Affaire Omar Raddad
L'affaire Omar Raddad a commencĂ© avec le meurtre de Ghislaine Marchal, tuĂ©e en 1991 dans sa villa La Chamade, sur les hauteurs de Mougins (Alpes-Maritimes). Deux inscriptions en lettres de sang trouvĂ©es sur la scĂšne du crime, indiquant « OMAR M'A TUER » [sic] lâune et « OMAR MâA T » lâautre, ont conduit la justice Ă inculper Omar Raddad, le jardinier de la victime, malgrĂ© ses protestations d'innocence et de nombreux Ă©lĂ©ments semant le doute.
Affaire Omar Raddad | |
Fait reproché | Homicide volontaire |
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Chefs d'accusation | Meurtre |
Pays | France |
Ville | Mougins |
Nature de l'arme | Objet contondant Arme blanche |
Type d'arme | Chevron de bois Arme blanche de type inconnu |
Date | |
Nombre de victimes | 1 : Ghislaine Marchal |
Jugement | |
Statut | Affaire jugée : condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle ; gracié partiellement et libéré le |
Tribunal | Cour d'appel de Nice |
Formation | Cour d'assises des Alpes-Maritimes |
Date du jugement | |
Recours | GrĂące partielle accordĂ©e le RequĂȘte en rĂ©vision transmise Ă la chambre criminelle de la Cour de cassation statuant comme Cour de rĂ©vision le , puis rejetĂ©e le |
Défendu par Me Jacques VergÚs, il a été condamné en 1994 à 18 ans de réclusion criminelle, avant de bénéficier, en 1996, d'une grùce partielle accordée par le président Jacques Chirac. Depuis sa remise en liberté, Omar Raddad continue à se battre pour faire réviser sa condamnation[1].
Cette affaire est restĂ©e cĂ©lĂšbre en raison du mystĂšre entourant le scĂ©nario du crime. Le corps de Ghislaine Marchal avait en effet Ă©tĂ© retrouvĂ© dans la cave de sa villa, dont la porte dâaccĂšs Ă©tait bloquĂ©e de lâintĂ©rieur.
La condamnation de Raddad a soulevĂ© une vive controverse, en France comme au Maroc, son pays dâorigine, la dĂ©fense critiquant la maniĂšre dont lâinstruction a Ă©tĂ© conduite et contestant notamment les conclusions de lâautopsie et des analyses graphologiques. AprĂšs la condamnation, Me VergĂšs a d'ailleurs dĂ©clarĂ© que lâorigine maghrĂ©bine de lâaccusĂ© avait pu jouer contre lui, suscitant lâindignation de lâavocat de la partie civile, Henri Leclerc, par ailleurs vice-prĂ©sident de la Ligue des droits de l'homme.
L'inscription « OMAR M'A TUER » est restée emblématique de cette affaire criminelle, qui compte parmi les plus marquantes des années 1990.
DĂ©roulement de l'affaire
Les faits
NĂ©e Ghislaine de Renty en 1926, Ghislaine Marchal Ă©tait la fille d'un industriel qui s'engagea dans la RĂ©sistance au cours de la Seconde Guerre mondiale et mourut en dĂ©portation. DivorcĂ©e de son premier Ă©poux, dont elle avait eu un fils, elle Ă©tait, en 1991, la veuve fortunĂ©e de Jean-Pierre Marchal, propriĂ©taire d'une cĂ©lĂšbre entreprise d'Ă©quipements automobiles[2], la sĆur de la magistrate Claude du Granrut et donc la belle-sĆur du bĂątonnier Bernard du Granrut[3]. Elle partageait son temps entre sa rĂ©sidence principale, en Suisse, et sa villa La Chamade, qu'elle avait fait construire sur les hauteurs de Mougins[4].
Disparition de Ghislaine Marchal
Le dimanche vers 11 h 48, Ghislaine Marchal, sortant juste de la douche, est au tĂ©lĂ©phone avec son amie Erika S. Il est convenu que son amie viendra dĂ©jeuner Ă La Chamade le lendemain lundi. Ghislaine Marchal se dit pressĂ©e car elle doit se prĂ©parer pour aller dĂ©jeuner chez ses amis, M et Mme K. Ă 13 h. Toutes deux raccrochent vers 11 h 50. Câest la derniĂšre fois que lâun de ses proches entendra sa voix[5].
TrĂšs Ă©tonnĂ©s de ne pas la voir arriver, ses amis lâappellent en vain plusieurs fois Ă partir de 13 h 30. Vers 18 h, Colette K. se rend en voiture Ă La Chamade. Personne ne rĂ©pond Ă ses coups de sonnette, ni Ă un nouvel appel tĂ©lĂ©phonique le soir[6].
Le lundi , Erika S. arrive vers 11 h 30 comme convenu. Elle sonne, insiste, appelle, en vain. AlertĂ©e par Mmes Erika S. et Colette K., une troisiĂšme amie, Francine P., fait dĂ©pĂȘcher sur place un employĂ© de la compagnie de gardiennage en dĂ©but dâaprĂšs-midi. La maison, sombre et silencieuse, ne porte aucune trace dâeffraction ; les persiennes nâont Ă©tĂ© relevĂ©es que dans la chambre Ă coucher ; sur le lit qui nâa pas Ă©tĂ© fait, des lunettes, un journal ; le plateau du petit dĂ©jeuner est posĂ© dans la cuisine. Les clĂ©s sont sur la porte, qui nâest pas verrouillĂ©e, lâalarme nâest pas enclenchĂ©e. On dirait que Ghislaine Marchal vient de se lever, mais elle nâest pas lĂ [7]. Au cours de lâaprĂšs-midi, les recherches reprennent ; lâemployĂ© de la compagnie de gardiennage revient avec Francine P. et sa gardienne. Ils sont bientĂŽt rejoints par le mĂ©decin de Ghislaine Marchal. On retrouve des bijoux, un sac Ă main ouvert, qui ne contient pas de numĂ©raire, mais nulle trace de la propriĂ©taire[8].
Arrivée des gendarmes
Finalement, le au soir, les gendarmes sont alertĂ©s et se rendent sur place. AprĂšs avoir fouillĂ© la maison, ils s'intĂ©ressent Ă une annexe accolĂ©e Ă l'habitation principale. Un escalier descend Ă la cave, qui n'a pas encore Ă©tĂ© visitĂ©e, et dont la porte mĂ©tallique est verrouillĂ©e. AprĂšs son dĂ©verrouillage, la porte refuse de sâouvrir de plus de 2 cm. Pendant quâun gendarme pousse de toutes ses forces, au point de gauchir la porte, son collĂšgue passe un bras et repĂšre un lit pliant placĂ© contre elle Ă l'intĂ©rieur. Il le rejette violemment en arriĂšre : la porte sâouvre un peu plus, mais un tuyau mĂ©tallique, placĂ© au sol perpendiculairement Ă la porte, la bloque solidement Ă sa base. La porte Ă©tant tordue par une forte poussĂ©e de son collĂšgue, il parvient Ă passer une jambe et raconte avoir donnĂ© « plusieurs coups de pied dans ce tube », qui est placĂ© « au tiers de la porte vers la charniĂšre [...] Lâultime coup de pied dĂ©gage le tube », ce qui permet dâouvrir la porte[9]. En , les enquĂȘteurs constateront que « la pression exercĂ©e sur la porte a fait riper le tuyau, qui a laissĂ© une empreinte en arc de cercle sur le sol bĂ©tonnĂ© »[10]
DĂ©couverte du corps
Dans la chaufferie, au fond de la cave, Ghislaine Marchal est allongĂ©e de tout son long, face contre terre, les jambes dirigĂ©es vers le mur du fond, les bras sur le sol en avant du corps, vĂȘtue de son seul peignoir de bain ensanglantĂ© retroussĂ© vers le haut du corps, au-dessus de la taille[11].
Les premiĂšres constatations du mĂ©decin faites sur place le 24 au soir, et lâautopsie du [12] rĂ©vĂšleront des blessures gravissimes : cinq coups violents Ă la tĂȘte, portĂ©s avec un chevron, « assĂ©nĂ©s pour tuer et non pour assommer »[13], qui ont provoquĂ© des plaies bĂ©antes au cuir chevelu et un ĆdĂšme cĂ©rĂ©bral ; une plaie en V Ă la gorge nâayant pas atteint les gros vaisseaux du cou ou la trachĂ©e ; dix plaies au thorax et Ă lâabdomen provoquĂ©es par « une lame effilĂ©e et Ă double tranchant » mesurant de 15 Ă 20 cm de long et large de 2 cm au maximum, dont une a provoquĂ© une Ă©ventration et trois ont transpercĂ© le foie de part en part (plaies transfixiantes), les trajets de ces coups Ă©tant « lĂ©gĂšrement ascendants » ; deux plaies derriĂšre la cuisse gauche[14] dont lâune, du cĂŽtĂ© interne, a produit un filet de sang perpendiculaire Ă lâaxe de la jambe ; la victime est donc restĂ©e allongĂ©e sur le sol sans bouger, aprĂšs avoir reçu cette blessure, au moins le temps que le sang se coagule[15], soit sept minutes dâaprĂšs les lĂ©gistes[16]. Des blessures et fractures aux mains, avec une phalange presque arrachĂ©e, suggĂ©rant qu'elle a cherchĂ© Ă se protĂ©ger en portant ses mains au visage, de nombreuses Ă©raflures et ecchymoses sur les bras et les jambes, notamment le dos des pieds et les genoux, des traces de poussiĂšres et de ciment sur le peignoir et sur les anses intestinales, la victime sâĂ©tant, ou ayant Ă©tĂ©, apparemment traĂźnĂ©e sur le sol[17].
DâaprĂšs les experts lĂ©gistes, il nâa pas Ă©tĂ© possible de dĂ©terminer lâordre dans lequel les coups ont Ă©tĂ© portĂ©s. Aucun dâentre eux nâĂ©tait immĂ©diatement mortel, mais leur somme lâĂ©tait incontestablement, aprĂšs une agonie certaine, dont ils estiment la durĂ©e entre quinze et trente minutes[18]. Le capitaine Georges Cenci remarque que lâassassin semblait « dĂ©terminĂ©, mais aussi maladroit ou malaisĂ© dans ses mouvements »[19].
Jean Pagliuzza, mĂ©decin lĂ©giste consultĂ© par les avocats de la dĂ©fense lors de lâinstruction, a acceptĂ© de donner son avis Ă la journaliste Ăve Livet aprĂšs la condamnation du jardinier. Il pense que le meurtre a pu se passer en une seule sĂ©quence rapide de trois ou quatre minutes. Dans ce genre dâagression, les premiers coups sont donnĂ©s pour neutraliser la victime en lâassommant. Puis les coups portĂ©s avec une arme blanche se succĂšdent, trĂšs rapidement. « Compte tenu de la force des coups, son agresseur Ă©tait un homme. [âŠ] Il Ă©tait gaucher ». Il indique que la blessure la plus basse a Ă©tĂ© faite en premier. « La lame frappait plus haut au fur et Ă mesure que [la victime] sâaffaissait ». La blessure en V au cou « se retrouve frĂ©quemment dans ce genre de meurtre » du fait du dĂ©placement latĂ©ral de la tĂȘte, cherchant Ă Ă©chapper aux coups. Lâexpert prĂ©cise que lâagresseur avait forcĂ©ment reçu du sang sur lui[20]. Ătant donnĂ© la maniĂšre dont le sang a ensuite coulĂ©, il estime que la victime ne sâest jamais relevĂ©e ; elle serait morte « rapidement par hĂ©morragie ». Si elle sâĂ©tait relevĂ©e, lâhĂ©morragie du foie aurait rempli la cavitĂ© abdominale, ce qui nâa pas Ă©tĂ© vu par les lĂ©gistes[21].
Découverte des inscriptions « OMAR M'A TUER »
La porte mĂ©tallique d'accĂšs Ă la cave donne perpendiculairement dans un couloir partant vers la gauche. Sur le cĂŽtĂ© gauche du couloir, « OMAR M'A TUER » est inscrit en lettres de sang bien formĂ©es, Ă 1 m du sol, sur une porte[22] blanche fermĂ©e Ă clĂ© menant Ă une cave Ă vin. Une trace sanglante est visible sous l'inscription. En face de la porte mĂ©tallique d'accĂšs, si on ne tourne pas vers la gauche, on avance tout droit vers la piĂšce principale, au fond de laquelle la phrase est inscrite de nouveau partiellement sur la porte[23] d'une chaufferie : « OMAR M'A T » [sic][24] - . Cette « deuxiĂšme inscription », comme la nommeront les enquĂȘteurs, plus basse que la premiĂšre, est Ă peine lisible. Elle est situĂ©e sur la face cĂŽtĂ© chaufferie de la porte, mais celle-ci Ă©tant bloquĂ©e en position ouverte, elle se retrouve orientĂ©e non vers la chaufferie, oĂč se trouve le corps, mais vers l'entrĂ©e de la piĂšce. L'Ă©criture Ă©tant glissĂ©e, il n'a Ă©tĂ© possible d'y relever aucune empreinte[25]. Les analyses gĂ©nĂ©tiques attesteront que les inscriptions ont bien Ă©tĂ© Ă©crites avec le sang de la victime[26].
La porte d'entrée métallique ne porte aucune empreinte sur le panneau intérieur. Quant au palier, de part et d'autre de cette porte, il présente un contraste frappant : ensanglanté à l'intérieur, dans le couloir, il ne présente aucune trace à l'extérieur et dans l'escalier[27].
Qui est l'auteur des inscriptions ?
Si Mme Marchal en est l'autrice, elle a donc indiquĂ© le prĂ©nom de son agresseur, ce qui amĂšnera les enquĂȘteurs Ă soupçonner son jardinier, Omar Raddad, alors ĂągĂ© de 29 ans. Ă l'inverse, si le message est d'origine criminelle, il ne peut provenir d'Omar Raddad, qu'on voit mal se dĂ©signer lui-mĂȘme. L'assassin se serait donc arrangĂ© pour qu'on attribue Ă Ghislaine Marchal la dĂ©nonciation calomnieuse de son jardinier, ou d'un autre Omar.
La formulation du message peut dĂšs lâabord paraĂźtre Ă©trange : Ă©crit-on quâon a Ă©tĂ© tuĂ©, alors quâon est encore en vie ? Le juge Renard trouve la phrase « bizarre »[28]. Il est aussi peu probable qu'une personne mourante prenne le temps d'Ă©crire deux fois une phrase complĂšte.
Quant à la faute, Ghislaine Marchal, femme cultivée, aurait-elle fait cette erreur ? Plusieurs documents indiquent que son orthographe était parfois défaillante, notamment en ce qui concerne la confusion du participe passé avec l'infinitif[29] - [30], elle aurait en particulier écrit « payer » sur une facture déjà réglée, ou « j'ai arroser les fleurs ». Cependant ce point est vivement contesté par la défense et par des journalistes[31] - [32] - [33].
Le capitaine Cenci, le juge Coutton et le procureur Farret estiment que cette faute est un Ă©lĂ©ment Ă charge contre lâaccusĂ©[34]. Mais dâaprĂšs la graphologue Françoise De Ricci, cette faute courante nâest pas un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant dâidentification (voir infra)[35].
LâĂ©criture des messages est-elle bien celle de Ghislaine Marchal ? Une premiĂšre expertise des Ă©critures est effectuĂ©e en juillet-aoĂ»t, Ă la demande du juge dâinstruction, par Gilles Giessner, qui compare les lettres inscrites sur les portes avec celles des mots croisĂ©s de la victime et divers autres documents. Lâexpert indique que les lettres des deux portes sont toutes de la mĂȘme personne et que, pour le premier message, cette personne Ă©tait Ă genoux, alors quâelle Ă©tait allongĂ©e pour le deuxiĂšme message, dont le cĂŽtĂ© dĂ©structurĂ© atteste, selon lui, son affaiblissement physiologique[36]. Lâexpert Ă©crit que le scripteur « nâa pu se dĂ©placer pour tracer la fin de son second message, puisque câest lĂ que lâon a retrouvĂ© son cadavre »[37]. On notera quâil semble ignorer que le corps nâa pas Ă©tĂ© retrouvĂ© devant cette porte.
Lors du procĂšs, G. Giessner dĂ©clare quâil a « mis en Ă©vidence la totale concordance des lettres avec celles des Ă©crits de Mme Marchal ». Puis, pressĂ© par la dĂ©fense, il concĂšde : « Câest aux deux tiers sĂ»rement lâĂ©criture de la victime, Ă un tiers non »[38].
Ă la demande de la dĂ©fense, une contre-expertise est confiĂ©e Ă Mme Buisson-Debar. Elle confirme les conclusions de son confrĂšre[39], non sans quelques incohĂ©rences, puisque son rapport prĂ©cise que sur dix lettres de la premiĂšre inscription, seules cinq ressemblaient Ă lâĂ©criture de la victime[40].
En 1999, une nouvelle expertise des Ă©critures est entreprise par M. Gauthier et Mme Dumont. PrĂ©sentĂ©e par la dĂ©fense Ă lâappui dâune demande de rĂ©vision de la condamnation, elle conclut que lâĂ©criture nâest pas celle de la victime[41]. La commission de rĂ©vision demandera alors une autre expertise Ă Françoise De Ricci et Anne Bisotti, qui estimeront quâon ne peut « raisonnablement comparer » des Ă©crits effectuĂ©s dans des conditions aussi dissemblables[42].
Françoise Bouzon-Thiam, autrice dâun livre sur l'affaire, observe que les lettres sanglantes prĂ©sentent des derniers jambages anormalement courts, comme « suspendus », alors que celles des mots croisĂ©s de Ghislaine Marchal ont au contraire des jambages allongĂ©s. Le contraste est trĂšs net pour les M, les A et les R. Elle estime que les caractĂšres des messages sont rĂ©vĂ©lateurs de lâĂ©criture de lâassassin[43].
Qui a bloqué la porte métallique et comment ?
Le capitaine Georges Cenci affirme que la porte mĂ©tallique de la cave est « la seule issue permettant dây accĂ©der, et dâen interdire lâaccĂšs »[44] ; dans ces conditions, la victime Ă©tant seule prĂ©sente dans les lieux, elle seule a pu sây barricader. La dĂ©fense ne semble jamais avoir contestĂ© le premier point, sâattachant seulement Ă dĂ©montrer que lâassassin aurait pu sortir par la porte mĂ©tallique dâaccĂšs, tout en provoquant son blocage.
On a vu plus haut que lors de l'ouverture de la porte, un tuyau mĂ©tallique la bloquait Ă la base. Or ce tuyau, trĂšs peu Ă©pais, passe facilement sous la porte sâil est allongĂ© au sol, car il existe un interstice entre le bas de la porte et le sol. Comment, dans ces conditions, a-t-il pu la bloquer[45] - [46] ?
En , lors dâune visite sur place des enquĂȘteurs, des magistrats et des avocats, lâenquĂȘte conclut que Ghislaine Marchal a placĂ© le tube mĂ©tallique en appui sur un chevron de bois, ce qui a eu pour effet de le soulever du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă la porte, la pente ainsi obtenue permettant de sâopposer Ă son ouverture[47].
Les avocats de la dĂ©fense protestent et font valoir que les gendarmes nâavaient pas remarquĂ© ce chevron le [48]. Ils affirment en revanche avoir dĂ©montrĂ© quâil Ă©tait possible dâappuyer le lit pliant contre la porte ouverte de telle sorte quâen sortant et en refermant celle-ci lentement, on fasse tomber le lit derriĂšre elle pour la bloquer. La barre de fer aurait pu tomber lorsque les gendarmes ont repoussĂ© le lit[49].
