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Émiland Gauthey

Émiland Marie Gauthey, né à Chalon-sur-Saône le (baptisé à Saint-Jean-de-Maizel le 8) et mort à Paris le , est un ingénieur civil et architecte français du XVIIIe siècle. Ingénieur des États de Bourgogne, il est le concepteur de très nombreuses réalisations dans sa région comme le canal du Centre entre Digoin et Chalon-sur-Saône (1784-1793), des ponts comme ceux de Navilly (1782-1790) et de Gueugnon (1784-1787), ou encore d'édifices comme l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Givry (Saône-et-Loire) (1772 à 1791) ou le théâtre de Chalon-sur-Saône, ou encore des calvaires comme celui de Votentenay (commune de Loisy) gravé à son nom.

Émiland Gauthey
Ĺ’uvres principales

Nommé Ingénieur en chef des États de Bourgogne en 1782, il occupe après la Révolution des postes importants dans la Haute administration des Ponts-et Chaussées à Paris. Il est décoré de la Légion d'honneur en 1804 lors de la création de l'ordre par Napoléon. À partir de l'année 1805 jusqu'à sa mort, cet ingénieur cantonnier est premier ingénieur des Ponts et Chaussées de France dont il dirige les services.

Son buste achevé en 1808 par Guillaume Boichot, chalonnais lui aussi, est exposé au Musée Vivant-Denon à Chalon-sur-Saône où un lycée porte son nom.

Biographie

Émiland Marie Gauthey naĂ®t Ă  Chalon-sur-SaĂ´ne le dans une famille de la petite bourgeoisie provinciale : son père Pierre Gauthey est mĂ©decin Ă  Chalon-sur-SaĂ´ne, avocat et receveur au grenier Ă  sel de Toulon-sur-Arroux, et sa mère Louise ou Louyse Laffouge nĂ©e Ă  Chagny le mais dont la famille Ă©tait originaire de Bissey-sous-Cruchaud. Orphelin de père Ă  16 ans, il se rendit Ă  Versailles auprès d'un oncle, professeur de mathĂ©matiques Ă  l'École des pages du Roi. Il poursuit sa formation auprès de l'architecte Gabriel Dumont avant d'entrer Ă  l’École royale des ponts et chaussĂ©es nouvellement crĂ©Ă©e et que dirige l'ingĂ©nieur rĂ©putĂ© Jean-Rodolphe Perronet. Il avait rencontrĂ© Ă  l'atelier d'architecture Dumont Jacques-Germain Soufflot avec qui il restera liĂ© toute sa vie et qui le consultera lors de la construction du dĂ´me de Sainte-Geneviève, le futur PanthĂ©on.

DiplĂ´mĂ© en 1758, il obtient un poste de sous-ingĂ©nieur Ă  Chalon-sur-SaĂ´ne sous la direction de Thomas Dumorey. Il devra attendre vingt-quatre annĂ©es pour devenir, Ă  la mort de ce dernier, IngĂ©nieur en chef des États de Bourgogne et s’installer Ă  Dijon Ă  l'âge de 50 ans, en 1782. Il est ensuite nommĂ© Directeur gĂ©nĂ©ral des canaux de Bourgogne en 1783.

  • Maison natale de Gauthey
    Maison natale de Gauthey
  • Rue Gauthey Ă  Chalon-sur-SaĂ´ne
    Rue Gauthey Ă  Chalon-sur-SaĂ´ne
  • La maison de Gauthey Ă  Bissey-sous-Cruchaud
    La maison de Gauthey Ă  Bissey-sous-Cruchaud
  • Plaque sur la maison de Gauthey Ă  Bissey-sous-Cruchaud
    Plaque sur la maison de Gauthey Ă  Bissey-sous-Cruchaud

Technicien éclairé, il représente bien l'esprit des Lumières et de l'Encyclopédie, en témoignent son curieux Essai sur la langue philosophique (1774) dans lequel il imagine une sorte de langue des signes graphiques universels qui préfigure la sténographie, ou son utilisation des avancées scientifiques dans le domaine de la construction.

Il deviendra d'ailleurs une rĂ©fĂ©rence dans l'art des ponts avec son monumental TraitĂ© de la construction des ponts et son MĂ©moire sur l’application de principes de mĂ©canique de la construction des voĂ»tes et des DĂ´mes ou encore son MĂ©moire sur les canaux de navigation qui ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©s après sa mort par son neveu Claude-Henri Navier. Ses ouvrages de gĂ©nie civil, comme les ponts de Gueugnon, de Navilly ou de Chalon-sur-SaĂ´ne par exemple, participent Ă  la transformation des voies de communication qui permettra l'essor industriel du siècle suivant et marquent toujours le patrimoine bourguignon. C'est dans cet esprit qu'il participe au dĂ©veloppement de la navigation fluviale par le creusement de nouveaux canaux. Il collabore au projet du canal de Bourgogne entre l'Yonne et la SaĂ´ne (achevĂ© bien plus tard en 1832) puis se consacre au canal de Franche-ComtĂ© de Saint-Jean-de-Losne/Saint-Symphorien-sur-SaĂ´ne Ă  Dole (connu sous le nom de liaison SaĂ´ne-Doubs) : cette partie du projet de liaison Rhin-RhĂ´ne rĂ©alisĂ©e de 1783 Ă  1803 est nommĂ©e aussi « canal de Monsieur » car inaugurĂ©e par Louis V Joseph de Bourbon-CondĂ©, prince du sang et gouverneur de Bourgogne[1]. Mais son Ĺ“uvre maĂ®tresse, « le plus grand ouvrage de travaux publics du XVIIIe siècle[2] », est le canal du Centre (ou canal du Charolais) rĂ©alisĂ© de 1783-1793 entre Digoin et Chalon-sur-SaĂ´ne. Long de 114 km (112,125 kilomètres après dĂ©viation du canal au nord de Chalon) avec 82 Ă©cluses (61 actuellement), ce canal relie la Loire et la SaĂ´ne, crĂ©ant ainsi la première liaison fluviale Manche - MĂ©diterranĂ©e (la Loire Ă©tant reliĂ©e Ă  la Seine par le canal de Briare (1642) et celui du Loing (1723)).

