĂšve de la faim de l’inculpĂ©, affaire de la « faute de frappe » concernant la date prĂ©sumĂ©e du meurtre que les avocats de la dĂ©fense ont aussitĂŽt signalĂ©e Ă  la presse (voir supra)[174]. Me Girard, avocat de la dĂ©fense, fait valoir que son client a Ă©tĂ© accusĂ© Ă  tort dans la presse de vol et de frĂ©quentation des prostituĂ©es Ă  la suite d’informations provenant « nĂ©cessairement de gens proches de l’enquĂȘte ». Dans ces conditions, il lui paraĂźt justifiĂ© de dĂ©fendre son client par le mĂȘme moyen[178].

TroisiÚme demande de mise en liberté

Le , une troisiĂšme demande de mise en libertĂ© provisoire doit ĂȘtre dĂ©fendue par les avocats d’Omar Raddad. Mais quelques jours auparavant, le , avant que les rĂ©sultats dĂ©finitifs de la deuxiĂšme expertise aient Ă©tĂ© transmis Ă  la dĂ©fense, Nice-Matin est informĂ© par « des sources proches de l’enquĂȘte » qu’il a Ă©tĂ© retrouvĂ© « des poussiĂšres accusatrices » sur le pantalon d’Omar. Sous la plume de Paul Fronzes, le journal se demande si la rĂ©vĂ©lation de ces rĂ©sultats, encore officieux, par le parquet, n’aurait pas pour but de « faire contrepoids » Ă  la nouvelle dĂ©marche de la dĂ©fense[175].

Expertise

Or que disaient les expertises en question ? L’expert, M. Grafeille, constatait d’abord que le plĂątre Ă©tant un matĂ©riau trĂšs commun, les traces trouvĂ©es sur le pantalon du jardinier « peuvent aussi provenir d’un autre environnement ». En outre, le matĂ©riau stockĂ© dans la cave est de la laine de roche, et ne correspond donc pas aux microparticules de fibre de verre trouvĂ©es sur le pantalon de l’inculpĂ©[179].

Au sujet des chaussures d’Omar Raddad, la composition chimique des fibres ne correspondait pas non plus avec les particules de la cave, mais l’expert signalait aux magistrats « une corrĂ©lation Ă  l’état de traces » qui signifierait que l’accusĂ© est passĂ© dans cette cave Ă  un moment donnĂ©, plus ou moins Ă©loignĂ©[180].

Pour les enquĂȘteurs, la « corrĂ©lation Ă  l’état de traces » est fondamentale, car elle prouve qu’Omar Raddad a marchĂ© sur le sol de la cave ; or il avait d’abord dĂ©clarĂ© ne pas y ĂȘtre descendu depuis deux mois ; puis, le , il s’est soudain souvenu y ĂȘtre descendu deux jours avant le meurtre pour y entreposer des pots de fleurs. Pour les enquĂȘteurs, il avait donc menti[181]. Mais lui-mĂȘme affirme « Je l’avais oubliĂ© ». Des pots de fleurs ont en effet Ă©tĂ© retrouvĂ©s dans la cave. InterrogĂ© par Ève Livet plusieurs annĂ©es plus tard, le juge Renard indique avoir commencĂ© Ă  douter de l’innocence du jardinier en raison, notamment, « de son changement de comportement concernant sa prĂ©sence dans la cave dans un temps trĂšs proche du crime »[182].

QuatriÚme demande de mise en liberté

Le , Me Girard et Me Baudoux doivent dĂ©fendre en appel une quatriĂšme demande de mise en libertĂ©, qui sera rejetĂ©e comme les prĂ©cĂ©dentes, alors que les rĂ©sultats de la derniĂšre expertise, favorables Ă  l’accusĂ©, ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s le et ne seront notifiĂ©s Ă  l’accusĂ© que le .

C’est en ces circonstances que, le paraĂźt un article du Figaro : « Omar : nouvel accroc dans une image trop lisse ». Le juge « vient de dĂ©livrer une commission rogatoire » aux gendarmes pour Ă©tablir si l’accusĂ© n’aurait pas volĂ© une chaĂźne en or Ă  son Ă©pouse, par besoin d’argent. L’article indique qu’une personne du nom de Raddad a « nĂ©gociĂ© la vente » d’une chaĂźne en or dans une bijouterie en , date Ă  laquelle Omar Raddad affirme qu’il Ă©tait au Maroc. L’article prĂ©cise que l’enquĂȘte ne peut vĂ©rifier ce point, car le passeport d’Omar Raddad a disparu.

Cette commission rogatoire date en fait d’. Entre le et le , les enquĂȘteurs ont contrĂŽlĂ© les livres de police de 70 bijouteries. Ils ont dĂ©couvert effectivement la vente d’une chaĂźne en or dans l’une d’entre elles, en , au nom de Raddad[183], mais c’est en , soit un an plus tard, que Latifa Raddad avait constatĂ© la disparition de sa chaĂźne. Quant au passeport d’Omar Raddad, les enquĂȘteurs l’avaient saisi lors de la perquisition de son appartement, le au matin[184].

Rapport entre Omar Raddad et la presse

Lors d’une rencontre avec le juge Renard, Omar Raddad se plaindra d’avoir Ă©tĂ© « sali dans la presse », accusĂ© de vol et de commerce avec les prostituĂ©es, et ajoutera : « Je voudrais savoir qui a pu fournir ces informations » aux journalistes. Pour Ève Livet, la justice « avait Ă©tĂ© capable de savamment orchestrer fuites et fausses nouvelles pour parvenir Ă  ses fins ». Le juge Renard, de son cĂŽtĂ©, affirme qu’il n’a jamais eu de contact avec les journalistes, et remarque que les enquĂȘteurs s’en mĂ©fiaient aussi « car la presse leur Ă©tait trĂšs critique »[185].

Les médias en accusation

« Le procĂšs de rue a commencĂ© le . Pourquoi ? » se demande en effet le capitaine Cenci. La garde Ă  vue du jardinier n’était pas encore terminĂ©e que des informations paraissaient dĂ©jĂ  dans la presse, alors que le procureur dĂ©cidait d’ouvrir sans plus attendre une information judiciaire[186]. Le capitaine Cenci estime que les fuites provenaient de « personnes ayant Ă  en connaĂźtre »[187]. MĂȘme sĂ©vĂ©ritĂ© de sa part pour des Ă©missions de tĂ©lĂ©vision oĂč « la dĂ©sinformation omniprĂ©sente est toujours Ă  sens unique [
]»[188] Il met en cause Ă©galement les avocats de la dĂ©fense qui « ont facilement gagnĂ© la bataille de l’information, mais sans gloire [
] L’opinion publique toujours prĂȘte Ă  s’émouvoir a pris, sans savoir, fait et cause pour Omar Raddad »[189].

La partie civile se plaint aussi de l’attitude des journaux. Sous la plume de Me Leclerc, elle s’estime « victime d’une effroyable campagne de presse », et dĂ©nonce « les hypothĂšses les plus rocambolesques et les plus douloureuses » qui ont Ă©tĂ© publiĂ©es par les journaux[190].

Le journaliste Roger-Louis Bianchini, de Nice-Matin et France-Soir, estime pour sa part que les journalistes ont simplement fait leur travail « en exposant ce que l’on apprenait du dossier »[187].

Autre piste

L’enquĂȘte avait conclu que Ghislaine Marchal avait bien Ă©crit les messages sur les portes, et que c’était donc son meurtrier qu’elle avait voulu dĂ©signer. Mais Ă©tait-il possible qu’elle se fĂ»t trompĂ©e sur l’identitĂ© de son agresseur ?

Des investigations ont Ă©tĂ© conduites par les enquĂȘteurs sur quatre autres personnes, avec comme idĂ©e directrice : ressemble-t-il Ă  Omar Raddad[191] ?

C’est ainsi qu’ont Ă©tĂ© successivement mis hors de cause le frĂšre d’Omar, dont la victime trouvait qu’il ne lui ressemblait pas du tout[192], un ancien cuisiner de Ghislaine Marchal, parti en mauvais termes avec elle[193], et un Français, M.T., parti en Suisse deux jours avant le meurtre et qui aurait Ă©tĂ© victime d’une dĂ©nonciation calomnieuse d’aprĂšs les enquĂȘteurs ; tous trois « ne peuvent ĂȘtre confondus physiquement avec Omar Raddad » prĂ©cise le Major Cenci[194]. Enfin un homme, Gilbert F., vivant dans une caravane Ă  proximitĂ© de La Chamade, qui disait se trouver au Maroc le jour du crime, et avait prĂ©sentĂ© son billet d’avion et son passeport portant les tampons d’entrĂ©e et de sortie du territoire[195].

DeuxiĂšme grĂšve de la faim

AprĂšs un cinquiĂšme refus de mise en libertĂ© provisoire, Ă  peine remis de sa prĂ©cĂ©dente grĂšve de la faim, Omar Raddad en entame une nouvelle, le [196]. Quelque temps aprĂšs, il dĂ©cide de cesser aussi de boire. Le , le juge vient Ă  l’hĂŽpital lui signifier, Ă  son immense dĂ©ception, un mandat de dĂ©pĂŽt d’un an. Parmi les motifs invoquĂ©s : «  les faits qui lui sont reprochĂ©s ont gravement troublĂ© l’ordre public ».. Me Girard se demande « si ce trouble n’est pas plutĂŽt celui causĂ© par la dĂ©tention d’une personne innocente » et souligne qu’une seule expertise lui a Ă©tĂ© dĂ©favorable jusqu’à prĂ©sent : celle des graphologues. Omar Raddad finira par renoncer Ă  cette grĂšve de la faim, aprĂšs 35 jours de privations[197].

Le , le procureur Farret achĂšve son rĂ©quisitoire. Les Ă©lĂ©ments retenus contre Omar Raddad sont les inscriptions qui l’accusent, son absence d’alibi et les traces de poussiĂšre de la cave sous ses chaussures. Il s’agit probablement de la « corrĂ©lation Ă  l’état de traces », puisque les rĂ©sultats de toutes les autres expertises lui Ă©taient favorables (Voir supra)[198].

Tentative de suicide d'Omar Raddad

Omar Raddad est transfĂ©rĂ© le Ă  la maison d’arrĂȘt de Nice et placĂ© dans une piĂšce « sordide », celle oĂč l’on met les nouveaux arrivants. « Les toilettes Ă©taient bouchĂ©es, les prises de courant cassĂ©es, les murs maculĂ©s de taches » Ă©crira-t-il. Il raconte que dans son dĂ©sespoir et sa rĂ©volte, il a avalĂ© une lame de rasoir aprĂšs l’avoir mise dans de la mie de pain. Il prĂ©vient le gardien qui, d’aprĂšs lui, s’en fiche ouvertement. « Sans doute avait-il souvent eu affaire Ă  des dĂ©tenus qui jouaient la comĂ©die » remarque Omar, qui Ă©crira ne pas lui en avoir voulu. Il se taillade alors les veines et obtient d’ĂȘtre soignĂ©. Le lendemain, il est transfĂ©rĂ© dans une cellule normale oĂč il attendra son jugement pendant dix mois[199].

L'instruction se termine au printemps 1993. Les avocats d'Omar Raddad tentent d'invoquer le non-lieu en se référant à des présumés manquements dans la procédure. Cependant la chambre d'accusation rejette cette demande et renvoie Omar Raddad devant les assises de Nice, le [30].