Ăve Livet observe que lâinterstice sous la porte se rĂ©duit prĂšs de la charniĂšre, car le sol nâest pas Ă niveau. L'extrĂ©mitĂ© de la barre mĂ©tallique Ă©tant situĂ©e Ă proximitĂ© de cette charniĂšre, son Ă©paisseur aurait suffi Ă bloquer la porte, comme lâindique la trace de ripage au sol. Elle pense aussi que le lit aurait pu se coincer momentanĂ©ment sur un gros tuyau en PVC situĂ© de lâautre cĂŽtĂ© du couloir[50].
Le dĂ©tective Roger-Marc Moreau affirmera avoir trouvĂ© un moyen permettant facilement de bloquer la porte dans les mĂȘmes conditions de l'extĂ©rieur[51]. Le capitaine Cenci estime, de son cĂŽtĂ©, que c'est impossible du fait d'une surĂ©lĂ©vation sous la porte, et que M. Moreau n'est jamais venu le constater sur place[52].
La scĂšne de crime est-elle une mise en scĂšne ?
La défense soutient que le « véritable auteur » des faits aurait procédé à la mise en scÚne macabre et aurait quitté les lieux en laissant des preuves fabriquées pour faire accuser le jardinier (voir infra).
Selon l'accusation, cette théorie ne tient pas, au regard de plusieurs éléments :
- Il est peu crédible que les « véritables assassins » aient choisi un dimanche pour mettre au point ce scénario, car Omar Raddad ne travaillait jamais ce jour-là . Sa présence sur les lieux du crime était exceptionnelle et uniquement connue de Mme Marchal et de sa voisine. Il aurait été trÚs hasardeux pour eux de choisir un dimanche pour perpétrer leur crime, car cela aurait supposé que, par une chance extraordinaire, Omar travaille justement ce jour-là [53].
- La mise en place du mĂ©canisme depuis l'extĂ©rieur aurait supposĂ© que Mme Marchal soit dĂ©jĂ morte et ait dĂ©jĂ maculĂ© le palier de son sang (d'importantes quantitĂ©s en ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es par terre, derriĂšre la porte). Le « vĂ©ritable assassin » aurait donc dĂ» dĂ©poser le lit pliant, le chevron de bois et la barre de fer dans cet environnement souillĂ©, puis sortir et manĆuvrer le mĂ©canisme de l'extĂ©rieur pour l'installer. Il paraĂźt tout simplement impossible que quelqu'un ait pu faire cela sans laisser la moindre trace de sang sur le palier extĂ©rieur ni de trace de pas Ă l'intĂ©rieur[53].
Y avait-il un autre moyen de sortir des lieux ?
La journaliste Ăve Livet se demande si lâassassin nâaurait pas pu sortir des lieux par la cave Ă vin. Ayant obtenu lâaccĂšs au dossier, elle dit y avoir constatĂ© un manque : « Toutes les piĂšces du sous-sol Ă©taient dĂ©crites, sauf une : la cave Ă vin ». Elle affirme que la cave Ă vin ne fut pas visitĂ©e lors du transport sur les lieux, et qu'avocats, juges, Omar Raddad lui-mĂȘme, personne « ne se souvient y ĂȘtre entrĂ© et ne peut la dĂ©crire ». En outre le procĂšs-verbal dâun maçon, interrogĂ© par les gendarmes en , indique que le travail qui lui fut commandĂ© consistait « en 1989, Ă faire des aĂ©rations dans la cave Ă vin [...], puis dans un second temps, en Ă©tĂ© 1990, Ă rouvrir deux des fenĂȘtres, qui avaient Ă©tĂ© bouchĂ©es lors de notre premiĂšre intervention, pour assurer une meilleure ventilation de la cave ». Une personne aurait-elle pu ressortir par ces aĂ©rations ou fenĂȘtres[54] ?
Point de vue de l'accusation
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DĂ©cĂšs | |
Nom de naissance |
Ghislaine de Renty |
Fratrie |
Pour lâaccusation, câest Ghislaine Marchal elle-mĂȘme qui a dĂ©signĂ© son assassin avant de se barricader. Le capitaine Cenci estime quâelle est probablement descendue dâelle-mĂȘme Ă la cave pour mettre en marche le systĂšme de nettoyage de la piscine, en prĂ©vision de la visite de son amie le lendemain. Il en veut pour preuve quâelle Ă©tait chaussĂ©e pour sortir (mules Ă talons compensĂ©s), et que le systĂšme de nettoyage fonctionnait effectivement encore le lendemain[55].
Le capitaine Cenci estime que la victime a bien vu et reconnu son agresseur : elle a tentĂ© de se protĂ©ger des coups, face Ă lui, comme en tĂ©moignent les blessures aux mains. Ses lunettes ne lui servant quâĂ lire et Ă©crire, elle voyait parfaitement. Elle nâaurait pu le confondre avec quelquâun dâautre, le frĂšre dâOmar par exemple, dont elle estimait quâil ne lui ressemblait pas du tout[56]. LâhypothĂšse quâelle aurait pu prendre son agresseur pour Omar a Ă©tĂ© examinĂ©e par les enquĂȘteurs (voir infra).
Mais « Raddad nâest pas un tueur », admet le capitaine Cenci. Il ne serait venu Ă La Chamade que pour rĂ©clamer de lâargent. Le crime nâayant donc pas Ă©tĂ© prĂ©mĂ©ditĂ©, il faut admettre quâil aurait trouvĂ© lâarme du crime sur place. D'aprĂšs cette hypothĂšse, pris dâune soudaine et trĂšs violente colĂšre devant les refus blessants de sa patronne, il commence Ă la frapper avec un chevron, trouvĂ© sur place. Puis, ne pouvant laisser sa victime vivante, capable de le dĂ©noncer, et nâayant pas de poignard sur lui, il va chercher la cisaille Ă haie en haut de lâescalier, dans un local Ă bois oĂč sont entreposĂ©s les outils de jardinage, et redescend lui infliger les blessures par arme blanche. Le maniement maladroit de la cisaille Ă haie, arme probable du crime pour le capitaine Cenci, et un handicap dâOmar Raddad au bras droit, Ă la suite dâun accident au coude en 1988, expliqueraient « la multitude et la dissĂ©mination des coups portĂ©s »[57].
En repartant, le jardinier met la clĂ© de la cave dans ce local Ă bois sous le taille-haie, aprĂšs lâavoir nettoyĂ©[58]. Il vole ensuite lâargent qui se trouvait dans le sac Ă main, dans la chambre[59].
Autre hypothĂšse de Me Leclerc, avocat de la partie civile : lâarme du crime pourrait ĂȘtre un couteau de cuisine[60]. La femme de mĂ©nage, de son cĂŽtĂ©, a remarquĂ© en la disparition dâun coupe-papier en argent acĂ©rĂ© en forme de dague qui appartenait Ă la victime[61].
Pour le capitaine Cenci, Ghislaine Marchal, restĂ©e seule, ne touche pas Ă la porte mĂ©tallique, car elle se sait enfermĂ©e, ce qui atteste quâelle avait encore toute sa luciditĂ©. Elle allume la lumiĂšre, et se rend devant la porte de la cave Ă vin oĂč elle Ă©crit, Ă genoux et le « buste droit »[62], Ă 1 m de hauteur[63]. « Elle ne prend appui ni sur la porte ni sur le mur » : elle aurait seulement appuyĂ© sa tĂȘte Ă la porte pour se reposer de ses efforts, donnant lieu Ă lâunique trace de sang visible sous lâinscription. Elle se relĂšve ensuite « sans prendre appui, que ce soit sur le sol, le mur ou la porte » ce qui confirme quâelle avait encore des forces[64].
Elle tire ensuite le lit pliant (de 12 kg, muni de roulettes) jusquâĂ la porte dâentrĂ©e pour se barricader, afin de se protĂ©ger dâun Ă©ventuel retour de son agresseur, et place la barre mĂ©tallique et le chevron pour parachever le blocage[65].
DâaprĂšs les traces de sang, le capitaine Cenci pense quâelle Ă©teint alors la lumiĂšre et se traine sur le sol, puis se relĂšve pour parcourir debout la distance qui la sĂ©pare de la porte de la chaufferie, grande ouverte vers la cave. Elle sâallonge alors au sol en sâaidant de la poignĂ©e anti-panique, que l'on retrouvera ensanglantĂ©e, et, Ă bout de forces, Ă la seule clartĂ© dâun rai de lumiĂšre provenant de la porte dâentrĂ©e, y trace son deuxiĂšme message[66].
Son corps nâayant pas Ă©tĂ© retrouvĂ© devant cette inscription, mais de lâautre cĂŽtĂ© de la porte, dans la chaufferie, le capitaine Cenci estime quâelle a donc encore trouvĂ© la force de ramper dans cette chaufferie, et de se retourner face vers la sortie, aprĂšs un mouvement « de recul et de droite Ă gauche »[67].
Point de vue de la défense
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Pour la dĂ©fense, la violence et la multiplicitĂ© des coups montrent « un acharnement quasi passionnel, lâexpression dâune haine recuite » qui cadre mal avec la personnalitĂ© dâOmar Raddad et ses bonnes relations avec son employeur (voir infra). Me VergĂšs invoque aussi lâabsence de traces ou de griffures sur les mains dâOmar, ou de sang sur ses vĂȘtements. Puisque le capitaine Cenci admet que le crime nâĂ©tait pas prĂ©mĂ©ditĂ©, Omar nâavait donc ni gants ni vĂȘtements de rechange avec lui. Comment ses vĂȘtements nâauraient-ils pas Ă©tĂ© tachĂ©s de sang (voir infra)[68]?
En outre la gravitĂ© des blessures rend invraisemblable toutes les actions prĂȘtĂ©es Ă Ghislaine Marchal (inscriptions sans prendre appui et le buste droit, dĂ©placements multiples, blocage de la porte).
Me VergĂšs remarque que le corps de la victime ne se trouvait pas devant la deuxiĂšme inscription. Au procĂšs, Me Leclerc, avocat de la partie civile, dira quâelle « sâest traĂźnĂ©e pour Ă©crire ces derniers mots dâune main qui meurt ». On se la reprĂ©sente donc comme si elle avait Ă©crit ce message dans un dernier souffle, juste avant de mourir[69]. Or elle se trouve en fait Ă 1,50 m derriĂšre cette porte, et la position Ă©talĂ©e des membres, le peignoir relevĂ© vers le haut du corps rĂ©vĂšlent, pour la dĂ©fense, que cette personne a Ă©tĂ© traĂźnĂ©e par les pieds[70].
Autre dĂ©tail rĂ©vĂ©lateur pour la dĂ©fense : le filet de sang perpendiculaire au sol et Ă lâaxe de la jambe, sur le cĂŽtĂ© interne de la cuisse de la victime, et qui aurait mis sept minutes Ă se coaguler, Ă©tait parfaitement net. Si la victime sâĂ©tait relevĂ©e pour faire tout ce quâon a dit, ce filet de sang aurait coulĂ© dans une autre direction, ou aurait Ă©tĂ© brouillĂ© par le frottement entre les cuisses. La victime nâa donc plus bougĂ© aprĂšs le dĂ©part de son agresseur[71]. Cette blessure, comme un coup de dague, pourrait avoir Ă©tĂ© portĂ©e pour sâassurer que la victime ne rĂ©agissait plus. « Un procĂ©dĂ© que connaissent tous les chasseurs »[72]. En outre le peignoir nâayant pas Ă©tĂ© transpercĂ© au niveau de ce coup, la blessure a donc Ă©tĂ© infligĂ©e alors que le vĂȘtement Ă©tait dĂ©jĂ repoussĂ© vers le haut du corps[73].
Enfin la thĂšse du taille-haie ou dâun couteau de cuisine comme arme du crime ne cadre pas avec la description dâune lame effilĂ©e Ă double tranchant, large de 2 cm[74]. Dâailleurs le jardinier aurait-il Ă©tĂ© assez « stupide » pour ranger la clĂ© de la cave avec les outils de jardinage, comme pour se dĂ©signer lui-mĂȘme[75] ?
Les dĂ©fenseurs dâOmar Raddad ont prĂ©sentĂ© plusieurs scĂ©narios pour ce crime, de profondes divergences sâĂ©tant dĂ©clarĂ©es entre eux Ă ce sujet[76].
- Dans un premier temps, les avocats de la dĂ©fense, MaĂźtres Girard et Baudoux, ont admis que lâĂ©criture Ă©tait bien celle de Mme Marchal, qui aurait Ă©crit sous la contrainte et mĂȘme sous la torture. Câest le « scĂ©nario diabolique »[76]. Les expertises ont pourtant affirmĂ© que les blessures de la victime ne sont pas dues Ă des actes de torture et cette thĂšse a Ă©tĂ© rejetĂ©e par toutes les parties[77].
- Un nouvel avocat de la dĂ©fense, MaĂźtre Guidicelli, ne croit pas au « scĂ©nario diabolique » ; il ne conteste pas le rapport des premiers graphologues, mais pense que Ghislaine Marchal sâest mĂ©prise sur lâidentitĂ© de son agresseur[78]. Cette hypothĂšse sera Ă©galement envisagĂ©e par les enquĂȘteurs (voir infra). La « zizanie » entre les avocats de la dĂ©fense amĂšnera Me Guidicelli Ă se retirer de lâaffaire[79]
- Puis MaĂźtre VergĂšs prend les choses en main. Il conteste formellement les conclusions des graphologues et pense que câest lâagresseur qui a Ă©crit le message « de sa main gantĂ©e », traĂźnĂ© le corps de sa victime dans la chaufferie, et Ă©crit de mĂȘme le deuxiĂšme message, avec lâintention de faire croire qu'ils auraient Ă©tĂ© Ă©crits par Ghislaine Marchal. Câest la « thĂšse de la mise en scĂšne », qui sera prĂ©sentĂ©e lors du procĂšs[80]. Devant lâimpossibilitĂ© de mettre dâaccord ses trois avocats, Omar Raddad se sĂ©parera « Ă contrecĆur » de MaĂźtres Girard et Baudoux 10 jours avant le dĂ©but du procĂšs[81].
Variante de la thĂšse de la mise en scĂšne : le ou les assassins aurai(en)t transportĂ© ou traĂźnĂ© la victime, inconsciente, devant les portes pour lui faire Ă©crire les inscriptions en guidant son doigt trempĂ© dans son propre sang, cependant que sa tĂȘte pendante, appuyĂ©e contre la « premiĂšre porte », y imprimait la tache sanglante figurant sous le message. Lâassassin aurait pensĂ© que les enquĂȘteurs identifieraient les empreintes, ce qui nâa pas Ă©tĂ© possible, les tracĂ©s Ă©tant « glissĂ©s ». Dans cette hypothĂšse aussi lâĂ©criture serait celle de lâassassin, car lorsque l'on guide la main de quelqu'un pour lui faire Ă©crire quelque chose, câest lâĂ©criture de celui qui tient la main qui apparaĂźt[82].
Le dĂ©tective Roger-Marc Moreau et l'experte en Ă©criture DaniĂšle Dumont dĂ©velopperont la thĂ©orie selon laquelle l'inscription incomplĂšte ayant Ă©tĂ© tracĂ©e en premier en tenant la main du cadavre de la victime, cette derniĂšre n'aurait pas Ă©tĂ© suffisamment lisible, d'oĂč l'idĂ©e qu'auraient eue les auteurs du crime d'Ă©crire plus clairement, en lettres gĂ©antes, la seconde inscription accusatrice[30].
Au sujet de l'hypothĂšse d'une mise en scĂšne, l'accusation a soulevĂ© une question : qui pouvait savoir qu'Omar Raddad allait se trouver Ă proximitĂ© du lieu du crime ce jour-lĂ ? Le jardinier ne travaillait jamais le dimanche, et en ce jour de fĂȘte religieuse musulmane[83], il aurait dĂ» rester en famille, ce qui rend sa prĂ©sence trĂšs improbable ce dimanche chez Francine P. Le capitaine Cenci estime que les deux seules personnes Ă le savoir Ă©taient Francine P. et Omar Raddad lui-mĂȘme[84]. Ă moins que les inscriptions ne dĂ©signent un autre Omar.
Interpellation
Le soir de la dĂ©couverte macabre, Francine Pascal, qui rĂ©side Ă environ 800 mĂštres de la propriĂ©tĂ© de Ghislaine Marchal, indique aux gendarmes quâelles ont en commun un jardinier rĂ©pondant au nom dâOmar Raddad et que celui-ci est venu travailler chez elle, le dimanche .
Omar Raddad est arrivĂ© en France en , ne parlant que le berbĂšre[85]. Il a Ă©tĂ© accueilli par son pĂšre, qui travaillait depuis une vingtaine dâannĂ©es comme jardinier chez Francine Pascal, quâOmar dĂ©crit comme « une charmante vieille dame », et qui va lâembaucher aussi comme jardinier, dâabord Ă temps partiel. Il se marie avec Latifa Cherachini, de nationalitĂ© française et reste ainsi en France. Francine trouve au jeune couple un studio, et fait Ă Omar Raddad un contrat Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e, pour quâil puisse rĂ©gulariser sa situation[86]. Câest chez elle quâil rencontrera Ghislaine Marchal, qui lâembauchera Ă son tour comme jardinier. Par la suite, Ghislaine Marchal a engagĂ© Latifa comme femme de mĂ©nage, et a installĂ© le jeune couple chez elle, dans un petit studio au-dessus du garage. Ă lâarrivĂ©e de leur premier enfant, le couple dĂ©mĂ©nage, avec lâaide de Francine Pascal cette fois. Omar Raddad raconte dans son livre comment ces deux dames « se relayaient » pour les aider, et la gentillesse de Ghislaine Marchal Ă leur Ă©gard. « Elle ne perdait jamais lâoccasion de nous faire des cadeaux ». Elle a demandĂ© un jour Ă voir le bĂ©bĂ© : « elle avait prĂ©parĂ© pour nous une jolie tableâŠelle nâaurait pas reçu autrement des membres de sa famille »[87]. Il rĂ©pĂšte souvent que Mme Marchal Ă©tait comme une seconde mĂšre pour lui[88].
Les gendarmes, apprenant quâil est de nationalitĂ© marocaine et craignant une fuite vers son pays dâorigine, le recherchent activement dĂšs le mardi . Mais il nây a personne Ă son domicile, qui est perquisitionnĂ©. Omar Raddad avait obtenu de travailler exceptionnellement chez Francine P. le dimanche afin de se libĂ©rer deux jours de suite, les lundi et mardi, pour la cĂ©lĂ©bration de lâAĂŻd al-Adha. Il se trouve en fait chez la mĂšre de son Ă©pouse, Ă Toulon. Cette derniĂšre est allĂ©e sây reposer, avec leurs deux enfants, dont un nouveau-nĂ©[89].
Garde Ă vue
Il est alors interpellĂ© et placĂ© en garde Ă vue, « comme tĂ©moin important » prĂ©cise le capitaine Cenci, soucieux de montrer que lâenquĂȘte nâavait pas Ă©tĂ© orientĂ©e dĂšs le dĂ©but[90]. AprĂšs avoir longuement interrogĂ© le jardinier, Cenci note quâil a toujours niĂ© ĂȘtre lâauteur du crime et ne sâest jamais contredit. Il lui est apparu comme un homme « calme, rĂ©flĂ©chi, atypique, dĂ©concertant par son impassibilitĂ©, psychologiquement solide »[91]. Le psychologue lâayant examinĂ© le dĂ©crit « analphabĂšte tant en arabe quâen français »[92].
