AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Xavier Hanotte

Xavier Hanotte est un écrivain belge francophone né à Mont-sur-Marchienne le . Germaniste de formation, il s'est spécialisé dans l'informatique aprÚs avoir travaillé quelque temps dans l'édition juridique. Il est le traducteur de l'auteur anversois Hubert Lampo et du poÚte anglais Wilfred Owen. Ses romans sont publiés aux éditions Belfond. Des critiques étrangers le rapprochent de Simenon ou Michaux[1].

Xavier Hanotte
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Naissance
Nationalité
Activités
Période d'activité

Panorama des publications

Xavier Hanotte publie son premier roman, ManiĂšre noire, en 1995. Il s’agit du premier volume mettant en scĂšne l’inspecteur bruxellois BarthĂ©lemy Dussert, alter ego avouĂ© de l’écrivain. Leur principal trait commun est de traduire les vers de Wilfred Owen, mĂ©tĂ©ore de la poĂ©sie anglaise, dĂ©cĂ©dĂ© au front de la Somme en 1918. Le hĂ©ros traĂźne Ă©galement derriĂšre lui une lourde dĂ©ception sentimentale. Elle s’appelle Anne, et l’a Ă©conduit sept ans plus tĂŽt. Cet Ă©vĂ©nement justifierait son engagement dans la police. Dans ce premier rĂ©cit, Dussert enquĂȘte sur le retour parmi les vivants d’un malfrat prĂ©tendument dĂ©cĂ©dĂ©, AndrĂ© Maghin.

Trois ans plus tard, De secrĂštes injustices remet en service l’inspecteur Dussert et ses collĂšgues, cette fois pour rĂ©soudre le meurtre d’un nĂ©gationniste, Rudiger Hubermann. Dussert est prĂ©occupĂ© par ses traductions d’Owen, qu’il compte publier, et par une histoire d’amour sans lendemain avec Aline, rencontrĂ©e lors de l’affaire prĂ©cĂ©dente. En outre, entre les chapitres du roman s’intercalent des parties en italiques reprĂ©sentant le travail d’écriture de l’inspecteur Ă  propos des victimes de la premiĂšre guerre mondiale. L’intrigue policiĂšre s’efface peu Ă  peu pour laisser place aux prĂ©occupations centrales de l’écrivain et de son double.

Dans DerriĂšre la colline, en 2000, (Prix Marcel Thiry) l’autre cĂŽtĂ© du miroir est atteint. La narration a pour cadre le front de la Somme pendant la Grande Guerre, et met en scĂšne un jeune homme poĂšte Ă  ses heures, Nigel Parsons, de son nom de plume Nicholas Parry, qui s’engage aux cĂŽtĂ©s de son ami William Salter. Ici aussi, des parties placĂ©es entre les chapitres sortent du dĂ©roulement du rĂ©cit. Il s’agit de lettres de William Salter adressĂ©es Ă  son fils. Mais le lecteur apprend au fil de l’histoire que Nigel Parsons a pris l’identitĂ© de son camarade Ă  l’issue d’une bataille. Dans la partie annexe en fin de roman se trouvent une lettre de l’épouse française de Parsons devenu Salter, et une autre du chef de laboratoire de la police judiciaire de Bruxelles, toutes deux adressĂ©es Ă  BarthĂ©lemy Dussert. L’inspecteur est donc en quelque sorte protagoniste de la narration mais en nĂ©gatif, alors que l’on devine qu’il s’est intĂ©ressĂ© Ă  l’échange d’identitĂ©s entre les deux hommes. Le roman devient explicitation de sa thĂšse.

Changement de registre en 2002 avec Les lieux communs, l’inspecteur Dussert laissant la vedette Ă  Serge, un petit garçon parti en excursion au parc d’attraction Bellewaerde avec sa tante BĂ©rĂ©nice, et Pierre Lambert, un soldat canadien montant au front au mĂȘme endroit en 1915. LĂ  oĂč auparavant, la coupable des dĂ©ceptions amoureuses des protagonistes Ă©tait l’éternelle absente, c’est elle qui est ici Ă  l’avant-plan : la tante BĂ©rĂ© a quittĂ© son compagnon Pierre, et se comporte de façon plutĂŽt frivole. Le petit garçon et le soldat, en tant que narrateurs, prennent chacun Ă  leur tour un chapitre en charge, leurs dimensions tendant Ă  se confondre.