Omar Raddad se sĂ©pare de ses deux avocats, et s’en remet Ă  Me VergĂšs. Il raconte que c’est son voisin de chambre Ă  l’hĂŽpital de la prison de Nice qui lui a conseillĂ© de prendre un troisiĂšme avocat, Me VergĂšs. Mais devant l’impossibilitĂ© de mettre ses trois avocats d’accord sur la question de l’auteur des messages sanglants, aprĂšs une valse hĂ©sitation rĂ©vĂ©latrice de son dĂ©sarroi, il dut se rĂ©signer Ă  se sĂ©parer de Me Girard et Me Baudoux[200].

Me VergĂšs lui fit aussitĂŽt renoncer au pourvoi en cassation sur la dĂ©cision de la chambre d’accusation, que ses collĂšgues avaient introduit le . Ce faisant, Omar Raddad renonçait Ă  soulever la nullitĂ© des procĂšs-verbaux, en garde Ă  vue et en premiĂšre comparution, au motif qu’il n’avait pas bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un interprĂšte. L’objectif de Me VergĂšs Ă©tait d’éviter de nouveaux dĂ©lais dans la procĂ©dure.

ProcĂšs

Le procĂšs d'Omar Raddad s'ouvre le devant une salle comble, « en majoritĂ© acquise au jardinier et persuadĂ©e qu’il serait acquittĂ© »[201]. Le capitaine Cenci estime que la dĂ©fense a « occupĂ© seule le terrain mĂ©diatique » et « façonnĂ© l’image » d’un innocent injustement accusĂ©[202]. L'accusĂ© est dĂ©fendu par Jacques VergĂšs assistĂ© de Me PĂ©tillault, et s’exprime en arabe, avec l’aide d’un interprĂšte.

De son cĂŽtĂ©, la famille de Ghislaine Marchal sollicite les services de Me Henri Leclerc, vice-prĂ©sident de la Ligue des Droits de l’Homme, collĂšgue et ami du bĂątonnier Bernard du Grandrut, beau-frĂšre de la victime. Me Henri Leclerc avait prĂ©cisĂ©, dans un entretien accordĂ© Ă  Jeune Afrique : « Si la famille m’a choisi, c’est justement parce qu’elle ne voulait pas de dĂ©rive raciste »[203]. Le prĂ©sident de la Cour, Armand Djian, est prĂ©sentĂ© par le capitaine Cenci comme un homme de grande expĂ©rience et rigueur intellectuelle, qui connaĂźt parfaitement ses dossiers « dans le moindre dĂ©tail », et qui est dotĂ© d’une « autoritĂ© naturelle Ă  s’imposer »[204].

Lecture de l’arrĂȘt de renvoi de la chambre d’accusation

Le procĂšs commence, comme c’est l’usage, par la lecture de l’arrĂȘt de renvoi de la Chambre d’accusation[205]. L’inculpation d’Omar Raddad va s'appuyer sur les Ă©lĂ©ments suivants :

  • Les inscriptions en lettres de sang, qui le dĂ©signent explicitement, et le systĂšme de blocage de la porte de la cave de l'intĂ©rieur, qui conforte le juge dans sa conviction que ces messages ont Ă©tĂ© Ă©crits par la victime.
  • Les besoins d’argent de l’inculpĂ©, manifestĂ©s par les demandes d’avance sur salaire Ă  ses employeurs.
  • L'absence d’alibi : les informations donnĂ©es par Omar Raddad sur son emploi du temps, le dimanche 23 juin, entre 12 h et 13 h 10 (heure retenue du crime), n’ont pas Ă©tĂ© confirmĂ©es par les personnes interrogĂ©es.
  • Enfin, l'absence d'effraction Ă  la Chamade et le supposĂ© simple vol de 5 000 francs (762 euros) dans le sac Ă  main de la victime – alors que les objets de valeur et bijoux sont retrouvĂ©s intacts dans la villa – orientent l'enquĂȘte vers un familier des lieux proche de la victime. Or Omar Raddad, comme la femme de mĂ©nage mise en cause par la dĂ©fense, possĂ©daient la clef du portail d'entrĂ©e.

On procĂšde Ă  l'analyse de la personnalitĂ© de l'accusĂ©. Les tĂ©moignages des gendarmes et de l’expert psychiatre lui sont dans l’ensemble favorables. On Ă©voque ses dĂ©penses, ses demandes d’avance sur salaires, sa passion du jeu, la question du bijou disparu[206]. Ses proches lui « dĂ©cerne[nt] des louanges » et sont tour Ă  tour interrogĂ©s par le prĂ©sident sur le niveau de français de l’accusĂ©[207]. Omar Raddad est dĂ©crit par son Ă©pouse Latifa comme un « bon pĂšre de famille » sans histoire.

Le prĂ©sident Armand Djian, qui a vĂ©cu en AlgĂ©rie, oĂč il a commencĂ© sa carriĂšre[205], cite plusieurs fois le Coran pour s’étonner de l’illettrisme de l’accusĂ©, ou qu’on l’ait vu manger un jour de ramadan, ou pour lui reprocher les jeux d’argent auxquels il s’était livrĂ© et son commerce supposĂ© avec des prostituĂ©es, contrairement aux prĂ©ceptes de l’Islam[208]. Un incident de sĂ©ance a lieu pendant le tĂ©moignage de Latifa Raddad qui affirme que « son mari est si gentil qu'il ne pourrait faire de mal Ă  une mouche », ce Ă  quoi le prĂ©sident de la cour d'assises Armand Djian, faisant rĂ©fĂ©rence Ă  la fĂȘte de l'AĂŻd-el-KĂ©bir, lui rĂ©pondra « mais il Ă©gorge le mouton »[209].

Omar Raddad fera remarquer que « le prĂ©sident semblait avoir oubliĂ© qu’il devait juger si j’avais ou non tuĂ© Madame Marchal, et non si j’étais un bon ou un mauvais musulman »[210]. Me VergĂšs n’a pas rĂ©agi Ă  ces propos du prĂ©sident[211], estimant qu’il n’y avait lĂ  rien qu’on pĂ»t lui reprocher d’évident[212]. Mais l’insistance du prĂ©sident Djian Ă  interroger le prĂ©venu sur ses pratiques religieuses en choquera plus d’un : Maurice Peyrot parle de « rĂ©flexions dĂ©sagrĂ©ables », SolĂšne Haddad s’étonne de « ces Ă©lucubrations qui n’ont que peu de rapport avec l’affaire » et s’interroge sur le « caractĂšre potentiellement raciste » de la rĂ©flexion sur l’égorgement du mouton. Le prĂ©sident Djian se dĂ©fendra par la suite, lors d'un entretien avec la journaliste Ève Livet, de toute intention raciste dans ses propos, faisant valoir que la dĂ©fense n’a pas demandĂ© de donner acte[213].

Analyse d'Omar Raddad

Les jours suivants, on examine longuement la frĂ©quentation des machines Ă  sous par Omar. Les procĂšs-verbaux d'audition du personnel du casino de la Croisette de Cannes dĂ©crivent un homme frĂ©quentant l’établissement plusieurs fois par semaine[104]. Suivra une longue Ă©tude de son compte en banque au Maroc, qui suscitera une certaine impatience des jurĂ©s, notĂ©e par le capitaine Cenci[214].

Par ailleurs, le jardinier marocain aurait réguliÚrement demandé des avances sur salaires à ses employeurs afin, leur aurait-il dit, de payer son loyer. Ce motif sera contredit par le témoignage du gérant de son logement, car Omar Raddad lui devait un mois de loyer (mai 1991). Les représentants de l'accusation pensent qu'Omar Raddad aurait utilisé les avances sur salaires pour jouer au casino afin de récupérer sa mise, étant donné qu'il aurait caché sa passion du jeu à son épouse et que, devant les demandes de leur jardinier, ses employeurs seraient convenus de ne plus céder.

Le prĂ©sident revient sur la frĂ©quentation de prostituĂ©es, « Un sujet auquel il tenait dĂ©cidĂ©ment beaucoup » remarque Omar, qui nie farouchement cette dĂ©position, faite sans interprĂšte lors des premiers interrogatoires. « Je voudrais bien qu’elles viennent, dit-il, car je ne les connais pas et elles ont fait des dĂ©clarations dĂ©shonorantes Ă  mon sujet »[215]. La prostituĂ©e interrogĂ©e par les gendarmes lors de l’enquĂȘte ne viendra pas finalement tĂ©moigner au procĂšs. RetrouvĂ©e et entendue par le dĂ©tective Roger-Marc Moreau[216] en 1995, elle dĂ©mentira, affirmant de plus que les militaires de la gendarmerie lui auraient fait signer une audition inexacte sans lui avoir fait relire le texte. Par la suite, elle n'aurait pas reçu de convocation pour tĂ©moigner au procĂšs, alors que, contrairement Ă  ce qui avait Ă©tĂ© prĂ©tendu, elle rĂ©sidait toujours Ă  la mĂȘme adresse Ă  Marseille (13), dans un appartement dont elle Ă©tait la propriĂ©taire.

Une prostituĂ©e occasionnelle, N.X., viendra dire qu’elle a remarquĂ© Omar Raddad sur la Croisette et qu’il l’a fixĂ©e du regard, mais qu’elle ne l’a jamais eu comme client (elle ne se prostituait d’ailleurs pas encore Ă  l’époque[217]).

Francine P. est longuement interrogĂ©e, ainsi que sa fille et son gendre, sur les demandes d’avances sur salaires du jardinier (voir supra) et son attitude le Ă  l’heure du dĂ©jeuner : « si Omar avait eu du sang sur lui, mon chien ne l’aurait pas laissĂ© tranquille », remarque-t-elle[218].

Analyse de Ghislaine Marchal

Au sujet de la personnalitĂ© et de la vie de Ghislaine Marchal, son fils, visiblement bouleversĂ©, tĂ©moigne que plus qu’une mĂšre, elle a Ă©tĂ© pour lui une amie et une confidente. Il dit avoir Ă©tĂ© trĂšs blessĂ© de lire certaines choses sur elle. « Cette affaire a Ă©tĂ© pour nous un drame Ă©pouvantable et le restera[219] ».

Madame Marchal adorait cet unique enfant, nĂ© en 1945 alors qu’elle n’avait que 19 ans[220]. Elle avait Ă©tĂ© trĂšs marquĂ©e par la dĂ©portation de ses deux parents, entrĂ©s dans la RĂ©sistance. Sa mĂšre seule en Ă©tait revenue. Ghislaine Marchal est dĂ©crite comme une femme au caractĂšre affirmĂ©, pouvant ĂȘtre adorable mais qui « pouvait pousser Ă  bout », exigeante mais juste, avec de grandes qualitĂ©s de cƓur, courageuse et intraitable. Elle n’était pas du genre Ă  se laisser faire, et n’aurait jamais Ă©crit, mĂȘme sous la torture, contre sa volontĂ©[221]. On la prĂ©sente comme une personne secrĂšte. Personne ne sait rien de l’éventuelle vie sentimentale de Ghislaine Marchal, et Omar remarque : « Le juge n’a pas insistĂ©. J’ai remarquĂ© qu’il Ă©tait beaucoup plus discret sur sa vie privĂ©e que sur la mienne »[222].

