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Abattoirs de la Villette

Les abattoirs de la Villette, également appelés marché aux bestiaux de la Villette, étaient de célèbres abattoirs parisiens et un haut lieu de la culture alimentaire parisienne au même titre que les Halles de Paris.

Le marché aux bestiaux de la Villette en 1867.
Les abattoirs de la Villette vers 1900.
Trains de bestiaux dans la gare de Paris-Bestiaux vers 1900.

Historique

Panneau Histoire de Paris « Marché aux bestiaux de La Villette ».

Création et prospérité

Programme de la Cavalcade du BĹ“uf Gras 1908, avec envol de ballons depuis les abattoirs de la Villette.

En 1859 est décidée la création des abattoirs et du marché à bestiaux de la Villette destinés à remplacer cinq grands abattoirs (Montmartre, Ménilmontant, Roule sur la rive droite ; Grenelle et Villejuif sur la rive gauche), eux-mêmes créés par le décret impérial du [1], et d'autres plus petits. Le marché aux bestiaux doit prendre le relais de ceux de Poissy et de Sceaux[2].

Le marché aux bestiaux est établi entre le canal de l'Ourcq, la route d'Allemagne (actuelle avenue Jean-Jaurès) et les fortifications de Paris. Les abattoirs sont construits de l'autre côté du canal entre les fortifications, le canal Saint-Denis et la rue de Flandre (actuellement avenue Corentin-Cariou).

Ce choix permet d'Ă©loigner ces nouveaux abattoirs du centre ville.

Les travaux commencent en 1864 et s'achèvent en 1867. La plupart des bâtiments sont l'œuvre de l'architecte Jules de Mérindol (1815-1888)[3], élève de Victor Baltard, assisté de Louis-Adolphe Janvier.

L'établissement est desservi par deux gares situées sur un embranchement de la ligne de Petite Ceinture[2] : la gare de Paris-Bestiaux, au sud du canal de l'Ourcq, au niveau du marché aux bestiaux et la gare de Paris-Abattoirs, au nord du canal, au niveau des abattoirs proprement dit. L'ensemble, abattoirs, marché et gares, occupe alors 39 hectares.

En 1900, le Concours gĂ©nĂ©ral agricole est organisĂ© Ă  la Villette. Ă€ cette occasion est organisĂ©e la Promenade du BĹ“uf Gras, qui n'Ă©tait plus sorti depuis 1897 et qui est aussi la FĂŞte des bouchers parisiens. Le , le BĹ“uf Gras dĂ©file Ă  nouveau au dĂ©part et dans le quartier des abattoirs de la Villette[4]. En 1906, 1907 et 1908, Ă  l'occasion de cette fĂŞte ont lieu des lancements de ballons depuis la place des Abattoirs, aux abattoirs de la Villette. En 1907 dĂ©filent deux BĹ“ufs Gras Ă  deux dates diffĂ©rentes : d'abord, le , Vaugirard Ier, BĹ“uf Gras de la Rive gauche issu des abattoirs de Vaugirard[5] — aujourd'hui remplacĂ©s par le parc Georges-Brassens, ils Ă©taient alors les autres grands abattoirs parisiens après ceux de la Villette — puis, le , Givrillot, 1 750 kilos, BĹ“uf Gras de la Rive droite en provenance des abattoirs de la Villette[6].

Le 21 avril 1918, durant la première Guerre mondiale, un obus lancĂ© par la « Grosse Bertha Â» explose dans les abattoirs de la Villette[7].

En 1948, on relève que trois ouvriers des abattoirs de la Villette sont morts de leptospirose et que dix-sept en sont atteints, à cause des rats[8]. En 1949, les abattoirs de la Villette sont jugés vétustes. Leur reconstruction est décidée.

Les et , la Promenade du Bœuf Gras a lieu au départ dans le quartier des abattoirs de la Villette[9]. Ce sont ses dernières sorties avant le début de la renaissance du Carnaval de Paris en 1993 et le défilé du Bœuf Gras de .