DâaprĂšs Omar Raddad, cette garde Ă vue a Ă©tĂ© Ă©puisante, physiquement et moralement. Il dit nâavoir pas su quâil pouvait demander lâassistance dâun avocat et dâun interprĂšte, et quâil Ă©tait gĂȘnĂ© par son manque de vocabulaire en français, les quelques mots quâil avait appris dans son travail concernant « essentiellement le jardinage »[93]. Lors de sa garde Ă vue, il nâa compris le sens du mot « tuĂ© » quâen voyant les photos quâon lui montrait. Et en voyant lâinscription sur la porte de la cave, « je nây ai reconnu quâun mot, « Omar », parce que câest le seul que je sache Ă©crire »[94]. Il racontera de mĂȘme que son avocat, Me Girard, et lui-mĂȘme nâarrivaient pas Ă se comprendre, et quâils durent avoir recours Ă un dĂ©tenu tunisien parlant les deux langues, autorisĂ© Ă les accompagner au parloir[95]. La question de ses difficultĂ©s en français a Ă©tĂ© frĂ©quemment contestĂ©e par les enquĂȘteurs et les juges, notamment lors de son procĂšs[96].
Lors de la garde Ă vue, il dit avoir eu le sentiment que les gendarmes « Ă©crivaient Ă peu prĂšs ce quâils voulaient sur les procĂšs-verbaux » : lorsquâil rĂ©pondait en arabe, le gendarme continuait Ă taper, alors quâil ne comprenait pas cette langue. Par extrĂȘme lassitude, et aussi par crainte dâĂȘtre frappĂ©, il aurait laissĂ© entendre quâil avait eu recours Ă des prostituĂ©es, mot quâil dit ne pas avoir compris Ă lâĂ©poque[97]. Lors de sa deuxiĂšme nuit au poste, il ne tenait plus debout : « les gendarmes me retiraient ma chaise chaque fois que je voulais mâasseoir. CâĂ©tait un vrai supplice »[98]. Le capitaine Cenci Ă©crira quâOmar Raddad nâa pas fait Ă©tat de difficultĂ©s en français, et nâa pas demandĂ© dâinterprĂšte[99].
AprĂšs la deuxiĂšme nuit de garde Ă vue, Omar Raddad raconte que les gendarmes lâemmĂšnent chez lui et demandent Ă voir les vĂȘtements quâil portait le dimanche, et qui nâont pas Ă©tĂ© lavĂ©s ; ils ne portent aucune trace de sang. Devant lâinsistance des gendarmes, « jâai fini par leur dire que je ne savais mĂȘme pas faire marcher la machine Ă laver » Ă©crira-t-il. Il raconte quâau retour, les gendarmes se sont arrĂȘtĂ©s prĂšs dâune boulangerie. Lâun dâeux y entre, mais Omar Raddad affirme nây « avoir prĂȘtĂ© aucune attention », croyant quâil allait acheter du pain. Sans faire descendre Omar Raddad de la voiture, les gendarmes le montrent de loin Ă lâune des vendeuses, qui ne sait pas si elle lui a vendu du pain le . Or, d'aprĂšs lui, la boulangerie dont il Ă©tait client nâĂ©tait pas celle-lĂ . Il ne se serait aperçu que bien plus tard, en voyant son dossier, que cet arrĂȘt avait pour objet de vĂ©rifier son alibi (voir infra)[100].
Inculpation
Ă l'issue de sa garde Ă vue, au soir du , Omar Raddad sera finalement prĂ©sentĂ© Ă Mme Sylvaine Arfinengo, juge dâinstruction, pour lâinterrogatoire de premiĂšre comparution, toujours sans avocat, auquel il aurait renoncĂ© « sans bien comprendre »[101], ni interprĂšte. DĂšs le 27, elle lui notifie son inculpation et le fait Ă©crouer.
Sur la crémation de la victime
La juge signe le un permis d'incinĂ©rer, avant dâavoir reçu le rapport des mĂ©decins lĂ©gistes. La crĂ©mation de Ghislaine Marchal, intervenue le , soit 5 jours aprĂšs l'autopsie, est jugĂ©e prĂ©maturĂ©e par la dĂ©fense, privĂ©e de la possibilitĂ© de demander une contre-expertise. On pourra lire dans la presse que la famille aurait voulu faire rapidement incinĂ©rer le corps. Affirmation lamentable, dâaprĂšs le capitaine Cenci, qui affirme que ce dĂ©lai nâa rien dâexceptionnel.
La controverse portera aussi sur les derniĂšres volontĂ©s de Ghislaine Marchal. Elle aurait fait construire un « superbe caveau [âŠ] oĂč elle souhaitait ĂȘtre enterrĂ©e », raconte une de ses amies Ă Jean-Marie Rouart[102]. Or, selon sa sĆur Claude, Ghislaine Marchal avait exprimĂ© le dĂ©sir dâĂȘtre incinĂ©rĂ©e[103] - [104] comme le confirme un Ă©crit trouvĂ© par les enquĂȘteurs. La concession en question avait Ă©tĂ© achetĂ©e par son deuxiĂšme mari, dont elle sâĂ©tait sĂ©parĂ©e[105].
Partie peu aprÚs en congé maternité, Mme Arfinengo sera remplacée par le juge d'instruction Jean-Paul Renard[106].
Sur la date et l'heure du crime
La dĂ©termination de la date et de lâheure du crime a donnĂ© lieu Ă une controverse dâautant plus vive quâOmar Raddad travaillait non loin de La Chamade le dimanche 23, mais quâil nâĂ©tait pas prĂ©sent Ă Mougins le lundi 24.
- Le vendredi , jour de lâautopsie Ă laquelle il a assistĂ©, le capitaine Cenci rĂ©dige le procĂšs-verbal aux fins d'inhumer, et situe le moment probable de lâassassinat le dimanche 23 vers 12 h, dans les minutes qui ont suivi l'entretien tĂ©lĂ©phonique avec Erika S[107]. Il justifie cette estimation en remarquant : « Elle [la victime] nâest pas habillĂ©e, pas maquillĂ©e » et sort juste de sa douche. Toujours trĂšs ponctuelle, elle Ă©tait ce jour-lĂ pressĂ©e dâaller dĂ©jeuner chez ses amis K., quâelle avait mĂȘme appelĂ©s vers 10 h 30 pour prĂ©ciser lâheure du dĂ©jeuner. Elle avait achetĂ© un cadeau pour son hĂŽte, dont câĂ©tait lâanniversaire, et vu la faible distance Ă parcourir en voiture, elle aurait dĂ» quitter La Chamade vers 13 h[108].
- Mais dans le rapport du [109], les mĂ©decins lĂ©gistes situent le moment du dĂ©cĂšs entre 11 h et 13 h 30 le lundi [110]. Ils Ă©crivent notamment que la rigiditĂ© complĂšte du corps (examinĂ© dans la cave le lundi 24 en fin de journĂ©e) indique que le dĂ©cĂšs remonte Ă plus de six heures[111]. Les avocats dâOmar Raddad ne dĂ©couvrent quâĂ la mi-dĂ©cembre cette datation du crime, qui offre un alibi Ă leur client, et la signalent aussitĂŽt... Ă la presse, et au juge. Le Parquet indique alors Ă la presse quâil sâagit dâune simple faute de frappe dâune des secrĂ©taires. Il fallait lire le 23. La dĂ©fense fait remarquer que ce serait alors tout le paragraphe qui serait Ă revoir, et non seulement le chiffre 24[112]. Ă la suite de cette erreur, et pour lever toute ambiguĂŻtĂ©, le juge demande aux mĂ©decins de prĂ©ciser les Ă©lĂ©ments objectifs leur ayant permis de conclure Ă la date du .
- Pour justifier leur rĂ©ponse, les experts prĂ©cisent (rapport du ) que le corps Ă©tait Ă la tempĂ©rature ambiante (tempĂ©rature qu'ils n'avaient pas relevĂ©e), ce qui se produit au bout de 12 h, que la rigiditĂ© cadavĂ©rique Ă©tait complĂšte, ce qui se produit aprĂšs 13 h, et que les lividitĂ©s cadavĂ©riques avaient un aspect qui ne se voit [quâ] Ă partir de la 30e heure aprĂšs la mort. Ils ajoutent que leur estimation se fonde aussi sur les constatations de lâenquĂȘte, concernant le laps de temps entre le dernier entretien tĂ©lĂ©phonique de la victime, Ă 11 h 45, et le premier coup de tĂ©lĂ©phone sans rĂ©ponse de sa part, Ă 13 h 30[113].
- Une contre-expertise, Ă partir du dossier, sera effectuĂ©e Ă la demande de la dĂ©fense par le Docteur Le Poivre, qui conclut Ă un dĂ©cĂšs le 24, les yeux paraissant encore clairs dâaprĂšs les photos alors quâils auraient dĂ» ĂȘtre voilĂ©s au bout de 5 ou 6 heures[114]. Il estime en outre que si les lividitĂ©s prouvaient vraiment un dĂ©cĂšs datant de 30 heures, il est inexplicable que les experts nâen aient pas tenu compte dans leur premier rapport[115].
- Il existe pourtant une explication possible Ă cette supposĂ©e faute de frappe : les experts ayant indiquĂ© sâĂȘtre fondĂ©s sur les constatations de lâenquĂȘte, ils auraient peut-ĂȘtre oubliĂ© Ă quelle date lâenquĂȘte avait situĂ© le crime. Croyant se souvenir que câĂ©tait vers midi le jour-mĂȘme oĂč ils avaient examinĂ© le corps, ils auraient rĂ©digĂ© leur rapport, quatre mois plus tard, en ne retenant que les observations confortant cette hypothĂšse.
- Pour le Major Cenci, il nây a aucune supercherie dans cette regrettable faute de frappe. La dĂ©fense au contraire, ironise, MaĂźtre VergĂšs parlant de « la mise en harmonie de lâart mĂ©dical avec lâaccusation »[116]. Elle va s'appuyer sur cet Ă©lĂ©ment du rapport pour suggĂ©rer une pression du juge qui aurait fait avancer le moment du crime au , puisque le 24, Omar Raddad avait un alibi, ayant pris le train au petit matin pour se rendre Ă Toulon fĂȘter lâAĂŻd-el-KĂ©bir en famille. Cette « erreur » contribuera Ă alimenter la thĂšse d'un « complot »[117]. Ce qui nâempĂȘchera pas la dĂ©fense de soutenir quâOmar Raddad a bien un alibi le dimanche . Cette fois, câest au tour du capitaine Cenci dâironiser : « La dĂ©fense est poignante dans sa dĂ©marche [quand elle soutient lâalibi dâOmar Raddad le 23 juin] pour se lancer Ă corps perdu dans la thĂšse du meurtre du lundi »[118].
Sur l'alibi d'Omar Raddad
Concernant son emploi du temps le dimanche 23, Omar Raddad en donne la description suivante lors de sa garde Ă vue :
- Il affirme avoir travaillĂ© toute la matinĂ©e chez Francine P. et sâĂȘtre absentĂ© de son lieu de travail entre 12 h et 13 h 10 pour aller dĂ©jeuner Ă son domicile situĂ© au Cannet Ă 5,5 km.
- Vers 12 h 05, il dit avoir achetĂ© du pain dans une boulangerie du Val de Mougins. Ce point est dâimportance, puisque câest prĂ©cisĂ©ment aux environs de midi, le , que lâenquĂȘte situe le meurtre de Ghislaine Marchal. Le capitaine George Cenci a voulu vĂ©rifier ce quâil en Ă©tait, juste aprĂšs la garde Ă vue (voir supra). Il affirme que Raddad lui-mĂȘme lui a dĂ©signĂ© la boulangerie La Huche Ă pain, celle « oĂč il nây a pas dâescalier », celle « oĂč il y a un homme qui [le] sert parfois »[119]. VĂ©rification faite, personne ne se souvient de lui Ă La Huche Ă pain[120], oĂč il nây avait aucun boulanger Ă ce moment de la journĂ©e[121]. LâenquĂȘte en conclut quâil nâa pas dâalibi aux environs de midi le .
De son cĂŽtĂ©, Omar Raddad affirme nâavoir rĂ©alisĂ© que bien plus tard, quand il eut accĂšs Ă son dossier, quâil y avait eu mĂ©prise sur la boulangerie. La sienne Ă©tait « la premiĂšre sur mon chemin â celle qui a des marches » Ă©crira-t-il dans son livre, prĂ©cisant y avoir fait longuement la queue ce jour-lĂ [122]ÂČ.
Il y avait en effet une autre boulangerie non loin de La Huche Ă Pain. La journaliste dâinvestigation Ăve Livet retrouvera, des annĂ©es plus tard, cet autre boulanger, Marcel M. dĂ©sormais Ă la retraite. Il lui confirmera quâOmar Raddad Ă©tait un client habituel, quâil « venait assez rĂ©guliĂšrement sur le coup de midi, midi et demi », et sâĂ©tonnera que la gendarmerie nâait enquĂȘtĂ© que dans lâautre magasin : « Chez nous jamais personne ne nous a posĂ© de questions »[123]. Lors du procĂšs, le prĂ©sident Djian dĂ©clarera en effet « ne pas avoir connaissance dans le dossier de vĂ©rifications auprĂšs de lâautre boulangerie »[124].
- En arrivant dans la cour de son immeuble, « vers 12 h 15 ou 12 h 20 », Omar Raddad dit y avoir aperçu le gĂ©rant du Casino, Jean-Pierre G[125]. InterrogĂ© par Alain LĂ©authier, pour LibĂ©ration, en , Jean-Pierre G. confirmera sa prĂ©sence inhabituelle Ă cette heure-lĂ dans la cour[126]. Il racontera que vers midi, revenant dâune promenade avec sa femme, son fils et leur chien, ils ont rencontrĂ© un voisin et convenu de monter dĂ©jeuner chez lui. Il prĂ©cisera au journaliste quâaprĂšs ĂȘtre allĂ© chercher des victuailles dans la rĂ©serve de son magasin « j'ai rejoint tout le monde chez notre ami, il devait ĂȘtre entre 12 h 15 et 12 h 25 ». Il dit nâavoir pas remarquĂ© le jardinier « ce qui ne prouve rien dâailleurs. Des fois on ne fait pas attention Ă des visages familiers »[127]. Lâaccusation signale quâOmar Raddad nâa pas mentionnĂ© les autres personnes prĂ©sentes, le voisin, lâĂ©pouse et le fils du gĂ©rant, qui ne lâont pas remarquĂ© non plus. Elle en conclut Ă lâabsence dâalibi de lâinculpĂ©[128]. Pour sa dĂ©fense, Omar dira au juge que sâil avait su quâil serait accusĂ©, il aurait bien notĂ© tous les dĂ©tails utiles pour son alibi[129].
- Il indique enfin avoir quittĂ© son domicile aux alentours de 12 h 40, et avoir repris le travail aprĂšs 13 h 10 au Mas Saint-BarthĂ©lemy, la villa de Mme Francine P. Selon l'accusation et la partie civile, la fille de celle-ci, Arlette B. se serait Ă©tonnĂ©e de le voir revenir travailler aussi tĂŽt alors que son activitĂ© ne reprenait gĂ©nĂ©ralement qu'Ă 13 h 30 : Omar Raddad lui aurait rĂ©pondu qu'il rattrapait le retard qu'il avait accumulĂ© le matin. Arlette B. a prĂ©cisĂ© quâ« il nâavait aucune attitude particuliĂšre, il Ă©tait souriant, comme dâhabitude », et quâil Ă©tait arrivĂ© « dans la tenue de travail quâil conserve toute la journĂ©e »[130]. Son Ă©poux lui trouve « les traits tirĂ©s », pense quâil nâa pas dĂ©jeunĂ© et lui offre un sandwich et une glace[121]. La dĂ©fense fera valoir que sâil avait assassinĂ© Ghislaine Marchal Ă lâheure du dĂ©jeuner, il aurait eu bien besoin de ces 20 minutes pour effectuer son crime et revenir Ă son travail sans avoir lâair de rien. En outre, comment ses vĂȘtements nâauraient-ils pas Ă©tĂ© tachĂ©s de sang, puisquâil ne sâest pas changĂ© ? Me Leclerc voit au contraire dans ce retour prĂ©maturĂ© un indice Ă charge : il serait revenu « se faire voir » sur son lieu de travail le plus tĂŽt possible, pour avoir un alibi[131]. La question du retard Ă rattraper donnera lieu Ă polĂ©mique : il aurait Ă©tĂ© plus tard Ă©tabli qu'il n'aurait eu en rĂ©alitĂ© aucun retard[30].
- Omar Raddad dit sâĂȘtre arrĂȘtĂ© en fin dâaprĂšs-midi, aprĂšs son travail, Ă une cabine tĂ©lĂ©phonique prĂšs de son domicile, pour appeler sa femme Ă Toulon[132]. Or, vĂ©rification faite, il lâa en fait appelĂ©e Ă 12 h 51 minutes ; il avait donc oubliĂ© ce dĂ©tail, pourtant favorable Ă lâĂ©tablissement de son alibi[133]', et fera remarquer quâil ne pouvait deviner quâil serait accusĂ© dâun crime, et quâil aurait Ă dĂ©crire avec prĂ©cision tous ses faits et gestes du jour[134]. Le capitaine Cenci y voit une contradiction de plus dans ses propos, et sâinterroge : « Le mensonge est-il chez Raddad une seconde nature ? »[135]. Les gendarmes vont minuter son trajet en motocyclette[136] et calculer quâil aurait eu 35 Ă 40 minutes pour « accomplir son forfait »[137]. La justice conclut de toutes ces investigations et tĂ©moignages quâil nâavait aucun alibi Ă lâheure du dĂ©jeuner, et qu'il aurait tout Ă fait eu le temps d'assassiner Mme Marchal entre 12 h et 13 h 10.
Sur le trajet d'Omar Raddad
Plusieurs personnes, dont messieurs Jean-Claude G. et Christian V., se trouvaient sur l'Ă©troit chemin Saint-BarthĂ©lemy Ă Mougins, Ă un endroit situĂ© entre la propriĂ©tĂ© de Francine P. (oĂč Omar Raddad travaillait le dimanche ) et la propriĂ©tĂ© de Ghislaine Marchal (oĂč le crime a Ă©tĂ© commis). Pour se rendre Ă La Chamade, situĂ©e au fond d'une impasse, ou pour en partir, Omar Raddad aurait obligatoirement dĂ» passer devant eux ; or les deux hommes ne l'ont pas vu passer[138]. La fille de la gardienne de Francine P. a affirmĂ© elle aussi quâOmar nâest pas remontĂ© vers la Chamade le dimanche , car il serait passĂ© le long de leur maison et, faisant aboyer leurs cinq chiens, aurait Ă©tĂ© repĂ©rĂ© immanquablement[139]. Une autre personne, Mme T. qui remontait le mĂȘme chemin en voiture vers 12 h 30, ne lâa pas vu non plus, Ă lâheure oĂč il aurait dĂ» passer pour aller tĂ©lĂ©phoner Ă sa femme[140].
Sur les employeurs d'Omar Raddad
Les employeurs dâOmar Raddad, ainsi que la fille et le gendre de Francine Pascal se sont mobilisĂ©s dĂšs son arrestation pour tĂ©moigner quâils ne croient pas Ă la culpabilitĂ© du jardinier et pour lui trouver un avocat. Leur mise sur Ă©coutes tĂ©lĂ©phoniques, ainsi que les Ă©coutes de la famille dâOmar Raddad, permettront aux enquĂȘteurs de constater la multiplicitĂ© des appels de ces personnes entre elles, vers des avocats, ou vers la presse. Elles se rĂ©unissaient aussi pour discuter de lâaffaire, et chercher des solutions[141].
