Écologie de la restauration
L'écologie de la restauration est la science qui sert de base théorique aux pratiques d'ingénierie écologique visant au retour d'un écosystème vers un état de référence.
DĂ©finition
L'écologie de la restauration est la science qui sert de base théorique aux pratiques de restauration ou de réhabilitation des écosystèmes. La restauration écologique, forme de génie écologique qui applique cette science, est définie, par la Society for ecological restoration international (SER), comme étant
« Une action intentionnelle qui initie ou accélère l'autoréparation d'un écosystème [...] qui a été dégradé, endommagé ou détruit [...], en respectant sa santé, son intégrité et sa gestion durable[1]. »
L'écologie de la restauration définit l'état de référence vers lequel l'ingénierie doit faire retourner l'écosystème, elle étudie également les effets positifs ou parfois les conséquences négatives des méthodes de gestion restauratoire par rapport au but visé. Les écosystèmes, comme les espèces sont en constante évolution, il s'agit donc pour l'écologie de la restauration de comprendre les successions écologiques pour ramener les écosystèmes dans leur trajectoire historique.
État de référence
L'objectif de la restauration est de revenir à un état de référence, qu'il convient donc de définir.
Les écologues parlent de restauration stricto-sensu si l'écosystème de référence était présent sur le site à une époque antérieure à la dégradation par les activités humaines. Là encore, il faut savoir jusqu'à quand remonter dans le passé pour trouver la référence. Pour illustrer cette difficulté, on peut prendre deux exemples :
- les prairies fleuries riches en flore ou les landes sont issues de pratiques agricoles qui remontent parfois à la fin de l'âge du bronze, cependant il existait auparavant une forêt[1].
- Le Nord-Ouest américain est, aujourd'hui, couvert par une forêt dense de conifères. Il existait au XIXe siècle un paysage ouvert, entretenu par le pastoralisme, l'usage fréquent de feux et par endroit les cultures pratiquées par les amérindiens. Ces espaces ouverts avaient eux-mêmes remplacé des forêts antérieures...
Ainsi l'écosystème de référence peut être naturel ou dépendant de pratiques culturelles anciennes[2], telles que la culture ou le pastoralisme.
La construction de l'image de l'écosystème historique, modèle de référence à atteindre, se fait sur la base d'informations écologiques et culturelles. Des éléments de mémoire écologique peuvent être toujours présents sur place : processus écologiques, banque de graines du sol, espèces toujours présentes... La référence se construit également en étudiant des écosystèmes proches de la cible sur d'autres sites. Les sites peuvent être comparés en termes de variation génétique et phénotypique, de taux d'endémisme, de services écosystémiques et d'activités humaines pour définir des critères pour l'état de référence[3]. L’écosystème de référence doit également inclure la description du processus de succession et des facteurs écologiques influençant son évolution[4].
Absence de menaces |
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Condition physique de l'environnement |
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Composition spécifique |
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Structure (diversité au sein de l'écosystème) |
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Fonctions écosystémiques |
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Liens avec les écosystèmes environnants |
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À mesure que le projet de restauration écologique avance, l'état cible de l'écosystème peut être adapté.
DĂ©gradation
Des transformations négatives peuvent frapper les écosystèmes, ils sont classés en trois niveaux, par la SER :
- dégradation : changements subtils ou graduels qui réduisent l’intégrité et la santé écologique ;
- dommage : changements importants et manifestes dans un écosystème ;
- destruction : Un écosystème est détruit lorsque la dégradation ou le dommage supprime toute vie macroscopique, et généralement abîme l’environnement physique.
Le niveau de dégradation est mesuré en comparant un état actuel de l'écosystème avec l'état de référence, en termes de composition spécifique, de services écosystémiques...
La perturbation dépend donc de la perception de l'observateur, de l' état de référence qu'il se fixe[5].
L'ampleur et la nature (naturelle ou anthropique, volontaire ou non) des dégâts subis par l'environnement vont contraindre les objectifs de restauration. Avant d'envisager quelque opération de restauration que ce soit, il convient d'identifier toutes les menaces qui pèsent sur un écosystème donné et d'y répondre si elles sont d'origine anthropique.
Distinctions entre Restauration, RĂ©habilitation et RĂ©affectation
Dans certains cas le projet se concentre sur la réparation d'une perturbation, on parle alors de réhabilitation. Si l'objectif du projet est de créer un écosystème différent de celui d'origine on parle de réaffectation[6]. On peut faire le parallèle avec la distinction entre restauration et rénovation dans le bâtiment.