Suppression

La reconstruction des abattoirs de la Villette s'avère excessivement coĂ»teuse et interminable. Elle s'interrompt finalement faute de crĂ©dits en 1967. C'est un scandale dĂ©noncĂ© dans un rapport du SĂ©nat et baptisĂ© par la presse « le scandale de la Villette ». En 1971, la commission sĂ©natoriale prĂ©sidĂ©e par Pierre Marcilhacy, sĂ©nateur de la Charente, reconnaĂ®t qu’il y a lĂ  une affaire politique qui atteint « le renom et l’autoritĂ© de l’État »[10]. Le gouvernement se rĂ©sout Ă  fermer ce gouffre financier et Ă  faire dynamiter le bĂ©ton Ă  peine sec, pour reconstruire autre chose – des logements, par exemple. La presse pose alors la question simple de qui a eu l’idĂ©e de construire un abattoir « de prestige » dans Paris, au moment oĂą Chicago exportait les siens vers la campagne. Le , le rapport est publiĂ© Ă  la suite d’un vote du SĂ©nat[11] et il est confirmĂ© en 1972 que la nouvelle installation, une salle des ventes sur trois niveaux, occupant une surface totale de 135,000 mètres carrĂ©s, n'a jamais Ă©tĂ© utilisĂ©e.

Le député UDR Michel de Grailly, ancien résistant, présidait la société d'économie mixte mise sur pied pour gérer ce chantier inutile. En , il est victime d'une tentative d'enlèvement par un groupe maoïste qui l'avait attendu à trois reprises, les armes à la main, devant chez lui. Enfermé dans une malle en bois, emporté dans une camionnette, il parvient à s'en échapper en défonçant à coups de pied les parois de la malle. Accusé d'avoir dilapidé l'argent commun, il gagne cependant son procès[12] mais Le Nouvel Observateur écrit le que l'UNR, après l'avoir radié du parti, a choisi de faire de Michel de Grailly l'un des boucs émissaires du scandale[13] alors que le ministère de l'Agriculture avait pris la décision de freiner la politique de l'élevage, les Abattoirs de la Villette étant construits dans la perspective d'un développement du cheptel et des exportations[13].

L'ensemble des activités du site est supprimé à compter du . À l'époque, ce site occupe une superficie de 54 hectares.

Excepté la grande halle de la Villette (ancienne halle aux bœufs) et quelques autres éléments comme la fontaine aux Lions de Nubie (qui servait d'abreuvoir pour le bétail[14]), une grande partie des bâtiments est démolie. Ainsi, des deux petites halles encadrant la Halle aux Bœufs, seule la Halle aux Veaux, très abîmée, a été totalement détruite en 1980, alors que la Halle aux Moutons est complètement démontée en 1986 et achetée par le département de la Seine-Saint-Denis dans l'espoir de la réinstaller sur un autre site, ce qui n'est toujours pas advenu aujourd'hui (les divers éléments de sa charpente sont toujours entreposés dans les locaux d'Affimet, une filiale de Pechiney, à Dammarie-les-Lys en Seine-et-Marne)[15] La structure en béton armé du projet inachevé de la grande salle des ventes des abattoirs a été partiellement conservée par l'architecte Adrien Fainsilber, pour construire la Cité des sciences et de l'industrie qui ouvre en 1986 et en occupe trois travées sur quatre. La quatrième travée est finalement attribuée au centre commercial Vill'up qui ouvre en 2016 et ferme en 2021.

À la place des abattoirs de la Villette, on trouve aujourd'hui des lieux d'études, loisirs et distractions : parc de la Villette, Cité de la musique, Philharmonie, Cité des sciences et de l'industrie, Zénith de Paris, le Cabaret Sauvage, etc.

Bâtiments conservés des anciens abattoirs

Rien ne subsiste des abattoirs proprement dit. Ont été conservés en revanche dans le parc de la Villette divers vestiges de l'ancien marché aux bestiaux, inscrits pour partie, ou en totalité, aux monuments historiques[16] :

  • la grande halle de la Villette, ancienne halle aux bĹ“ufs. Elle est la plus grande des trois halles de vente aux bestiaux et la seule Ă  avoir conservĂ© son emplacement initial ;
  • le pavillon de la Bourse (Ă  gauche de la Grande Halle), ancienne bourse aux bestiaux abritant une criĂ©e et actuel théâtre Paris-Villette ;
  • le pavillon Janvier (Ă  droite de la Grande Halle), ancien bâtiment administratif (services de police et poste) et actuel siège de l'EPPGHV ;
  • le pavillon du Charolais (derrière la Grande Halle), ancienne buvette du marchĂ© aux bestiaux, et actuel TARMAC de la Villette ;
  • le pavillon des Maquettes (derrière la Grande Halle) abrite dĂ©sormais l'Association de prĂ©vention du site de la Villette (APSV) ;
  • la fontaine aux Lions de Nubie (face Ă  la Grande Halle), construite en 1811 par Pierre-Simon Girard pour la place du Château-d'Eau (actuelle place de la RĂ©publique), et installĂ©e en 1867 vers la cour du marchĂ© aux bestiaux oĂą elle servait d'abreuvoir ;
  • la Maison de la Villette (entrĂ©e cĂ´tĂ© porte de la Villette), ou rotonde des vĂ©tĂ©rinaires, ancien fondoir Ă  suif, est devenue le WIP Villette ;
  • l'ancienne horloge (entrĂ©e cĂ´tĂ© porte de la Villette), construite en 1877 et actuelle « folie horloge ».