Deux ans plus tard, Ours toujours Ă©tonne avec une sortie en apparence totale des sentiers hanottiens : Owen et la premiĂšre guerre mondiale s’effacent au profit d’une bande d’ours civilisĂ©s, contraints de jouer la comĂ©die pour le public qui vient les observer dans leur rĂ©serve naturelle. Le narrateur diffĂšre des prĂ©cĂ©dents, qui, comme Dussert et Parsons, Ă©taient ces ĂȘtres nostalgiques déçus par l’amour et poĂštes. Un tel personnage est tout de mĂȘme Ă  nouveau prĂ©sent dans le roman sous les traits de l’ours OnĂ©sime.

En 2005 sort le recueil L’architecte du dĂ©sastre, qui reprend deux romans courts dont le rĂ©cit donnant son titre Ă  l’ouvrage, et plusieurs nouvelles Ă©ditĂ©es auparavant dans des revues. Le recueil de nouvelles est divisĂ© en trois parties comptant chacune trois nouvelles. Ces parties caractĂ©risent le temps dans chaque rĂ©cit. La premiĂšre partie, « Les temps enfuis », comprend des nouvelles prenant place durant les deux guerres mondiales. La derniĂšre partie, « Les temps prĂ©sents », met en scĂšne une hĂ©roĂŻne actuelle, Donatienne, inspecteur de police, en quelque sorte pendant fĂ©minin de BarthĂ©lemy Dussert. Quant Ă  la deuxiĂšme partie, elle s’intitule « Les temps poreux » et contient des nouvelles dans lesquelles le passĂ© et le prĂ©sent se rejoignent.

L’architecte du dĂ©sastre, premier roman court, narre une mission de l’officier allemand Eberhard Metzger en Belgique occupĂ©e lors de la DeuxiĂšme Guerre mondiale. Celui-ci est chargĂ© de juger la qualitĂ© artistique d’un monument aux victimes des gaz du conflit prĂ©cĂ©dent, dĂ©cidant ainsi de son sort. L’officier se fait violence pour Ă©crire un rapport positif, bien qu’il trouve le groupe sculptĂ© de piĂštre valeur. MalgrĂ© cela, le mĂ©morial est dynamitĂ© par l’armĂ©e allemande. Lors de son sĂ©jour dans les Flandres, Metzger se remĂ©more un voyage en Angleterre qu’il a fait en solitaire des annĂ©es plus tĂŽt, avant son mariage qui fut un Ă©chec. Il y avait rencontrĂ© une jeune Écossaise dont il Ă©tait tombĂ© amoureux, et qui avait dĂ» depuis pĂ©rir dans le bombardement par l’Allemagne de sa ville de rĂ©sidence, Coventry. Ce rĂ©cit a connu en 2006 une rĂ©Ă©dition sous le titre Un goĂ»t de biscuit au gingembre.

Sur la place expose un groupe de soldats anglais de passage à Mons en 1914. Ils se confrontent à la complexité linguistique du Plat Pays.

La finale du capitaine Thorpe retrace l’histoire de l’attaque de Montauban en 1916, lors de laquelle les Anglais auraient chargĂ© la tranchĂ©e ennemie, motivĂ©s par des tirs de ballons de football.

PassĂ© le pont est le second roman court du recueil. Il s’agit d’une intervention sur le terrain de BarthĂ©lemy Dussert et sa collĂšgue Trientje Verhaert. Ils se trouvent en planque Ă  une quinzaine de kilomĂštres de Bruxelles, prĂšs d’un canal, oĂč un exploit a Ă©tĂ© accompli lors de la premiĂšre guerre mondiale. Un homme Ă©trange hante les lieux, influençant le cours de la mission des deux policiers. Deux dimensions temporelles se rejoignent Ă  nouveau, comme cela a Ă©tĂ© le cas dans Les lieux communs.

PrÚs des fleuves de Babylone se déroule en Irak contemporaine. Des soldats anglais visitent un cimetiÚre de victimes de la Mesopotamian Expeditionary Force, des compatriotes présents dans la région en 1919.

À la recherche de Wilfred est le compte-rendu d’un voyage de Dussert Ă  Bordeaux, oĂč Owen a sĂ©journĂ© avant la guerre.

Le reste est silence, Sauce chasseur, et Les justes mettent en scĂšne la nouvelle hĂ©roĂŻne Donatienne, elle aussi inspecteur de police Ă  Bruxelles, filant sans arrĂȘt ses bas nylon, comme d’ailleurs la plupart des personnages fĂ©minins de Xavier Hanotte. Elle cache son mĂ©tier Ă  son compagnon qu’elle a l’intention de quitter.