TĂ©moignage de la femme de chambre

La femme de chambre donne une description des demandes d’argent d’Omar Ă  sa patronne qui amĂšneront l’inculpĂ© Ă  protester, et affirmer qu’elle ment (voir supra). Elle dĂ©clare aussi que le samedi , vers 10h, Ghislaine Marchal avait reçu un appel tĂ©lĂ©phonique Ă  la suite duquel elle lui avait donnĂ© son congĂ© jusqu’au mardi matin. Liliane R. aurait pensĂ© que sa patronne Ă©tait invitĂ©e et qu’elle « devait partir loin »[223]. Cette dĂ©claration fait l’effet d’un coup de thĂ©Ăątre aux assises. La femme de mĂ©nage avait pourtant dĂ©jĂ  signalĂ© ce congĂ© du lundi aux enquĂȘteurs, en juillet, mais elle n’avait pas mentionnĂ© alors l’appel tĂ©lĂ©phonique. Ces « additions » Ă  sa prĂ©cĂ©dente dĂ©position seront prises trĂšs au sĂ©rieux par la dĂ©fense lors de la recherche d’élĂ©ments nouveaux (voir infra)[224].

L'alibi

L’examen de l’alibi d’Omar Raddad le donne lieu Ă  l’audition des deux vendeuses de la boulangerie la Huche Ă  pain et du gĂ©rant du magasin Casino (voir supra : Omar Raddad avait-il un alibi ?).

Une habitante de l’immeuble oĂč habitait Omar Raddad, Mme Marie-Maryse B., tĂ©moignera aux enquĂȘteurs qu’elle est restĂ©e sur son balcon de 11 h 30 Ă  12 h 45 pour guetter l’arrivĂ©e de sa fille, mais qu’à aucun moment elle n’a vu arriver Omar Raddad. « Durant ce laps de temps, je n'ai absolument pas vu Omar Raddad arriver sur son cyclomoteur. Son Ă©poux, interrogĂ© par Me VergĂšs, admettra : « On ne l’a pas vu mais il est peut-ĂȘtre venu ». RĂ©entendue en 1995 par le dĂ©tective Roger-Marc Moreau chargĂ© d'une contre-enquĂȘte par Me VergĂšs, elle ne pourra pas expliquer comment elle a fait pour prĂ©parer le repas tout en restant continuellement sur son balcon pendant le laps de temps indiquĂ©. De surcroĂźt, cette personne souffrirait de difficultĂ©s de concentration et prĂ©sentait des troubles des facultĂ©s cognitives Ă  la suite de sĂ©quelles liĂ©es Ă  un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral.

Les scellés

Les scellĂ©s auraient subi diverses pĂ©ripĂ©ties. Des Ă©chantillons de sang auraient Ă©tĂ© confiĂ©s, sans ordonnance du mĂ©decin lĂ©giste, Ă  un pharmacien qui n’était pas Ă©quipĂ© pour ce travail et se plaignait que le sang lui Ă©tait arrivĂ© dĂ©tĂ©riorĂ©. Les experts chargĂ©s de rechercher des empreintes sur le sac de la victime ne l’auraient reçu que cinq mois plus tard, sous scellĂ© ouvert. Le capitaine Cenci rĂ©pond point par point Ă  ces critiques dans son livre. Il explique notamment qu’en ce qui concerne le chevron, l’enquĂȘte a privilĂ©giĂ© la recherche d’ADN Ă  celle d’empreintes, ces Ă©tudes s’excluant mutuellement. Il note que si Me VergĂšs a cherchĂ© Ă  crĂ©er le doute sur ces expertises et « la cĂ©lĂ©ritĂ© de l’enquĂȘte », il ne lui a posĂ© aucune question pendant le procĂšs, Ă  sa grande surprise : « N’ayant pas eu de question, je n’ai pas eu Ă  ouvrir mon porte-documents »[225].

Le cinquiĂšme jour est consacrĂ© entre autres au profil de l’accusĂ©, qui ne sait ni lire ni Ă©crire dans aucune langue, comprend « les termes usuels de la langue française », est « poli et calme ». On examine en dĂ©tail son handicap Ă  la main droite, rĂ©sultant d’un accident survenu en 1988, ce qui ne l’aurait pas empĂȘchĂ© d’assassiner Ghislaine Marchal[226].

AprĂšs un exposĂ© des experts et mĂ©decins sur les blessures de la victime, l’arme supposĂ©e du crime et sa datation, l’assistance Ă©coute, « dans un silence de plomb », le major Cenci donner sa version du scĂ©nario de l’agression (voir supra). Me VergĂšs fait remarquer que l’enquĂȘteur, en tant que tĂ©moin, n’a pas Ă  donner son interprĂ©tation des faits, ni Ă  faire un rĂ©quisitoire contre l’inculpĂ©[227]. Il reproche Ă  l’enquĂȘte d’avoir Ă©tĂ© orientĂ©e dĂšs le dĂ©but, et affirme que d’autres pistes n’ont pas Ă©tĂ© recherchĂ©es.

Me VergĂšs accuse notamment les enquĂȘteurs d’avoir dĂ©truit la pellicule de photos « sans doute intĂ©ressantes » qui a Ă©tĂ© retrouvĂ©e dans l’appareil de Ghislaine Marchal. Le capitaine Cenci s’étonnera de n’avoir pas Ă©tĂ© interrogĂ© alors sur leur contenu : il s’agissait de photos de la propriĂ©tĂ© et de Mesdames Francine P. et Colette K. posant au bord de la piscine ; ces photos ont probablement Ă©tĂ© prises le mercredi , jour oĂč Francine P. confirme qu’elles avaient Ă©tĂ© invitĂ©es Ă  dĂ©jeuner Ă  La Chamade[228].

Me VergĂšs revient sur le voisin, Gilbert F., qui avait affirmĂ© ĂȘtre au Maroc le jour du crime. Il fait remarquer que le billet et les tampons sur son passeport ne prouvent pas que c’est bien lui qui a fait ce voyage et demande pourquoi on n’a pas vĂ©rifiĂ© les affirmations de cet homme, en contradiction avec celles de sa compagne ? Il lui est rĂ©pondu qu’il « ne ressemblait pas Ă  Omar Raddad »[229].

Puis le dĂ©bat porte sur l’incinĂ©ration du corps de la victime, conformĂ©ment Ă  ses derniĂšres volontĂ©s (voir supra). Le capitaine Cenci dit avoir attendu en vain des questions de la dĂ©fense Ă  ce sujet[230].

« Impressionnisme judiciaire »

À propos de ces journĂ©es, le journaliste Maurice Peyrot parle « d’impressionnisme judiciaire » : lorsque le dossier de l’accusation est maigre, la justice « a une mĂ©thode qui consiste Ă  multiplier les doutes sur des aspects mineurs de l’accusation ». Ces multiples petites touches, ces petits Ă©lĂ©ments ne prouvent rien, mais en les accumulant, on finit par « crĂ©er un doute sur l’innocence »[231].

La journaliste Ève Livet dit du prĂ©sident Djian qu’il prenait tout son temps, entrant minutieusement dans tous les dĂ©tails, comme pour « avoir les jurĂ©s Ă  l’épuisement ». Il Ă©tait accusĂ© par les avocats d’avoir « un parti pris certain de dĂ©part »[232].

Démission des jurés

Deux jurĂ©s se retirĂšrent en deux jours, sous divers prĂ©textes[233]. Un autre jurĂ© confiera Ă  VSD, aprĂšs l’audience : « ça m’a fait mal, parce que je suis sĂ»r qu’ils Ă©taient comme moi, bouleversĂ©s, et qu’ils se sont retirĂ©s pour ne pas avoir Ă  prendre parti ». Il parle d’une ambiance « anti-Omar ». Pendant les interruptions de sĂ©ance, il y avait ceux qui « suivaient le prĂ©sident » et qui s’exprimaient le plus. Les autres, comme moi, restaient dans leur coin »[234].

Présentation des inscriptions

En dĂ©but d’aprĂšs-midi, le sixiĂšme jour, le prĂ©sident fit apporter les deux portes avec les inscriptions en lettres de sang. « Les murmures se turent dans la salle et chacun retint son souffle »[235]. Ce fut un intense moment d’émotion. Selon MaĂźtre Henri Leclerc, avocat de la partie civile, « dire qu’elle n’a pas dĂ©livrĂ© ce message, c’est nier l’ultime manifestation de courage infini de cette femme agonisante »[69]. « Il est clair que ces portes ont eu un impact psychologique indĂ©niable, et pour les enquĂȘteurs, et pour la cour d’assises » dira plus tard le juge Renard[236].

Contestations graphologiques

Me VergĂšs conteste que l’écriture des messages soit celle de la victime et met en doute la pertinence des expertises graphologiques : il se lance dans l’évocation des affaires Gregory et Dreyfus, et conclut que les graphologues devraient ĂȘtre « Ă©cartĂ©s des tribunaux »[237]. Il entreprend de dĂ©montrer les dissemblances entre les lettres sur les portes et celles des mots croisĂ©s de Ghislaine Marchal[238], et obtient du graphologue Gilles Giessner qu’il admette « une probabilitĂ© des deux tiers qu’elle ait Ă©crit, et d’un tiers non ». Les mĂ©decins, quant Ă  eux, rĂ©affirment que Ghislaine Marchal Ă©tait restĂ©e lucide et savait ce qu’elle faisait[239].

Quant Ă  la prostituĂ©e qui, lors de l’enquĂȘte, avait reconnu avoir eu Omar Raddad comme client, elle ne viendra pas finalement tĂ©moigner au procĂšs. Elle avait Ă©crit en janvier pour dire qu’elle ne viendrait pas, furieuse que son Ă©tat civil ait Ă©tĂ© donnĂ© Ă  la presse[240]. Le prĂ©sident annonce qu’on ne l’a pas retrouvĂ©e, et lit Ă  l’assistance la dĂ©position de cette personne, la seule qui prĂ©sente Omar sous un jour dĂ©favorable. Me VergĂšs laisse passer[241].

On a vu (voir supra) que le dĂ©tective Roger-Marc Moreau retrouvera cette femme en 1995, et qu'elle dĂ©mentira sa dĂ©position. Ève Livet retrouvera aussi sans difficultĂ© F.X. quelques annĂ©es plus tard et lui fera relire son procĂšs-verbal d’audition. F.X affirmera qu’elle n’a « jamais dit ça », et regrettera son tĂ©moignage. Elle aurait signĂ© sa dĂ©position sans l’avoir lue[242].

Suivront la plaidoirie de Me Leclerc et le rĂ©quisitoire de l’avocat gĂ©nĂ©ral, qui reprennent les conclusions de l’enquĂȘte, puis la plaidoirie de Me PĂ©tillault pour la dĂ©fense, qui soutient la thĂšse de la mise en scĂšne et la datation du crime au [243].