Émiland Gauthey est aussi attaché à l'aménagement de Chalon-sur-Saône, sa ville natale où il réside et qu'il embellit avec la transformation des quais ou la construction du théâtre. Ses réalisations d'architecte de style néoclassique élégant sont par ailleurs assez nombreuses dans la région : dôme de la pharmacie de Chalon-sur-Saône – église Saints-Pierre-et-Paul de Givry, Hôtel de ville de Tournus, château de Clermont-Montoison à Chagny (détruit en 1866), etc.).

Les transformations liĂ©es Ă  la RĂ©volution mettent Émiland Gauthey Ă  l'honneur : il est nommĂ© Inspecteur GĂ©nĂ©ral des Ponts et ChaussĂ©es en 1791 au moment de la crĂ©ation du corps et s'installe Ă  Paris et Ă©pouse Ă  60 ans sa cousine et adopte un petit neveu, Henri Navier, un des brillants mathĂ©maticiens et ingĂ©nieurs du dĂ©but du XIXe siècle. Il devient ensuite membre du conseil gĂ©nĂ©ral des ponts et chaussĂ©es en 1801 et vice-prĂ©sident de ce mĂŞme Conseil en 1805. Il travaille sur la liaison Somme-Escaut et des amĂ©nagements de Paris comme une nouvelle d'adduction d'eau pour Paris (le futur Canal de l'Ourcq) et des projets de ponts sur la Seine, dont la Passerelle des Arts Ă  Paris, rĂ©alisĂ© par Jacques Dillon.

Le Premier Consul le décore de la Légion d'honneur à titre civil lors de la première remise de médaille, le , et il allait être promu au grade de commandeur lorsqu'il décède brusquement, à Paris, le ; curieusement son lieu de sépulture reste inconnu, il repose vraisemblablement dans un cimetière parisien.

Émiland Gauthey, célibataire jusqu'à l'âge de soixante ans, avait épousé en 1792 Anne-Claude Gauthey, sa cousine germaine, fille de son oncle François ; ils avaient recueilli ensemble, pour l'élever, un petit-neveu, Claude-Henri Navier, orphelin âgé de seulement neuf ans[3].