Mme Francine Pascal sera mise en garde Ă vue malgrĂ© son Ăąge, aprĂšs avoir informĂ© les enquĂȘteurs dâun appel tĂ©lĂ©phonique anonyme quâelle avait reçu le soir du . Une voix dâhomme lui avait dit : « Il en a fait de belles, votre jardinier. Elle lâa Ă©crit avec son sang »[142]. Il lui sera reprochĂ© de ne pas en avoir parlĂ© tout de suite aux gendarmes[143], mais seulement six mois plus tard, en dĂ©cembre[144].
Me Girard parlera de « la sympathie gĂ©nĂ©rale qui a Ă©tĂ© constante [âŠ] de la part de grands bourgeois » Ă lâĂ©gard du jeune jardinier marocain[145].
Pour les enquĂȘteurs, « lâĂ©tau se referme » sur Omar Raddad[146]. Les inscriptions lâaccusent, la victime lâa reconnu et elle est coutumiĂšre de la faute dâorthographe constatĂ©e, la thĂšse de la mise en scĂšne est impossible du fait du blocage de la porte, et il nâa pas dâalibi. En outre, lui seul et Francine savaient quâil allait travailler ce jour-lĂ Ă proximitĂ© de la Chamade[147]. Il reste Ă dĂ©terminer le mobile du crime : ce sera le besoin dâargent.
Sur le mobile d'Omar Raddad
Pour le capitaine Cenci, Omar Raddad « nâest pas venu pour tuer ni mĂȘme pour voler »[148]. Il est venu rĂ©clamer de lâargent, et comme on lâa vu (supra), aurait Ă©tĂ© pris dâune fureur meurtriĂšre devant les refus de Ghislaine Marchal.
LâenquĂȘte a Ă©tabli quâil aurait retirĂ© de son compte de grosses sommes en deux ans (80 000 francs). Pour quel usage ? « Parce que les prostituĂ©es et les machines Ă sous ont un coĂ»t » affirme le capitaine Cenci[149]. Omar Raddad rĂ©pond que ces 80 000 francs appartenaient Ă son frĂšre, qui nâavait pas de compte bancaire en France. Câest donc Ă la demande de son frĂšre que, chaque fois quâil repartait au Maroc, il retirait une somme Ă rapporter au pays[150].
Il existerait en outre un motif de friction entre le jardinier et ses employeurs liĂ© aux demandes dâavance sur salaire. DâaprĂšs Francine P., Ă qui le jardinier demandait aussi des avances, Ghislaine Marchal Ă©tait « exaspĂ©rĂ©e » par ces sollicitations, estimant quâ« il ne fallait pas se laisser faire, pour son bien »[151]. Son livre de comptes fait Ă©tat, pour le mois de juin, dâune seule avance sur salaire de 1 000 Francs. La femme de mĂ©nage affirmera avoir Ă©tĂ© tĂ©moin dâune deuxiĂšme avance au jardinier, le , ce qui est formellement contestĂ© par Omar Raddad, et nâa jamais Ă©tĂ© notĂ© par Mme Marchal[152]. Au mois de juin, il avait Ă©galement demandĂ© Ă Francine P. par deux fois des avances pour payer son loyer ou envoyer de lâargent au Maroc Ă sa mĂšre. LâenquĂȘte a montrĂ© quâil nâa fait ni lâun ni lâautre[153].
Mais si le juge parle dâ« Ă©normes difficultĂ©s financiĂšres », le rapport de synthĂšse des enquĂȘteurs nâen conclut pas moins : « Hormis les arriĂ©rĂ©s de loyer, lâenquĂȘte ne dĂ©termine pas dâautres dettes ou difficultĂ©s financiĂšres pour le couple Raddad »[154]. LâenquĂȘte rĂ©vĂšle que les comptes du couple sont crĂ©diteurs, en France comme au Maroc. Omar ne rĂ©clame dâailleurs que ce qui lui est dĂ» et qui correspond au travail effectuĂ©[155].
Pour sa dĂ©fense, Omar Raddad fait valoir que pour avoir de lâargent « On peut voler. Pas besoin de faire quelque chose dâaussi sauvage que ça »[156]. AccusĂ© dâavoir, le jour du meurtre, pris lâargent liquide dans le sac de Ghislaine Marchal, il indique que sa patronne soupçonnait sa femme de mĂ©nage de plusieurs vols chez elle[157]. Et sâil avait agi pour de lâargent, pourquoi nâaurait-il pas pris aussi les bijoux et la montre Cartier de la victime, lui que lâon a soupçonnĂ© dâavoir volĂ© la chaĂźne en or de sa femme (voir infra) ?
Omar Raddad reconnaĂźt toutefois quâil joue aux machines Ă sous. Les procĂšs-verbaux d'audition du personnel du casino de la Croisette de Cannes, et de deux autres Ă©tablissements (soit 25 tĂ©moignages dâagents de sĂ©curitĂ©[158]) dĂ©crivent un homme frĂ©quentant les machines Ă sous Ă 5 francs plusieurs fois par semaine. Omar Raddad affirmera au procĂšs quâil ne jouait que ce quâil gagnait, et quâil avait « parfois perdu ». Les reprĂ©sentants de l'accusation pensent qu'Omar Raddad aurait utilisĂ© les avances sur salaires pour jouer au casino afin de rĂ©cupĂ©rer sa mise, Ă©tant donnĂ© qu'il a cachĂ© sa passion du jeu Ă son Ă©pouse et aux magistrats[159].
Lors du procĂšs, les enquĂȘteurs Ă©voqueront aussi la frĂ©quentation de prostituĂ©es, mais Omar Raddad niera farouchement cette dĂ©position, faite pendant la garde Ă vue (voir supra). Le capitaine Cenci explique quâils ont « harponnĂ© toute la Croisette pour trouver les prostituĂ©es que frĂ©quentait Omar Raddad ». En cinq nuits de recherches, ils ne trouvent que deux jeunes femmes. N.X se souvient seulement quâOmar lâavait regardĂ©e. Quant Ă F.X, elle dit avoir eu Omar Raddad comme client, le dĂ©crit comme « trĂšs pressant et excitĂ© », et rĂ©clamant ensuite dâĂȘtre remboursĂ©[160]. Cette prostituĂ©e ne viendra pas finalement tĂ©moigner au procĂšs, et niera plus tard avoir tenu de tels propos. Mais en attendant, lâenquĂȘte estime avoir trouvĂ© une raison supplĂ©mentaire aux problĂšmes dâargent de lâinculpĂ©.
Ă la fin du mois dâaoĂ»t, lâenquĂȘte estime donc avoir un prĂ©sumĂ© coupable, Ă la personnalitĂ© moins lisse quâil nây paraĂźt, affligĂ© de vices coĂ»teux (le jeu et « les prostituĂ©es »), sans alibi, qui ment Ă sa famille, dĂ©pense pour ses vices lâargent du loyer, a de gros problĂšmes financiers, et devant le refus de sa patronne de lui accorder une avance sur salaire, nâa pas eu d'alternative que de la tuer[161]. En outre, l'absence d'effraction Ă la Chamade et le supposĂ© simple vol de 5 000 francs (762 euros) dans le sac Ă main de la victime[24] â alors que les objets de valeur et bijoux sont retrouvĂ©s intacts dans la villa â orientent l'enquĂȘte vers un familier des lieux proche de la victime.
Omar Raddad se plaindra Ă maintes reprises, et notamment lors du procĂšs (voir infra) d'avoir Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment et injustement « sali » par les enquĂȘteurs, qui cherchaient Ă donner de lui une image aussi nĂ©gative que possible, faute de la moindre preuve formelle de sa culpabilitĂ©.
Il reste en effet Ă confirmer l'hypothĂšse de son implication dans le meurtre par des preuves : elles ont Ă©tĂ© recherchĂ©es, dĂšs le dĂ©but de lâenquĂȘte, dans les analyses des prĂ©lĂšvements effectuĂ©s sur la victime, sur les vĂȘtements dâOmar Raddad et dans la cave (murs, sol, chevron, barre de fer etc.).
Recherche de preuves et rÎle des médias
En septembre, la presse mentionne le vol de lâargent liquide de la victime, et le goĂ»t dâOmar Raddad pour le jeu et « les prostituĂ©es » comme indices supposĂ©s des problĂšmes dâargent lâayant menĂ© au crime. Elle commence rapidement aussi Ă titrer sur les raisons de douter de sa culpabilitĂ©[162]. Le , Nice Matin avait en effet appris, par une fuite du laboratoire de police scientifique, que les analyses des prĂ©lĂšvements effectuĂ©s dans la cave, sur la victime, et sur le jardinier, nâavaient rien donnĂ©[163].
PremiĂšres analyses
Les premiers rĂ©sultats dâanalyses indiquent en effet que lâon nâa trouvĂ© aucune trace du jardinier dans la cave, sur le chevron ou sur la barre de fer quâil est censĂ© avoir maniĂ©s, ni sur la victime (qui nâa pas Ă©tĂ© agressĂ©e sexuellement) ; le sang retrouvĂ© sur le chevron, le tube galvanisĂ© et sous les ongles de la victime est bien celui de Ghislaine Marchal[164]', mais il nây a aucune trace provenant du corps de la victime sur les vĂȘtements dâOmar Raddad dont il a Ă©tĂ© confirmĂ© que câĂ©taient bien ceux quâil portait le [165]. Aucune empreinte digitale n'a Ă©tĂ© relevĂ©e sur les lieux du crime. Selon les gendarmes, aucune trace exploitable n'aurait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e[166], y compris celles de la victime elle-mĂȘme sur son propre sac Ă main[167].
Aucune particule du sol de la cave sur ses chaussures, aucune trace de terre ou de brin dâherbe sur le sol de la cave, alors que le jardinier avait passĂ© sa matinĂ©e Ă tondre lâherbe. Pour le capitaine Cenci, lâabsence de trace de terre ou dâherbe sous les semelles sâexplique par le fait quâelles sont « totalement usĂ©es et lisses »[168].
Mais si Omar Raddad nâa pas prĂ©mĂ©ditĂ© son crime, ne portait donc vraisemblablement pas de gants et ne sâest pas changĂ©, comment alors expliquer quâil nâait laissĂ© aucune empreinte et que ses vĂȘtements ne soient pas tachĂ©s de sang[169]?
En octobre, le juge demande des prĂ©cisions sur les modes de saignement de la victime : les enquĂȘteurs rĂ©pondent que « les hĂ©morragies ont Ă©tĂ© surtout extĂ©riorisĂ©es [âŠ] sans projection importante ». Le peignoir aurait tout absorbĂ©[170]. Il y avait pourtant des Ă©claboussures de sang sur le mur de la chaufferie[171].
En octobre, lâanalyse de la cisaille, arme prĂ©sumĂ©e du crime, Ă©tablit quâon a trouvĂ© sur lâoutil de lâ « ADN animal », « le terme animal Ă©tant pris au sens large dâoĂč le sang humain nâest pas exclu ». Pour le capitaine Cenci, le taille-haie pourrait donc ĂȘtre lâarme du crime[172]. Il est toutefois Ă noter que les mĂ©decins lĂ©gistes indiqueront lors du procĂšs que « le taille-haie ne peut pas ĂȘtre Ă lâorigine de certaines blessures profondes de la victime. »[173].
DeuxiĂšme et troisiĂšme analyses
Le juge Renard demande par deux fois au laboratoire Serma des expertises des traces de poussiĂšre de la cave sur les vĂȘtements et les chaussures dâOmar Raddad, ainsi que dâĂ©ventuelles traces dâADN[174]. Il apprend que ces analyses nâont rien donnĂ©, mais que le laboratoire a dĂ©celĂ© la prĂ©sence de « traces de plĂątre ou de fibre de verre sur le pantalon dâOmar »[175].
PremiĂšre grĂšve de la faim
Le , Omar Raddad entame sa premiĂšre grĂšve de la faim. Une nuit, dans son dĂ©sespoir, il met le feu Ă sa couverture[176]. Le , il est hospitalisĂ© Ă Fresnes. Il ne consentira Ă se rĂ©alimenter que 36 jours plus tard, le , sur lâinsistance de son pĂšre[177].
DeuxiÚme demande de mise en liberté provisoire
La fin de lâannĂ©e 1991 est une pĂ©riode dĂ©licate pour lâinstruction. Le , la deuxiĂšme demande de mise en libertĂ© provisoire a Ă©tĂ© rejetĂ©e, alors que la presse a relevĂ© plusieurs Ă©lĂ©ments qui mettent en difficultĂ© la thĂšse des magistrats : analyses nĂ©gatives, grĂšve de la faim de lâinculpĂ©, affaire de la « faute de frappe » concernant la date prĂ©sumĂ©e du meurtre que les avocats de la dĂ©fense ont aussitĂŽt signalĂ©e Ă la presse (voir supra)[174]. Me Girard, avocat de la dĂ©fense, fait valoir que son client a Ă©tĂ© accusĂ© Ă tort dans la presse de vol et de frĂ©quentation des prostituĂ©es Ă la suite dâinformations provenant « nĂ©cessairement de gens proches de lâenquĂȘte ». Dans ces conditions, il lui paraĂźt justifiĂ© de dĂ©fendre son client par le mĂȘme moyen[178].
TroisiÚme demande de mise en liberté
Le , une troisiĂšme demande de mise en libertĂ© provisoire doit ĂȘtre dĂ©fendue par les avocats dâOmar Raddad. Mais quelques jours auparavant, le , avant que les rĂ©sultats dĂ©finitifs de la deuxiĂšme expertise aient Ă©tĂ© transmis Ă la dĂ©fense, Nice-Matin est informĂ© par « des sources proches de lâenquĂȘte » quâil a Ă©tĂ© retrouvĂ© « des poussiĂšres accusatrices » sur le pantalon dâOmar. Sous la plume de Paul Fronzes, le journal se demande si la rĂ©vĂ©lation de ces rĂ©sultats, encore officieux, par le parquet, nâaurait pas pour but de « faire contrepoids » Ă la nouvelle dĂ©marche de la dĂ©fense[175].
Expertise
Or que disaient les expertises en question ? Lâexpert, M. Grafeille, constatait dâabord que le plĂątre Ă©tant un matĂ©riau trĂšs commun, les traces trouvĂ©es sur le pantalon du jardinier « peuvent aussi provenir dâun autre environnement ». En outre, le matĂ©riau stockĂ© dans la cave est de la laine de roche, et ne correspond donc pas aux microparticules de fibre de verre trouvĂ©es sur le pantalon de lâinculpĂ©[179].
Au sujet des chaussures dâOmar Raddad, la composition chimique des fibres ne correspondait pas non plus avec les particules de la cave, mais lâexpert signalait aux magistrats « une corrĂ©lation Ă lâĂ©tat de traces » qui signifierait que lâaccusĂ© est passĂ© dans cette cave Ă un moment donnĂ©, plus ou moins Ă©loignĂ©[180].
Pour les enquĂȘteurs, la « corrĂ©lation Ă lâĂ©tat de traces » est fondamentale, car elle prouve quâOmar Raddad a marchĂ© sur le sol de la cave ; or il avait dâabord dĂ©clarĂ© ne pas y ĂȘtre descendu depuis deux mois ; puis, le , il sâest soudain souvenu y ĂȘtre descendu deux jours avant le meurtre pour y entreposer des pots de fleurs. Pour les enquĂȘteurs, il avait donc menti[181]. Mais lui-mĂȘme affirme « Je lâavais oubliĂ© ». Des pots de fleurs ont en effet Ă©tĂ© retrouvĂ©s dans la cave. InterrogĂ© par Ăve Livet plusieurs annĂ©es plus tard, le juge Renard indique avoir commencĂ© Ă douter de lâinnocence du jardinier en raison, notamment, « de son changement de comportement concernant sa prĂ©sence dans la cave dans un temps trĂšs proche du crime »[182].
QuatriÚme demande de mise en liberté
Le , Me Girard et Me Baudoux doivent dĂ©fendre en appel une quatriĂšme demande de mise en libertĂ©, qui sera rejetĂ©e comme les prĂ©cĂ©dentes, alors que les rĂ©sultats de la derniĂšre expertise, favorables Ă lâaccusĂ©, ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s le et ne seront notifiĂ©s Ă lâaccusĂ© que le .
Câest en ces circonstances que, le paraĂźt un article du Figaro : « Omar : nouvel accroc dans une image trop lisse ». Le juge « vient de dĂ©livrer une commission rogatoire » aux gendarmes pour Ă©tablir si lâaccusĂ© nâaurait pas volĂ© une chaĂźne en or Ă son Ă©pouse, par besoin dâargent. Lâarticle indique quâune personne du nom de Raddad a « nĂ©gociĂ© la vente » dâune chaĂźne en or dans une bijouterie en , date Ă laquelle Omar Raddad affirme quâil Ă©tait au Maroc. Lâarticle prĂ©cise que lâenquĂȘte ne peut vĂ©rifier ce point, car le passeport dâOmar Raddad a disparu.
Cette commission rogatoire date en fait dâ. Entre le et le , les enquĂȘteurs ont contrĂŽlĂ© les livres de police de 70 bijouteries. Ils ont dĂ©couvert effectivement la vente dâune chaĂźne en or dans lâune dâentre elles, en , au nom de Raddad[183], mais câest en , soit un an plus tard, que Latifa Raddad avait constatĂ© la disparition de sa chaĂźne. Quant au passeport dâOmar Raddad, les enquĂȘteurs lâavaient saisi lors de la perquisition de son appartement, le au matin[184].
Rapport entre Omar Raddad et la presse
Lors dâune rencontre avec le juge Renard, Omar Raddad se plaindra dâavoir Ă©tĂ© « sali dans la presse », accusĂ© de vol et de commerce avec les prostituĂ©es, et ajoutera : « Je voudrais savoir qui a pu fournir ces informations » aux journalistes. Pour Ăve Livet, la justice « avait Ă©tĂ© capable de savamment orchestrer fuites et fausses nouvelles pour parvenir Ă ses fins ». Le juge Renard, de son cĂŽtĂ©, affirme quâil nâa jamais eu de contact avec les journalistes, et remarque que les enquĂȘteurs sâen mĂ©fiaient aussi « car la presse leur Ă©tait trĂšs critique »[185].
Les médias en accusation
« Le procĂšs de rue a commencĂ© le . Pourquoi ? » se demande en effet le capitaine Cenci. La garde Ă vue du jardinier nâĂ©tait pas encore terminĂ©e que des informations paraissaient dĂ©jĂ dans la presse, alors que le procureur dĂ©cidait dâouvrir sans plus attendre une information judiciaire[186]. Le capitaine Cenci estime que les fuites provenaient de « personnes ayant Ă en connaĂźtre »[187]. MĂȘme sĂ©vĂ©ritĂ© de sa part pour des Ă©missions de tĂ©lĂ©vision oĂč « la dĂ©sinformation omniprĂ©sente est toujours Ă sens unique [âŠ]»[188] Il met en cause Ă©galement les avocats de la dĂ©fense qui « ont facilement gagnĂ© la bataille de lâinformation, mais sans gloire [âŠ] Lâopinion publique toujours prĂȘte Ă sâĂ©mouvoir a pris, sans savoir, fait et cause pour Omar Raddad »[189].
La partie civile se plaint aussi de lâattitude des journaux. Sous la plume de Me Leclerc, elle sâestime « victime dâune effroyable campagne de presse », et dĂ©nonce « les hypothĂšses les plus rocambolesques et les plus douloureuses » qui ont Ă©tĂ© publiĂ©es par les journaux[190].
Le journaliste Roger-Louis Bianchini, de Nice-Matin et France-Soir, estime pour sa part que les journalistes ont simplement fait leur travail « en exposant ce que lâon apprenait du dossier »[187].
