Église Saint-Envel de Loc-Envel
L'église Saint-Envel est un lieu de culte catholique du XVIe siècle, de style gothique flamboyant, situé à Loc-Envel, dans le département français des Côtes-d'Armor, en Bretagne. Elle est renommée pour la richesse de sa décoration intérieure.
Type | |
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Destination initiale |
siège d'un prieuré-cure |
Destination actuelle | |
Diocèse | |
Paroisse |
Paroisse de Bégard-Belle-Isle-en-Terre (d) |
Dédicataire | |
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Construction | |
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Propriétaire |
commune |
Patrimonialité |
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Commune | |
Adresse |
place de l'Église |
Coordonnées |
48° 31′ 00″ N, 3° 24′ 27″ O |
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Localisation
L'église est posée sur un tertre dominant le bourg de Loc-Envel[1]. Le bourg surplombe lui-même la vallée du Guic[2], à l'orée ouest du bois de Coat-an-Noz[3]. La commune se trouve dans le pays de tradition du Bas-Trégor[4], dans l'ouest du département des Côtes-d'Armor.
Propriété de la commune de Loc-Envel[5], l'église est aujourd'hui affectée au culte de la paroisse de Bégard-Belle-Isle-en-Terre[6].
Légende de saint Envel
L'église doit son nom au saint ermite Envel, fêté le , qui a parfois été confondu avec Gwenvael (ou Gwenvel)[7], fêté le 23 du même mois. On n'a aucune vie ancienne d'Envel, qui n'est connu que par la tradition orale et par les vitraux de l'église[8].
Selon la légende, deux frères vivant dans l'île de Bretagne, tous deux abbés et tous deux prénommés Envel[4], ont une sœur Jûna, également religieuse. Obligés de quitter leur pays, ils s'exilent tous trois en Armorique. Arrivés à l'orée du bois de Coat-an-Noz, ils bâtissent trois ermitages. Envel, l'aîné, choisit le lieu où est l'église aujourd'hui[9]. Envel le Petit s'installe un peu plus à l'est, là où se trouve maintenant la chapelle du Bois (dans l'actuelle commune de Belle-Isle-en-Terre)[10]. Jûna franchit le Guic pour s'installer au nord, dans ce qui est aujourd'hui la commune de Plounévez-Moëdec. Elle fait vœu de ne communiquer avec ses frères qu'en restant sur sa rive[9]. Les trois ermitages forment un triangle d'environ une demi-lieue de côté. Chacun des ermites peut ainsi entendre le son de la cloche des deux autres[11]. Au lendemain de fortes pluies, les eaux du Guic grondent si fort qu'Envel et sa sœur n'arrivent plus à s'entendre. Envel ordonne au torrent de se taire : Tao, tao, dour mik, ma kevi kloc’h ma c’hoarik[2] ! (« Tais-toi, petite eau, que j’entende la cloche de ma petite sœur ! ») Depuis, le Guic est silencieux[9].
Historique
Une église du lieu appartient dès 1163 aux bénédictins de l'abbaye de Saint-Jacut. On la connaît ensuite comme le siège d'un prieuré-cure de l'abbaye[12], rattaché à la paroisse de Plougonver. Le bourg porte en 1477 le nom de Locquenvel[8].
L'église actuelle date du XVIe siècle[13] - [14] - [8] - [12] - [15]. Elle reste propriété de l'abbaye jusqu'à la Révolution[4]. Locquenvel devient commune en 1790[8], puis succursale de Belle-Isle en 1806[15], avant d'être rétablie en 1820. Le nom de la commune est changé en Loc-Envel en 1902[8].
Plan et élévation
En forme de croix latine, orientée liturgiquement d'est en ouest, l'église se compose d'un clocher-mur à l'ouest, d'une nef de trois travées à deux bas-côtés, d'un transept[15] et d'un chœur formé d'une abside à trois pans égaux[5], percés de trois fenêtres à meneaux fleurdelysés[16]. Le vaisseau central est séparé des bas-côtés par des arcades dont les arcs en tiers-point pénètrent directement (c'est-à-dire sans l'intermédiaire de chapiteaux) dans des piliers cylindriques[14].
Extérieur
L'édifice est de style gothique flamboyant[1]. Certaines sources attribuent le clocher-mur et le chevet à la famille Beaumanoir[12] - [17] - [8]. Cependant ni l'un ni l'autre ne sont répertoriés dans les études consacrées au style Beaumanoir par René Couffon[18] et par Christian Millet[19]. Et dans les notices de René Couffon et de Pierre Barbier relatives à Saint-Envel, il n'est pas question de style Beaumanoir[20].
Le clocher-mur
Le clocher-mur est orné de chimères. Une tourelle d'escalier est accostée à l'un des contreforts. Le clocheton est à trois baies. Locquenvel avait une léproserie, dont il ne reste aucun vestige[12]. Les trois petites fenêtres, percées dans le pignon de l'église et donnant sur la chapelle des fonts baptismaux, permettaient aux lépreux d'assister aux offices[21]. René Couffon déplore que la façade ait été abîmée au XIXe siècle : une porte a été percée dans le pignon et pourvue d'un escalier pour accéder à la tribune de l'extérieur[22].