RĂ©alisations

Ponts

  • Motifs dĂ©coratifs sur le thème de la pyramide
    Motifs décoratifs sur le thème de la [4]pyramide.
    décoration des ponts autres que pyramides par Gauthey
    [5]décoration des ponts autres que pyramides par Gauthey
       Gauthey a attachĂ© une importance particulière Ă  la construction des ponts. Il ne s’est pas contentĂ© de thĂ©oriser sur la question. D’ailleurs son « TraitĂ© de la construction des ponts » n’a Ă©tĂ© publiĂ© qu’après sa mort en 1809-1813 par son neveu Claude Navier [6]. Il a Ă©tĂ© particulièrement actif dans ce domaine entre les annĂ©es 1780 et 1790 une fois devenu ingĂ©nieur en chef des États de Bourgogne : 13 ponts ont Ă©tĂ© construits pendant cette dĂ©cennie dont 12 Ă©taient en chantier en 1786 [7]! En revanche, il n’a pas cherchĂ© Ă  apparaĂ®tre comme novateur. Il est mĂŞme restĂ© en retrait par rapport aux conceptions de celui qui avait Ă©tĂ© son maĂ®tre Ă  l’École des ponts et chaussĂ©es, comme s’il avait souhaitĂ© « tempĂ©rer ce que l’exemple d’un Jean-Rodolphe Perronet pouvait avoir d’excessif ». Ses motivations sont plus terre Ă  terre et visent d’abord Ă  l’économie.  Â« La grande importance des ponts destinĂ©s Ă  Ă©tablir des communications entre les diverses parties d’un empire, Ă  ouvrir des voies au commerce des diffĂ©rents peuples et qui exigent presque toujours des dĂ©penses considĂ©rables doit les placer au premier rang des constructions dont le gouvernement fait les frais. L’objet qui doit occuper essentiellement celui qui les exĂ©cute est de leur donner une soliditĂ© Ă  toute Ă©preuve ».
    Ponts construits par Gauthey
    [7]Ponts construits par Gauthey.
    [8].
  • La meilleure manière d’œuvrer dans ce sens est, pour Gauthey de rester fidèle Ă  la formule classique d’arches en plein cintre reposant sur des piles Ă©paisses afin de mieux « rĂ©sister au travail de sape continuel de l’eau comme aux effets d’arrachement dont s’accompagnaient les grandes crues ». Le pont des Echavannes par exemple prĂ©sente une sĂ©rie d’arches de 13 mètres de portĂ©e seulement et   l’ouverture des arches de Navilly n’atteint que 23 mètres. En comparaison elle est de 39 mètres au pont de Neuilly et de 31 m pour l’arche centrale du pont Louis XVI (de la Concorde aujourd'hui), Ĺ“uvres de Perronet. Quant aux piles, celles de Navilly ont 5 mètres d’épaisseur soit le cinquième de l’ouverture des arches. Ici encore la comparaison est Ă©loquente.  Â« Tandis que l’on recommandait autrefois de donner aux piles une Ă©paisseur comprises entre le quart et le sixième de l’ouverture, Perronet prend le onzième de cette ouverture au pont de Neuilly ». Cette fidĂ©litĂ© au modèle ancien n’exclut pas le souci d’y apporter quelques amĂ©liorations de dĂ©tail par exemple s’agissant des avant-becs : par leur arrondi, ils achèvent de donner une section ovale aux piles, ce dispositif entièrement courbe devant favoriser le glissement des eaux sans chocs ni remous il faut oublier les avant-becs effilĂ©s qui Ă©voquaient des proues de navire et Ă©taient responsables de turbulences provoquant l’affouillement des piles[9] !
  • Le souci d’économie ne va pas jusqu'Ă  l’oubli du sens esthĂ©tique et l’ingĂ©nieur, en rappelant sa formation d’architecte, ennoblit sa fonction. Les États de Bourgogne commanditaires y jouent leur prestige vis-Ă -vis de leurs administrĂ©s. Les ponts doivent donc ĂŞtre aussi des Ĺ“uvres d’art ! En tĂ©moignent le traitement en caissons des intrados du pont de Navilly sur le Doubs ; les urnes dans les tympans de ce mĂŞme pont (elles ont aussi une valeur utilitaire car c’est par les trous percĂ©s Ă  leur base que s’évacuent les eaux de pluies collectĂ©es sur le pont) ; les Ĺ“ils du pont des Echavannes Ă  Chalon-sur-SaĂ´ne qui donnent plus de lĂ©gèretĂ© aux reins des voĂ»tes ; les claveaux saillants qui empiètent sur l’archivolte du pont de la Guyotte. On pourrait multiplier les exemples. Les spĂ©cialistes Ă©voquent Ă  ce sujet la mĂ©moire de Palladio  ou celle du quasi-contemporain  Piranesi (1720-1778). VoilĂ  qui tĂ©moigne d’une grande ouverture d’esprit et  nous entraĂ®ne bien loin des horizons de la Bourgogne[10] - [11]Enfin, concession Ă  la mode orientaliste de l'Ă©poque : les obĂ©lisques, faussement dĂ©nommĂ©s alors pyramides de l'ancien pont Saint-Laurent et reproduits de nos jours lors de sa reconstruction.
  • Le pont des Echavannes
    Le pont des Echavannes : Ĺ“ils entre les arches
  • Le pont de Navilly
    Le pont de Navilly : intrados Ă  caissons
  • L'urne sur le pont de Navilly
    L'urne sur le pont de Navilly
  • Le pont sur le Cousin Ă  Avallon avec avant-becs arrondis
    Le pont sur le Cousin Ă  Avallon avec avant-becs arrondis
  • Le nouveau pont Saint-Laurent
    Le nouveau pont Saint-Laurent
  • Pont sur la Thalie
    Pont sur la Thalie
  • Pont Gauthey ou pont de la Thalie Ă  Châtenoy-le-Royal, SaĂ´ne-et-Loire (71), le premier pont construit par Gauthey (1770) (10 m en 2 arches) [12]
  • Pont de Pierre (1781-1787) sur le Ruisseau des Baulches, sur la RN6,dans l'Yonne (89) : pont-route de 14 m[13]
  • Pont sur la Bourbince (1786-1789) Ă  Blanzy, SaĂ´ne-et-Loire (71)
  • Pont sur la Guyotte (1786-1789) Ă  Navilly, SaĂ´ne-et-Loire (71) : une seule arche de 12,70 m[14]
  • Pont de Bellevesvre (1787) en SaĂ´ne-et-Loire (71) : pont-route en arc sur la Brenne, longueur totale 30 mètres [15]
  • Pont de Gueugnon, (1787) en SaĂ´ne-et-Loire (71) : pont-arc de 60,87 mètres et d'une largeur de 7,10 mètres avec une pente originale de 1,90 mètre et des arches dĂ©croissantes de 12,10 m de portĂ©e[16]
  • Pont de Navilly (1782 – 1790) en SaĂ´ne-et-Loire (71) : la plus belle rĂ©alisation de Gauthey, pont arc sur le Doubs (156 m, 5 travĂ©es) [17]
  • Ă  Chalon-sur-SaĂ´ne, creusement du faux-lit de la SaĂ´ne ou « canal de dĂ©charge » et son enjambement par le pont des Chavannes (parfois nommĂ© Pont des Echavannes[18]) qui rejoint Saint-Marcel (pont route de 7 travĂ©es achevĂ© en 1790) et rĂ©novation du Pont Saint-Laurent (Ă©largissement du pont mĂ©diĂ©val et dĂ©coration des 7 arches de 13 m avec des obĂ©lisques, achevĂ© en 1791), quasi dĂ©truit en 1944 et rebâti Ă  neuf en 1950[19].