Le défenseur d'Omar Raddad[104], Me VergÚs, met en avant notamment les éléments suivants :

  • Le chef de la gendarmerie a privilĂ©giĂ© une hypothĂšse dĂšs le dĂ©part. L’enquĂȘte a Ă©tĂ© bĂąclĂ©e et menĂ©e exclusivement Ă  charge.
  • La victime a Ă©tĂ© traĂźnĂ©e par son meurtrier et ne s'est jamais relevĂ©e. L’écriture des messages n’est pas celle de Ghislaine Marchal.
  • Les lĂ©gistes ont essayĂ© de « faire coller » leurs constatations aux hypothĂšses des enquĂȘteurs[244].
  • Quoique Omar dise ou fasse, il a toujours tort pour ses accusateurs : il arrive en avance Ă  son travail, c’est qu’il veut « se faire voir », il est calme, c’est le calme d’un assassin, il se trompe sur l’heure de son appel tĂ©lĂ©phonique, c’est qu’il ment[245].
  • Il n’a pas de mobile, et il n’existe aucune trace de lui nulle part, aucun indice.
  • Il n’y a aucune preuve qu’il ait pris l’argent dans le sac Ă  main de la victime : quand il est arrivĂ© Ă  Toulon, il n’avait que trĂšs peu de liquide sur lui.
  • L’hypothĂšse de la prĂ©sence du chevron a Ă©tĂ© rajoutĂ©e aprĂšs coup pour expliquer le blocage de la porte
  • Les enquĂȘteurs n'ont fait aucune investigation dans le milieu proche de la victime (hĂ©ritiers potentiels, famille proche, milieu des affaires).

Condamnation

Le 2 fĂ©vrier au soir, Omar Raddad est condamnĂ© Ă  18 ans de rĂ©clusion criminelle, les jurĂ©s le reconnaissant coupable du crime avec circonstances attĂ©nuantes[246]. Beaucoup de pĂ©nalistes prĂ©sents lors du procĂšs furent unanimes pour constater le peu de combativitĂ© de la dĂ©fense devant les jurĂ©s et selon certains, le manque de connaissance du dossier de Me VergĂšs[104]. Jacques VergĂšs expliquera qu'il avait Ă©tĂ© volontairement sobre car, contrairement Ă  ses autres procĂšs mĂ©diatisĂ©s, il dĂ©fendait un homme dont il Ă©tait convaincu de la rĂ©elle innocence. Il n’aurait pas voulu de stratĂ©gie de rupture, susceptible d’indisposer les jurĂ©s[212].

À propos de l’attitude du prĂ©sident Djian lors du dĂ©libĂ©rĂ©, qui rĂ©unissait autour de lui les 9 jurĂ©s et deux autres magistrats, Me VergĂšs confiera Ă  Ève Livet avoir Ă©tĂ© choquĂ© par « le travail qu’il a fait pendant les six heures et demie dans le dos de la dĂ©fense »[247]. Il pense qu’Omar aurait Ă©tĂ© acquittĂ© sans la pression exercĂ©e par le prĂ©sident pour amener les jurĂ©s Ă  voter la culpabilitĂ©[248]. L’un d’entre eux accepta par la suite de confier au journal VSD ses impressions du dĂ©libĂ©rĂ© : dĂšs qu’une des personnes prĂ©sentes manifestait des doutes sur la culpabilitĂ© d’Omar Raddad, le prĂ©sident reprenait alors toute l’affaire, avec douceur et en dĂ©tail. « C’était trĂšs subtil et trĂšs long [
] et Ă  la fin, on ne savait plus quoi penser ». Il dĂ©crit aussi les idĂ©es reçues de certains jurĂ©s sur « une supposĂ©e mentalitĂ© maghrĂ©bine »[249].

Une information judiciaire fut ouverte aprĂšs cette publication, et les neuf jurĂ©s furent interrogĂ©s, ainsi que le journaliste de VSD, Antoine Casubolo. D’aprĂšs l’arrĂȘt du de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Aix en Provence, ce journaliste a admis n’avoir pu contacter aucun des jurĂ©s. À la suite de quoi fut rendue une ordonnance de non-lieu[250].

AprĂšs la condamnation, sur les marches du palais de justice, Me VergĂšs fera sensation en lançant une phrase qui marquera les esprits : « C'est la cĂ©lĂ©bration de l'anniversaire du centenaire de l'Affaire Dreyfus. Il y a cent ans, on condamnait un officier qui avait le tort d'ĂȘtre juif, aujourd'hui on condamne un jardinier parce qu'il a le tort d'ĂȘtre maghrĂ©bin »[251].

Protestations

Le verdict fut trĂšs critiquĂ©, tant en France qu’au Maroc, oĂč il souleva la colĂšre de la population. En France, il va contribuer Ă  relancer le dĂ©bat sur la rĂ©forme de la cour d’assises, accusĂ©e de prononcer de lourdes condamnations sans preuves et sans possibilitĂ© de faire appel[252].

Sabine Mariette, ancienne prĂ©sidente du Syndicat de la magistrature, estime que cette affaire est « rĂ©vĂ©latrice de tous les dysfonctionnements judiciaires » qui peuvent amener quelqu’un Ă  la cour d’assises « sans que tout ce qui aurait pu ĂȘtre fait pour exploiter justement les Ă©lĂ©ments Ă  dĂ©charge ne l’ait Ă©tĂ© », un systĂšme dans lequel « l’intime conviction » des enquĂȘteurs et magistrats suffit Ă  orienter celle des jurĂ©s[253].

Dix-huit avocats font paraĂźtre une dĂ©claration, dĂšs le , pour dĂ©noncer la condamnation d’Omar Raddad « sans charge suffisante » et rĂ©clamer un nouveau procĂšs. À la suite de quoi l’Union syndicale des magistrats s’indigne de cette dĂ©claration et fustige « une petite minoritĂ© d’avocats politisĂ©s et avides de publicitĂ© » qui dĂ©nigrent la justice[254].

Tentatives de réhabilitation d'Omar Raddad

Rebondissements et pourvoi en cassation

À la suite du procĂšs, deux dĂ©tectives privĂ©s[255], sont mandatĂ©s par la dĂ©fense pour mener une contre-enquĂȘte afin de trouver des Ă©lĂ©ments nouveaux susceptibles d’obtenir la rĂ©vision de la condamnation. MaĂźtre Jacques VergĂšs sollicite les services du dĂ©tective Roger-Marc Moreau, tandis que maĂźtre Georges Girard, l'un des deux premiers avocats d'Omar Raddad, recommandĂ©s par Moulay Hicham ben Abdellah el-Alaoui (neveu d'Hassan II), mandate de son cĂŽtĂ© le dĂ©tective Bernard Naranjo, dont les investigations sont financĂ©es par un proche du roi Hassan II[104] - [256].

Création d'un comité de soutien et publication de deux livres

En , l’acadĂ©micien Jean-Marie Rouart fait paraĂźtre un livre sur l’affaire, au titre Ă©vocateur : « Omar : la construction d’un coupable ». Il indique l’avoir Ă©crit en trois semaines, « dans la hĂąte et dans la passion. L’indignation me brĂ»lait »[257]. Il pense qu'Omar Raddad aurait Ă©tĂ© victime d’un complot, et met en cause la famille de la victime et les juges, sur fond d’éventuels rĂšglements politiques obscurs. Il critique l’enquĂȘte, s’indigne de l’incinĂ©ration rapide du corps et de la destruction des derniĂšres photos prises par la victime, soutient la thĂšse d’un assassinat le , se glisse mĂȘme dans le jardin de La Chamade en franchissant clĂŽtures et haies, afin de prouver que l’assassin aurait pu entrer sans avoir de clĂ©[258]. Il dĂ©taille les activitĂ©s multiples, en Afrique notamment, et les nombreuses relations dans les milieux d’affaires, d’un des beaux-frĂšres de Ghislaine Marchal et s’interroge sur les risques potentiels des contacts qu’il aurait pu avoir[259]. Il s’interroge aussi sur l’influence Ă©ventuelle de l’autre beau-frĂšre de Ghislaine Marchal, le bĂątonnier du Grandrut, et suggĂšre dans un article du Figaro que « la justice a donnĂ© l’impression de s’ĂȘtre laissĂ© dicter ses dĂ©cisions par une camarilla de « chers confrĂšres »[260].

TrĂšs mobilisĂ© sur cette affaire, il rencontre les avocats d’Omar Raddad, se fait inviter Ă  une Ă©mission de Bernard Pivot et organise un comitĂ© de dĂ©fense d’Omar Raddad en faisant signer une pĂ©tition Ă  des personnalitĂ©s, Ă©crivains cĂ©lĂšbres, acadĂ©miciens, avocats[261]. Il fera mĂȘme inviter Omar Raddad Ă  l’AcadĂ©mie française aprĂšs sa libĂ©ration[262].

À la suite d’une plainte en diffamation, examinĂ©e en , il sera condamnĂ© au paiement de dommages et intĂ©rĂȘts Ă  la famille de la victime. Les juges relĂšveront la gravitĂ© de ses propos, l’absence de preuves du prĂ©tendu complot, le manque de prudence dont il a fait preuve, se dispensant par exemple de contacter la famille de Ghislaine Marchal Ă  propos de l’incinĂ©ration ou des photos dĂ©truites. Pour les juges, son hypothĂšse ne repose « que sur des Ă©lĂ©ments Ă©pars, incomplets et dont la recherche est surtout la consĂ©quence d’une conviction et non son prĂ©alable »[263].

C’est Ă©galement en que paraĂźt le livre de Me VergĂšs, Omar m’a tuer : Histoire d’un crime. VergĂšs est Ă  cette Ă©poque poursuivi par le parquet de Nice pour son commentaire sur le supposĂ© racisme du verdict. Il reprend assez succinctement les dĂ©tails de l’affaire, en insistant sur la critique des expertises graphologiques et des graphologues en gĂ©nĂ©ral, et propose une rĂ©forme des assises. Sont visĂ©es la participation des magistrats au dĂ©libĂ©rĂ©, l’absence de motivation des arrĂȘts de la cour et l’impossibilitĂ© de faire appel d’une condamnation aux assises.

Rejet du pourvoi en cassation

Le , le pourvoi en cassation formé par la défense de Raddad est rejeté, la Cour de cassation n'ayant relevé aucune faute de procédure et arguant que l'accusé a eu droit à un procÚs équitable[30].

Piste de la camionnette du peintre

PrÚs de trois mois aprÚs le verdict de la cour d'assises, Jacques VergÚs avait tenu une conférence de presse, le , en compagnie d'une Néo-Zélandaise, Patricia C., résidente épisodique de Mougins. Elle s'était manifestée à la suite de la lecture du livre de Jacques VergÚs, Omar m'a tuer : histoire d'un crime. Le jour du crime, elle aurait remarqué devant son domicile, situé à quelques kilomÚtres de la villa de Ghislaine Marchal, une camionnette apparemment abandonnée avec, à l'intérieur, des traces de sang et des chevrons de bois à l'arriÚre[264]. Le véhicule aurait disparu quelques jours plus tard. AprÚs vérifications, la gendarmerie de Mougins constate qu'un peintre, voisin de Mme Patricia C., possÚde une camionnette correspondant à cette description, et qu'il lui est arrivé effectivement de transporter des planches de bois et un produit rouge pour la moquette, que le témoin a pu confondre avec du sang[265].

Piste du « second Omar »

Fin , le journal LibĂ©ration mentionne la piste d’un « second Omar ». Le dĂ©tective Bernard Naranjo dit avoir appris que Ghislaine Marchal connaissait un jeune homme prĂ©nommĂ© Omar. Elle aurait Ă©tĂ© vue en sa compagnie quelque temps avant le meurtre devant un casino.