Le chevet
Le chevet a trois pans, percés de trois fenêtres dont l'encadrement sert de pignon à trois petits toits. Ces trois petits toits ne couvrent pas la totalité de l'abside : chacun se raccorde à une classique couverture d'abside à trois pans. Le chevet est orné d'étranges chimères et d'impressionnantes gargouilles[12]. Les gargouilles reposent directement sur les contreforts.
Détails architecturaux
Intérieur
La décoration en bois sculpté de l'intérieur est du XVIe siècle[8], et intacte[5]. Le mobilier du XVIe siècle est « digne de ce décor[1] ».
Voûte
La voûte lambrissée est richement ornée[1]. Elle repose sur une sablière entièrement sculptée[23]. Les ornements polychromes de la sablière et des blochets évoquent des sujets profanes ou religieux[21]. Ce sont des mascarons, des animaux, des personnages[5] réalistes ou fantastiques, effrayants ou burlesques. Les entraits sont ornés d'engoulants polychromes figurant des animaux monstrueux. Au sommet, le joint de chaque paire de nervures est couvert par un personnage sculpté. Au fond de la nef, le premier couvre-joint est un agneau représentant le Christ (l'« Agneau immolé »). Les couvre-joints suivants figurent des angelots, tournés vers l'agneau, et tenant les instruments de la Passion : un marteau, une couronne, des clous[12]…
La partie la plus riche de l'ornementation de la voûte est à la croisée du transept[24]. Aux quatre angles, les statues grandeur nature des quatre Évangélistes, chacun sous la protection d'un ange[12], supportent les quatre arêtiers moulurés[15] de la rencontre en pénétration des voûtes. Ces arêtiers, ornés de douze angelots, butent à leur sommet contre la grande clé de voûte pendante[5], où règne une frise représentant la Sainte Trinité[1]. Plus loin, les nervures de la voûte de l'abside butent contre un deuxième grand pendentif représentant le Christ en gloire[15].
Une sirène sculptée sur une sablière présente sa généreuse poitrine au regard des hommes ; probablement servait-elle de support aux prédications du prêtre condamnant la tentation des charmes féminins[25].
Mobilier
Jubé, clôture des fonts baptismaux
Dans le bas de la nef, la tribune est faite d'un jubé flamboyant[1] en bois, du XVIe siècle, « délicatement sculpté[16] », où se rencontrent les influences des styles gothique et Renaissance[23]. La clôture des fonts baptismaux est également en bois sculpté.
Relique et statues
L'église contient une relique de saint Envel : un os du bras[8]. Elle était portée en procession lors du pardon du saint, le dimanche le plus proche du . Près de l'autel, se trouvent des statues anciennes de saint Envel, de la Sainte Vierge, de saint Yves et de saint Sébastien, ainsi que deux statues sans nom et un crucifix[23].
Autel et retable
L'autel du XVIe siècle, en granite[8] sculpté, a une très grande table monolithique[3]. Il est surmonté d'un retable en bois du XVIIe siècle[1], composé de cinq panneaux évoquant la Passion : la trahison de Judas, le Portement de croix, la Crucifixion (sur la porte du tabernacle), la Mise au tombeau, la Résurrection[23].
Porte du sacraire
À gauche de l'autel, la porte du sacraire du XVIe siècle représente la messe au cours de laquelle saint Grégoire a une vision du Christ sortant du tombeau[23]. Un sacraire est une niche abritant les objets sacrés, et notamment le ciboire, qui contient les hosties consacrées. Les sacraires disparaissent peu à peu à partir du concile de Trente (1545) : le tabernacle, disposé au-dessus du maître-autel, met mieux en valeur la présence eucharistique[26].
Vitraux de l'abside
- Maîtresse vitre
Dans l'abside, les meneaux des trois fenêtres ont été fleurdelysés à l'époque moderne, ce qui a nécessité une réorganisation du vitrail central en empruntant à différents vitraux du XVIe siècle[8]. Les lobes du lys sont remplis par l'histoire du miracle de la Sainte Hostie[8]. Au cœur du lys est une tête de vieillard[12].
Les deux lancettes représentent en six panneaux non la tradition latine, mais des scènes de la légende de saint Envel, où les loups jouent un rôle important[8]. Pour une raison mystérieuse, Envel est désigné dans les phylactères sous le nom d'Armel. On peut supposer que les bénédictins de Saint-Jacut ont tenu à remplacer un nom peu connu par un nom qui leur était plus familier. Cependant, ils n'ont pas cherché à remplacer un saint par un autre : ce n'est nullement la vie d'Armel qui est évoquée, mais bien celle d'Envel[4].
- Un brigand vient de voler le cheval d'Envel, et s'enfuit au galop. Habillé en laboureur, le saint attelle à sa charrue une biche et un cerf.
- Un loup a dévoré l'âne d'Envel. Le saint, toujours en costume de laboureur, attelle le loup à une herse pour remplacer l'âne.
- Deux loups s'attaquent à un enfant. Un homme et une femme à genoux implorent Envel, vêtu en abbé, crossé et mitré.