Routes

  • Si, pour la postĂ©ritĂ©, Gauthey s’est surtout illustrĂ© par des Ĺ“uvres pĂ©rennes qui perpĂ©tuent son souvenir (monuments, canaux), il ne faut pas perdre de vue que, pour les États de Bourgogne et pour l’ensemble de ses contemporains, sa tâche primordiale Ă©tait d’assurer la qualitĂ© des liaisons routières dans les limites de la gĂ©nĂ©ralitĂ© de Bourgogne. Dans son exĂ©cution il a Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  deux donnĂ©es contradictoires et son mĂ©rite est grand de s’être efforcĂ© de les concilier. D’une part, l’ingĂ©nieur Ă©tait conscient de l’importance exceptionnelle de sa province car c’est par son territoire que s’établit de temps immĂ©moriaux (pensons Ă  la route de l’étain Ă  l’âge du bronze) la liaison entre les espaces maritimes du nord de l’Europe et de la MĂ©diterranĂ©e. D’autre part, l’humaniste, membre de la cĂ©lèbre AcadĂ©mie de Dijon, ne se satisfaisait pas du système de corvĂ©e royale Ă©tabli par les États de Bourgogne dans un souci d’économie mais qui mettait Ă  la peine la paysannerie.
  • C’est dans cette optique qu’on est peut-ĂŞtre le mieux Ă  mĂŞme de porter une apprĂ©ciation sur son Ĺ“uvre en la matière. Et c’est aussi dans cette optique qu’à terme Gauthey espĂ©rait voir les canaux remplacer le portage[20]. Il s’était d’ailleurs livrĂ© Ă  des recherches sur les prix comparĂ©s des transports fluvial et routier pour Ă©tayer sa prĂ©fĂ©rence pour la voie d’eau et pouvait se prĂ©valoir du patronage de Vauban qui avait thĂ©orisĂ© ce point de vue dès 1705. En attendant, il n’était pas en son pouvoir de contester le système de la corvĂ©e. Les États de Bourgogne l’avaient votĂ© en 1727 pour lever le blocage financier rencontrĂ© face Ă  l’effort de construction de nouvelles voies et Ă  l’entretien permanent de l’ensemble du rĂ©seau. Rien d’original en cela : rares Ă©taient les provinces, comme le Languedoc, qui avaient adoptĂ© le financement par des emprunts avec la garantie de l’État. Nul doute qu’il ait approuvĂ© les tentatives de Turgot par un Ă©dit de 1776 pour la supprimer et il faudra attendre Calonne en  1785 pour son abolition dĂ©finitive[21].
  • AllĂ©ger le poids des dĂ©penses Ă©tait un moyen de soulager la peine de cette main-d’œuvre taillable et corvĂ©able Ă  merci, selon la fameuse maxime. Gauthey s’y entendait en matière d’économie tant pour les affaires publiques que pour la gestion de ses vignes sur sa commune de Bissey-sous-Cruchot[20]. Ă€ partir des donnĂ©es chiffrĂ©es puisĂ©es dans la comptabilitĂ© du Languedoc il en conclut, par comparaison,  Ă  un surcoĂ»t intolĂ©rable des travaux en Bourgogne. Quant Ă  la solution, tout est Ă  peu près dit dans cette main courante de 1785.  Â« Le premier pas Ă  faire est de se procurer l’état sĂ©parĂ© des routes qui ne sont qu’à l’entretien [Ă  ne pas mĂ©langer Ă  celles en construction]. On n’a pas assez distinguĂ© quelles routes pouvaient ĂŞtre entretenues en sable et, par consĂ©quent, Ă  moindres frais. On n’a pas assez fait attention aux chemins passant sur des fonds de roche, oĂą leur empierrement est presque fait par la  nature… On n’a pas assez prisĂ© l’avantage des rĂ©parations journalières qui prĂ©viennent des dĂ©gradations considĂ©rables ». Ce dernier point lui a permis de souligner l’inadaptation du système des corvĂ©es concentrĂ©es sur l’automne et le printemps, mortes saisons pour les cultures. D’oĂą le recours Ă  des entreprises privĂ©es disponibles toute l’annĂ©e et mobilisables sur des chantiers successifs[20].
  • Les Ă©conomies ont Ă©tĂ© aussi recherchĂ©es par la rĂ©glementation du trafic. La lutte a Ă©tĂ© menĂ©e contre la surcharge pour une moindre usure de la chaussĂ©e : « Les charrettes Ă  jante Ă©troite ne peuvent ainsi disposer de plus de trois chevaux et les chariots Ă  roues fines   de plus de six ». Dans cette mĂŞme ligne de rĂ©flexion, devenu inspecteur gĂ©nĂ©ral des Ponts et ChaussĂ©es Ă  partir de 1791, Gauthey s’est intĂ©ressĂ© aux recherches qui aboutiront Ă  Ă©tablir la police du roulage fondĂ© sur le pesage sur ponts Ă  bascule en 1806, un an après son dĂ©cès[20].