La gendarmerie de Mougins interroge cette personne et conclut qu'il s'agit d'une dĂ©nonciation calomnieuse Ă©tant donnĂ© que ce jeune homme, rĂ©sidant Ă  quinze kilomĂštres de Mougins, n'aurait absolument aucun lien avec Ghislaine Marchal. Il n'avait de commun avec l'accusĂ© Omar Raddad que le prĂ©nom[266]. Ève Livet signale que la Chancellerie a demandĂ© au Parquet d'ouvrir une enquĂȘte Ă  ce sujet, mais n'en a trouvĂ© aucune trace dans le dossier. Elle se demande si ce n'est pas lui que les criminels auraient voulu dĂ©signer, pour le faire accuser d'un crime qu'il n'aurait pas commis[267].

Piste du codétenu de Mohamed M.

Le , Mohamed M., ancien dĂ©tenu de la prison de Clairvaux, rĂ©vĂšle, dans le journal quotidien marocain L’Opinion, qu'un de ses anciens codĂ©tenus lui aurait confiĂ© ĂȘtre le vĂ©ritable assassin de Ghislaine Marchal. Il aurait eu comme petite amie une ancienne femme de mĂ©nage de Ghislaine Marchal, renvoyĂ©e Ă  la suite de la disparition d’une somme d’argent. Ayant entrepris de cambrioler la villa, ils auraient Ă©tĂ© surpris par Ghislaine Marchal et l’auraient tuĂ©e. C'est lui qui aurait Ă©crit « OMAR M'A TUER ». Une enquĂȘte prĂ©liminaire est ouverte par le parquet de Grasse afin d'interroger le dĂ©tenu en question, Alain V-B. Celui-ci est rapidement mis hors de cause, car le jour du crime, il Ă©tait hospitalisĂ© Ă  Saint-Roch, Ă  Nice, aprĂšs un accident de moto. Le tĂ©moignage de Mohamed M. apparaĂźt d'ailleurs en contradiction avec les Ă©lĂ©ments relevĂ©s par la gendarmerie de Mougins, qui n'avait constatĂ© aucune effraction ni aucun vol Ă  la Chamade. La piste d’un cambriolage qui aurait mal tournĂ© avait Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e Ă  l'Ă©poque. L'enquĂȘte du dĂ©tective Roger-Marc Moreau permettra d'Ă©tablir qu' Alain V-B, pour se faire mousser et jouer au dur en prison, se serait attribuĂ© des faits dont il aurait eu connaissance par une ancienne petite amie, qui avait frĂ©quentĂ© l'un des fils de la femme de mĂ©nage de Ghislaine Marchal.

Piste de la date du meurtre

À la suite de l’affaire de la « faute de frappe » du rapport d’autopsie, concernant la date du dĂ©cĂšs de la victime, la dĂ©fense va s’attacher Ă  dĂ©montrer que le crime avait eu lieu le lundi dans la matinĂ©e.

  • Plusieurs Ă©lĂ©ments l’orientent dans cette direction :
    • Lors du procĂšs, la femme de mĂ©nage a mentionnĂ© un appel tĂ©lĂ©phonique reçu par Ghislaine Marchal le samedi matin , Ă  la suite duquel sa patronne lui avait donnĂ© son congĂ© jusqu’au mardi. La dĂ©fense s’interroge : pourquoi ce congĂ© donnĂ© le lundi ? Ghislaine Marchal attendait-elle quelqu’un[268] ?
    • Deux maçons, qui travaillaient Ă  proximitĂ© de La Chamade le , furent interrogĂ©s par les gendarmes le . Fabrice A. se souvint de l’arrivĂ©e d’Erika S. en fin de matinĂ©e, tandis que Salem El Aouer[269] affirma se rappeler seulement l’arrivĂ©e d’un homme blond conduisant une Volvo rouge type Land Rover. Il dit avoir entendu une femme crier de l’intĂ©rieur de la maison : « Qui est lĂ  ? » Il se souvint aussi avoir vu deux dames entrer dans la propriĂ©tĂ©[270]. La dĂ©fense se demande qui Ă©taient ces personnes prĂ©sentes le 24 Ă  La Chamade.
    • Une voiture immatriculĂ©e en Suisse a Ă©tĂ© vue devant la Chamade par la gardienne d’une villa voisine, le en fin d’aprĂšs-midi. La dĂ©fense s’interroge sur une Ă©ventuelle « piste suisse » qui aurait Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©e[271].
  • Ces Ă©lĂ©ments ont donnĂ© lieu aux vĂ©rifications suivantes, par les enquĂȘteurs:
    • En ce qui concerne la journĂ©e du lundi, on sait que Ghislaine Marchal avait invitĂ© son amie Erika S. Ă  dĂ©jeuner, lui demandant mĂȘme d’apporter les journaux, puisque la femme de mĂ©nage, qui s’en charge habituellement, ne viendrait pas. ContactĂ©e par Guy Hugnet, Erika S. confirma que les deux amies avaient prĂ©vu de pique-niquer au bord de la piscine le lundi 24, et n’avaient aucun besoin de service Ă  cette occasion[272].
    • Les gendarmes vont dĂ©terminer sans difficultĂ© que la voiture rouge dĂ©crite par l’ouvrier correspond au signalement du 4 x 4 Lada Niva rouge du mĂ©decin de Ghislaine Marchal, venu participer aux recherches dans l’aprĂšs-midi. La voix de femme qui rĂ©pond Ă  son coup de sonnette est celle de Francine P. ou celle de sa gardienne, prĂ©sentes sur les lieux dans l’aprĂšs-midi avec l’employĂ© de la sociĂ©tĂ© de gardiennage, venu aussi en voiture (voir supra)[273].
    • La voiture immatriculĂ©e en Suisse correspond Ă  l’Audi de Colette K., qui avait attendu en vain Ghislaine Marchal pour dĂ©jeuner, et s’était rendue sur place en fin d’aprĂšs-midi le dimanche 23[274].

Piste italienne

Le , le Midi Libre fait état d'une nouvelle piste, levée par Bernard Naranjo : deux Italiens et une femme auraient perpétré le forfait, en raison d'un important litige financier avec la victime. Nouvelle piste passée assez inaperçue dans les médias, car elle coïncidait avec la libération d'Omar Raddad, le [275].

Piste de la BMW

En 2002, Rouart est contactĂ© par un certain Guy M., chauffeur du gourou de la secte de l’Ordre du Temple Solaire, Joseph Di Mambro. Guy M., au volant d’une BMW prune immatriculĂ©e en Suisse, aurait conduit trois personnes Ă  La Chamade le lundi vers 11 h 45, (Ă  l’heure oĂč Erica S. sonne Ă  la porte de son amie), et serait revenu les chercher vers 14 h 15 (Ă  l’heure de l’arrivĂ©e de l’employĂ© de la sociĂ©tĂ© de gardiennage)[276]. Guy M. sera invitĂ© dans l’émission de Thierry Ardisson du ,. Mme Marchal serait devenue membre de cette secte, qui aurait dĂ©cidĂ© de la supprimer Ă  la suite d’un diffĂ©rend financier. Mais il ne fournit aucune preuve de ces affirmations. Il s’avĂšre que ce Guy M. a Ă©tĂ© condamnĂ© pour chantage en Suisse en 1979, puis condamnĂ© pour diverses escroqueries Ă  Lausanne en 1997[277]. SolĂšne Haddad estime que « toutes ces pistes, plus ou moins farfelues, plus ou moins honnĂȘtes dans leur traitement, n’ont peut-ĂȘtre pas agi en faveur de l’accusĂ© »[278].

Interrogations sur Ghislaine Marchal

La dĂ©fense d’Omar Raddad a beaucoup reprochĂ© Ă  l’enquĂȘte de ne pas avoir effectuĂ© d’investigations dans la vie et les relations de la victime, le dossier Ă©tant vide sur ces questions. InterrogĂ© Ă  ce sujet, le juge Renard avait admis : « Elle Ă©tait trĂšs discrĂšte et secrĂšte sur ses amis, on ne lui a connu personne [
] »[279]. Ghislaine Marchal n’aimait pas que l’on se mĂȘle de ses affaires. Ses amis la disaient « secrĂšte ». Il lui arrivait de partir, pour une durĂ©e plus ou moins longue, sans dire oĂč elle allait, indique Colette K. qui dit ignorer si elle avait un amant. Ses amis mentionnent une relation ancienne qu'elle aurait eue avec un Grec, et plus rĂ©cente avec « un Italien qui a un bateau », mais personne n’a l’air de savoir vraiment[280]. Elle Ă©tait active tard dans la nuit, aimait tĂ©lĂ©phoner jusqu’à 2h du matin, et Ă©crire longuement sur « un gros cahier », qui n’a pas Ă©tĂ© retrouvĂ©. Arlette B. se demande si elle n’écrivait pas ses mĂ©moires[281].

Piste du grand banditisme gitan : Martial et Jean-Claude B.

En 2002, une informatrice signale à la Gendarmerie que, selon elle, Martial et Jean-Claude B. (décédé en 2012) sont impliqués dans la mort de Ghislaine Marchal. Ces deux hommes, biens connus de la justice et plusieurs fois condamnés, géraient un restaurant cagnois réguliÚrement fréquenté par Ghislaine Marchal. Le procureur n'a pas donné suite[282] - [283] - [284].

Grùce présidentielle

Le , le président Jacques Chirac accorde une grùce partielle à Omar Raddad, réduisant sa peine de quatre ans et huit mois, notamment sur la demande du roi Hassan II du Maroc, un accord secret prévoyant en échange la libération d'un Franco-Marocain détenu au Maroc[30] - [285] - [286].

Omar Raddad, qui pouvait bĂ©nĂ©ficier d’une libĂ©ration conditionnelle Ă  mi-peine au bout de neuf ans, peut donc espĂ©rer ĂȘtre libĂ©rĂ© au bout de six ans et demi, soit en janvier 1998, Ă  condition de fournir une adresse et un emploi. Si l’adresse de sa famille Ă  Toulon a Ă©tĂ© acceptĂ©e rapidement par la justice, il n’en fut pas de mĂȘme pour son emploi. Les deux premiĂšres propositions d’emploi seront rejetĂ©es par la garde des Sceaux, Élisabeth Guigou. En effet, le premier emploi Ă©tait une place de jardinier chez une riche veuve du Var, situation offrant de fĂącheuses similitudes avec l'emploi qu'occupait Omar Raddad chez Mme Marchal. Le deuxiĂšme Ă©tait l'entretien d'une propriĂ©tĂ© chez un avocat d'Aix-en-Provence. Finalement, le poste de coursier dans une conserverie de viande de Marseille reçoit un avis favorable d’Élisabeth Guigou[287].

À l'issue d'une campagne de presse menĂ©e par l'avocat Jacques VergĂšs, l'Ă©crivain Jean-Marie Rouart et le dĂ©tective Roger-Marc Moreau, Omar Raddad est libĂ©rĂ© le . Il a eu un comportement irrĂ©prochable en dĂ©tention, d'oĂč l’avis favorable Ă©mis en fĂ©vrier de cette annĂ©e-lĂ  par le comitĂ© consultatif de libĂ©ration conditionnelle. Omar Raddad retrouve la libertĂ© dans le cadre d'une mesure de libĂ©ration conditionnelle pour Ă©viter toute rĂ©cidive.

