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Ángel Borlenghi

Ángel Borlenghi (Buenos Aires, 1906[1] – Rome, 1962) Ă©tait un dirigeant syndical et homme politique argentin, l’une des figures les plus influentes du mouvement pĂ©roniste.

Ángel Borlenghi
Illustration.
Fonctions
Ministre de l’IntĂ©rieur
–
Président Juan Perón
Prédécesseur Felipe Urdapilleta (de facto)
Ministre de l’IntĂ©rieur et de la Justice
–
Prédécesseur Natalio Carvajal Palacios (comme ministre de la Justice)
Successeur Oscar Albrieu
Biographie
Nom de naissance Ángel Gabriel Borlenghi
Date de naissance
Lieu de naissance Buenos Aires
Date de décÚs
Lieu de décÚs Rome
SĂ©pulture cimetiĂšre de la Chacarita (Buenos Aires)
Nationalité Drapeau de l'Argentine Argentin
Parti politique Parti socialiste argentin ;
Parti péroniste
Conjoint Clara de Borlenghi
Profession employé de commerce
Religion catholique
RĂ©sidence Buenos Aires

De sensibilitĂ© socialiste et membre actif du Parti socialiste argentin, il joua entre 1930 et 1945 un rĂŽle de premier plan dans le monde syndical, s’efforçant d’établir des liens Ă©troits entre les diffĂ©rentes organisations syndicales sectorielles (des employĂ©s de banque, des compagnies d’assurances, du commerce de dĂ©tail, etc.), puis rĂ©ussissant Ă  les regrouper dans une ample confĂ©dĂ©ration syndicale, la CGT. En tant que prĂ©sident du ComitĂ© intersyndical, il sut faire adopter une plateforme de revendication conjointe, qui fut adressĂ©e au CongrĂšs national et qui aboutit, au terme d’une longue lutte, Ă  la promulgation de la trĂšs importante loi sur les contrats de travail dans le secteur des services (la loi 11.729). Dans la foulĂ©e du coup d’État de 1943, il Ɠuvra Ă  la conclusion d’une alliance politique entre le monde syndical et certains militaires putschistes, en particulier avec le colonel Juan PerĂłn, en vue d’une politique favorable au monde du travail. En , il rĂ©ussit Ă  mobiliser les masses pour obtenir la libĂ©ration de PerĂłn, dĂ©tenu par suite de rivalitĂ©s internes au sein du nouveau rĂ©gime, et en fut rĂ©compensĂ© par un portefeuille de ministre de l’IntĂ©rieur dans les deux gouvernements pĂ©ronistes successifs (1946 et 1954). À ce titre, il mena une politique policiĂšre rĂ©pressive Ă  l’égard des opposants (jusqu’à recourir Ă  la torture), musela la presse, et se laissa entraĂźner dans une Ăąpre confrontation avec l’Église catholique. Le coup d’État militaire de 1955, qui renversa PerĂłn, survint alors que Borlenghi se trouvait en Italie, oĂč il mourra prĂ©maturĂ©ment en 1962.

Biographie

Jeunes années et activité syndicale

Ángel Gabriel Borlenghi naquit en 1904 Ă  Buenos Aires de parents immigrĂ©s italiens. Devenu employĂ© de commerce, Borlenghi fut bientĂŽt entraĂźnĂ© par ses idĂ©es socialistes Ă  rejoindre le syndicat FĂ©dĂ©ration des employĂ©s du commerce (en esp. FederaciĂłn de Empleados de Comercio, en abrĂ©gĂ© FEC). Son rĂŽle au sein du mouvement syndical prit de l’ampleur aprĂšs que ses camarades socialistes eurent en 1926 rĂ©ussi Ă  former la ConfĂ©dĂ©ration ouvriĂšre argentine (ConfederaciĂłn Obrera Argentina, COA). Ensuite, Borlenghi fut nommĂ© SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la FEC lorsque la COA fusionna avec un autre syndicat de gauche, l’Union syndicale argentine (UniĂłn Sindical Argentina, USA) pour former en 1930 la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale du travail (CGT), qui est aujourd’hui encore l’un des principaux syndicats d’Argentine[2].