Certaines nouvelles publiĂ©es dans diffĂ©rentes revues n’ont jamais Ă©tĂ© Ă©ditĂ©es en recueil : Drapeau blanc en 1998, Demain, le temps sera pluvieux en 1999, et. en 2003, Un casque sur le trottoir. Cette nouvelle a pour narrateur un soldat Ă©cossais. Le vieil homme est en visite dans les Ardennes belges, il vient saluer la tombe d’un camarade tuĂ© en 1944. Il se remĂ©more Ă©galement sa rencontre, alors qu’il Ă©tait en poste en Palestine, avec un jeune reporter belge, roux, accompagnĂ© d’un petit chien blanc


Comment j’ai rencontrĂ© Xavier Hanotte, datĂ©e de , place le lecteur dans une situation surrĂ©aliste. Cette nouvelle est signĂ©e BarthĂ©lemy Dussert, et narre la rencontre au cimetiĂšre des Remparts Ă  Ypres entre l’écrivain et son alter ego de plume.

Enfin, en tant que traducteur de Wilfred Owen, Hanotte a publiĂ© en 2001 Et chaque lent crĂ©puscule, une Ă©dition bilingue de certains poĂšmes et lettres. Sa propre production poĂ©tique se retrouve dans PoussiĂšres d’histoires et bribes de voyages, un recueil de 2003 dans lequel on peut retrouver les thĂšmes chers Ă  l’écrivain. Chaque poĂšme est prĂ©cĂ©dĂ© d’un paragraphe introductif en prose, qui en explique le propos.

Wilfred Owen

Ce jeune poĂšte britannique est une figure emblĂ©matique de l’Ɠuvre de Xavier Hanotte, tant elle est liĂ©e Ă  la fois Ă  la vie de l’auteur et Ă  celle de son hĂ©ros narrateur, l’inspecteur BarthĂ©lemy Dussert. L’écrivain et l’homme de papier ont en commun d’ĂȘtre traducteurs des poĂšmes de guerre de Wilfred Owen. C’est Ă  travers lui que sera d’abord amenĂ© le thĂšme Ă©galement central de la premiĂšre guerre mondiale. L’intĂ©rĂȘt de Xavier Hanotte pour le jeune poĂšte anglais se marque par sa prĂ©sence dans les trois premiers romans de l’auteur, mais aussi par la suite, qu’il s’agisse d’allusions Ă  son histoire ou mĂȘme d’apparitions en tant que protagoniste de la narration.

Objet de traduction

Wilfred Owen est d’abord prĂ©sent dans les romans comme l’auteur des vers traduits par le hĂ©ros narrateur, l’inspecteur de police BarthĂ©lemy Dussert. Cela renvoie directement Ă  Xavier Hanotte lui-mĂȘme, qui a traduit les textes du poĂšte. Il ne se cache d’ailleurs pas d’une identification Ă  son hĂ©ros. Dans le premier chapitre de ManiĂšre Noire, il rĂ©flĂ©chit d’ailleurs Ă  la traduction exacte Ă  donner Ă  la fin d’un vers : « And each slow dusk, a drawing-down of blinds », « Et chaque lent crĂ©puscule
 ». Cette interrogation revient pĂ©riodiquement dans tout l’ouvrage et ne trouvera sa rĂ©ponse qu’à la toute fin : «  un volet qui se ferme », et qui clĂŽt Ă©galement le roman ! Dans le second ouvrage de la trilogie, De SecrĂštes Injustices, Dussert est en pleine nĂ©gociation en vue d’éditer les poĂšmes de guerre d’Owen. Il envisage d’y joindre des extraits de sa correspondance, ce que l’on retrouve prĂ©cisĂ©ment dans le livre bien rĂ©el des traductions de Wilfred Owen par Xavier Hanotte, Et chaque lent crĂ©puscule. Mais dans ce second volume, la traduction perd de son importance pour le hĂ©ros, face Ă  l’affaire criminelle qui l’occupe et une liaison sentimentale. De mĂȘme, il estime se servir du texte Ă  des fins personnelles et donc le trahir. Le principal poĂšme traduit cette fois par le hĂ©ros est celui dont a Ă©tĂ© tirĂ© le titre, Adieux ou The Send-Off, « De secrĂštes injustices » Ă©tant la traduction donnĂ©e par Hanotte de « wrongs hushed up ». Cette traduction de Dussert est mise en musique par sa collĂšgue mĂ©lomane Trientje Verhaert Ă  la fin de De secrĂštes injustices. L’auteur original est peu connu et Dussert est donc gentiment taquinĂ© par ses collĂšgues sur cet « obscur poĂšte rosbif ». La seule personne y prĂȘtant un semblant d’attention est SĂ©bastien Delcominette, qui est aussi son ami. Celui-ci a tenu Ă  accompagner Dussert Ă  Ors. L’inspecteur a coutume de s’y recueillir sur la tombe du poĂšte chaque annĂ©e. Son compagnon, lui, profite d’une ambiance Ă  la Maigret pour se mettre en scĂšne, coiffant le chapeau mou et fumant la pipe, sous la bruine et le vent d’automne :