Architecture religieuse

Façade de l'église de Barizey
Façade de l'église de Barizey
  • L’œuvre de Gauthey en la matière se limite Ă  la construction de l’église de Barizey (1772-1786) et de celle des Saints ApĂ´tres Pierre et Paul Ă  Givry (1771-1791). Mais il y a un intĂ©rĂŞt particulier Ă  apporter Ă  cet aspect de son Ĺ“uvre. Alors qu’il s’est montrĂ© plutĂ´t conservateur en matière de construction de ponts, c’est dans ce domaine qu’il a fait preuve du plus grand souci d’apparaĂ®tre comme novateur Ă  la pointe de la recherche technique. C’est pendant ses annĂ©es de formation Ă  Paris de 1748 Ă  1757 que l’étudiant a pris conscience de sa double vocation d’ingĂ©nieur et d’architecte en Ă©tant assidu Ă  la fois aux leçons d’un Perronet Ă  l’Ecole des Ponts et ChaussĂ©es et Ă  l’enseignement de Dumont dans son atelier d’architecture [20].
Ă©glise saint antoine
Eglise de Barizey au milieu des vignes
  • Bien qu’on dĂ©cèle dĂ©jĂ  Ă  cette Ă©poque une nette inflexion Ă  l’Ecole des Ponts et ChaussĂ©es dans le sens « d’une pratique beaucoup plus savante du mĂ©tier d’ingĂ©nieur », il faudra attendre la crĂ©ation de Polytechnique en 1796 et l’habitude prise d’y recruter dĂ©sormais les Ă©lèves des Ponts et ChaussĂ©es pour assister Ă  l’aboutissement de cette Ă©volution [20]. Gauthey avait conscience de la nĂ©cessitĂ© d’une solide formation thĂ©orique pour maĂ®triser les techniques de la construction et avait publiĂ© Ă  Dijon en 1771 son MĂ©moire sur l’application des principes de la mĂ©canique Ă  la construction des voĂ»tes et des dĂ´mes. Or, c’est prĂ©cisĂ©ment par la maĂ®trise de cette technique qu’il espĂ©rait donner la preuve de son esprit novateur.  MalgrĂ© cet effort mĂ©ritoire, son Ĺ“uvre se ressentira de l’empirisme qui rĂ©gnait encore dans l’exĂ©cution des Ă©difices [20].
  • La mode Ă©tait passĂ©e en ce milieu du XVIIIe siècle au nĂ©o-classicisme en rĂ©action aux excès du baroque et du rococo. Cette Ă©cole trouvait son inspiration dans le retour Ă  deux hĂ©ritages dont l’un est le plus inattendu. L’adjectif gothique perd sa connotation pĂ©jorative et « un souci de rationalisation se fait jour : il puise chez les constructeurs gothiques ses lointaines origines, marquant la reconnaissance un peu tardive des valeurs d’une architecture mal comprise ».   L’autre source d’inspiration est la Grèce antique. On ira jusqu'Ă  affirmer que « le mĂ©lange des effets de l’architecture gothique avec les formes de l’architecture grecque ne peut que conduire Ă  la perfection de l’art [20] Ou encore : « Associant aux valeurs de la tradition des hardiesses fondĂ©es sur de nouvelles connaissances techniques, le XVIIIe siècle va tenter de rĂ©concilier architecture classique et modèle gothique » [20].
  • la façade de l'Ă©glise de Givry est surmontĂ©e d'un clocher en forme d'obĂ©lisque
    la façade de l'église de Givry
    vue extérieure de l'église de Givry : de la sacristie à droite au clocher à gauche
    vue extérieure de l'église de Givry
    Le choix de Givry pour cette démonstration ne doit rien au hasard. Les Givrotins avaient eu le temps d’apprécier les talents du jeune ingénieur à qui ils avaient confié dès 1758 la construction, en collaboration avec son chef Thomas Dumorey, de la Fontaine des Dauphins et surtout celle d’une nouvelle mairie terminée en 1771, réputée une des plus belles de France. Le financement ne devait pas poser de problème à cette solide communauté de près de 3 000 habitants campée au milieu de ses 350 ha de vigne, fleuron de la Côte chalonnaise dont le nectar aurait eu la préférence de Henri IV ! Et, de fait, cette confiance ne devait jamais faire défaut à Gauthey même après des débuts difficiles liés à un fort dépassement des prévisions de dépenses. Lorsque l’église aura été consacrée le , les Givrotins auront déjà cher payé les efforts de notre ingénieur en faveur du triomphe de la science ». Lui-même était motivé au plus haut point. Cette année où il est sollicité est aussi celle de la publication de son mémoire sur les voûtes et dômes. L’église de Givry lui fournirait un champ [20]d’expérimentation grandeur nature pour évaluer ses travaux théoriques » [20]. Il entendait par la même occasion apporter son soutien à Soufflot avec qui il avait noué amitié sans doute depuis 1758, dans l’atelier de Dumont. Le fameux architecte à qui avait été confiée en 1758 la construction à Paris de l’église Sainte Geneviève (le futur Panthéon) était alors en butte aux critiques et l’on commençait à douter de la solidité des colonnes qui devraient soutenir le dôme[20].
  • dĂ´me du choeur de l'Ă©glise de Givry
    dĂ´me du choeur de l'Ă©glise de Givry
    L’originalité de l’église des Saints Pierre et Paul perceptible déjà à la vue de son clocher en forme d’obélisque trapu réside en son plan lui-même en accordéon qui fait succéder à une entrée étroite de plan carré sous le clocher-porche une nef octogonale dilatée, puis, à un avant-chœur resserré en pendant du porche, le renflement d’un chœur elliptique et, comme en appendice, la sacristie. Cette succession peut être interprétée comme devant engager le fidèle dans une sorte de marche initiatique : le catéchumène, une fois baptisé dans l’entrée, peut accéder à la nef pour suivre l’office divin mais le chœur en est nettement séparé « en rappel de l’inviolabilité du lieu, point d’accès définitif pour le baptisé »[20].
  • dĂ´me de la nef  de l'Ă©glise de Givry
    dĂ´me de la nef  de l'Ă©glise de Givry
    En Ă©lĂ©vation, ce plan trahit l’intention de l’architecte de dĂ©montrer sa maĂ®trise dans l’édification des dĂ´mes. Dans le respect des canons du nĂ©oclassicisme Gauthey Ă  Givry s’inspire Ă  la fois de l’AntiquitĂ© et de l’art gothique. La première inspiration est Ă©vidente dans la nef dont l’octogone est circonscrit par huit colonnes d’ordre ionique au fĂ»t lisse jumelĂ©es Ă  des colonnes semi-engagĂ©es du cĂ´tĂ© du dĂ©ambulatoire ; dĂ©monstration renouvelĂ©e dans le chĹ“ur entourĂ© Ă©galement de dix colonnes corinthiennes cannelĂ©es.  Parmi les emprunts au gothique, le passage obscur sous le clocher doit, Ă  l’imitation du narthex mĂ©diĂ©val, faire apparaĂ®tre par contraste la nef plus lumineuse.  Mais la grande question restait posĂ©e :  comment concilier l’élĂ©gance des colonnades Ă  l’antique en remplacements des robustes piliers avec la nĂ©cessitĂ© de rĂ©sister Ă  l’écrasement sous le poids des dĂ´mes ? Comment contrebuter les pressions latĂ©rales ? Les nĂ©o-classiques avaient Ă  rĂ©soudre la contradiction entre leur plastique moderne qui leur imposait la discrĂ©tion et le recours des bâtisseurs de cathĂ©drales aux trop voyants arcs-boutants. Gauthey  a appliquĂ© sa mĂ©thode consistant Ă  « construire la coupole intermĂ©diaire avec des nervures qui seraient d’autant plus convenables que la voĂ»te infĂ©rieure empĂŞcherait qu'elles fussent apparentes ».