Autre piste
LâenquĂȘte avait conclu que Ghislaine Marchal avait bien Ă©crit les messages sur les portes, et que câĂ©tait donc son meurtrier quâelle avait voulu dĂ©signer. Mais Ă©tait-il possible quâelle se fĂ»t trompĂ©e sur lâidentitĂ© de son agresseur ?
Des investigations ont Ă©tĂ© conduites par les enquĂȘteurs sur quatre autres personnes, avec comme idĂ©e directrice : ressemble-t-il Ă Omar Raddad[191] ?
Câest ainsi quâont Ă©tĂ© successivement mis hors de cause le frĂšre dâOmar, dont la victime trouvait quâil ne lui ressemblait pas du tout[192], un ancien cuisiner de Ghislaine Marchal, parti en mauvais termes avec elle[193], et un Français, M.T., parti en Suisse deux jours avant le meurtre et qui aurait Ă©tĂ© victime dâune dĂ©nonciation calomnieuse dâaprĂšs les enquĂȘteurs ; tous trois « ne peuvent ĂȘtre confondus physiquement avec Omar Raddad » prĂ©cise le Major Cenci[194]. Enfin un homme, Gilbert F., vivant dans une caravane Ă proximitĂ© de La Chamade, qui disait se trouver au Maroc le jour du crime, et avait prĂ©sentĂ© son billet dâavion et son passeport portant les tampons dâentrĂ©e et de sortie du territoire[195].
DeuxiĂšme grĂšve de la faim
AprĂšs un cinquiĂšme refus de mise en libertĂ© provisoire, Ă peine remis de sa prĂ©cĂ©dente grĂšve de la faim, Omar Raddad en entame une nouvelle, le [196]. Quelque temps aprĂšs, il dĂ©cide de cesser aussi de boire. Le , le juge vient Ă lâhĂŽpital lui signifier, Ă son immense dĂ©ception, un mandat de dĂ©pĂŽt dâun an. Parmi les motifs invoquĂ©s : «⊠les faits qui lui sont reprochĂ©s ont gravement troublĂ© lâordre public ».. Me Girard se demande « si ce trouble nâest pas plutĂŽt celui causĂ© par la dĂ©tention dâune personne innocente » et souligne quâune seule expertise lui a Ă©tĂ© dĂ©favorable jusquâĂ prĂ©sent : celle des graphologues. Omar Raddad finira par renoncer Ă cette grĂšve de la faim, aprĂšs 35 jours de privations[197].
Le , le procureur Farret achĂšve son rĂ©quisitoire. Les Ă©lĂ©ments retenus contre Omar Raddad sont les inscriptions qui lâaccusent, son absence dâalibi et les traces de poussiĂšre de la cave sous ses chaussures. Il sâagit probablement de la « corrĂ©lation Ă lâĂ©tat de traces », puisque les rĂ©sultats de toutes les autres expertises lui Ă©taient favorables (Voir supra)[198].
Tentative de suicide d'Omar Raddad
Omar Raddad est transfĂ©rĂ© le Ă la maison dâarrĂȘt de Nice et placĂ© dans une piĂšce « sordide », celle oĂč lâon met les nouveaux arrivants. « Les toilettes Ă©taient bouchĂ©es, les prises de courant cassĂ©es, les murs maculĂ©s de taches » Ă©crira-t-il. Il raconte que dans son dĂ©sespoir et sa rĂ©volte, il a avalĂ© une lame de rasoir aprĂšs lâavoir mise dans de la mie de pain. Il prĂ©vient le gardien qui, dâaprĂšs lui, sâen fiche ouvertement. « Sans doute avait-il souvent eu affaire Ă des dĂ©tenus qui jouaient la comĂ©die » remarque Omar, qui Ă©crira ne pas lui en avoir voulu. Il se taillade alors les veines et obtient dâĂȘtre soignĂ©. Le lendemain, il est transfĂ©rĂ© dans une cellule normale oĂč il attendra son jugement pendant dix mois[199].
L'instruction se termine au printemps 1993. Les avocats d'Omar Raddad tentent d'invoquer le non-lieu en se référant à des présumés manquements dans la procédure. Cependant la chambre d'accusation rejette cette demande et renvoie Omar Raddad devant les assises de Nice, le [30].
Omar Raddad se sĂ©pare de ses deux avocats, et sâen remet Ă Me VergĂšs. Il raconte que câest son voisin de chambre Ă lâhĂŽpital de la prison de Nice qui lui a conseillĂ© de prendre un troisiĂšme avocat, Me VergĂšs. Mais devant lâimpossibilitĂ© de mettre ses trois avocats dâaccord sur la question de lâauteur des messages sanglants, aprĂšs une valse hĂ©sitation rĂ©vĂ©latrice de son dĂ©sarroi, il dut se rĂ©signer Ă se sĂ©parer de Me Girard et Me Baudoux[200].
Me VergĂšs lui fit aussitĂŽt renoncer au pourvoi en cassation sur la dĂ©cision de la chambre dâaccusation, que ses collĂšgues avaient introduit le . Ce faisant, Omar Raddad renonçait Ă soulever la nullitĂ© des procĂšs-verbaux, en garde Ă vue et en premiĂšre comparution, au motif quâil nâavait pas bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun interprĂšte. Lâobjectif de Me VergĂšs Ă©tait dâĂ©viter de nouveaux dĂ©lais dans la procĂ©dure.
ProcĂšs
Le procĂšs d'Omar Raddad s'ouvre le devant une salle comble, « en majoritĂ© acquise au jardinier et persuadĂ©e quâil serait acquittĂ© »[201]. Le capitaine Cenci estime que la dĂ©fense a « occupĂ© seule le terrain mĂ©diatique » et « façonnĂ© lâimage » dâun innocent injustement accusĂ©[202]. L'accusĂ© est dĂ©fendu par Jacques VergĂšs assistĂ© de Me PĂ©tillault, et sâexprime en arabe, avec lâaide dâun interprĂšte.
De son cĂŽtĂ©, la famille de Ghislaine Marchal sollicite les services de Me Henri Leclerc, vice-prĂ©sident de la Ligue des Droits de lâHomme, collĂšgue et ami du bĂątonnier Bernard du Grandrut, beau-frĂšre de la victime. Me Henri Leclerc avait prĂ©cisĂ©, dans un entretien accordĂ© Ă Jeune Afrique : « Si la famille mâa choisi, câest justement parce quâelle ne voulait pas de dĂ©rive raciste »[203]. Le prĂ©sident de la Cour, Armand Djian, est prĂ©sentĂ© par le capitaine Cenci comme un homme de grande expĂ©rience et rigueur intellectuelle, qui connaĂźt parfaitement ses dossiers « dans le moindre dĂ©tail », et qui est dotĂ© dâune « autoritĂ© naturelle Ă sâimposer »[204].
Lecture de lâarrĂȘt de renvoi de la chambre dâaccusation
Le procĂšs commence, comme câest lâusage, par la lecture de lâarrĂȘt de renvoi de la Chambre dâaccusation[205]. Lâinculpation dâOmar Raddad va s'appuyer sur les Ă©lĂ©ments suivants :
- Les inscriptions en lettres de sang, qui le désignent explicitement, et le systÚme de blocage de la porte de la cave de l'intérieur, qui conforte le juge dans sa conviction que ces messages ont été écrits par la victime.
- Les besoins dâargent de lâinculpĂ©, manifestĂ©s par les demandes dâavance sur salaire Ă ses employeurs.
- L'absence dâalibi : les informations donnĂ©es par Omar Raddad sur son emploi du temps, le dimanche 23 juin, entre 12 h et 13 h 10 (heure retenue du crime), nâont pas Ă©tĂ© confirmĂ©es par les personnes interrogĂ©es.
- Enfin, l'absence d'effraction Ă la Chamade et le supposĂ© simple vol de 5 000 francs (762 euros) dans le sac Ă main de la victime â alors que les objets de valeur et bijoux sont retrouvĂ©s intacts dans la villa â orientent l'enquĂȘte vers un familier des lieux proche de la victime. Or Omar Raddad, comme la femme de mĂ©nage mise en cause par la dĂ©fense, possĂ©daient la clef du portail d'entrĂ©e.
On procĂšde Ă l'analyse de la personnalitĂ© de l'accusĂ©. Les tĂ©moignages des gendarmes et de lâexpert psychiatre lui sont dans lâensemble favorables. On Ă©voque ses dĂ©penses, ses demandes dâavance sur salaires, sa passion du jeu, la question du bijou disparu[206]. Ses proches lui « dĂ©cerne[nt] des louanges » et sont tour Ă tour interrogĂ©s par le prĂ©sident sur le niveau de français de lâaccusĂ©[207]. Omar Raddad est dĂ©crit par son Ă©pouse Latifa comme un « bon pĂšre de famille » sans histoire.
Le prĂ©sident Armand Djian, qui a vĂ©cu en AlgĂ©rie, oĂč il a commencĂ© sa carriĂšre[205], cite plusieurs fois le Coran pour sâĂ©tonner de lâillettrisme de lâaccusĂ©, ou quâon lâait vu manger un jour de ramadan, ou pour lui reprocher les jeux dâargent auxquels il sâĂ©tait livrĂ© et son commerce supposĂ© avec des prostituĂ©es, contrairement aux prĂ©ceptes de lâIslam[208]. Un incident de sĂ©ance a lieu pendant le tĂ©moignage de Latifa Raddad qui affirme que « son mari est si gentil qu'il ne pourrait faire de mal Ă une mouche », ce Ă quoi le prĂ©sident de la cour d'assises Armand Djian, faisant rĂ©fĂ©rence Ă la fĂȘte de l'AĂŻd-el-KĂ©bir, lui rĂ©pondra « mais il Ă©gorge le mouton »[209].
Omar Raddad fera remarquer que « le prĂ©sident semblait avoir oubliĂ© quâil devait juger si jâavais ou non tuĂ© Madame Marchal, et non si jâĂ©tais un bon ou un mauvais musulman »[210]. Me VergĂšs nâa pas rĂ©agi Ă ces propos du prĂ©sident[211], estimant quâil nây avait lĂ rien quâon pĂ»t lui reprocher dâĂ©vident[212]. Mais lâinsistance du prĂ©sident Djian Ă interroger le prĂ©venu sur ses pratiques religieuses en choquera plus dâun : Maurice Peyrot parle de « rĂ©flexions dĂ©sagrĂ©ables », SolĂšne Haddad sâĂ©tonne de « ces Ă©lucubrations qui nâont que peu de rapport avec lâaffaire » et sâinterroge sur le « caractĂšre potentiellement raciste » de la rĂ©flexion sur lâĂ©gorgement du mouton. Le prĂ©sident Djian se dĂ©fendra par la suite, lors d'un entretien avec la journaliste Ăve Livet, de toute intention raciste dans ses propos, faisant valoir que la dĂ©fense nâa pas demandĂ© de donner acte[213].
Analyse d'Omar Raddad
Les jours suivants, on examine longuement la frĂ©quentation des machines Ă sous par Omar. Les procĂšs-verbaux d'audition du personnel du casino de la Croisette de Cannes dĂ©crivent un homme frĂ©quentant lâĂ©tablissement plusieurs fois par semaine[104]. Suivra une longue Ă©tude de son compte en banque au Maroc, qui suscitera une certaine impatience des jurĂ©s, notĂ©e par le capitaine Cenci[214].
Par ailleurs, le jardinier marocain aurait réguliÚrement demandé des avances sur salaires à ses employeurs afin, leur aurait-il dit, de payer son loyer. Ce motif sera contredit par le témoignage du gérant de son logement, car Omar Raddad lui devait un mois de loyer (mai 1991). Les représentants de l'accusation pensent qu'Omar Raddad aurait utilisé les avances sur salaires pour jouer au casino afin de récupérer sa mise, étant donné qu'il aurait caché sa passion du jeu à son épouse et que, devant les demandes de leur jardinier, ses employeurs seraient convenus de ne plus céder.
Le prĂ©sident revient sur la frĂ©quentation de prostituĂ©es, « Un sujet auquel il tenait dĂ©cidĂ©ment beaucoup » remarque Omar, qui nie farouchement cette dĂ©position, faite sans interprĂšte lors des premiers interrogatoires. « Je voudrais bien quâelles viennent, dit-il, car je ne les connais pas et elles ont fait des dĂ©clarations dĂ©shonorantes Ă mon sujet »[215]. La prostituĂ©e interrogĂ©e par les gendarmes lors de lâenquĂȘte ne viendra pas finalement tĂ©moigner au procĂšs. RetrouvĂ©e et entendue par le dĂ©tective Roger-Marc Moreau[216] en 1995, elle dĂ©mentira, affirmant de plus que les militaires de la gendarmerie lui auraient fait signer une audition inexacte sans lui avoir fait relire le texte. Par la suite, elle n'aurait pas reçu de convocation pour tĂ©moigner au procĂšs, alors que, contrairement Ă ce qui avait Ă©tĂ© prĂ©tendu, elle rĂ©sidait toujours Ă la mĂȘme adresse Ă Marseille (13), dans un appartement dont elle Ă©tait la propriĂ©taire.
Une prostituĂ©e occasionnelle, N.X., viendra dire quâelle a remarquĂ© Omar Raddad sur la Croisette et quâil lâa fixĂ©e du regard, mais quâelle ne lâa jamais eu comme client (elle ne se prostituait dâailleurs pas encore Ă lâĂ©poque[217]).
Francine P. est longuement interrogĂ©e, ainsi que sa fille et son gendre, sur les demandes dâavances sur salaires du jardinier (voir supra) et son attitude le Ă lâheure du dĂ©jeuner : « si Omar avait eu du sang sur lui, mon chien ne lâaurait pas laissĂ© tranquille », remarque-t-elle[218].
Analyse de Ghislaine Marchal
Au sujet de la personnalitĂ© et de la vie de Ghislaine Marchal, son fils, visiblement bouleversĂ©, tĂ©moigne que plus quâune mĂšre, elle a Ă©tĂ© pour lui une amie et une confidente. Il dit avoir Ă©tĂ© trĂšs blessĂ© de lire certaines choses sur elle. « Cette affaire a Ă©tĂ© pour nous un drame Ă©pouvantable et le restera[219] ».
Madame Marchal adorait cet unique enfant, nĂ© en 1945 alors quâelle nâavait que 19 ans[220]. Elle avait Ă©tĂ© trĂšs marquĂ©e par la dĂ©portation de ses deux parents, entrĂ©s dans la RĂ©sistance. Sa mĂšre seule en Ă©tait revenue. Ghislaine Marchal est dĂ©crite comme une femme au caractĂšre affirmĂ©, pouvant ĂȘtre adorable mais qui « pouvait pousser Ă bout », exigeante mais juste, avec de grandes qualitĂ©s de cĆur, courageuse et intraitable. Elle nâĂ©tait pas du genre Ă se laisser faire, et nâaurait jamais Ă©crit, mĂȘme sous la torture, contre sa volontĂ©[221]. On la prĂ©sente comme une personne secrĂšte. Personne ne sait rien de lâĂ©ventuelle vie sentimentale de Ghislaine Marchal, et Omar remarque : « Le juge nâa pas insistĂ©. Jâai remarquĂ© quâil Ă©tait beaucoup plus discret sur sa vie privĂ©e que sur la mienne »[222].
TĂ©moignage de la femme de chambre
La femme de chambre donne une description des demandes dâargent dâOmar Ă sa patronne qui amĂšneront lâinculpĂ© Ă protester, et affirmer quâelle ment (voir supra). Elle dĂ©clare aussi que le samedi , vers 10h, Ghislaine Marchal avait reçu un appel tĂ©lĂ©phonique Ă la suite duquel elle lui avait donnĂ© son congĂ© jusquâau mardi matin. Liliane R. aurait pensĂ© que sa patronne Ă©tait invitĂ©e et quâelle « devait partir loin »[223]. Cette dĂ©claration fait lâeffet dâun coup de thĂ©Ăątre aux assises. La femme de mĂ©nage avait pourtant dĂ©jĂ signalĂ© ce congĂ© du lundi aux enquĂȘteurs, en juillet, mais elle nâavait pas mentionnĂ© alors lâappel tĂ©lĂ©phonique. Ces « additions » Ă sa prĂ©cĂ©dente dĂ©position seront prises trĂšs au sĂ©rieux par la dĂ©fense lors de la recherche dâĂ©lĂ©ments nouveaux (voir infra)[224].
L'alibi
Lâexamen de lâalibi dâOmar Raddad le donne lieu Ă lâaudition des deux vendeuses de la boulangerie la Huche Ă pain et du gĂ©rant du magasin Casino (voir supra : Omar Raddad avait-il un alibi ?).
Une habitante de lâimmeuble oĂč habitait Omar Raddad, Mme Marie-Maryse B., tĂ©moignera aux enquĂȘteurs quâelle est restĂ©e sur son balcon de 11 h 30 Ă 12 h 45 pour guetter lâarrivĂ©e de sa fille, mais quâĂ aucun moment elle nâa vu arriver Omar Raddad. « Durant ce laps de temps, je n'ai absolument pas vu Omar Raddad arriver sur son cyclomoteur. Son Ă©poux, interrogĂ© par Me VergĂšs, admettra : « On ne lâa pas vu mais il est peut-ĂȘtre venu ». RĂ©entendue en 1995 par le dĂ©tective Roger-Marc Moreau chargĂ© d'une contre-enquĂȘte par Me VergĂšs, elle ne pourra pas expliquer comment elle a fait pour prĂ©parer le repas tout en restant continuellement sur son balcon pendant le laps de temps indiquĂ©. De surcroĂźt, cette personne souffrirait de difficultĂ©s de concentration et prĂ©sentait des troubles des facultĂ©s cognitives Ă la suite de sĂ©quelles liĂ©es Ă un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral.
Les scellés
Les scellĂ©s auraient subi diverses pĂ©ripĂ©ties. Des Ă©chantillons de sang auraient Ă©tĂ© confiĂ©s, sans ordonnance du mĂ©decin lĂ©giste, Ă un pharmacien qui nâĂ©tait pas Ă©quipĂ© pour ce travail et se plaignait que le sang lui Ă©tait arrivĂ© dĂ©tĂ©riorĂ©. Les experts chargĂ©s de rechercher des empreintes sur le sac de la victime ne lâauraient reçu que cinq mois plus tard, sous scellĂ© ouvert. Le capitaine Cenci rĂ©pond point par point Ă ces critiques dans son livre. Il explique notamment quâen ce qui concerne le chevron, lâenquĂȘte a privilĂ©giĂ© la recherche dâADN Ă celle dâempreintes, ces Ă©tudes sâexcluant mutuellement. Il note que si Me VergĂšs a cherchĂ© Ă crĂ©er le doute sur ces expertises et « la cĂ©lĂ©ritĂ© de lâenquĂȘte », il ne lui a posĂ© aucune question pendant le procĂšs, Ă sa grande surprise : « Nâayant pas eu de question, je nâai pas eu Ă ouvrir mon porte-documents »[225].
Le cinquiĂšme jour est consacrĂ© entre autres au profil de lâaccusĂ©, qui ne sait ni lire ni Ă©crire dans aucune langue, comprend « les termes usuels de la langue française », est « poli et calme ». On examine en dĂ©tail son handicap Ă la main droite, rĂ©sultant dâun accident survenu en 1988, ce qui ne lâaurait pas empĂȘchĂ© dâassassiner Ghislaine Marchal[226].