La SER précise, lors de la publication de ses standards en 2016, que la restauration vise à rétablir la composition spécifique et la structure de l'écosystème et son fonctionnement, tandis que la réhabilitation se focalise sur la production de ressources et services écosystémiques[4].
Débats sur la définition
On notera que face à des changements à l'échelle planétaire, par exemple le réchauffement climatique, l'extinction de certaines espèces, l'érosion anthropogénique ou les invasions biologiques, il est aujourd'hui généralement impossible de revenir à un état antérieur de l'écosystème que l'on cherche à restaurer. En conséquence, il existe trois réponses, soit s'orienter vers des écosystèmes modèles préhistoriques, soit accepter de choisir des écosystèmes déjà largement modifiés par l'Homme comme modèle, soit mettre en place des projets de restauration écologique menant à la création de nouveaux écosystèmes[7].
Higgs et ses collègues remettent en cause la définition actuelle de la restauration écologique, ils argumentent que celle-ci pourrait mener à une focalisation sur des travaux de reboisement de grande envergure et la réhabilitation orientée vers la satisfaction de demandes humaines au détriment du fonctionnement des écosystèmes[8].
À ces critiques, James Aronson répond que la distinction entre restauration, la réhabilitation ou le génie écologique a été claire dès le départ, pour la SER comme pour les institutions. Créer ou réparer des systèmes (par exemple des agrosystèmes) dans le but exclusif de profiter aux intérêts humains appartient au domaine du génie écologique ou de l'aménagement du territoire[9].
Lien avec l'ingénierie écologique
La restauration écologique peut utiliser à la fois des méthodes d'ingénierie écologique ou de génie civil.
L'ingénierie écologique consiste à utiliser des êtres vivants, plantes, animaux voire microorganismes comme outils. Sa finalité n'est pas nécessairement la restauration écologique, l'objectif peut être l'amélioration visuelle d'un aménagement ou la réduction du coût économique de travaux, par rapport à des méthodes de génie civil plus classiques[10].
Application - la restauration Ă©cologique
Conservation de la nature et restauration
La SER international décrit la restauration écologique comme un outil pour la conservation de la nature. Certains autres auteurs y voient même un troisième paradigme de la protection de la nature après la préservation romantique prônée par John Muir et la conservation de Gifford Pinchot.
Exemples d'applications
- Renaturation des cours d'eau
- Restauration des récifs, avec par exemple la création de récifs artificiels
- Reboisement, ou replantation d'arbres et remise en place des sols après l'exploitation forestière
- Lutte contre la désertification comme le projet de Grande muraille verte au sud du Sahara.
- Réensauvagement, caractérisé par la réintroduction des espèces clef de voûte.
Annexes
Articles connexes
Notes et références
- L'abécédaire sur l'écologie de la restauration de la SER International, , 15 p. (lire en ligne)
- Cristofoli S et Mahy G, « Restauration écologique : contexte, contraintes et indicateurs de suivi », Biotechnologie, agronomie, société et environnement 14(1),‎ , p. 203-211 (lire en ligne)
- (en) Balaguer L et al., « The historical reference in restoration ecology: Re-defining a cornerstone concept », Biological Conservation 170,‎ , p. 12-20 (DOI 10.1016/j.biocon.2014.05.007, lire en ligne)
- (en) McDonald T, International Standards for the practice of ecological restoration—Including principles and key concepts, first edition, Washington DC, Society for ecological restoration international (SER), , 47 p. (lire en ligne), Glossaire et Section II concept 1
- Bioret F et Chlous-Ducharme F, « Évaluer la dégradation en écologie de la restauration, une question d'échelles de références et de perception », Sciences eaux et territoires 2(5),‎ , p. 3-5 (lire en ligne)
- Aronson J, « Restauration, réhabilitation, réaffectation : ce que cachent les mots », Espaces Naturels 29,‎ (lire en ligne)
- (en) Corlett R, « Restoration, Reintroduction, and Rewilding in a Changing World », Trends in ecology and evalution n°2078,‎
- (en) Higgs E et al., « Keep ecological restoration open and flexible », Nature ecology & evolution - Correspondance,‎ (DOI 10.1038/s41559-018-0483-9, lire en ligne)
- (en) Aronson J et al., « Restoration science does not need redefinition », Nature ecology& evolution - Correspondance,‎ (DOI 10.1038/s41559-018-0536-0, lire en ligne)
- « Ingénierie écologique », sur irstea.fr (consulté le )