Architecture civile

  • Dès son entrĂ©e en service comme sous-ingĂ©nieur par les Etats de Bourgogne dans l’antenne de Chalon, Gauthey a Ă©tĂ© sollicitĂ© pour la construction de bâtiments tant Ă  Chalon que dans les localitĂ©s de son ressort. Il est vraisemblable que pour certaines d’entre elles il ait collaborĂ© avec son chef de service Dumorey. Ses motivations n’étaient pas pĂ©cuniaires. « Par rapport Ă  ses collègues, sa principale originalitĂ© consiste Ă  faire de l’architecture un instrument de promotion professionnelle, au lieu de n’y voir qu’une façon commode d’arrondir ses fins de mois » (A. Picon). Alors qu’en matière d’architecture religieuse il s’est voulu Ă  la pointe de l’innovation, ses ouvrages civils sont d’inspiration nĂ©o-classique avec un retour Ă  la simplicitĂ©. A Chalon mĂŞme lui ont Ă©tĂ© confiĂ©es la construction du théâtre dont il ne reste plus aujourd’hui que la façade et celle de  l’hĂ´tel particulier des Clermont-Montoison.
    • HĂ´tel Clermont-Montoison dans le style classique couronnĂ© par une attique
      Hôtel Clermont-Montoison dans le style classique couronné par une attique
    • Façade du théâtre de Chalon-sur-SaĂ´ne dans le style classique
      Façade du théâtre de Chalon-sur-Saône dans le style classique
    A Chagny il avait enrichi d’une belle coupole le château de ces mĂŞmes Clermont-Montoison dĂ©truit en 1866. Il a Ĺ“uvrĂ© dans la CĂ´te chalonnaise Ă  Barizey (le presbytère, en accompagnement de l’église) et surtout Ă  Givry. L’hĂ´tel de ville, Ă  cheval sur une ancienne porte de la ville, avec son avant-corps en bossages et son Ă©lĂ©gant clocheton, a la rĂ©putation d’être un des plus beaux de France. La Fontaine aux dauphins est surmontĂ©e d’un obĂ©lisque formant cadran solaire. Il a Ă©galement construit les hĂ´tels de ville de Bourbon-Lancy (1782), de Tournus (1771) et de Louhans.  [20]
  • Hotel de Ville Givry
    Hotel de Ville Givry
  • Tympan extĂ©rieur de la porte de l'hĂ´tel de ville de Givry
    Tympan extérieur de la porte de l'hôtel de ville de Givry
  • Porte de l'hĂ´tel de ville de Givry
    Porte de l'hĂ´tel de ville de Givry
  • Tympan cĂ´tĂ© intĂ©rieur (hĂ´tel de ville de Givry)
    Tympan côté intérieur (hôtel de ville de Givry)
  • Presbytère de Barisey
    Presbytère de Barisey
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Canaux

Emiland Gauthey a fortement enrichi le patrimoine culturel de la Bourgogne comme en tĂ©moignent encore aujourd’hui ponts, hĂ´tels de ville - entre autres bâtiments civils, ainsi que les Ă©glises de Barizey et de Givry. Mais sa riche personnalitĂ© ne se laisse pas enfermer dans le cadre provincial. La rĂ©alisation du canal du Centre s’inscrit dans un contexte historique et gĂ©ographique national et son nom mĂ©riterait de figurer aux cĂ´tĂ©s de celui du Biterrois Pierre-Paul Riquet, crĂ©ateur, cent ans plus tĂ´t, du fameux canal du Midi. Cet ingĂ©nieur des Lumières, comme on l’a dĂ©fini, s’inspirait de l’exemple de l’Angleterre qui dĂ©veloppait alors son rĂ©seau de canaux[22]. Le canal du Charolais, selon l’appellation d’origine, devait ĂŞtre une pièce maĂ®tresse de l’organisation du territoire français et un instrument du dĂ©veloppement Ă©conomique local. Certaines de ses prĂ©visions se sont concrĂ©tisĂ©es : « Le Charolais abonde en bois, produits du sol, charbon de terre, qui auront un grand dĂ©bit si on peut les transporter par eau. Le Charolais possède aussi de nombreuses forges et plusieurs hauts-fourneaux, sans compter ceux projetĂ©s qui n’attendent qu’un moyen de transport Ă  leur taille pour naĂ®tre et prospĂ©rer ». Sans le canal, Le Creusot aurait-il tenu sa place exceptionnelle dans l’appareil industriel français ? Les Houillères du Bassin de Blanzy auraient-elles eu les mĂŞmes facilitĂ©s d’exploitation ? Ayant bien mesurĂ© l’enjeu, il dĂ©ploya une Ă©nergie farouche pour vaincre les nombreux obstacles sur son chemin.

Car il a dĂ» vaincre bien des rĂ©sistances pour faire triompher son projet et relever un triple dĂ©fi. Il lui a d’abord fallu persuader les États de Bourgogne de donner la prioritĂ© au tracĂ© par la dĂ©pression Dheune-Bourbince et le  seuil de Longpendu alors que nombreux Ă©taient partisans  de l’itinĂ©raire Ouche-Armançon avec le seuil de Pouilly-en-Auxois (le futur canal de Bourgogne). Il avait contre lui les autoritĂ©s de la ville de Dijon s’appuyant sur le tout puissant Perronet, fondateur de l’Ecole des Ponts-et-ChaussĂ©es. Celui-ci mettait particulièrement en doute la possibilitĂ© d’une alimentation en eau suffisante au bief de partage [23].