Borlenghi fut dĂ©signĂ© directeur du ComitĂ© intersyndical, et, Ă  ce titre, chargĂ© de la double responsabilitĂ© de coordonner l’action de la myriade de syndicats membres de la CGT et de rĂ©soudre les conflits qui surgissaient entre eux. En 1931, la CGT prĂ©senta son premier cahier de revendications, comprenant la libertĂ© garantie aux travailleurs de s’organiser, des hausses de salaire, une extension des avantages sociaux, et un droit de regard sur les politiques publiques, entre autres rĂ©formes. Usant (avec parcimonie) de l’arme de la grĂšve et exerçant des pressions, en particulier par le biais de Borlenghi en sa qualitĂ© de chef du ComitĂ© intersyndical, les travailleurs obtinrent l’adoption en 1936 par le CongrĂšs de la loi 11729 rĂ©glementant les contrats de travail dans le secteur des services, important jalon de l’histoire sociale de l’Argentine[2].

Cette avancĂ©e survint pourtant dans une pĂ©riode de divisions croissantes au sein mĂȘme de la CGT. En tant que chef de la fraction la plus importante de la CGT Ă  cette Ă©poque, Borlenghi s’appliqua en 1936 Ă  sĂ©parer du reste de la ConfĂ©dĂ©ration les sections les plus socialistes, ce qui porta celles-ci Ă  reconstituer le petit syndicat USA. D’autres dissensions poussĂšrent Borlenghi Ă  se joindre Ă  Francisco PĂ©rez LeirĂłs, dirigeant syndical des employĂ©s municipaux, pour crĂ©er une « CGT numĂ©ro 2 » en 1942.

En juin de l’annĂ©e suivante, le prĂ©sident conservateur RamĂłn Castillo fut destituĂ© par un coup d'État nationaliste. Le renversement du rĂ©gime Castillo, mercantiliste et caractĂ©risĂ© par la pratique institutionnalisĂ©e de la fraude politique, fut tout d’abord accueilli favorablement par la CGT[3], Ă  telle enseigne que Borlenghi engagea des discussions politiques avec Alberto Gilbert, nouveau ministre de l’IntĂ©rieur (parmi les attributions duquel figurait alors Ă©galement la politique de sĂ»retĂ©). Gilbert, toutefois, Ɠuvra Ă  ce que le nouveau rĂ©gime fĂźt alliance avec la « CGT numĂ©ro 1 », moins combattive, et ordonna la dissolution de la CGT-2[4].

L’alliance entre les syndicats et Juan Perón

Cette dĂ©cision de Gilbert n’entraĂźnera cependant pas une scission durable du mouvement syndical, car l’un des meneurs du coup d’État, le lieutenant-colonel Domingo Mercante, Ă©tait attachĂ© par ses liens familiaux au syndicat des cheminots, et le dirigeant de celui-ci, JosĂ© Domenech, Ă©tait aussi secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CGT-1. Le conseiller juridique de ce syndicat, Juan Atilio Bramuglia, se saisit de cette passerelle pour nouer une Ă©troite alliance avec le gouvernement, et fut assistĂ© lors de ces pourparlers par Borlenghi et PĂ©rez LeirĂłs (ce dernier appartenant Ă  la CGT-2, qui, quoique proscrite, Ă©tait plus importante). À la table de nĂ©gociation vint bientĂŽt s’asseoir aussi le secrĂ©taire d’État au Travail et ami personnel de Domingo Mercante, le colonel Juan PerĂłn[5].

Les reprĂ©sentants syndicaux trouvĂšrent en PerĂłn une voix bienveillante et charismatique par le biais de laquelle ils escomptaient pouvoir exercer une forte influence sur la politique gouvernementale. Seuls environ 10 pour cent des travailleurs argentins Ă©taient alors syndiquĂ©s, et beaucoup de responsables syndicaux, percevant en PerĂłn une occasion unique Ă  saisir, lui apportĂšrent leur appui dans la requĂȘte que celui-ci adressa au prĂ©sident de hisser le secrĂ©tariat au Travail au rang de ministĂšre. D’autres Ă©taient acquis Ă  l’idĂ©e de soutenir d’emblĂ©e PerĂłn et de s’associer avec lui, sous la forme d’un parti travailliste. Borlenghi Ă©tait initialement opposĂ© Ă  un tel engagement mutuel, mais en 1945 les Ă©tats de service du ministre du Travail eurent finalement raison des rĂ©ticences de Borlenghi et d’une grande partie de la CGT, entre-temps rĂ©unifiĂ©e[5]. L’alliance entre PerĂłn et Borlenghi permit Ă  la fois de sceller une sĂ©rie de conquĂȘtes historiques du mouvement ouvrier argentin (conventions collectives, statut de l’ouvrier agricole, pensions de retraite etc.), d’accroĂźtre le soutien populaire Ă  la CGT et Ă  PerĂłn, et d’occuper des espaces d’influence au sein du gouvernement.