Présence d'ADN masculins différents

Le , six ans exactement aprÚs la condamnation d'Omar Raddad, la Commission de révision des condamnations pénales a ordonné de nouvelles investigations et notamment, une nouvelle expertise d'écriture pour savoir si Mme Marchal est l'auteur des inscriptions « OMAR M'A TUER ». Deux expertes ont été nommées : Anne Bisotti et Françoise Ricci D'Arnoux. De plus, à la demande de la défense, le , la justice a ordonné une nouvelle expertise sur les portes et sur le chevron de bois ayant servi à frapper Ghislaine Marchal. Sur les trois supports ils découvriront des ADN.

Le , aprĂšs vĂ©rification, les experts ont dĂ©clarĂ© que les ADN masculins retrouvĂ©s sur les portes de la chaufferie et sur le chevron n'Ă©taient pas celui d'Omar Raddad, sans toutefois ĂȘtre en mesure de prĂ©ciser Ă  qui appartenaient ces empreintes gĂ©nĂ©tiques, ni leur provenance. En revanche deux ADN masculins ont bien Ă©tĂ© retrouvĂ©s sur les portes et le chevron, mĂȘlĂ©s au sang de la victime (rendant impossible l'hypothĂšse d'ADN d'enquĂȘteurs). Selon l'accusation, la scĂšne de crime aurait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© « polluĂ©e » aprĂšs les premiĂšres constatations des enquĂȘteurs – les gendarmes, pour ĂȘtre prĂ©cis – et les conditions de prĂ©lĂšvement des ADN ne seraient pas documentĂ©es.

Le , la commission de révision des condamnations pénales a décidé de saisir la Cour de révision, car des éléments nouveaux inconnus au moment du procÚs devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes avaient été confortés par les expertises. Le premier est la découverte d'un ADN masculin qui n'est pas celui d'Omar Raddad. Le deuxiÚme est la nouvelle expertise graphologique, établissant que « Madame Marchal n'est pas l'auteur des inscriptions »[288]. Cependant, quelques mois plus tard, le , la Cour de révision va rejeter la demande de révision de la condamnation en affirmant que les éléments nouveaux invoqués ne lui paraissaient pas de nature à faire naßtre un doute sur la culpabilité du condamné.

À la suite de dĂ©marches effectuĂ©es auprĂšs du ministĂšre de la justice par maĂźtre Sylvie Noachovitch, la nouvelle avocate d'Omar Raddad, le , le parquet de Grasse a demandĂ© Ă  un expert d'Ă©tablir un profil gĂ©nĂ©tique Ă  partir des traces d'ADN retrouvĂ©es en 2001[289]. Le , le parquet de Grasse a indiquĂ© qu'il n'Ă©tait pas en mesure d'Ă©tablir un profil gĂ©nĂ©tique Ă  partir des traces d'ADN retrouvĂ©es mĂ©langĂ©es au sang de Ghislaine Marchal en 1991 : « On nous a demandĂ© d'extraire du matĂ©riel gĂ©nĂ©tique pour Ă©tablir un profil gĂ©nĂ©tique. Ce qui n'a pas Ă©tĂ© possible puisque les prĂ©lĂšvements avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© utilisĂ©s dans le cadre de la procĂ©dure », a prĂ©cisĂ© le parquet de Grasse. Cependant ces profils gĂ©nĂ©tiques, provenant trĂšs vraisemblablement de sĂ©crĂ©tions de sueur, ont Ă©tĂ© relevĂ©s sur trois supports distincts, les deux portes de la chaufferie (oĂč figuraient les cĂ©lĂšbres inscriptions accusatrices), ainsi que sur le chevron manipulĂ© par le meurtrier pour frapper Ghislaine Marchal. Il a Ă©tĂ© Ă©tabli qu’aucun des deux ADN n'est celui d'Omar Raddad. Or, le fait que ces traces gĂ©nĂ©tiques se trouvent seulement mĂȘlĂ©es au sang et nulle part ailleurs (comme le dĂ©montreront les tamponnements effectuĂ©s) et, en outre, sur trois supports diffĂ©rents Ă©loignĂ©s les uns des autres, semble bien prouver qu'il ne peut pas s’agir d’ADN de contamination.

Toutefois, selon l'avis d'un expert sollicitĂ© par la chancellerie, il est toujours possible de faire de nouveaux prĂ©lĂšvements sur les traces de sang se trouvant sur les deux portes et sur le chevron et donc de procĂ©der Ă  de nouvelles analyses gĂ©nĂ©tiques surtout Ă  l'aune des importants progrĂšs effectuĂ©s en cette matiĂšre et en particulier des techniques d'amplification de l'ADN. Selon les reprĂ©sentants de la dĂ©fense, cela permettrait d'inscrire lesdits profils ADN dĂ©couverts sur la scĂšne du crime au Fichier national automatisĂ© des empreintes gĂ©nĂ©tiques (FNAEG) et Ă©ventuellement de procĂ©der Ă  des comparaisons avec les profils de personnes faisant l'objet de prĂ©somptions. En septembre 2013, la chancellerie a donnĂ© son accord pour que de nouveaux tests ADN soient effectuĂ©s[290]. Cependant, le procureur ne donne pas suite Ă  la demande de l’avocate d’Omar Raddad, Me Sylvie Noachovitch. En , en vertu de la nouvelle loi sur la rĂ©forme des condamnations pĂ©nales[291], MaĂźtre Noachovitch envoie une nouvelle demande d’expertise ADN sur deux portes et un chevron[292].

En 2016, des analyses ADN indiquent que des traces retrouvĂ©es sur deux portes et un chevron appartiennent Ă  quatre hommes, mais pas Ă  Omar Raddad ou Ă  des suspects dĂ©signĂ©s par les avocats de Raddad[293] - [294]. Le parquet indique qu'« il est possible qu'une empreinte, lors d'une manipulation ultĂ©rieure, ait pu ĂȘtre ajoutĂ©e », notamment de la part de policiers ou journalistes[293] - [295]. Dans l'arrĂȘt de rejet du , les juges soulignaient que « faute de prĂ©cautions suffisantes », il Ă©tait « impossible de dĂ©terminer, Ă  quel moment, antĂ©rieur, concomitant ou postĂ©rieur au meurtre, ces traces ont Ă©tĂ© laissĂ©es »[295].

Selon le journal Le Monde du 21 juin 2021, Sylvie Noachovitch, l'avocate d'Omar Raddad, doit dĂ©poser une nouvelle requĂȘte en rĂ©vision du procĂšs sur la base d'analyses ADN rĂ©alisĂ©es en 2019. Elles identifient la prĂ©sence d'une trentaine de traces d'un mĂȘme ADN masculin (n’appartenant pas Ă  Omar Raddad) localisĂ©es dans les traces de sang, ce qui devrait, selon l'avocate, Ă©carter l'hypothĂšse d'une pollution ultĂ©rieure[296]. Fin 2021, le dossier est effectivement rouvert[297].

Le 13 octobre 2022, la derniĂšre requĂȘte en rĂ©vision est de nouveau rejetĂ©e par la commission d'instruction de la cour de rĂ©vision reprenant l'argumentaire de 2002 : « La dĂ©couverte de nouvelles empreintes ne suffit pas, Ă  elle seule, Ă  Ă©tablir leur rapport avec les faits, ces traces ayant pu ĂȘtre laissĂ©es antĂ©rieurement ou postĂ©rieurement au meurtre. En effet, de nombreuses personnes ont pu approcher les portes avant le meurtre et postĂ©rieurement (
) voire les manipuler sans prĂ©cautions suffisantes ». « Le recours aux techniques tendant Ă  Ă©tablir un portrait-robot gĂ©nĂ©tique ou Ă  rĂ©aliser des recherches en parentĂšle » n'est pas jugĂ© justifiĂ©[298].

Me Sylvie Noachovitch annonce son intention de saisir la Cour européenne des droits de l'homme[298].

Au cinéma

En 2007, Roschdy Zem achÚte les droits d'adaptation du livre Pourquoi moi ? écrit par Omar Raddad et Sylvie Lotiron et sorti en 2002 aux éditions du Seuil[299] et explique son but de reprendre « l'histoire d'un jeune homme qui avait énormément souffert d'avoir été accusé à tort d'un meurtre »[300]. Le film Omar m'a tuer est sorti le en France. Omar Raddad y est interprété par Sami Bouajila, et Jacques VergÚs par Maurice Bénichou.

Déclinaisons autour d'« OMAR M'A TUER »

« L'ALGORITHME M'A TUER », maison des Avocats à Lyon. La faute de grammaire est une référence à l'affaire Omar Raddad.

L'affaire Omar Raddad est devenue cĂ©lĂšbre en partie Ă  cause de la faute d'accord de l'inscription « OMAR M'A TUER » qui aurait dĂ» ici ĂȘtre « Omar m'a tuĂ©e ».

Cette faute d'accord semble assez surprenante de la part d'une veuve prĂ©sentĂ©e comme de bonne famille et cultivĂ©e, mais les gendarmes remarquent des fautes similaires dans les documents saisis de celle-ci. Des bulletins de paie contiennent la mĂȘme faute quand la victime Ă©crit « payer par l’employeur »[301] mais ce point est vivement contestĂ© par la dĂ©fense d'Omar Raddad et par des journalistes s'Ă©tant penchĂ©s sur le dossier[31] - [32] - [33].

« OMAR M'A TUER » est ensuite souvent reprise en clin d'Ɠil Ă  l'affaire, notamment dans des titres de presse ou de livres. Dans certains cas, c'est parce qu'il y a un lien avec l'affaire, par exemple le titre de LibĂ©ration « Chirac m'a gracier »[302]. Dans d'autres cas, le clin d'Ɠil constitue le seul lien avec l'affaire Omar Raddad. C'est le cas par exemple du « Omar m'a Ă©chapper » du Canard enchaĂźnĂ© (il s'agit du Mollah Omar)[303].

Notons enfin le scandale autour des dßners somptueux du ministre de l'écologie d'alors, François de Rugy, à l'été 2018, à propos desquels la presse avait abondamment titré « Homard m'a tuer », en référence à l'affaire Omar Raddad, une information relayée par France Info le 11 juillet 2019.

Plus généralement, « m'a tuer » est la partie de la phrase qui est largement réutilisée puisqu'elle contient la faute de conjugaison[304].