Le deuxième dĂ©fi Ă©tait celui du financement. OĂą trouver les 10 millions de livres nĂ©cessaires pour engager une telle entreprise ? Gauthey avait collaborĂ© avec les frères Brancion dans une Ă©tude de marchĂ© prouvant sa rentabilitĂ©. Lorsque les États de Bourgogne dĂ©cidèrent, avec l’approbation du ministère, de se substituer Ă  ces promoteurs privĂ©s, ils firent confiance aux analyses de Gauthey et lui confièrent tout naturellement la direction des travaux. Le prince de CondĂ©, gouverneur de la province fut, de son cĂ´tĂ©, très actif dans le recrutement des souscripteurs de l’emprunt.  C’est très logiquement Ă  lui qu’on fit appel pour la pose de la première pierre Ă  l’écluse de Chalon[23].

Le troisième dĂ©fi Ă©tait celui de la rĂ©alisation car la tâche apparaissait gigantesque : 114 km de tranchĂ©es, 80 Ă©cluses, 71 ponts, 76 aqueducs, 3 rigoles d’alimentation, 68 maisons d’éclusiers. Sous certains aspects, ce chantier au caractère montagnard apparaissait sans prĂ©cĂ©dent et appelait des solutions inĂ©dites : passages en tranchĂ©es, Ă©chelle d’écluses au niveau d’Ecuisses. La gestion en fut exemplaire. Depuis son quartier gĂ©nĂ©ral de Bissey-sous-Cruchot, Gauthey « dressait chaque fin de mois un Ă©tat des lieux extrĂŞmement prĂ©cis de la progression du canal. Il pouvait Ă©galement grâce aux chiffres prĂ©cis fournis obtenir les mandats nĂ©cessaires pour la paie de l’ensemble des ouvriers. Il pouvait Ă©galement vĂ©rifier si la progression se faisait normalement ou s’il y avait du retard »[24]. Il lui fallait aussi mobiliser les services sanitaires des diffĂ©rents hĂ´pitaux oĂą les malades et les accidentĂ©s Ă©taient admis aux frais des États. L’entreprise fut menĂ©e Ă  bien en un temps record de 1784 Ă  1793. Elle a suscitĂ© la curiositĂ© voire l’intĂ©rĂŞt d’illustres personnages comme le roi Gustave III de Suède Ă  son retour de Rome, l’archiduc Ferdinand de Habsbourg sur le chemin de Versailles pour y retrouver sa sĹ“ur Marie-Antoinette. Le comte de Provence, frère de Louis XVI (le futur roi Louis XVIII) eut l’occasion, en pleine Ă©pidĂ©mie, d’y faire preuve de compassion et de prodiguer ses secours. Certains visiteurs, au dĂ©part de Chalon, après la visite de la tranchĂ©e de Chagny Ă©taient reçus dans cette ville au château des Clermont-Montoison que Gauthey venait de restaurer [24]. Faut-il encore Ă©voquer le transit par le canal des Noces de Cana, le fameux tableau de VĂ©ronèse, butin de guerre après l’occupation de Venise par les troupes de la RĂ©publique ? Il se fit en tout confort mais, après l’arrivĂ©e Ă  Digoin le , il dut y patienter avant un parcours plus aventureux sur la Loire(p 149-151) [24] .

On peut évoquer pour mémoire les interventions de Gauthey, une fois investi des plus hautes responsabilités à Paris dans deux affaires de canaux mais pour un simple rôle de conseiller. Il eut, en effet, à se prononcer sur le tracé du canal de Saint-Quentin pour le franchissement en deux tunnels de l’interfluve entre Oise et Somme et se borna à confirmer cette option de préférence à un tunnel unique[25]. Sollicité par ailleurs à propos des travaux de la déviation vers Paris de l’Ourcq, affluent de la Marne afin de pourvoir à l’alimentation en eau de la capitale, son intervention semble avoir été moins heureuse et s’être heurtée à l’opinion contraire de Pierre-Henri Simon, ingénieur en renom. Ce qui n’empêcha par ce dernier de rendre au Bourguignon ce véritable hommage posthume qui nous est rapporté par de Dartein dans son ouvrage sur La vie et les travaux d’Emiland Gauthey[23]:

« Gauthey Ă©tait sans contredit l’un des ingĂ©nieurs les plus habiles dont le corps des Ponts et ChaussĂ©es pĂ»t alors s’honorer. Les difficultĂ©s de tous genres qu’il avait eues Ă  surmonter pour faire adopter son projet du canal du Charolais entre la SaĂ´ne et la Loire, celles qu’il avait rencontrĂ©es dans son exĂ©cution, le succès qui avait couronnĂ© ses efforts, une expĂ©rience consommĂ©e, l’amour et l’habitude du travail, l’ardeur et la persĂ©vĂ©rance avec lesquelles il se livrait, comme au temps de sa jeunesse, aux recherches les plus longues, aux calculs les plus fastidieux, pour justifier ses opinions, lui avaient acquis le droit de parler avec une sorte d’autoritĂ© dans les comitĂ©s particuliers  et dans les assemblĂ©es des Ponts et ChaussĂ©es. Il usait souvent de ce droit avec la franchise d’un caractère indĂ©pendant ; et bien que ses collègues eussent quelquefois Ă  lui reprocher l’âpretĂ© de ses formes, et fussent gĂ©nĂ©ralement peu disposĂ©s Ă  ĂŞtre de son avis, ils y Ă©taient presque toujours ramenĂ©s, soit qu’il fĂ»t parvenu Ă  les convaincre, soit qu’ils dĂ©sespĂ©rassent de lutter avec avantage contre un adversaire que la crainte du travail et de l’application n’avait jamais fait reculer[26]. »

— Ferdinand de Dartein, La vie et l'œuvre d'Émiland Gauthey

Hommages

Depuis 1864, la rue Gauthey dans le 17e arrondissement de Paris porte son nom.