L’ascension de PerĂłn alimenta les rivalitĂ©s au sein du rĂ©gime au pouvoir, qui devaient bientĂŽt aboutir Ă  son Ă©viction en tant que vice-prĂ©sident et Ă  son arrestation le . Lors d’une rĂ©union, 24 dirigeants syndicaux, persuadĂ©s que PerĂłn venait d’ĂȘtre mis Ă  l’écart dĂ©finitivement, rĂ©solurent de fonder leur propre Parti travailliste et de faire avancer leur projet, avec ou sans PerĂłn ; il y eut deux abstentions, cependant : le responsable syndical des employĂ©s des tĂ©lĂ©communications, Luis Gay, et Borlenghi. Aux cĂŽtĂ©s de la compagne de PerĂłn, Eva Duarte, ils organisĂšrent des manifestations de masse pour la libĂ©ration de celui-ci, et avaient, au , obtenu le ralliement de la plupart des autres syndicats en ce sens. La mobilisation rĂ©ussie dĂ©boucha le sur l’établissement de la charte du Parti travailliste, avec PerĂłn comme son candidat Ă  la prĂ©sidence de la rĂ©publique. Borlenghi, membre encore du Parti socialiste d’Argentine, rĂ©silia son adhĂ©sion lorsque le parti dĂ©cida d’intĂ©grer une alliance d’opposition, l’Union dĂ©mocratique[5].

Ministre de l’IntĂ©rieur

En tant que ministre de l’IntĂ©rieur, Borlenghi Ă©tait chargĂ© par PerĂłn non seulement de veiller Ă  l’application de la loi, mais aussi de surveiller l’opposition.

Au lendemain des Ă©lections gĂ©nĂ©rales de , remportĂ©es haut la main par Juan PerĂłn, celui-ci rĂ©compensa Borlenghi de son appui avisĂ© et de son talent d’organisateur par une nomination au poste de ministre de l’IntĂ©rieur et de la Justice. Cette fonction mettait sous sa tutelle les tribunaux et l’exĂ©cution des lois, et lui permettait de piloter une bonne partie de la stratĂ©gie politique. Ayant hĂąte de mettre en Ɠuvre le projet du prĂ©sident PerĂłn, il convoqua en 1947 le Parti travailliste en congrĂšs, dans le but accessoirement de le rebaptiser en Parti pĂ©roniste, et ordonna une prise de participation majoritaire dans la maison d’édition Haynes, qui se mit alors Ă  publier El Laborista, Mundo Peronista et une panoplie d’autres revues comme autant de porte-voix du gouvernement[6]. Ayant sous ses ordres le corps de police le plus nombreux d’Argentine, la Police fĂ©dĂ©rale, forte de 25 000 hommes, Borlenghi fit incarcĂ©rer des personnalitĂ©s d’opposition en grand nombre. Quelques-uns parmi les plus intransigeants furent conduits dans les caves de l’hĂŽpital Ramos MejĂ­a, l’un des plus vastes hĂŽpitaux de Buenos Aires et rĂ©cemment agrandi, oĂč la torture allait devenir monnaie courante[7].

La confiance du prĂ©sident en Borlenghi se renforça encore par la crĂ©ation du Conseil fĂ©dĂ©ral de sĂ»retĂ© en 1951, impliquant notamment le transfert vers l’exĂ©cutif de la Gendarmerie nationale et de la PrĂ©fecture navale (sorte de garde-cĂŽte), soustraits ainsi au commandement de l’armĂ©e argentine. Au vu de telles mesures, certains membres de l’opposition commencĂšrent Ă  adopter des attitudes plus conciliantes envers le pouvoir pĂ©roniste et Ă  entreprendre des tentatives d’ouverture en direction du puissant ministre de l’IntĂ©rieur ; ainsi p.ex., une rencontre en avec une dĂ©lĂ©gation du Parti dĂ©mocratique, de tendance conservatrice, se solda-t-elle par l’élargissement de l’ancien ministre des Finances Federico Pinedo ainsi que d’autres personnalitĂ©s. D’autres devaient suivre bientĂŽt, encore que le principal parti d’opposition, l’Union civique radicale, de tendance centriste, refusa ces compromissions, ce qui porta Borlenghi Ă  imputer Ă  ce parti la responsabilitĂ© de la prolongation de l’état de siĂšge proclamĂ© en [5].