Notes et références

  1. « L’affaire Omar Raddad, une enquĂȘte sans fin qui divise encore », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  2. « Omar Raddad réclame sa réhabilitation », sur nouvelobs,
  3. « Le procĂšs Raddad attend sa rĂ©vision », L'HumanitĂ©,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  4. VergĂšs p. 27, Hugnet p. 13.
  5. Cenci p. 62-63, Foucart p. 15, Livet p. 42-43.
  6. Cenci p. 63 et 195, Foucart p. 16-17, VergĂšs p. 13, Hugnet p. 15.
  7. Foucart p. 17, Hugnet p. 17-18
  8. Cenci p. 26-27, VergĂšs p. 15.
  9. Cenci p. 31-32, Livet p. 160 et 168, VergĂšs p. 56
  10. Cenci p. 75, Livet p. 168
  11. Foucart p. 19, Cenci p. 36, VergĂšs p. 20.
  12. Cenci p. 37 et 56 Ă  58, VergĂšs p. 20
  13. Cenci p. 67
  14. Foucart p. 19
  15. Foucart p. 36, Livet p. 191
  16. VergĂšs p. 20 et 73
  17. Foucart p. 33, Cenci p. 57
  18. Cenci p.59
  19. Cenci p. 58
  20. Entretien avec Ève Livet, Livet p. 184-188
  21. Livet p. 189, Cenci p. 59.
  22. Photo de la porte de la cave Ă  vin
  23. Photo de la porte de la chaufferie
  24. Le Monde, Grandes affaires criminelles, « Omar m'a tuer », , et Rouart p. 94, Cenci p. 39
  25. Cenci p. 41-42.
  26. Cenci p. 357 et 232.
  27. Cenci p. 38.
  28. Raddad p. 117, Livet p. 177
  29. Omar Raddad innocent : c'est du cinéma !, Philippe Bilger, , article publié sur son blog.
  30. Faites entrer l'accusĂ© - Omar Raddad, le coupable dĂ©signĂ©, 2002. Cette version, reprise ultĂ©rieurement dans une Ă©mission jugĂ©e par la dĂ©fense d'Omar Raddad comme Ă©tant particuliĂšrement partiale (la sociĂ©tĂ© de production ayant mĂȘme Ă©tĂ© condamnĂ©e en diffamation Ă  la suite de la diffusion du reportage), est toutefois rĂ©futĂ©e par l'intĂ©ressĂ©e, qui a Ă©tĂ©, avec sa famille, un des principaux soutiens Ă  la thĂšse de l'innocence de leur ancien jardiner.
  31. « “Omar m'a tuer” - L'affaire Omar Raddad », Les Faits Karl ZĂ©ro, 2011.
  32. Jacques VergÚs, « Omar m'a tuer » : histoire d'un crime, Paris, M. Lafon, 1994, 237 p. (ISBN 978-2-84098-032-2)
  33. Christophe Deloire et Roger-Marc Moreau, Omar Raddad : contre-enquĂȘte pour la rĂ©vision d'un procĂšs manipulĂ©, Paris, Raymond Castells, , 216 p. (ISBN 9782912587398)
  34. Cenci p. 270, Livet p. 178
  35. Cité par Cenci p. 352.
  36. Livet p. 240, Rouart p. 94.
  37. Haddad p. 71-73, Foucart p. 80
  38. Livet p. 175
  39. Haddad p. 75 Ă  77
  40. Livet p. 174
  41. Cenci p. 317-319
  42. Cenci p.348-351 et annexe 3-IV, Haddad p.222
  43. Bouzon-Thiam p. 57. On trouvera des reproductions des lettres des mots croisés de Ghislaine Marchal comparées à celles des portes dans les ouvrages suivants : VergÚs p. 45-49, Bouzon-Thiam p. 55-65, Hugnet p. 192-193 (à noter que les lettres figurant en couverture de son livre ne sont pas la reproduction d'un des messages tracés sur les portes).
  44. Cenci p. 32
  45. Livet p. 167
  46. Cenci p. 84.
  47. Cenci p. 83-86
  48. VergĂšs p. 57
  49. VergĂšs p. 58, Livet p. 160
  50. Livet p. 166-168 Croquis en annexe
  51. La démonstration sera filmée et diffusée, à plusieurs reprises, à la télévision (dans Témoin numéro 1, sur TF1, et Sans aucun doute, sur France 2 dans La Marche du siÚcle)
  52. Cenci p. 321
  53. Georges Cenci, « Les deux premiers avocats de Raddad ont avancĂ© la thĂšse d'une mise en scĂšne. Était-elle possible ? », Omar l'a tuĂ©e,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  54. Livet p. 170-171.
  55. Cenci p. 65 et p. 263. Voir aussi le « Rapport de synthĂšse des enquĂȘteurs » in Livet p. 121-122
  56. Cenci p. 66-68.
  57. Cenci p. 121-126.
  58. Cenci p. 48 et 122-124
  59. Cenci p. 70-72, Livet p. 121 et p. 198-199, VergĂšs p. 35-36
  60. Livet p. 236, Cenci p. 282
  61. Livet p. 200
  62. Cenci p. 73
  63. Rouart p. 94
  64. Cenci p. 73-74
  65. Cenci p. 74-75
  66. Cenci p. 76-77
  67. Cenci p. 77, VergĂšs p. 35-40
  68. Rouart p. 71-72, VergĂšs p. 76 et 84
  69. Livet p. 243
  70. VergĂšs p. 52-53 et 77, Rouart p. 164
  71. VergĂšs p. 76-77, Livet p. 192, Raddad p. 117
  72. Rouart p. 88 107 VergĂšs p. 85
  73. Livet p. 190/191
  74. VergĂšs p. 75
  75. Moreau p. 202
  76. Rouart p. 107
  77. Cenci p. 153 et 157
  78. Rouart p. 108.
  79. Rouart p. 120
  80. VergĂšs p. 85, Cenci p. 83
  81. Raddad p. 85
  82. HypothÚse mise en scÚne dans le film Omar m'a tuer, réalisé par Roschdy Zem et sorti le 22 juin 2011
  83. Cenci p. 97-98 et 265
  84. Cenci p. 69
  85. Raddad p. 18
  86. Raddad p. 21-25
  87. Raddad p. 26-28
  88. Raddad p. 9 et 164, Cenci p. 54, Foucart p. 41
  89. Cenci p. 43-45
  90. Cenci p. 335-336
  91. Cenci p. 45
  92. Cenci p. 146
  93. Raddad p. 34. La femme de chambre de Ghislaine Marchal tĂ©moignera qu’Omar ne comprenait pas toujours les instructions de sa patronne : Cenci p. 147
  94. Raddad p. 11
  95. Raddad p. 45
  96. Cenci p. 175. Voir aussi le tĂ©moignage d’un ancien employeur d’Omar Raddad, selon lequel il comprenait mal le français : Cenci p. 226.
  97. Raddad p. 35, Livet p. 108, Cenci p. 111
  98. Raddad p. 37-38
  99. Cenci p. 156
  100. Cenci p. 87, Livet p. 71, Raddad p. 39- 40
  101. Livet p. 36
  102. Rouart p. 17
  103. Cenci p. 247 et 368-370
  104. Guy Hugnet, « L'affaire Omar Raddad », émission L'Heure du crime sur RTL, .
  105. Cenci p. 370, Foucart p. 36, Haddad p. 135-138.
  106. - LE ROMAN DU JUGE RENARD, Le Point, .
  107. « Le procÚs-verbal aux fins d'inhumer », sur omarlatuee.free.fr (consulté le )
  108. Cenci p. 61- 63, Livet p. 42.
  109. Livet p. 52
  110. « Compléments d'expertise sur la datation de la mort », sur omalatuee.free.fr, (consulté le )
  111. Cenci p. 59
  112. Livet p. 55-56
  113. Cenci p. 60, Livet p. 57
  114. Les médecins légistes avaient également indiqué que la victime avait les yeux clairs (ce qui est confirmé par les photographies figurant au dossier). Normalement, ce point est important pour situer l'heure de la mort, en effet, lorsqu'une personne décÚde, ses yeux deviennent opaques au bout de cinq à six heures, huit heures maximum (sauf chez les noyés), il s'agit d'un phénomÚne physique naturel bien connu, affectant la transparence de la cornée et baptisé par les scientifiques : le voile glaireux de Winslow.
  115. Livet p. 58-61 et 234-235.
  116. Livet p. 57
  117. Hugnet p. 138
  118. Cenci p. 159.
  119. Cenci p. 46 Ă  48
  120. Livet p. 71-72
  121. Cenci p. 48
  122. Raddad p. 30 et 40
  123. Livet p. 73
  124. Cenci p. 222
  125. VergĂšs p. 64 citant le rapport des gendarmes Cenci p. 90
  126. Raddad Note 1 p. 30 citant Libération du 5 septembre 1991 VergÚs p. 64-65
  127. Raddad p. 31 note 1 citant Libération du 5 septembre 1991
  128. Cenci p. 46, 48, 90-92 et 224-225, Hugnet p. 101-103 et Raddad Note 1 p. 30 citant LibĂ©ration du 5 septembre 1991 Moreau p. 61. La description de cette scĂšne est confuse : Ă  la lecture de ce qu’en ont rapportĂ© le capitaine Cenci, Guy Hugnet, Omar Raddad dans son livre et Jean-Pierre G. interrogĂ© par LibĂ©ration, on ne comprend pas la configuration des lieux (la disposition de la cour, du hall, de l’interrupteur mentionnĂ©, l’emplacement des mobylettes, de la rĂ©serve), ni Ă  quel moment telle ou telle personne est montĂ©e Ă  l’étage, ni mĂȘme si l’homme aperçu par Omar Raddad entrait ou sortait de l’immeuble (voir Cenci p. 90 et 91). Ces circonstances auraient dĂ» donner lieu Ă  une reconstitution in situ car, Ă  cette tranche horaire, l’alibi Ă©ventuel de l’inculpĂ© en dĂ©pendait largement.
  129. Cenci p. 91
  130. Livet p. 125-126
  131. Cenci p. 48, Livet p. 131
  132. Cenci p. 46
  133. . Un appel confirmé par France Telecom, de la cabine 407 rue Franklin-Roosevelt au Cannet à 12 h 51 min 19 s, d'une durée de 2 min 17 s, cabine située à proximité de son domicile, donc à km environ de La Chamade et Livet p. 131
  134. Raddad p. 32
  135. Cenci p. 95-96 et 210
  136. Voir le dĂ©tail de l’itinĂ©raire chronomĂ©trĂ© dans Livet p. 122-125
  137. Livet p. 76
  138. Livet p. 77
  139. Livet p. 74
  140. Livet p. 75
  141. Hugnet p. 110-111
  142. Cenci p. 210-215
  143. Livet p. 230-231
  144. https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cac94013857/proces-omar
  145. Livet p. 90-92
  146. Cenci p. 97
  147. Cenci p. 69-70
  148. Cenci p. 101
  149. Cenci p. 110-111
  150. Raddad p. 62
  151. Cenci p. 104 et 107
  152. Livet p. 103-106, Raddad p. 91
  153. Cenci p. 106
  154. Livet p. 118
  155. Livet p. 118 et 105
  156. Livet p. 116
  157. Raddad p. 61
  158. Livet p. 114
  159. Raddad p. 97, Cenci p. 119, Livet p. 117-118.
  160. Rouart p. 143, Cenci p. 112, Livet p. 109-110
  161. Livet p. 119, Cenci p. 99
  162. Livet p. 128
  163. Raddad p. 59, Livet p. 136-137, Cenci p. 129.
  164. Cenci p. 232, Hugnet p. 164
  165. Livet p. 127 et 194
  166. Les traces et microtraces dans l'affaire Omar Raddad
  167. Cenci p. 230-233 et 267, Livet p. 194-195
  168. Livet p. 137 et 197, Cenci p. 129
  169. Livet p. 131 et 138
  170. Cenci p. 59 et 120 et 160, Livet p. 131-132
  171. Hugnet p. 179
  172. Cenci p. 126-127, Livet p. 129
  173. « Omar m’a tuer – traces digitales et microtraces », sur police-scientifique.com (consultĂ© le )
  174. Livet p. 129
  175. Livet p. 139-141
  176. Raddad p. 66-67
  177. Raddad p. 66-68
  178. Livet p. 149
  179. Livet p. 142-143
  180. Livet p. 143, Hugnet p. 170-171.
  181. Cenci p. 127-129
  182. Livet p. 205
  183. Note : il s’agit en fait de l’achat de sa chaine en or par Latifa. C’est le magasin qui a « nĂ©gociĂ© la vente » de cette chaĂźne, comme le prĂ©cise le capitaine Cenci p. 177, voir aussi Livet p. 144
  184. Livet p. 144-145
  185. Livet p. 147- 149
  186. Cenci p. 50
  187. Livet p. 147
  188. « Le procĂšs K-Omar Raddad » sur Canal+ et « Secrets d’actualitĂ© » du 20 novembre 2000 sur M6 Cenci p. 330-335
  189. Cenci p. 152
  190. Livet p. 146
  191. Livet p. 201-202, Cenci p. 142-144
  192. Livet p. 202, Cenci p. 142
  193. Livet p. 201, Cenci p. 143
  194. Cenci p. 143
  195. Cenci p. 143, Livet p. 202, VergĂšs p. 83-84
  196. Raddad p. 69, Livet p. 205
  197. Livet p. 206-208, Raddad p. 72-7
  198. Livet p. 209
  199. Raddad p. 88-90
  200. Raddad p. 83-84
  201. Livet p. 218
  202. Cenci p. 171
  203. Livet p. 218-219
  204. Cenci p. 172, Haddad p. 174
  205. Livet p. 221
  206. Cenci p. 177
  207. Cenci p. 179-183
  208. Raddad p. 114
  209. Livet p. 221-223, Raddad p. 97-98
  210. Raddad p. 114 Au sujet de l’orientation de l’enquĂȘte sur les pratiques religieuses d’Omar Raddad, voir aussi Livet p. 223-224.
  211. Livet p. 224
  212. Livet p. 248
  213. Haddad p. 177 et 182, Livet p. 224-225 et 272
  214. Cenci p. 186
  215. Omar p. 99
  216. http://www.contre-enquete-judiciaire.fr/blog/photo-468831-8862993-portrait_du_criminaliste_roger_marc_moreau.html
  217. Rouart p. 143, Cenci p. 209-210
  218. Cenci p. 210-215, Livet p. 230-231, VergĂšs p. 66-67
  219. Cenci p. 188, Livet p. 226, Rouart p. 134
  220. Cenci p. 147-150
  221. Cenci p. 186-187, Livet p. 226
  222. Raddad p. 99
  223. Cenci p. 192
  224. Haddad p. 167-168, Livet p. 227 et 257, Moreau p. 131-133.
  225. Cenci p. 228-231
  226. Cenci p. 236
  227. Haddad p. 199-200, Cenci p. 243
  228. Cenci p. 244-245
  229. Livet p. 236
  230. Cenci p. 247
  231. Livet p. 230. Voir aussi Raddad p. 114-115
  232. Livet p. 220
  233. Cenci p. 249, Livet p. 239-241
  234. Livet p. 241 citant VSD no 858, 10 au 16 février 1994
  235. Livet p. 239
  236. Entretien du juge Renard avec Ève Livet Livet p. 202, Voir aussi Foucart p. 174, Cenci p. 251-258.
  237. Livet p. 244, Cenci p. 288
  238. VergĂšs p. 43-51
  239. Livet p. 240-241, Cenci p. 251-258
  240. Livet p. 112
  241. Livet p. 241-242
  242. Livet p. 112-113
  243. Livet p. 242-243
  244. Haddad p. 208
  245. Haddad p. 209, Livet p. 244 et suivantes
  246. Jean-Marie Rouart, « Un nouveau jugement pour Omar Raddad », sur le Monde,
  247. Livet p. 248 citant son entretien avec Me VergĂšs pour le film Le ProcĂšs K Omar Raddad
  248. Livet p. 247 citant VSD no 858, 10 au 16 février 1994, Raddad p. 111
  249. Livet p. 247 et 241.
  250. Cenci p. 299-300
  251. Dominique Conil, op. cit., p. 257
  252. Haddad p. 213-214, Livet p. 273-274.
  253. Livet p. 211 et 270 Entretien de Sabine Mariette avec Ève Livet pour le film Le procÚs K Omar Raddad, Haddad p. 214.
  254. Haddad p. 214-215, Rouart p. 185-186
  255. Les méthodes de ces détectives ont été mises en cause par plusieurs personnes, dont le journaliste Guy Hugnet dans son livre Omar m'a tuer Affaire Raddad Le vrai coupable (op. cité)
  256. Livet p. 252, Cenci p. 20, 297, 305, Hugnet p. 86
  257. Rouart p. 7
  258. Cenci p. 376
  259. Rouart p. 182 et 19
  260. Le Figaro du 26 juin 2001 cité par Cenci p. 372-373. Voir aussi Livet p. 271, Rouart p. 175.
  261. Rouart p. 24-25, Moreau p. 9-10
  262. Raddad p. 143-144
  263. Cenci p. 377
  264. L'affaire Omar Raddad : fait nouveau, INA.
  265. Cenci p. 301-302, Livet p. 253.
  266. Cenci p. 302-303, Livet p. 253-254
  267. Livet p. 254
  268. Moreau p. 133, Haddad p. 167-168
  269. « Roger-Marc Moreau : les méthodes d'un escroc », sur Omar l'a tuée, Georges Cenci (consulté le ).
  270. Hugnet p. 38-39 et 66, Cenci p. 325
  271. Cenci p. 326
  272. Cenci p.324, Hugnet p.34 et 40
  273. Hugnet p. 67, Cenci p. 325
  274. Livet p. 48-49, Hugnet p. 89, Cenci p. 326
  275. Livet p. 266, Raddad p. 81
  276. Cenci p. 381-382
  277. Hugnet p. 146, voir aussi Cenci p. 382
  278. Haddad p. 221
  279. Livet p. 255
  280. Livet p. 18, VergĂšs p. 27, Hugnet p. 13, Rouart p. 58
  281. Livet p. 18-19
  282. La rĂ©daction, « Affaire Omar Raddad: qui sont Martial et Jean-Claude B, deux frĂšres au passĂ© judiciaire troublant et suspects de la nouvelle enquĂȘte? », sur Nice-Matin, (consultĂ© le )
  283. La rédaction, « Affaire Omar Raddad: on vous explique la piste étouffée qui pourrait innocenter le jardinier », sur Var-Matin, (consulté le )
  284. Pierre Lann, « Si ce n'est pas Omar Raddad, qui a "tuer" Ghislaine Marchal ? », sur Marianne, (consulté le ).
  285. Stephen Smith, « Chirac offre la grĂące partielle d'Omar Raddad Ă  Hassan II », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne).
  286. José Garçon, Echange inégal de bons procédés entre Paris et Rabat, liberation.fr, 18 mai 1996
  287. « Omar Raddad sort de prison demain », La DĂ©pĂȘche, .
  288. Cenci p. 365
  289. Rédaction Europe1.fr avec Agence France-Presse, « Affaire Raddad : exploitation de l'ADN », sur europe1.fr, (consulté le ).
  290. Le Parisien, « Analyses de la derniĂšre chance pour Omar Raddad », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  291. Possibilité pour l'avocat qui envisage de « saisir la cour de révision et de réexamen d'une demande en révision de saisir le procureur de la République d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à tous actes préalables qui leur paraissent nécessaires à la production d'un fait nouveau ou à la révélation d'un élément inconnu au jour du procÚs ». Source : LOI no 2014-640 du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive
  292. Christelle Monteagudo, « Affaire Omar Raddad : l’enquĂȘte relancĂ©e ? », sur Lyon Capitale,
  293. Etienne Jacob, « «Omar m'a tuer»: des analyses gĂ©nĂ©tiques relancent l'affaire Raddad », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  294. Justine Chevalier, « L'affaire Omar Raddad pourrait ĂȘtre bientĂŽt relancĂ©e », sur bfmtv.com, (consultĂ© le ).
  295. Julie Brafman, « Affaire Omar Raddad : l'ADN parle de nouveau, mais ne dit pas tout », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  296. Affaire Omar Raddad : comment une nouvelle expertise ADN pourrait aboutir à un second procÚs en révision du jardinier, France Info
  297. « Condamnation d’Omar Raddad : la justice dĂ©cide de rouvrir le dossier », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  298. Pierre Lann, « Omar Raddad : pourquoi il n'y aura pas de nouveau procÚs », sur Marianne, .
  299. Pascale ÉgrĂ©, « Omar Raddad, graciĂ© mais toujours traumatisĂ© », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  300. « Un film sur l'affaire Omar Raddad en tournage dans la rĂ©gion », Nice Matin,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  301. « Omar m'a tuer - les expertises en écriture », sur Police Scientifique, (consulté le ).
  302. Orthographe et identité
  303. Jacques Bres, Dialogisme et polyphonie : approches linguistiques
  304. François Krug, « « Sarko m'a tuer » : pourquoi le titre de Rue89 vous a choquer », Rue89, nouvelobs.com,‎ (lire en ligne).