AprĂšs un exposĂ© des experts et mĂ©decins sur les blessures de la victime, lâarme supposĂ©e du crime et sa datation, lâassistance Ă©coute, « dans un silence de plomb », le major Cenci donner sa version du scĂ©nario de lâagression (voir supra). Me VergĂšs fait remarquer que lâenquĂȘteur, en tant que tĂ©moin, nâa pas Ă donner son interprĂ©tation des faits, ni Ă faire un rĂ©quisitoire contre lâinculpĂ©[227]. Il reproche Ă lâenquĂȘte dâavoir Ă©tĂ© orientĂ©e dĂšs le dĂ©but, et affirme que dâautres pistes nâont pas Ă©tĂ© recherchĂ©es.
Me VergĂšs accuse notamment les enquĂȘteurs dâavoir dĂ©truit la pellicule de photos « sans doute intĂ©ressantes » qui a Ă©tĂ© retrouvĂ©e dans lâappareil de Ghislaine Marchal. Le capitaine Cenci sâĂ©tonnera de nâavoir pas Ă©tĂ© interrogĂ© alors sur leur contenu : il sâagissait de photos de la propriĂ©tĂ© et de Mesdames Francine P. et Colette K. posant au bord de la piscine ; ces photos ont probablement Ă©tĂ© prises le mercredi , jour oĂč Francine P. confirme quâelles avaient Ă©tĂ© invitĂ©es Ă dĂ©jeuner Ă La Chamade[228].
Me VergĂšs revient sur le voisin, Gilbert F., qui avait affirmĂ© ĂȘtre au Maroc le jour du crime. Il fait remarquer que le billet et les tampons sur son passeport ne prouvent pas que câest bien lui qui a fait ce voyage et demande pourquoi on nâa pas vĂ©rifiĂ© les affirmations de cet homme, en contradiction avec celles de sa compagne ? Il lui est rĂ©pondu quâil « ne ressemblait pas Ă Omar Raddad »[229].
Puis le dĂ©bat porte sur lâincinĂ©ration du corps de la victime, conformĂ©ment Ă ses derniĂšres volontĂ©s (voir supra). Le capitaine Cenci dit avoir attendu en vain des questions de la dĂ©fense Ă ce sujet[230].
« Impressionnisme judiciaire »
Ă propos de ces journĂ©es, le journaliste Maurice Peyrot parle « dâimpressionnisme judiciaire » : lorsque le dossier de lâaccusation est maigre, la justice « a une mĂ©thode qui consiste Ă multiplier les doutes sur des aspects mineurs de lâaccusation ». Ces multiples petites touches, ces petits Ă©lĂ©ments ne prouvent rien, mais en les accumulant, on finit par « crĂ©er un doute sur lâinnocence »[231].
La journaliste Ăve Livet dit du prĂ©sident Djian quâil prenait tout son temps, entrant minutieusement dans tous les dĂ©tails, comme pour « avoir les jurĂ©s Ă lâĂ©puisement ». Il Ă©tait accusĂ© par les avocats dâavoir « un parti pris certain de dĂ©part »[232].
Démission des jurés
Deux jurĂ©s se retirĂšrent en deux jours, sous divers prĂ©textes[233]. Un autre jurĂ© confiera Ă VSD, aprĂšs lâaudience : « ça mâa fait mal, parce que je suis sĂ»r quâils Ă©taient comme moi, bouleversĂ©s, et quâils se sont retirĂ©s pour ne pas avoir Ă prendre parti ». Il parle dâune ambiance « anti-Omar ». Pendant les interruptions de sĂ©ance, il y avait ceux qui « suivaient le prĂ©sident » et qui sâexprimaient le plus. Les autres, comme moi, restaient dans leur coin »[234].
Présentation des inscriptions
En dĂ©but dâaprĂšs-midi, le sixiĂšme jour, le prĂ©sident fit apporter les deux portes avec les inscriptions en lettres de sang. « Les murmures se turent dans la salle et chacun retint son souffle »[235]. Ce fut un intense moment dâĂ©motion. Selon MaĂźtre Henri Leclerc, avocat de la partie civile, « dire quâelle nâa pas dĂ©livrĂ© ce message, câest nier lâultime manifestation de courage infini de cette femme agonisante »[69]. « Il est clair que ces portes ont eu un impact psychologique indĂ©niable, et pour les enquĂȘteurs, et pour la cour dâassises » dira plus tard le juge Renard[236].
Contestations graphologiques
Me VergĂšs conteste que lâĂ©criture des messages soit celle de la victime et met en doute la pertinence des expertises graphologiques : il se lance dans lâĂ©vocation des affaires Gregory et Dreyfus, et conclut que les graphologues devraient ĂȘtre « Ă©cartĂ©s des tribunaux »[237]. Il entreprend de dĂ©montrer les dissemblances entre les lettres sur les portes et celles des mots croisĂ©s de Ghislaine Marchal[238], et obtient du graphologue Gilles Giessner quâil admette « une probabilitĂ© des deux tiers quâelle ait Ă©crit, et dâun tiers non ». Les mĂ©decins, quant Ă eux, rĂ©affirment que Ghislaine Marchal Ă©tait restĂ©e lucide et savait ce quâelle faisait[239].
Quant Ă la prostituĂ©e qui, lors de lâenquĂȘte, avait reconnu avoir eu Omar Raddad comme client, elle ne viendra pas finalement tĂ©moigner au procĂšs. Elle avait Ă©crit en janvier pour dire quâelle ne viendrait pas, furieuse que son Ă©tat civil ait Ă©tĂ© donnĂ© Ă la presse[240]. Le prĂ©sident annonce quâon ne lâa pas retrouvĂ©e, et lit Ă lâassistance la dĂ©position de cette personne, la seule qui prĂ©sente Omar sous un jour dĂ©favorable. Me VergĂšs laisse passer[241].
On a vu (voir supra) que le dĂ©tective Roger-Marc Moreau retrouvera cette femme en 1995, et qu'elle dĂ©mentira sa dĂ©position. Ăve Livet retrouvera aussi sans difficultĂ© F.X. quelques annĂ©es plus tard et lui fera relire son procĂšs-verbal dâaudition. F.X affirmera quâelle nâa « jamais dit ça », et regrettera son tĂ©moignage. Elle aurait signĂ© sa dĂ©position sans lâavoir lue[242].
Suivront la plaidoirie de Me Leclerc et le rĂ©quisitoire de lâavocat gĂ©nĂ©ral, qui reprennent les conclusions de lâenquĂȘte, puis la plaidoirie de Me PĂ©tillault pour la dĂ©fense, qui soutient la thĂšse de la mise en scĂšne et la datation du crime au [243].
Le défenseur d'Omar Raddad[104], Me VergÚs, met en avant notamment les éléments suivants :
- Le chef de la gendarmerie a privilĂ©giĂ© une hypothĂšse dĂšs le dĂ©part. LâenquĂȘte a Ă©tĂ© bĂąclĂ©e et menĂ©e exclusivement Ă charge.
- La victime a Ă©tĂ© traĂźnĂ©e par son meurtrier et ne s'est jamais relevĂ©e. LâĂ©criture des messages nâest pas celle de Ghislaine Marchal.
- Les lĂ©gistes ont essayĂ© de « faire coller » leurs constatations aux hypothĂšses des enquĂȘteurs[244].
- Quoique Omar dise ou fasse, il a toujours tort pour ses accusateurs : il arrive en avance Ă son travail, câest quâil veut « se faire voir », il est calme, câest le calme dâun assassin, il se trompe sur lâheure de son appel tĂ©lĂ©phonique, câest quâil ment[245].
- Il nâa pas de mobile, et il nâexiste aucune trace de lui nulle part, aucun indice.
- Il nây a aucune preuve quâil ait pris lâargent dans le sac Ă main de la victime : quand il est arrivĂ© Ă Toulon, il nâavait que trĂšs peu de liquide sur lui.
- LâhypothĂšse de la prĂ©sence du chevron a Ă©tĂ© rajoutĂ©e aprĂšs coup pour expliquer le blocage de la porte
- Les enquĂȘteurs n'ont fait aucune investigation dans le milieu proche de la victime (hĂ©ritiers potentiels, famille proche, milieu des affaires).
Condamnation
Le 2 fĂ©vrier au soir, Omar Raddad est condamnĂ© Ă 18 ans de rĂ©clusion criminelle, les jurĂ©s le reconnaissant coupable du crime avec circonstances attĂ©nuantes[246]. Beaucoup de pĂ©nalistes prĂ©sents lors du procĂšs furent unanimes pour constater le peu de combativitĂ© de la dĂ©fense devant les jurĂ©s et selon certains, le manque de connaissance du dossier de Me VergĂšs[104]. Jacques VergĂšs expliquera qu'il avait Ă©tĂ© volontairement sobre car, contrairement Ă ses autres procĂšs mĂ©diatisĂ©s, il dĂ©fendait un homme dont il Ă©tait convaincu de la rĂ©elle innocence. Il nâaurait pas voulu de stratĂ©gie de rupture, susceptible dâindisposer les jurĂ©s[212].
Ă propos de lâattitude du prĂ©sident Djian lors du dĂ©libĂ©rĂ©, qui rĂ©unissait autour de lui les 9 jurĂ©s et deux autres magistrats, Me VergĂšs confiera Ă Ăve Livet avoir Ă©tĂ© choquĂ© par « le travail quâil a fait pendant les six heures et demie dans le dos de la dĂ©fense »[247]. Il pense quâOmar aurait Ă©tĂ© acquittĂ© sans la pression exercĂ©e par le prĂ©sident pour amener les jurĂ©s Ă voter la culpabilitĂ©[248]. Lâun dâentre eux accepta par la suite de confier au journal VSD ses impressions du dĂ©libĂ©rĂ© : dĂšs quâune des personnes prĂ©sentes manifestait des doutes sur la culpabilitĂ© dâOmar Raddad, le prĂ©sident reprenait alors toute lâaffaire, avec douceur et en dĂ©tail. « CâĂ©tait trĂšs subtil et trĂšs long [âŠ] et Ă la fin, on ne savait plus quoi penser ». Il dĂ©crit aussi les idĂ©es reçues de certains jurĂ©s sur « une supposĂ©e mentalitĂ© maghrĂ©bine »[249].
Une information judiciaire fut ouverte aprĂšs cette publication, et les neuf jurĂ©s furent interrogĂ©s, ainsi que le journaliste de VSD, Antoine Casubolo. DâaprĂšs lâarrĂȘt du de la chambre dâaccusation de la cour dâappel dâAix en Provence, ce journaliste a admis nâavoir pu contacter aucun des jurĂ©s. Ă la suite de quoi fut rendue une ordonnance de non-lieu[250].
AprĂšs la condamnation, sur les marches du palais de justice, Me VergĂšs fera sensation en lançant une phrase qui marquera les esprits : « C'est la cĂ©lĂ©bration de l'anniversaire du centenaire de l'Affaire Dreyfus. Il y a cent ans, on condamnait un officier qui avait le tort d'ĂȘtre juif, aujourd'hui on condamne un jardinier parce qu'il a le tort d'ĂȘtre maghrĂ©bin »[251].
Protestations
Le verdict fut trĂšs critiquĂ©, tant en France quâau Maroc, oĂč il souleva la colĂšre de la population. En France, il va contribuer Ă relancer le dĂ©bat sur la rĂ©forme de la cour dâassises, accusĂ©e de prononcer de lourdes condamnations sans preuves et sans possibilitĂ© de faire appel[252].
Sabine Mariette, ancienne prĂ©sidente du Syndicat de la magistrature, estime que cette affaire est « rĂ©vĂ©latrice de tous les dysfonctionnements judiciaires » qui peuvent amener quelquâun Ă la cour dâassises « sans que tout ce qui aurait pu ĂȘtre fait pour exploiter justement les Ă©lĂ©ments Ă dĂ©charge ne lâait Ă©tĂ© », un systĂšme dans lequel « lâintime conviction » des enquĂȘteurs et magistrats suffit Ă orienter celle des jurĂ©s[253].
Dix-huit avocats font paraĂźtre une dĂ©claration, dĂšs le , pour dĂ©noncer la condamnation dâOmar Raddad « sans charge suffisante » et rĂ©clamer un nouveau procĂšs. Ă la suite de quoi lâUnion syndicale des magistrats sâindigne de cette dĂ©claration et fustige « une petite minoritĂ© dâavocats politisĂ©s et avides de publicitĂ© » qui dĂ©nigrent la justice[254].
Tentatives de réhabilitation d'Omar Raddad
Rebondissements et pourvoi en cassation
Ă la suite du procĂšs, deux dĂ©tectives privĂ©s[255], sont mandatĂ©s par la dĂ©fense pour mener une contre-enquĂȘte afin de trouver des Ă©lĂ©ments nouveaux susceptibles dâobtenir la rĂ©vision de la condamnation. MaĂźtre Jacques VergĂšs sollicite les services du dĂ©tective Roger-Marc Moreau, tandis que maĂźtre Georges Girard, l'un des deux premiers avocats d'Omar Raddad, recommandĂ©s par Moulay Hicham ben Abdellah el-Alaoui (neveu d'Hassan II), mandate de son cĂŽtĂ© le dĂ©tective Bernard Naranjo, dont les investigations sont financĂ©es par un proche du roi Hassan II[104] - [256].
Création d'un comité de soutien et publication de deux livres
En , lâacadĂ©micien Jean-Marie Rouart fait paraĂźtre un livre sur lâaffaire, au titre Ă©vocateur : « Omar : la construction dâun coupable ». Il indique lâavoir Ă©crit en trois semaines, « dans la hĂąte et dans la passion. Lâindignation me brĂ»lait »[257]. Il pense qu'Omar Raddad aurait Ă©tĂ© victime dâun complot, et met en cause la famille de la victime et les juges, sur fond dâĂ©ventuels rĂšglements politiques obscurs. Il critique lâenquĂȘte, sâindigne de lâincinĂ©ration rapide du corps et de la destruction des derniĂšres photos prises par la victime, soutient la thĂšse dâun assassinat le , se glisse mĂȘme dans le jardin de La Chamade en franchissant clĂŽtures et haies, afin de prouver que lâassassin aurait pu entrer sans avoir de clĂ©[258]. Il dĂ©taille les activitĂ©s multiples, en Afrique notamment, et les nombreuses relations dans les milieux dâaffaires, dâun des beaux-frĂšres de Ghislaine Marchal et sâinterroge sur les risques potentiels des contacts quâil aurait pu avoir[259]. Il sâinterroge aussi sur lâinfluence Ă©ventuelle de lâautre beau-frĂšre de Ghislaine Marchal, le bĂątonnier du Grandrut, et suggĂšre dans un article du Figaro que « la justice a donnĂ© lâimpression de sâĂȘtre laissĂ© dicter ses dĂ©cisions par une camarilla de « chers confrĂšres »[260].
TrĂšs mobilisĂ© sur cette affaire, il rencontre les avocats dâOmar Raddad, se fait inviter Ă une Ă©mission de Bernard Pivot et organise un comitĂ© de dĂ©fense dâOmar Raddad en faisant signer une pĂ©tition Ă des personnalitĂ©s, Ă©crivains cĂ©lĂšbres, acadĂ©miciens, avocats[261]. Il fera mĂȘme inviter Omar Raddad Ă lâAcadĂ©mie française aprĂšs sa libĂ©ration[262].
Ă la suite dâune plainte en diffamation, examinĂ©e en , il sera condamnĂ© au paiement de dommages et intĂ©rĂȘts Ă la famille de la victime. Les juges relĂšveront la gravitĂ© de ses propos, lâabsence de preuves du prĂ©tendu complot, le manque de prudence dont il a fait preuve, se dispensant par exemple de contacter la famille de Ghislaine Marchal Ă propos de lâincinĂ©ration ou des photos dĂ©truites. Pour les juges, son hypothĂšse ne repose « que sur des Ă©lĂ©ments Ă©pars, incomplets et dont la recherche est surtout la consĂ©quence dâune conviction et non son prĂ©alable »[263].
Câest Ă©galement en que paraĂźt le livre de Me VergĂšs, Omar mâa tuer : Histoire dâun crime. VergĂšs est Ă cette Ă©poque poursuivi par le parquet de Nice pour son commentaire sur le supposĂ© racisme du verdict. Il reprend assez succinctement les dĂ©tails de lâaffaire, en insistant sur la critique des expertises graphologiques et des graphologues en gĂ©nĂ©ral, et propose une rĂ©forme des assises. Sont visĂ©es la participation des magistrats au dĂ©libĂ©rĂ©, lâabsence de motivation des arrĂȘts de la cour et lâimpossibilitĂ© de faire appel dâune condamnation aux assises.
Rejet du pourvoi en cassation
Le , le pourvoi en cassation formé par la défense de Raddad est rejeté, la Cour de cassation n'ayant relevé aucune faute de procédure et arguant que l'accusé a eu droit à un procÚs équitable[30].
Piste de la camionnette du peintre
PrÚs de trois mois aprÚs le verdict de la cour d'assises, Jacques VergÚs avait tenu une conférence de presse, le , en compagnie d'une Néo-Zélandaise, Patricia C., résidente épisodique de Mougins. Elle s'était manifestée à la suite de la lecture du livre de Jacques VergÚs, Omar m'a tuer : histoire d'un crime. Le jour du crime, elle aurait remarqué devant son domicile, situé à quelques kilomÚtres de la villa de Ghislaine Marchal, une camionnette apparemment abandonnée avec, à l'intérieur, des traces de sang et des chevrons de bois à l'arriÚre[264]. Le véhicule aurait disparu quelques jours plus tard. AprÚs vérifications, la gendarmerie de Mougins constate qu'un peintre, voisin de Mme Patricia C., possÚde une camionnette correspondant à cette description, et qu'il lui est arrivé effectivement de transporter des planches de bois et un produit rouge pour la moquette, que le témoin a pu confondre avec du sang[265].
Piste du « second Omar »
Fin , le journal LibĂ©ration mentionne la piste dâun « second Omar ». Le dĂ©tective Bernard Naranjo dit avoir appris que Ghislaine Marchal connaissait un jeune homme prĂ©nommĂ© Omar. Elle aurait Ă©tĂ© vue en sa compagnie quelque temps avant le meurtre devant un casino.
La gendarmerie de Mougins interroge cette personne et conclut qu'il s'agit d'une dĂ©nonciation calomnieuse Ă©tant donnĂ© que ce jeune homme, rĂ©sidant Ă quinze kilomĂštres de Mougins, n'aurait absolument aucun lien avec Ghislaine Marchal. Il n'avait de commun avec l'accusĂ© Omar Raddad que le prĂ©nom[266]. Ăve Livet signale que la Chancellerie a demandĂ© au Parquet d'ouvrir une enquĂȘte Ă ce sujet, mais n'en a trouvĂ© aucune trace dans le dossier. Elle se demande si ce n'est pas lui que les criminels auraient voulu dĂ©signer, pour le faire accuser d'un crime qu'il n'aurait pas commis[267].
Piste du codétenu de Mohamed M.
Le , Mohamed M., ancien dĂ©tenu de la prison de Clairvaux, rĂ©vĂšle, dans le journal quotidien marocain LâOpinion, qu'un de ses anciens codĂ©tenus lui aurait confiĂ© ĂȘtre le vĂ©ritable assassin de Ghislaine Marchal. Il aurait eu comme petite amie une ancienne femme de mĂ©nage de Ghislaine Marchal, renvoyĂ©e Ă la suite de la disparition dâune somme dâargent. Ayant entrepris de cambrioler la villa, ils auraient Ă©tĂ© surpris par Ghislaine Marchal et lâauraient tuĂ©e. C'est lui qui aurait Ă©crit « OMAR M'A TUER ». Une enquĂȘte prĂ©liminaire est ouverte par le parquet de Grasse afin d'interroger le dĂ©tenu en question, Alain V-B. Celui-ci est rapidement mis hors de cause, car le jour du crime, il Ă©tait hospitalisĂ© Ă Saint-Roch, Ă Nice, aprĂšs un accident de moto. Le tĂ©moignage de Mohamed M. apparaĂźt d'ailleurs en contradiction avec les Ă©lĂ©ments relevĂ©s par la gendarmerie de Mougins, qui n'avait constatĂ© aucune effraction ni aucun vol Ă la Chamade. La piste dâun cambriolage qui aurait mal tournĂ© avait Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e Ă l'Ă©poque. L'enquĂȘte du dĂ©tective Roger-Marc Moreau permettra d'Ă©tablir qu' Alain V-B, pour se faire mousser et jouer au dur en prison, se serait attribuĂ© des faits dont il aurait eu connaissance par une ancienne petite amie, qui avait frĂ©quentĂ© l'un des fils de la femme de mĂ©nage de Ghislaine Marchal.