Tensions avec l’église catholique

En 1954, enhardi par ses succĂšs Ă©lectoraux et Ă©conomiques, PerĂłn, faisant litiĂšre dĂ©sormais des bons rapports qu’il avait jusque-lĂ  entretenus avec l’Église catholique, attaqua de front AcciĂłn CatĂłlica, organisation de jeunesse attachĂ©e Ă  l’Église. Si au dĂ©but Borlenghi Ă©tait opposĂ© Ă  cette confrontation avec la puissante Église catholique, il apporta, une fois que les dĂ©s en eurent Ă©tĂ© jetĂ©s par PerĂłn, sa propre part Ă  la bataille en faisant fermer El Pueblo, la principale revue catholique, en , laquelle offense sera suivie le de la lĂ©galisation du divorce et de la prostitution. Son manque d’enthousiasme dans ce qu’il considĂ©rait comme une agression gratuite ne pourra le prĂ©server de la rancƓur des catholiques. Borlenghi, quoique lui-mĂȘme catholique pratiquant, avait Ă©pousĂ© une femme juive, Carla, ce qui le mit davantage encore dans le collimateur des catholiques rĂ©actionnaires, qui lui reprochaient non seulement son rĂŽle de premier exĂ©cutant des lois, mais encore de se soumettre Ă  la prĂ©sumĂ©e influence hostile de sa femme[5].

Tandis que s’approchait la date du jeudi , Ă  laquelle il Ă©tait prĂ©vu de cĂ©lĂ©brer la FĂȘte-Dieu (Corpus Christi), l’Église, dans l’espoir d’atteindre un nombre plus Ă©levĂ© de participants, rĂ©solut de diffĂ©rer la cĂ©rĂ©monie au samedi . AussitĂŽt, le gouvernement publia un communiquĂ© soulignant que les autorisations de ces processions avaient Ă©tĂ© accordĂ©es pour le 9 seulement, ce qui n’empĂȘcha pas qu’à la date du la foule venue assister Ă  la cĂ©rĂ©monie religieuse, estimĂ©e Ă  quelque 200 000 personnes, non seulement remplĂźt la cathĂ©drale mais encore dĂ©bordĂąt largement sur la place de Mai adjacente. La cĂ©rĂ©monie terminĂ©e, une manifestation se forma et se mit en marche en direction du CongrĂšs, oĂč les manifestants ramenĂšrent le drapeau national et le remplacĂšrent par le drapeau du Vatican, bombardĂšrent de pierres l’édifice et, au cri de « ÂĄMuera Eva PerĂłn! » (Que meure Eva PerĂłn ! ), arrachĂšrent deux plaques de bronze apposĂ©es sur la façade. Ce mĂȘme jour , le gouvernement accusa les manifestants, outre de dĂ©prĂ©dations, d’avoir brĂ»lĂ© un drapeau argentin et annonça qu’une instruction judiciaire serait engagĂ©e. Le lendemain , les mĂȘmes dĂ©sordres se rĂ©pĂ©tĂšrent dans le centre-ville et aux abords de la cathĂ©drale, et donnĂšrent lieu Ă  de nombreuses arrestations. Une enquĂȘte commanditĂ©e par le Conseil supĂ©rieur des Forces armĂ©es permit toutefois de recueillir les tĂ©moignages de membres de la Police fĂ©dĂ©rale argentine, qui imputaient l’incident Ă  leurs propres collĂšgues, en foi de quoi cet organisme sollicita de PerĂłn la mise Ă  pied du chef de la police ainsi que la dĂ©tention de Borlenghi ; cependant, le lendemain de ce communiquĂ©, celui-ci quittait le pays[8]. AprĂšs la chute du gouvernement pĂ©roniste, le contre-amiral Alberto Teisaire, vice-prĂ©sident de la rĂ©publique au moment des faits, affirma que l’action avait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©e non seulement avec l’autorisation de PerĂłn, mais en outre sous son inspiration[8].

Finalement, ainsi que Borlenghi avait prĂ©venu, la lutte de PerĂłn contre la principale institution religieuse du pays eut pour effet de saper la loyautĂ© des militaires vis-Ă -vis de son gouvernement. Le , le bombardement de la place de Mai par l’armĂ©e de l’air pendant un rassemblement pĂ©roniste (tuant 364 personnes, dont des enfants dans un autobus) concrĂ©tisa brutalement cette crise, et le , le prĂ©sident PerĂłn tentera de reprendre la situation en mains en levant l’état de siĂšge dĂ©crĂ©tĂ© en 1953 et en limogeant Borlenghi et quelques autres. C’est en vain que l’on procĂ©da ensuite Ă  des changements de stratĂ©gie et de rhĂ©torique : PerĂłn sera renversĂ© trois mois plus tard[6].