- Un innocent va être pendu. Envel, toujours crossé et mitré, intervient.
- Les paysans, malades, doivent en plus souffrir de voir leurs blés dévastés par les oiseaux. Ils implorent Envel, toujours crossé et mitré.
- Le loup menace les brebis. Les paysans prient saint Envel[8]. Ce panneau provient d’un autre vitrail[12].
- Vitres latérales
Les vitraux de la fenêtre côté épître (côté droit) sont modernes. Ils racontent la vie de saint Sébastien, jadis titulaire d'une chapelle dans la paroisse[8].
Les vitraux de la fenêtre côté Évangile sont également modernes[12]. La fenêtre se divise en quatre panneaux représentant des scènes de la légende de saint Envel.
- L'âne d'Envel a été tué par le loup, qui est maintenant attelé. Un tiern (« chef ») en armure, convaincu par ce miracle de la sainteté d'Envel, implore son pardon à genoux.
- Envel est au chevet d'un malade.
- Envel, son frère et sa sœur arrivent en barque en Bretagne.
- Un cerf est attelé à la charrue d'Envel[8].
Protection
L'édifice est classé au titre des monuments historiques par arrêté du [5].
Notes et références
- Bretagne, Michelin, 1970, p. 60.
- « Loc Envel », sur ot-belle-isle-en-terre.com (consulté le 14 mai 2016).
- Pierre Barbier, Le Trégor historique et monumental : étude historique et archéologique de l'ancien évêché de Tréguier , Saint-Brieuc, Les presses bretonnes, 1960, p. 345.
- René Largillière, « Locquenvel et ses saints », sur infobretagne.com (consulté le 13 mai 2016).
- « Église Saint-Envel », notice no PA00089307, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- « Église paroissiale de Saint-Envel », sur patrimoine-religieux.fr (consulté le 14 mai 2016).
- Gwennole Le Menn, Grand choix de prénoms bretons, Spézet, Coop Breizh, 1992, p. 29, 40.
- « Étymologie et histoire de Loc-Envel », sur infobretagne.com (consulté le 13 mai 2016).
- « La légende de saint Envel », sur ot-belle-isle-en-terre.com (consulté le 13 mai 2016).
- « Patrimoine de Belle-Isle-en-Terre », sur ot-belle-isle-en-terre.com (consulté le 13 mai 2016).
- La lieue bretonne valait à l'époque 4,744 km. « Patrimoine de Belle-Isle-en-Terre », article cité.
- « L'église de Loc Envel », sur ot-belle-isle-en-terre.com (consulté le 14 mai 2016).
- René Couffon, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, Saint-Brieuc, Les presses bretonnes, 1939, p. 135.
- Pierre Barbier, op. cit., p. 342.
- « L'église de Loc-Envel », sur infobretagne.com (consulté le 14 mai 2016).
- Joachim Gaultier du Mottay, in « Étymologie et histoire de Loc-Envel », article cité.
- « Église Saint-Envel », sur topic-topos.com, 2016 (consulté le 4 juin 2016).
- René Couffon, « Un atelier architectural novateur à Morlaix à la fin du XVe siècle », in Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, année 1938 (première partie), p. 65-89.
- Christian Millet, « Regards renouvelés sur l’atelier Beaumanoir », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. CXXVII, 1998, p. 123-150.
- René Couffon, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, Saint-Brieuc, Les presses bretonnes, 1939, p. 231 et 232. — Pierre Barbier, op. cit., p. 342-346.
- Philippe Gloaguen (dir.), Le Routard : Bretagne Nord, Paris, Hachette, 2014, p. 337. — Pierre Barbier écrit, à propos de ces trois fenêtres : « À la base du pignon ouest, au sud, est un reliquaire d'attache formé de trois petites baies en accolade sans ornements, avec un bénitier à l'extrémité méridionale. » Pierre Barbier, op. cit., p. 345.
- Autre dégradation du XIXe siècle que signale René Couffon : une fenêtre est percée pour éclairer la sacristie. René Couffon, Répertoire…, op. cit., p. 231.
- René Couffon, Répertoire…, op. cit., p. 232.
- Pierre Barbier, op. cit., p. 343.
- Sophie Duhem, "Impudeurs et effronteries dans l'art religieux breton (XVe siècle - XVIIIe siècle)", éditions Le Télégramme, 2012, (ISBN 978-2-84833-288-8)
- « Sacraire - Broualan », sur topic-topos.com, 2016 (consulté le 16 mai 2016).
Voir aussi
Bibliographie
- René Couffon, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, premier fascicule (Allineuc-Lantic), extrait des Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc, Les presses bretonnes, 1939, p. 231-232 (lire en ligne).
- Raymond Cornon, Locquenvel, dans Congrès archéologique de France. 107e session. Saint-Brieuc. 1949, Société française d'archéologie, 1950, p. 257-261
- Pierre Barbier, Le Trégor historique et monumental : étude historique et archéologique de l'ancien évêché de Tréguier , Saint-Brieuc, Les presses bretonnes, 1960, p. 342-346.