Annexes

Bibliographie

  • Jacques VergĂšs, « Omar m'a tuer » : histoire d'un crime, Paris, Michel Lafon, 1994, 237 p. (ISBN 978-2-84098-032-2)
  • Françoise Bouzon-Thiam, Omar n'a pas tuĂ© : l'assassin a signĂ© son crime, Paris, Naturellement, , 337 p. (ISBN 9782911064012)
  • Christophe Deloire et Roger-Marc Moreau, Omar Raddad : contre-enquĂȘte pour la rĂ©vision d'un procĂšs manipulĂ©, Paris, Raymond Castells, , 216 p. (ISBN 9782912587398)
  • François Foucart, L'Affaire Omar Raddad. Le dossier pour servir la vĂ©ritĂ©, Paris, François-Xavier de Guibert, 1998, 214 p. (ISBN 9782868395337)
  • Ève Livet, L'Affaire Omar : mensonges et vĂ©ritĂ©s, Paris, La DĂ©couverte, 1999, 276 p. (EnquĂȘtes). (ISBN 978-2-7071-2928-4)
  • Jean-Paul Gauthier, Expertise en Ă©critures : quel poids dans la balance ? : les affaires, Dreyfus, Villemin, Omar Raddad. Villeurbanne, Éd. Golias, 2000, 141 p. (ISBN 978-2-911453-91-5)
  • Jean-Marie Rouart, Omar : la construction d'un coupable, Paris, de Fallois, 1994, 165 p. (ISBN 978-2-87706-215-2). Nouv. Ă©d. augm, Paris, de Fallois, 2001, 203 p. (ISBN 978-2-87706-215-2)
  • Jean-Marie Rouart, Omar, la fabrication d'une injustice, Bouquins, 2022.
  • Georges Cenci, Omar l'a tuĂ©e : VĂ©ritĂ© et manipulations d'opinion, Paris, L'Harmattan, , 375 p. (ISBN 9782747524773)
  • Omar Raddad, Pourquoi moi ? / avec la collaboration de Sylvie Lotiron. Paris, Ă©d. du Seuil, 2003, 173 p. (ISBN 978-2-02-051689-1)
  • Guy Hugnet, « Omar m'a tuer » : Le vrai coupable, Paris, L'Archipel, coll. « Politique, idĂ©e, sociĂ©tĂ© », , 260 p. (ISBN 9782809805383)
  • SolĂšne Haddad, L'affaire Omar Raddad contre-enquĂȘte, City Editions, , 234 p. (ISBN 9782352885320)
  • Sylvie Noachovitch et Georges Fenech, Omar Raddad : un combat pour la vĂ©ritĂ©, Éditions du Rocher, , 180 p. (ISBN 9782268107813).

Documentaires télévisés

Article connexe

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.