Allégations de torture

Pendant les mandats de Borlenghi, il y eut des violations des droits de l’homme, perpĂ©trĂ©es dans le cadre de persĂ©cutions contre des opposants, en particulier contre des communistes[9]. L’organisme le plus souvent mis en cause Ă  cet Ă©gard est la Section spĂ©ciale de la Police fĂ©dĂ©rale, qui n’était que la continuation de la section correspondante crĂ©Ă©e en 1934 par AgustĂ­n P. Justo et qui avait ses locaux dans la rue General Urquiza, Ă  cĂŽtĂ© du commissariat n°8. En faisaient partie un certain nombre d’officiers dont les noms seront plus tard associĂ©s aux tortures qui s’y pratiquĂšrent : Cipriano Lombilla, JosĂ© Faustino Amoresano, Guillermo Solveyra Casares et les frĂšres Juan Carlos Emilio et Luis Amadeo Cardoso. Selon l’historien FĂ©lix Luna :

« Apprendre qu’un dĂ©tenu avait Ă©tĂ© emmenĂ© Ă  la Section spĂ©ciale, c’était avoir l’assurance qu’il y prendrait des coups d’aiguillon ou, pour le moins, qu’il y serait maltraitĂ©, encore qu’il y avait dans la Capitale fĂ©dĂ©rale et dans la province de Buenos Aires d’autres locaux de police Ă  la rĂ©putation similaire, et l’on savait que dans presque toutes les brigades et dans tous les commissariats de la Police fĂ©dĂ©rale, ces pratiques Ă©taient monnaie courante, tant Ă  l’encontre des dĂ©tenus politiques que de ceux de droit commun[10] - [11] »

Parmi les cas de torture les plus connus, on relĂšve ceux du dirigeant travailliste Cipriano Reyes, des employĂ©es du tĂ©lĂ©phone en dĂ©saccord avec la direction du syndicat, et surtout de l’étudiant Ernesto Mario Bravo, qui, enlevĂ© par la police, emmenĂ© d’abord Ă  la Section spĂ©ciale, puis transfĂ©rĂ© dans une propriĂ©tĂ© de campagne, manqua, alors qu’il Ă©tait portĂ© disparu, de pĂ©rir sous la torture, et dont l’affaire sera rendue publique par le mĂ©decin qui le soigna. Cependant, pendant qu’éclatait l’affaire Bravo, le gouvernement :

Borlenghi (debout Ă  gauche) prononçant un discours lors de l’investiture de JosĂ© MarĂ­a Freire.

« [
] nia la disparition de Bravo, nia les tortures, dĂ©nonça tout comme Ă©tant une manƓuvre de l’opposition, et y compris le Conseil supĂ©rieur du Parti pĂ©roniste insista que l’épisode tout entier avait Ă©tĂ© "une affabulation dans le but de subvertir l’ordre". Et quand la dĂ©cision judiciaire rendit irrĂ©futable tout ce qui avait Ă©tĂ© niĂ©, il serra la vis aux mĂ©dias pour rĂ©pandre sur le sujet un Ă©pais brouillard de dĂ©sinformation et mobilisa les magistrats nĂ©cessaires Ă  disculper les tortionnaires. En les dĂ©fendant, il fit siennes leurs fautes, les endossa, ce qui rĂ©vĂšle l’effrayante insensibilitĂ© qui s’était installĂ©e dans les structures officielles. Maltraiter un citoyen Ă©tait pardonnable, d’autant plus s’il s’agissait d’un communiste, car c’était alors un service Ă  rĂ©compenser. Et en effet — il est superflu de le dire —, Lombilla et ses collaborateurs rĂ©intĂ©grĂšrent leurs postes et eurent de l’avancement, comme de juste[12]. »