Piste de la date du meurtre
Ă la suite de lâaffaire de la « faute de frappe » du rapport dâautopsie, concernant la date du dĂ©cĂšs de la victime, la dĂ©fense va sâattacher Ă dĂ©montrer que le crime avait eu lieu le lundi dans la matinĂ©e.
- Plusieurs Ă©lĂ©ments lâorientent dans cette direction :
- Lors du procĂšs, la femme de mĂ©nage a mentionnĂ© un appel tĂ©lĂ©phonique reçu par Ghislaine Marchal le samedi matin , Ă la suite duquel sa patronne lui avait donnĂ© son congĂ© jusquâau mardi. La dĂ©fense sâinterroge : pourquoi ce congĂ© donnĂ© le lundi ? Ghislaine Marchal attendait-elle quelquâun[268] ?
- Deux maçons, qui travaillaient Ă proximitĂ© de La Chamade le , furent interrogĂ©s par les gendarmes le . Fabrice A. se souvint de lâarrivĂ©e dâErika S. en fin de matinĂ©e, tandis que Salem El Aouer[269] affirma se rappeler seulement lâarrivĂ©e dâun homme blond conduisant une Volvo rouge type Land Rover. Il dit avoir entendu une femme crier de lâintĂ©rieur de la maison : « Qui est lĂ ? » Il se souvint aussi avoir vu deux dames entrer dans la propriĂ©tĂ©[270]. La dĂ©fense se demande qui Ă©taient ces personnes prĂ©sentes le 24 Ă La Chamade.
- Une voiture immatriculĂ©e en Suisse a Ă©tĂ© vue devant la Chamade par la gardienne dâune villa voisine, le en fin dâaprĂšs-midi. La dĂ©fense sâinterroge sur une Ă©ventuelle « piste suisse » qui aurait Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©e[271].
- Ces Ă©lĂ©ments ont donnĂ© lieu aux vĂ©rifications suivantes, par les enquĂȘteurs:
- En ce qui concerne la journĂ©e du lundi, on sait que Ghislaine Marchal avait invitĂ© son amie Erika S. Ă dĂ©jeuner, lui demandant mĂȘme dâapporter les journaux, puisque la femme de mĂ©nage, qui sâen charge habituellement, ne viendrait pas. ContactĂ©e par Guy Hugnet, Erika S. confirma que les deux amies avaient prĂ©vu de pique-niquer au bord de la piscine le lundi 24, et nâavaient aucun besoin de service Ă cette occasion[272].
- Les gendarmes vont dĂ©terminer sans difficultĂ© que la voiture rouge dĂ©crite par lâouvrier correspond au signalement du 4 x 4 Lada Niva rouge du mĂ©decin de Ghislaine Marchal, venu participer aux recherches dans lâaprĂšs-midi. La voix de femme qui rĂ©pond Ă son coup de sonnette est celle de Francine P. ou celle de sa gardienne, prĂ©sentes sur les lieux dans lâaprĂšs-midi avec lâemployĂ© de la sociĂ©tĂ© de gardiennage, venu aussi en voiture (voir supra)[273].
- La voiture immatriculĂ©e en Suisse correspond Ă lâAudi de Colette K., qui avait attendu en vain Ghislaine Marchal pour dĂ©jeuner, et sâĂ©tait rendue sur place en fin dâaprĂšs-midi le dimanche 23[274].
Piste italienne
Le , le Midi Libre fait état d'une nouvelle piste, levée par Bernard Naranjo : deux Italiens et une femme auraient perpétré le forfait, en raison d'un important litige financier avec la victime. Nouvelle piste passée assez inaperçue dans les médias, car elle coïncidait avec la libération d'Omar Raddad, le [275].
Piste de la BMW
En 2002, Rouart est contactĂ© par un certain Guy M., chauffeur du gourou de la secte de lâOrdre du Temple Solaire, Joseph Di Mambro. Guy M., au volant dâune BMW prune immatriculĂ©e en Suisse, aurait conduit trois personnes Ă La Chamade le lundi vers 11 h 45, (Ă lâheure oĂč Erica S. sonne Ă la porte de son amie), et serait revenu les chercher vers 14 h 15 (Ă lâheure de lâarrivĂ©e de lâemployĂ© de la sociĂ©tĂ© de gardiennage)[276]. Guy M. sera invitĂ© dans lâĂ©mission de Thierry Ardisson du ,. Mme Marchal serait devenue membre de cette secte, qui aurait dĂ©cidĂ© de la supprimer Ă la suite dâun diffĂ©rend financier. Mais il ne fournit aucune preuve de ces affirmations. Il sâavĂšre que ce Guy M. a Ă©tĂ© condamnĂ© pour chantage en Suisse en 1979, puis condamnĂ© pour diverses escroqueries Ă Lausanne en 1997[277]. SolĂšne Haddad estime que « toutes ces pistes, plus ou moins farfelues, plus ou moins honnĂȘtes dans leur traitement, nâont peut-ĂȘtre pas agi en faveur de lâaccusĂ© »[278].
Interrogations sur Ghislaine Marchal
La dĂ©fense dâOmar Raddad a beaucoup reprochĂ© Ă lâenquĂȘte de ne pas avoir effectuĂ© dâinvestigations dans la vie et les relations de la victime, le dossier Ă©tant vide sur ces questions. InterrogĂ© Ă ce sujet, le juge Renard avait admis : « Elle Ă©tait trĂšs discrĂšte et secrĂšte sur ses amis, on ne lui a connu personne [âŠ] »[279]. Ghislaine Marchal nâaimait pas que lâon se mĂȘle de ses affaires. Ses amis la disaient « secrĂšte ». Il lui arrivait de partir, pour une durĂ©e plus ou moins longue, sans dire oĂč elle allait, indique Colette K. qui dit ignorer si elle avait un amant. Ses amis mentionnent une relation ancienne qu'elle aurait eue avec un Grec, et plus rĂ©cente avec « un Italien qui a un bateau », mais personne nâa lâair de savoir vraiment[280]. Elle Ă©tait active tard dans la nuit, aimait tĂ©lĂ©phoner jusquâĂ 2h du matin, et Ă©crire longuement sur « un gros cahier », qui nâa pas Ă©tĂ© retrouvĂ©. Arlette B. se demande si elle nâĂ©crivait pas ses mĂ©moires[281].
Piste du grand banditisme gitan : Martial et Jean-Claude B.
En 2002, une informatrice signale à la Gendarmerie que, selon elle, Martial et Jean-Claude B. (décédé en 2012) sont impliqués dans la mort de Ghislaine Marchal. Ces deux hommes, biens connus de la justice et plusieurs fois condamnés, géraient un restaurant cagnois réguliÚrement fréquenté par Ghislaine Marchal. Le procureur n'a pas donné suite[282] - [283] - [284].
Grùce présidentielle
Le , le président Jacques Chirac accorde une grùce partielle à Omar Raddad, réduisant sa peine de quatre ans et huit mois, notamment sur la demande du roi Hassan II du Maroc, un accord secret prévoyant en échange la libération d'un Franco-Marocain détenu au Maroc[30] - [285] - [286].
Omar Raddad, qui pouvait bĂ©nĂ©ficier dâune libĂ©ration conditionnelle Ă mi-peine au bout de neuf ans, peut donc espĂ©rer ĂȘtre libĂ©rĂ© au bout de six ans et demi, soit en janvier 1998, Ă condition de fournir une adresse et un emploi. Si lâadresse de sa famille Ă Toulon a Ă©tĂ© acceptĂ©e rapidement par la justice, il nâen fut pas de mĂȘme pour son emploi. Les deux premiĂšres propositions dâemploi seront rejetĂ©es par la garde des Sceaux, Ălisabeth Guigou. En effet, le premier emploi Ă©tait une place de jardinier chez une riche veuve du Var, situation offrant de fĂącheuses similitudes avec l'emploi qu'occupait Omar Raddad chez Mme Marchal. Le deuxiĂšme Ă©tait l'entretien d'une propriĂ©tĂ© chez un avocat d'Aix-en-Provence. Finalement, le poste de coursier dans une conserverie de viande de Marseille reçoit un avis favorable dâĂlisabeth Guigou[287].
Ă l'issue d'une campagne de presse menĂ©e par l'avocat Jacques VergĂšs, l'Ă©crivain Jean-Marie Rouart et le dĂ©tective Roger-Marc Moreau, Omar Raddad est libĂ©rĂ© le . Il a eu un comportement irrĂ©prochable en dĂ©tention, d'oĂč lâavis favorable Ă©mis en fĂ©vrier de cette annĂ©e-lĂ par le comitĂ© consultatif de libĂ©ration conditionnelle. Omar Raddad retrouve la libertĂ© dans le cadre d'une mesure de libĂ©ration conditionnelle pour Ă©viter toute rĂ©cidive.
Présence d'ADN masculins différents
Le , six ans exactement aprÚs la condamnation d'Omar Raddad, la Commission de révision des condamnations pénales a ordonné de nouvelles investigations et notamment, une nouvelle expertise d'écriture pour savoir si Mme Marchal est l'auteur des inscriptions « OMAR M'A TUER ». Deux expertes ont été nommées : Anne Bisotti et Françoise Ricci D'Arnoux. De plus, à la demande de la défense, le , la justice a ordonné une nouvelle expertise sur les portes et sur le chevron de bois ayant servi à frapper Ghislaine Marchal. Sur les trois supports ils découvriront des ADN.
Le , aprĂšs vĂ©rification, les experts ont dĂ©clarĂ© que les ADN masculins retrouvĂ©s sur les portes de la chaufferie et sur le chevron n'Ă©taient pas celui d'Omar Raddad, sans toutefois ĂȘtre en mesure de prĂ©ciser Ă qui appartenaient ces empreintes gĂ©nĂ©tiques, ni leur provenance. En revanche deux ADN masculins ont bien Ă©tĂ© retrouvĂ©s sur les portes et le chevron, mĂȘlĂ©s au sang de la victime (rendant impossible l'hypothĂšse d'ADN d'enquĂȘteurs). Selon l'accusation, la scĂšne de crime aurait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© « polluĂ©e » aprĂšs les premiĂšres constatations des enquĂȘteurs â les gendarmes, pour ĂȘtre prĂ©cis â et les conditions de prĂ©lĂšvement des ADN ne seraient pas documentĂ©es.
Le , la commission de révision des condamnations pénales a décidé de saisir la Cour de révision, car des éléments nouveaux inconnus au moment du procÚs devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes avaient été confortés par les expertises. Le premier est la découverte d'un ADN masculin qui n'est pas celui d'Omar Raddad. Le deuxiÚme est la nouvelle expertise graphologique, établissant que « Madame Marchal n'est pas l'auteur des inscriptions »[288]. Cependant, quelques mois plus tard, le , la Cour de révision va rejeter la demande de révision de la condamnation en affirmant que les éléments nouveaux invoqués ne lui paraissaient pas de nature à faire naßtre un doute sur la culpabilité du condamné.
Ă la suite de dĂ©marches effectuĂ©es auprĂšs du ministĂšre de la justice par maĂźtre Sylvie Noachovitch, la nouvelle avocate d'Omar Raddad, le , le parquet de Grasse a demandĂ© Ă un expert d'Ă©tablir un profil gĂ©nĂ©tique Ă partir des traces d'ADN retrouvĂ©es en 2001[289]. Le , le parquet de Grasse a indiquĂ© qu'il n'Ă©tait pas en mesure d'Ă©tablir un profil gĂ©nĂ©tique Ă partir des traces d'ADN retrouvĂ©es mĂ©langĂ©es au sang de Ghislaine Marchal en 1991 : « On nous a demandĂ© d'extraire du matĂ©riel gĂ©nĂ©tique pour Ă©tablir un profil gĂ©nĂ©tique. Ce qui n'a pas Ă©tĂ© possible puisque les prĂ©lĂšvements avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© utilisĂ©s dans le cadre de la procĂ©dure », a prĂ©cisĂ© le parquet de Grasse. Cependant ces profils gĂ©nĂ©tiques, provenant trĂšs vraisemblablement de sĂ©crĂ©tions de sueur, ont Ă©tĂ© relevĂ©s sur trois supports distincts, les deux portes de la chaufferie (oĂč figuraient les cĂ©lĂšbres inscriptions accusatrices), ainsi que sur le chevron manipulĂ© par le meurtrier pour frapper Ghislaine Marchal. Il a Ă©tĂ© Ă©tabli quâaucun des deux ADN n'est celui d'Omar Raddad. Or, le fait que ces traces gĂ©nĂ©tiques se trouvent seulement mĂȘlĂ©es au sang et nulle part ailleurs (comme le dĂ©montreront les tamponnements effectuĂ©s) et, en outre, sur trois supports diffĂ©rents Ă©loignĂ©s les uns des autres, semble bien prouver qu'il ne peut pas sâagir dâADN de contamination.
Toutefois, selon l'avis d'un expert sollicitĂ© par la chancellerie, il est toujours possible de faire de nouveaux prĂ©lĂšvements sur les traces de sang se trouvant sur les deux portes et sur le chevron et donc de procĂ©der Ă de nouvelles analyses gĂ©nĂ©tiques surtout Ă l'aune des importants progrĂšs effectuĂ©s en cette matiĂšre et en particulier des techniques d'amplification de l'ADN. Selon les reprĂ©sentants de la dĂ©fense, cela permettrait d'inscrire lesdits profils ADN dĂ©couverts sur la scĂšne du crime au Fichier national automatisĂ© des empreintes gĂ©nĂ©tiques (FNAEG) et Ă©ventuellement de procĂ©der Ă des comparaisons avec les profils de personnes faisant l'objet de prĂ©somptions. En septembre 2013, la chancellerie a donnĂ© son accord pour que de nouveaux tests ADN soient effectuĂ©s[290]. Cependant, le procureur ne donne pas suite Ă la demande de lâavocate dâOmar Raddad, Me Sylvie Noachovitch. En , en vertu de la nouvelle loi sur la rĂ©forme des condamnations pĂ©nales[291], MaĂźtre Noachovitch envoie une nouvelle demande dâexpertise ADN sur deux portes et un chevron[292].
En 2016, des analyses ADN indiquent que des traces retrouvĂ©es sur deux portes et un chevron appartiennent Ă quatre hommes, mais pas Ă Omar Raddad ou Ă des suspects dĂ©signĂ©s par les avocats de Raddad[293] - [294]. Le parquet indique qu'« il est possible qu'une empreinte, lors d'une manipulation ultĂ©rieure, ait pu ĂȘtre ajoutĂ©e », notamment de la part de policiers ou journalistes[293] - [295]. Dans l'arrĂȘt de rejet du , les juges soulignaient que « faute de prĂ©cautions suffisantes », il Ă©tait « impossible de dĂ©terminer, Ă quel moment, antĂ©rieur, concomitant ou postĂ©rieur au meurtre, ces traces ont Ă©tĂ© laissĂ©es »[295].
Selon le journal Le Monde du 21 juin 2021, Sylvie Noachovitch, l'avocate d'Omar Raddad, doit dĂ©poser une nouvelle requĂȘte en rĂ©vision du procĂšs sur la base d'analyses ADN rĂ©alisĂ©es en 2019. Elles identifient la prĂ©sence d'une trentaine de traces d'un mĂȘme ADN masculin (nâappartenant pas Ă Omar Raddad) localisĂ©es dans les traces de sang, ce qui devrait, selon l'avocate, Ă©carter l'hypothĂšse d'une pollution ultĂ©rieure[296]. Fin 2021, le dossier est effectivement rouvert[297].
Le 13 octobre 2022, la derniĂšre requĂȘte en rĂ©vision est de nouveau rejetĂ©e par la commission d'instruction de la cour de rĂ©vision reprenant l'argumentaire de 2002 : « La dĂ©couverte de nouvelles empreintes ne suffit pas, Ă elle seule, Ă Ă©tablir leur rapport avec les faits, ces traces ayant pu ĂȘtre laissĂ©es antĂ©rieurement ou postĂ©rieurement au meurtre. En effet, de nombreuses personnes ont pu approcher les portes avant le meurtre et postĂ©rieurement (âŠ) voire les manipuler sans prĂ©cautions suffisantes ». « Le recours aux techniques tendant Ă Ă©tablir un portrait-robot gĂ©nĂ©tique ou Ă rĂ©aliser des recherches en parentĂšle » n'est pas jugĂ© justifiĂ©[298].
Me Sylvie Noachovitch annonce son intention de saisir la Cour européenne des droits de l'homme[298].
Au cinéma
En 2007, Roschdy Zem achÚte les droits d'adaptation du livre Pourquoi moi ? écrit par Omar Raddad et Sylvie Lotiron et sorti en 2002 aux éditions du Seuil[299] et explique son but de reprendre « l'histoire d'un jeune homme qui avait énormément souffert d'avoir été accusé à tort d'un meurtre »[300]. Le film Omar m'a tuer est sorti le en France. Omar Raddad y est interprété par Sami Bouajila, et Jacques VergÚs par Maurice Bénichou.
Déclinaisons autour d'« OMAR M'A TUER »
L'affaire Omar Raddad est devenue cĂ©lĂšbre en partie Ă cause de la faute d'accord de l'inscription « OMAR M'A TUER » qui aurait dĂ» ici ĂȘtre « Omar m'a tuĂ©e ».
Cette faute d'accord semble assez surprenante de la part d'une veuve prĂ©sentĂ©e comme de bonne famille et cultivĂ©e, mais les gendarmes remarquent des fautes similaires dans les documents saisis de celle-ci. Des bulletins de paie contiennent la mĂȘme faute quand la victime Ă©crit « payer par lâemployeur »[301] mais ce point est vivement contestĂ© par la dĂ©fense d'Omar Raddad et par des journalistes s'Ă©tant penchĂ©s sur le dossier[31] - [32] - [33].
« OMAR M'A TUER » est ensuite souvent reprise en clin d'Ćil Ă l'affaire, notamment dans des titres de presse ou de livres. Dans certains cas, c'est parce qu'il y a un lien avec l'affaire, par exemple le titre de LibĂ©ration « Chirac m'a gracier »[302]. Dans d'autres cas, le clin d'Ćil constitue le seul lien avec l'affaire Omar Raddad. C'est le cas par exemple du « Omar m'a Ă©chapper » du Canard enchaĂźnĂ© (il s'agit du Mollah Omar)[303].
Notons enfin le scandale autour des dßners somptueux du ministre de l'écologie d'alors, François de Rugy, à l'été 2018, à propos desquels la presse avait abondamment titré « Homard m'a tuer », en référence à l'affaire Omar Raddad, une information relayée par France Info le 11 juillet 2019.
Plus généralement, « m'a tuer » est la partie de la phrase qui est largement réutilisée puisqu'elle contient la faute de conjugaison[304].
Notes et références
- « Lâaffaire Omar Raddad, une enquĂȘte sans fin qui divise encore », Le Monde.fr,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- « Omar Raddad réclame sa réhabilitation », sur nouvelobs,
- « Le procĂšs Raddad attend sa rĂ©vision », L'HumanitĂ©,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- VergĂšs p. 27, Hugnet p. 13.