Dans l'art et la littérature

C'est le tango des bouchers de la Villette
C'est le tango des tueurs des abattoirs
  • En 1968, dans la chanson Il est cinq heures, Paris s'Ă©veille, Jacques Dutronc Ă©voque les abattoirs de la Villette dans la phrase : « Ă€ la Villette, on tranche le lard ».
  • En 2008, dans la chanson Formol de l'album Trois petits tours, Thomas Fersen place l'action dans les abattoirs : « Nous, on est sortis enchantĂ©s des abattoirs de la Villette Â»[18].
  • Dans son roman Le Bal de l'Ă©quarrisseur paru en 2011 et se dĂ©roulant en 1919, Guillaume PrĂ©vost place une partie de l'intrigue aux abattoirs de la Villette. La première victime du tueur est dĂ©couverte parmi les carcasses de cochons. C'est l'occasion pour l'auteur de donner une description assez prĂ©cise de l'organisation des abattoirs, les us et coutumes, les personnes qui y travaillent, les conditions d'obtention des concessions. Il dĂ©taille Ă©galement l'ancienne mĂ©thode pour tuer les bovins car celle-ci est utilisĂ©e par le tueur, traquĂ© par son hĂ©ros François-Claudius Simon.

Notes et références

  1. Baldin Damien, « De l'horreur du sang à l'insoutenable souffrance animale. Élaboration sociale des régimes de sensibilité à la mise à mort des animaux (XIXe-XXe siècles) », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 3/2014, no 123, p. 52-68, DOI : 10.3917/vin.123.0052.
  2. Élisabeth Philipp, « L’approvisionnement de Paris en viande et la logistique ferroviaire, le cas des abattoirs de La Villette, 1867-1974 », Revue d'histoire des chemins de fer, no 41, 2010, p. 113-141 [lire en ligne].
  3. Fiche « Jules de Mérindol », fr.structurae.de.
  4. « Le bœuf gras », Le Petit Parisien, 17 mars 1902, p. 2, 4e et 5e colonnes. Voir l'article reproduit sur la base Commons.
  5. « Le Carnaval de 1907, Le Bœuf Gras de la Rive Gauche, Vaugirard 1er », Le Petit Journal, 10 février 1907, 1re page, 4e et 5e colonnes ; « Les fêtes du bœuf gras, Vaugirard 1er et sa folle cour », Le Petit Parisien, 10 février 1907, p. 2, 3e et 4e colonnes.
  6. « Les fêtes du bœuf gras », Le Petit Parisien, 30 mars 1907, p. 4, 3e et 4e colonnes. « La journée de Givrillot », Le Petit Parisien, 15 avril 1907, p. 1, 5e et 6e colonnes et p. 2, 1re et 2e colonnes.
  7. Excelsior du 9 janvier 1919 : Carte et liste officielles des obus lancés par le canon monstre et numérotés suivant leur ordre et leur date de chute
  8. Olivier Thomas, « Les rats sont entrés dans Paris », L'Histoire n°469, mars 2020, p. 12-19.
  9. Combat, 28 mai 1951 ; Le Parisien libéré, 21 avril 1952.
  10. "L'Obs" du 28 septembre 2001
  11. Scandale de La Villette, extrait des archives du SĂ©nat
  12. Marc Baudriller, Une histoire trouble de la Ve RĂ©publique : le poison des affaires, Ă©ditions Tallandier.
  13. Nouvel Observateur Ă©crira le 15 octobre
  14. « La fontaine aux lions de Nubie », paris1900.lartnouveau.com.
  15. « Propriété de la Seine-Saint-Denis, la halle de La Villette est en Seine-et-Marne », Libération, 9 février 1995.
  16. La Villette, Paris, Paris, Guides Gallimard, Édition Nouveaux Loisirs, 1996.
  17. Paroles de la chanson de Boris Vian Les Joyeux Bouchers, www.musikiwi.com.
  18. « Paroles Formol par Thomas Fersen - Paroles.net (lyrics) », sur www.paroles.net (consulté le )

Annexes

Articles connexes

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