DerniÚres années et postérité

Borlenghi, qui se trouvait en Italie au moment du putsch, eut son domicile de Buenos Aires saccagĂ© par la troupe, ce qui entraĂźna la perte d’une grande quantitĂ© de documents relatifs Ă  son rĂŽle dans le pĂ©ronisme. Il demeure l’une de figures les moins bien comprises du parti pĂ©roniste, alors qu’il en Ă©tait la deuxiĂšme personnalitĂ© la plus puissante[13]. Borlenghi ne renoncera jamais Ă  l’idĂ©e d’un retour de PerĂłn au pouvoir, et au dĂ©but de 1961, il eut des discussions informelles avec Che Guevara Ă  propos de la possibilitĂ© d’une alliance entre le nouveau rĂ©gime de Fidel Castro et le mouvement pĂ©roniste[14]. Borlenghi mourut prĂ©maturĂ©ment en 1962, en Italie, Ă  l’ñge de 56 ans[15]. Ses restes furent rapatriĂ©s en 1996 et inhumĂ©s au cimetiĂšre de la Chacarita. En 2009, sa veuve, Clara de Borlenghi (nĂ©e le ), travaillait encore au service du syndicat des employĂ©s de commerce, la FAECyT.

Notes et références

  1. Selon le livre La segunda lĂ­nea. Liderazgo peronista 1945-1955 de Raanan Rein et Claudio Panella, Ă©d. Pueblo Heredero, 2013, chapitre 2, p. 30
  2. Historia del Movimiento Obrero (es)
  3. Dans une allocution devant une assemblĂ©e de travailleurs en avril 1945, Ángel Borlenghi dĂ©clara en effet : « [
] lorsqu’en 1930 fut Ă©tabli un gouvernement de facto qui Ă©tait l’alliĂ© de l’oligarchie, les constitutionnalistes dirent-ils alors que ce gouvernement n’avait pas de compĂ©tences lĂ©gislatives ? C’était pourtant lĂ  une dictature sanguinaire qui incarcĂ©rait des travailleurs, des Ă©tudiants et des opposants politiques, torturait les gens dans les prisons et tuait sans qu’il y eĂ»t l’état de guerre [
] Aucun des constitutionnalistes d’alors ne dĂ©fendit les intĂ©rĂȘts nationaux. [
] La rĂ©volution du 4 juin, malgrĂ© toutes ses erreurs, peut faire Ă©tat de l’hĂ©ritage d’une Ɠuvre de justice sociale. En cette matiĂšre, les classes laborieuses affirment qu’elles n’ont aucun scrupule vis-Ă -vis de la Constitution. Cela prendra place dans l’histoire du pays si les actions de PerĂłn purgent le pays de la fraude, des pots-de-vin et des arrangements spĂ©ciaux, et s’il se met Ă  l’écoute des gens des diffĂ©rents secteurs, en particulier des syndicats, qui sont les seules associations n’ayant pas de liens avec l’oligarchie » (publiĂ© dans La NaciĂłn, Ă©dition du 13 juillet 1945. Reproduit dans Electoral Fraud, the Rise of Peron and Demise of Checks et Balances in Argentina, Lee Alston & AndrĂ©s A. Gallo, Working paper PEC2009-0001, Iinstitute of Behavorial Science, UniversitĂ© du Colorado Ă  Boulder, juillet 2009).
  4. Mariano Barroetaveña, Ideas, política, economía y sociedad en la Argentina (1880-1955), Editorial Biblos, Buenos Aires 2007.
  5. Robert Potash, The Army and Politics in Argentina, Stanford University Press, 1996.
  6. Joseph A. Page, PerĂłn: A Biography, Random House, New York 1983.
  7. Marguerite Feitlowitz, A Lexicon of Terror: Argentina and the Legacies of Torture, Oxford University Press, 2002.
  8. Hugo Gambini, Historia del peronismo, vol. II, Editorial Planeta Argentina S.A., Buenos Aires 2001,p. 261.
  9. Ricardo RodrĂ­guez Molas, Historia de la tortura y el orden represivo en la Argentina, Ă©d. Eudeba, Buenos Aires 1984, p. 67.
  10. FĂ©lix Luna, PerĂłn y su tiempo. I. La Argentina era una fiesta, Editorial Sudamericana, Buenos Aires 1984, p. 380. (ISBN 950-07-0226-6)
  11. Hugo Gambini, Historia del peronismo, vol. I, Editorial Planeta Argentina S.A., Buenos Aires 1999, p. 284/290.
  12. FĂ©lix Luna, PerĂłn y su tiempo. II. La comunidad organizada, Editorial Sudamericana, Buenos Aires 1985, p. 36. (ISBN 950-07-0313-0)
  13. Rein, Raanan. The Second Line of Peronist Leadership., University of Maryland Latin American Studies Center, 2000.
  14. Sam Dolgoff, The Cuban Revolution: A Critical Perspective.
  15. RĂ­o Negro Online (es)

Liens externes

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