- Cenci p. 62-63, Foucart p. 15, Livet p. 42-43.
- Cenci p. 63 et 195, Foucart p. 16-17, VergĂšs p. 13, Hugnet p. 15.
- Foucart p. 17, Hugnet p. 17-18
- Cenci p. 26-27, VergĂšs p. 15.
- Cenci p. 31-32, Livet p. 160 et 168, VergĂšs p. 56
- Cenci p. 75, Livet p. 168
- Foucart p. 19, Cenci p. 36, VergĂšs p. 20.
- Cenci p. 37 et 56 Ă 58, VergĂšs p. 20
- Cenci p. 67
- Foucart p. 19
- Foucart p. 36, Livet p. 191
- VergĂšs p. 20 et 73
- Foucart p. 33, Cenci p. 57
- Cenci p.59
- Cenci p. 58
- Entretien avec Ăve Livet, Livet p. 184-188
- Livet p. 189, Cenci p. 59.
- Photo de la porte de la cave Ă vin
- Photo de la porte de la chaufferie
- Le Monde, Grandes affaires criminelles, « Omar m'a tuer », , et Rouart p. 94, Cenci p. 39
- Cenci p. 41-42.
- Cenci p. 357 et 232.
- Cenci p. 38.
- Raddad p. 117, Livet p. 177
- Omar Raddad innocent : c'est du cinéma !, Philippe Bilger, , article publié sur son blog.
- Faites entrer l'accusĂ© - Omar Raddad, le coupable dĂ©signĂ©, 2002. Cette version, reprise ultĂ©rieurement dans une Ă©mission jugĂ©e par la dĂ©fense d'Omar Raddad comme Ă©tant particuliĂšrement partiale (la sociĂ©tĂ© de production ayant mĂȘme Ă©tĂ© condamnĂ©e en diffamation Ă la suite de la diffusion du reportage), est toutefois rĂ©futĂ©e par l'intĂ©ressĂ©e, qui a Ă©tĂ©, avec sa famille, un des principaux soutiens Ă la thĂšse de l'innocence de leur ancien jardiner.
- « âOmar m'a tuerâ - L'affaire Omar Raddad », Les Faits Karl ZĂ©ro, 2011.
- Jacques VergÚs, « Omar m'a tuer » : histoire d'un crime, Paris, M. Lafon, 1994, 237 p. (ISBN 978-2-84098-032-2)
- Christophe Deloire et Roger-Marc Moreau, Omar Raddad : contre-enquĂȘte pour la rĂ©vision d'un procĂšs manipulĂ©, Paris, Raymond Castells, , 216 p. (ISBN 9782912587398)
- Cenci p. 270, Livet p. 178
- Cité par Cenci p. 352.
- Livet p. 240, Rouart p. 94.
- Haddad p. 71-73, Foucart p. 80
- Livet p. 175
- Haddad p. 75 Ă 77
- Livet p. 174
- Cenci p. 317-319
- Cenci p.348-351 et annexe 3-IV, Haddad p.222
- Bouzon-Thiam p. 57. On trouvera des reproductions des lettres des mots croisés de Ghislaine Marchal comparées à celles des portes dans les ouvrages suivants : VergÚs p. 45-49, Bouzon-Thiam p. 55-65, Hugnet p. 192-193 (à noter que les lettres figurant en couverture de son livre ne sont pas la reproduction d'un des messages tracés sur les portes).
- Cenci p. 32
- Livet p. 167
- Cenci p. 84.
- Cenci p. 83-86
- VergĂšs p. 57
- VergĂšs p. 58, Livet p. 160
- Livet p. 166-168 Croquis en annexe
- La démonstration sera filmée et diffusée, à plusieurs reprises, à la télévision (dans Témoin numéro 1, sur TF1, et Sans aucun doute, sur France 2 dans La Marche du siÚcle)
- Cenci p. 321
- Georges Cenci, « Les deux premiers avocats de Raddad ont avancĂ© la thĂšse d'une mise en scĂšne. Ătait-elle possible ? », Omar l'a tuĂ©e,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Livet p. 170-171.
- Cenci p. 65 et p. 263. Voir aussi le « Rapport de synthĂšse des enquĂȘteurs » in Livet p. 121-122
- Cenci p. 66-68.
- Cenci p. 121-126.
- Cenci p. 48 et 122-124
- Cenci p. 70-72, Livet p. 121 et p. 198-199, VergĂšs p. 35-36
- Livet p. 236, Cenci p. 282
- Livet p. 200
- Cenci p. 73
- Rouart p. 94
- Cenci p. 73-74
- Cenci p. 74-75
- Cenci p. 76-77
- Cenci p. 77, VergĂšs p. 35-40
- Rouart p. 71-72, VergĂšs p. 76 et 84
- Livet p. 243
- VergĂšs p. 52-53 et 77, Rouart p. 164
- VergĂšs p. 76-77, Livet p. 192, Raddad p. 117
- Rouart p. 88 107 VergĂšs p. 85
- Livet p. 190/191
- VergĂšs p. 75
- Moreau p. 202
- Rouart p. 107
- Cenci p. 153 et 157
- Rouart p. 108.
- Rouart p. 120
- VergĂšs p. 85, Cenci p. 83
- Raddad p. 85
- HypothÚse mise en scÚne dans le film Omar m'a tuer, réalisé par Roschdy Zem et sorti le 22 juin 2011
- Cenci p. 97-98 et 265
- Cenci p. 69
- Raddad p. 18
- Raddad p. 21-25
- Raddad p. 26-28
- Raddad p. 9 et 164, Cenci p. 54, Foucart p. 41
- Cenci p. 43-45
- Cenci p. 335-336
- Cenci p. 45
- Cenci p. 146
- Raddad p. 34. La femme de chambre de Ghislaine Marchal tĂ©moignera quâOmar ne comprenait pas toujours les instructions de sa patronne : Cenci p. 147
- Raddad p. 11
- Raddad p. 45
- Cenci p. 175. Voir aussi le tĂ©moignage dâun ancien employeur dâOmar Raddad, selon lequel il comprenait mal le français : Cenci p. 226.
- Raddad p. 35, Livet p. 108, Cenci p. 111
- Raddad p. 37-38
- Cenci p. 156
- Cenci p. 87, Livet p. 71, Raddad p. 39- 40
- Livet p. 36
- Rouart p. 17
- Cenci p. 247 et 368-370
- Guy Hugnet, « L'affaire Omar Raddad », émission L'Heure du crime sur RTL, .
- Cenci p. 370, Foucart p. 36, Haddad p. 135-138.
- - LE ROMAN DU JUGE RENARD, Le Point, .
- « Le procÚs-verbal aux fins d'inhumer », sur omarlatuee.free.fr (consulté le )
- Cenci p. 61- 63, Livet p. 42.
- Livet p. 52
- « Compléments d'expertise sur la datation de la mort », sur omalatuee.free.fr, (consulté le )
- Cenci p. 59
- Livet p. 55-56
- Cenci p. 60, Livet p. 57
- Les médecins légistes avaient également indiqué que la victime avait les yeux clairs (ce qui est confirmé par les photographies figurant au dossier). Normalement, ce point est important pour situer l'heure de la mort, en effet, lorsqu'une personne décÚde, ses yeux deviennent opaques au bout de cinq à six heures, huit heures maximum (sauf chez les noyés), il s'agit d'un phénomÚne physique naturel bien connu, affectant la transparence de la cornée et baptisé par les scientifiques : le voile glaireux de Winslow.
- Livet p. 58-61 et 234-235.
- Livet p. 57
- Hugnet p. 138
- Cenci p. 159.
- Cenci p. 46 Ă 48
- Livet p. 71-72
- Cenci p. 48
- Raddad p. 30 et 40
- Livet p. 73
- Cenci p. 222
- VergĂšs p. 64 citant le rapport des gendarmes Cenci p. 90
- Raddad Note 1 p. 30 citant Libération du 5 septembre 1991 VergÚs p. 64-65
- Raddad p. 31 note 1 citant Libération du 5 septembre 1991
- Cenci p. 46, 48, 90-92 et 224-225, Hugnet p. 101-103 et Raddad Note 1 p. 30 citant LibĂ©ration du 5 septembre 1991 Moreau p. 61. La description de cette scĂšne est confuse : Ă la lecture de ce quâen ont rapportĂ© le capitaine Cenci, Guy Hugnet, Omar Raddad dans son livre et Jean-Pierre G. interrogĂ© par LibĂ©ration, on ne comprend pas la configuration des lieux (la disposition de la cour, du hall, de lâinterrupteur mentionnĂ©, lâemplacement des mobylettes, de la rĂ©serve), ni Ă quel moment telle ou telle personne est montĂ©e Ă lâĂ©tage, ni mĂȘme si lâhomme aperçu par Omar Raddad entrait ou sortait de lâimmeuble (voir Cenci p. 90 et 91). Ces circonstances auraient dĂ» donner lieu Ă une reconstitution in situ car, Ă cette tranche horaire, lâalibi Ă©ventuel de lâinculpĂ© en dĂ©pendait largement.
- Cenci p. 91
- Livet p. 125-126
- Cenci p. 48, Livet p. 131
- Cenci p. 46
- . Un appel confirmé par France Telecom, de la cabine 407 rue Franklin-Roosevelt au Cannet à 12 h 51 min 19 s, d'une durée de 2 min 17 s, cabine située à proximité de son domicile, donc à 5 km environ de La Chamade et Livet p. 131
- Raddad p. 32
- Cenci p. 95-96 et 210
- Voir le dĂ©tail de lâitinĂ©raire chronomĂ©trĂ© dans Livet p. 122-125
- Livet p. 76
- Livet p. 77
- Livet p. 74
- Livet p. 75
- Hugnet p. 110-111
- Cenci p. 210-215
- Livet p. 230-231
- https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cac94013857/proces-omar
- Livet p. 90-92
- Cenci p. 97
- Cenci p. 69-70
- Cenci p. 101
- Cenci p. 110-111
- Raddad p. 62
- Cenci p. 104 et 107
- Livet p. 103-106, Raddad p. 91
- Cenci p. 106
- Livet p. 118
- Livet p. 118 et 105
- Livet p. 116
- Raddad p. 61
- Livet p. 114
- Raddad p. 97, Cenci p. 119, Livet p. 117-118.
- Rouart p. 143, Cenci p. 112, Livet p. 109-110
- Livet p. 119, Cenci p. 99
- Livet p. 128
- Raddad p. 59, Livet p. 136-137, Cenci p. 129.
- Cenci p. 232, Hugnet p. 164
- Livet p. 127 et 194
- Les traces et microtraces dans l'affaire Omar Raddad
- Cenci p. 230-233 et 267, Livet p. 194-195
- Livet p. 137 et 197, Cenci p. 129
- Livet p. 131 et 138
- Cenci p. 59 et 120 et 160, Livet p. 131-132
- Hugnet p. 179
- Cenci p. 126-127, Livet p. 129
- « Omar mâa tuer â traces digitales et microtraces », sur police-scientifique.com (consultĂ© le )
- Livet p. 129
- Livet p. 139-141
- Raddad p. 66-67
- Raddad p. 66-68
- Livet p. 149
- Livet p. 142-143
- Livet p. 143, Hugnet p. 170-171.
- Cenci p. 127-129
- Livet p. 205
- Note : il sâagit en fait de lâachat de sa chaine en or par Latifa. Câest le magasin qui a « nĂ©gociĂ© la vente » de cette chaĂźne, comme le prĂ©cise le capitaine Cenci p. 177, voir aussi Livet p. 144
- Livet p. 144-145
- Livet p. 147- 149
- Cenci p. 50
- Livet p. 147
- « Le procĂšs K-Omar Raddad » sur Canal+ et « Secrets dâactualitĂ© » du 20 novembre 2000 sur M6 Cenci p. 330-335
- Cenci p. 152
- Livet p. 146
- Livet p. 201-202, Cenci p. 142-144
- Livet p. 202, Cenci p. 142
- Livet p. 201, Cenci p. 143
- Cenci p. 143
- Cenci p. 143, Livet p. 202, VergĂšs p. 83-84
- Raddad p. 69, Livet p. 205
- Livet p. 206-208, Raddad p. 72-7
- Livet p. 209
- Raddad p. 88-90
- Raddad p. 83-84
- Livet p. 218
- Cenci p. 171
- Livet p. 218-219
- Cenci p. 172, Haddad p. 174
- Livet p. 221
- Cenci p. 177
- Cenci p. 179-183
- Raddad p. 114
- Livet p. 221-223, Raddad p. 97-98
- Raddad p. 114 Au sujet de lâorientation de lâenquĂȘte sur les pratiques religieuses dâOmar Raddad, voir aussi Livet p. 223-224.
- Livet p. 224
- Livet p. 248
- Haddad p. 177 et 182, Livet p. 224-225 et 272
- Cenci p. 186
- Omar p. 99
- http://www.contre-enquete-judiciaire.fr/blog/photo-468831-8862993-portrait_du_criminaliste_roger_marc_moreau.html
- Rouart p. 143, Cenci p. 209-210
- Cenci p. 210-215, Livet p. 230-231, VergĂšs p. 66-67
- Cenci p. 188, Livet p. 226, Rouart p. 134
- Cenci p. 147-150
- Cenci p. 186-187, Livet p. 226
- Raddad p. 99
- Cenci p. 192
- Haddad p. 167-168, Livet p. 227 et 257, Moreau p. 131-133.
- Cenci p. 228-231
- Cenci p. 236
- Haddad p. 199-200, Cenci p. 243
- Cenci p. 244-245
- Livet p. 236
- Cenci p. 247
- Livet p. 230. Voir aussi Raddad p. 114-115
- Livet p. 220
- Cenci p. 249, Livet p. 239-241
- Livet p. 241 citant VSD no 858, 10 au 16 février 1994
- Livet p. 239
- Entretien du juge Renard avec Ăve Livet Livet p. 202, Voir aussi Foucart p. 174, Cenci p. 251-258.
- Livet p. 244, Cenci p. 288
- VergĂšs p. 43-51
- Livet p. 240-241, Cenci p. 251-258
- Livet p. 112
- Livet p. 241-242
- Livet p. 112-113
- Livet p. 242-243
- Haddad p. 208
- Haddad p. 209, Livet p. 244 et suivantes
- Jean-Marie Rouart, « Un nouveau jugement pour Omar Raddad », sur le Monde,
- Livet p. 248 citant son entretien avec Me VergĂšs pour le film Le ProcĂšs K Omar Raddad
- Livet p. 247 citant VSD no 858, 10 au 16 février 1994, Raddad p. 111
- Livet p. 247 et 241.
- Cenci p. 299-300
- Dominique Conil, op. cit., p. 257
- Haddad p. 213-214, Livet p. 273-274.
- Livet p. 211 et 270 Entretien de Sabine Mariette avec Ăve Livet pour le film Le procĂšs K Omar Raddad, Haddad p. 214.
- Haddad p. 214-215, Rouart p. 185-186
- Les méthodes de ces détectives ont été mises en cause par plusieurs personnes, dont le journaliste Guy Hugnet dans son livre Omar m'a tuer Affaire Raddad Le vrai coupable (op. cité)
- Livet p. 252, Cenci p. 20, 297, 305, Hugnet p. 86
- Rouart p. 7
- Cenci p. 376
- Rouart p. 182 et 19
- Le Figaro du 26 juin 2001 cité par Cenci p. 372-373. Voir aussi Livet p. 271, Rouart p. 175.
- Rouart p. 24-25, Moreau p. 9-10
- Raddad p. 143-144
- Cenci p. 377
- L'affaire Omar Raddad : fait nouveau, INA.
- Cenci p. 301-302, Livet p. 253.
- Cenci p. 302-303, Livet p. 253-254
- Livet p. 254
- Moreau p. 133, Haddad p. 167-168
- « Roger-Marc Moreau : les méthodes d'un escroc », sur Omar l'a tuée, Georges Cenci (consulté le ).
- Hugnet p. 38-39 et 66, Cenci p. 325
- Cenci p. 326
- Cenci p.324, Hugnet p.34 et 40
- Hugnet p. 67, Cenci p. 325
- Livet p. 48-49, Hugnet p. 89, Cenci p. 326
- Livet p. 266, Raddad p. 81
- Cenci p. 381-382
- Hugnet p. 146, voir aussi Cenci p. 382
- Haddad p. 221
- Livet p. 255
- Livet p. 18, VergĂšs p. 27, Hugnet p. 13, Rouart p. 58
- Livet p. 18-19
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Annexes
Bibliographie
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- François Foucart, L'Affaire Omar Raddad. Le dossier pour servir la vérité, Paris, François-Xavier de Guibert, 1998, 214 p. (ISBN 9782868395337)
- Ăve Livet, L'Affaire Omar : mensonges et vĂ©ritĂ©s, Paris, La DĂ©couverte, 1999, 276 p. (EnquĂȘtes). (ISBN 978-2-7071-2928-4)
- Jean-Paul Gauthier, Expertise en Ă©critures : quel poids dans la balance ? : les affaires, Dreyfus, Villemin, Omar Raddad. Villeurbanne, Ăd. Golias, 2000, 141 p. (ISBN 978-2-911453-91-5)
- Jean-Marie Rouart, Omar : la construction d'un coupable, Paris, de Fallois, 1994, 165 p. (ISBN 978-2-87706-215-2). Nouv. Ă©d. augm, Paris, de Fallois, 2001, 203 p. (ISBN 978-2-87706-215-2)
- Jean-Marie Rouart, Omar, la fabrication d'une injustice, Bouquins, 2022.
- Georges Cenci, Omar l'a tuée : Vérité et manipulations d'opinion, Paris, L'Harmattan, , 375 p. (ISBN 9782747524773)
- Omar Raddad, Pourquoi moi ? / avec la collaboration de Sylvie Lotiron. Paris, Ă©d. du Seuil, 2003, 173 p. (ISBN 978-2-02-051689-1)
- Guy Hugnet, « Omar m'a tuer » : Le vrai coupable, Paris, L'Archipel, coll. « Politique, idée, société », , 260 p. (ISBN 9782809805383)
- SolĂšne Haddad, L'affaire Omar Raddad contre-enquĂȘte, City Editions, , 234 p. (ISBN 9782352885320)
- Sylvie Noachovitch et Georges Fenech, Omar Raddad : un combat pour la vĂ©ritĂ©, Ăditions du Rocher, , 180 p. (ISBN 9782268107813).
Documentaires télévisés
- « Les empreintes du crime » le dans Faites entrer l'accusé présenté par Christophe Hondelatte sur France 2.
- « Omar Raddad, le coupable désigné » le présenté par Christophe Hondelatte dans Faites entrer l'accusé sur France 2.
- « Affaire Omar Raddad : un coupable idĂ©al ? » dans Secrets d'actualitĂ© en et le sur M6, puis dans EnquĂȘtes criminelles : le magazine des faits divers le sur W9.
- « Omar m'a tuer » dans Les faits Karl Zéro sur 13e rue
- « Affaire Omar Raddad : le jardinier innocent ? » (premier reportage) le dans Chroniques criminelles sur NT1.
- « L'affaire Omar Raddad » le dans Affaires criminelles sur NT1.
- « Omar Raddad : meurtrier ou victime ? » (premier reportage) le dans 90' faits divers sur TMC.
- « Omar Raddad : la fin d'un mystÚre ? » (deuxiÚme reportage) dans « Spéciale : ils ont fait appel au président » le dans Crimes sur NRJ 12.
- « Affaire Omar Raddad » le dans Non Ă©lucidĂ© : L'enquĂȘte continue sur RMC Story.