Références

  1. « Canal du Rhône au Rhin - Dictionnaire des canaux et rivières de France », sur projetbabel.org (consulté le ).
  2. « lyc71-gauthey.ac-dijon.fr/page… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  3. Jean-Claude Mallard, « L'ingénieur-architecte chalonnais Émiland-Marie Gauthey (1732-1806) », Images de Saône-et-Loire, no 146,‎ , p. 17 à 21.
  4. De Dartein F, Etude sur les ponts de pierre, Paris, Belanger, , p. XIV
  5. de Dartein F, Les ponts de pierre, Paris, BĂ©ranger, , Figure XV
  6. Edoardo Benvenuto et Massimo Corradi, Un ingénieur des Lumières Emiland-Marie Gauthey, Presses des Ponts-et-Chaussées, , 279 p., p. 149-174
  7. Bonneviot Maurice, Gauthey, le Chalonnais, Presses des Ponts-et-Chaussées, , 279 p., p. 52
  8. Picon Antoine, Entre ingénieur et architecte L'itinéraire d'Emiland-Marie Gauthey, Presses des Ponts-et-Chaussées, , 279 p., p. 226
  9. Picon Antoine, Entre ingénieur et architecte L'itinéraire d'Emiland-Marie Gauthey, Presses des Ponts-et-Chaussées, , 279 p., p. 223
  10. Picon Antoine, Entre ingénieur et architecte L'itinéraire d'Emiland-Marie Gauthey, Presses des Ponts-et-Chaussées, , 279 p., p. 223-226
  11. « Pont de Cravant (Cravant, 1760) » Accès libre, sur structurae.de (consulté le ).
  12. « Pont Gauthey (Châtenoy-le-Royal, 1770) » Accès libre, sur structurae.de (consulté le ).
  13. « Pont de Pierre (Moneteau/Auxerre, 1786) » Accès libre, sur structurae.de, (consulté le ).
  14. « Pont sur la Guyotte (Navilly, 1789) » Accès libre, sur structurae.de, (consulté le ).
  15. « Pont de Bellevesvre (Bellevesvre, 1787) » Accès libre, sur structurae.de (consulté le ).
  16. « Pont de Gueugnon (Gueugnon, 1787) » Accès libre, sur structurae.de (consulté le ).
  17. « Pont de Navilly (Navilly, 1790) » Accès libre, sur structurae.de (consulté le ).
  18. « Pont des Echavannes (Chalon-sur-Saône/Saint-Marcel, 1790) » Accès libre, sur structurae.de (consulté le ).
  19. « bm-chalon.fr/site/Le_Pont_St_L… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  20. Olivier Picon, Anne Coste et François Sidot, Un ingénieur des Lumières : Émiland-Marie Gauthey, Paris, Presses de l'École Nationale des Ponts et Chaussées, , 280 p. (ISBN 2-85978-204-4), p. 45-56, 81-86, 175-185, 192, 208-223, 238
  21. Sée Henri, André Lesort, « La question de la corvée des grands chemins sous Louis XVI après la chute de Turgot », Annales de Bretagne,‎ , p. 512-513
  22. Grury Jacques, « Une excentricité à l'anglaise : l'anglomanie », Université Lille III,‎ , p. 191-209
  23. Chabert Louis, Le canal du Centre, Université de Lyon, Mémoire de maîtrise, , 80 p., p. 6
  24. MĂ©nager Philippe, Les canaux bourguignons, histoire d'un patrimoine, Ă©ditions de l'escargot savant, , 415 p., p. 63
  25. Girardi Marie-Thérèse, Emilna Gauthey (1731-1805) le grand bâtisseur bourguignon, Chalon-sur-Saône, Lycée polyvalent Emiland Gauthey,
  26. De Dartein F, Etude sur les ponts de pierre, Paris, Belanger, 1909, p. 104-105

Voir aussi

Bibliographie

  • Ferdinand de Dartein : La vie et l'Ĺ“uvre d'Émiland Gauthey, dans Annales des Ponts et ChaussĂ©es 3e trimestre, 1904.
  • Ferdinand de Dartein : Études sur les ponts de pierre 1907-1912 (Volume 4).
  • Paul Gelis : La vie et l'Ĺ“uvre architecturale de Gauthey, Axium, Paris, 1970.
  • Philippe Laurent : Émiland Gauthey, ingĂ©nieur en Bourgogne, dans Monuments historiques, avril-, no 150-151.
  • Anne Coste : Un IngĂ©nieur des Lumières, Émiland-Marie Gauthey, Presses de l’École nationale des Ponts et ChaussĂ©es, Paris, 1993 (279 pages). (ISBN 2859782044).
  • Marie-ThĂ©rèse Girardi : Émiland Gauthey, 1732-1806 : le grand bâtisseur bourguignon, Ă©ditĂ© par le lycĂ©e polyvalent Émiland Gauthey, 1995.
  • Alain Dessertenne : « Émiland Gauthey et Pierre-Jean Guillemot », article paru dans la revue « Images de SaĂ´ne-et-Loire » no 152 de (pages 13 Ă  17).

Liens externes

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