Debout devant la tombe d’Owen, nous avions observĂ© une brĂšve minute de silence puis, aprĂšs un dĂ©tour par les berges du canal tout proche, nous Ă©tions allĂ©s sĂ©cher nos frusques dans l’un des deux cafĂ©s du patelin, le dos tournĂ© Ă  la salamandre, juste le temps de savourer un petit crĂšme en savourant le plaisir de jouer ensemble, pas nĂ©cessairement dans la mĂȘme piĂšce[2].

Clins d'Ɠil

Notons ensuite ce qui fait souvent sourire le lecteur attentif, Ă  savoir les liens que Xavier Hanotte crĂ©e dans ses romans entre faits et personnages. Ils peuvent ĂȘtre vus comme des sortes de « clins d’Ɠil » : tout d’abord, le personnage secondaire de jardinier dans DerriĂšre la colline se nomme « William Salter », « Salter » faisant partie du nom complet de Wilfred Owen. Ensuite, quand la voiture d’un suspect est retrouvĂ©e au fond d’un canal dans ManiĂšre noire, il s’agit de celui d’Ors, Ă  proximitĂ© duquel est dĂ©cĂ©dĂ© le poĂšte. Dans le mĂȘme livre, lorsque Dussert se retrouve devant un mĂ©morial dĂ©diĂ© Ă  sept parachutistes tchĂšques, il reconnaĂźt Ă  l’un d’eux une ressemblance troublante avec Owen ; il s’agit justement de celui qui porte le mĂȘme nom que son collĂšgue pragois, Kubis. Autre identification, celle que le policier fait entre Wilfred Owen et un contrĂŽleur de tram, lorsqu’il imagine son parapluie ĂȘtre la badine que l’officier devait autrefois tenir sous le bras. Dussert dit Ă©galement qu’il a dĂ©couvert la rĂ©alitĂ© dans la police comme Owen l’a dĂ©couverte dans l’armĂ©e. Et lorsqu’il se retrouve Ă  la fin du rĂ©cit sur le toit d’un immeuble pour coffrer Maghin, un orage tonne au loin :

Des roulements de tonnerre vaguaient Ă  l’horizon, si loin, si faibles qu’ils avaient l’air de mauvaises imitations. Des Ă©clairs de chaleur fulguraient sans bruit dans les intervalles. L’assaut viendrait du nord. Les batteries tonnaient dĂ©jĂ . Du cĂŽtĂ© de Landrecies, songeai-je[3].

Cet Ă©pisode fait Ă©cho au rĂȘve de Dussert, au chapitre douze dans le mĂȘme rĂ©cit. Le chapitre s’ouvre en effet dans un autre temps, en 1918, Ă  quelques minutes de l’assaut qui coĂ»tera la vie Ă  Wilfred Owen. L’identitĂ© du narrateur est inconnue, jusqu’au rĂ©veil brutal de l’inspecteur Dussert qui identifie l’épisode comme un songe. Il y est fait allusion une premiĂšre fois Ă  Landrecies, commune des bords de Sambre, et Ă  sa position septentrionale par rapport Ă  l’action :

Au loin, vers le nord, du cĂŽtĂ© de Landrecies, les grosses batteries allemandes grondaient sans relĂąche, avec la persistance tĂȘtue d’un phĂ©nomĂšne atmosphĂ©rique[4].

Enfin, Owen est prĂ©sent dans deux Ă©pisodes fantastiques de la vie de l’inspecteur Dussert, pouvant ĂȘtre qualifiĂ©s de rĂ©alisme magique, qu’il s’agisse du rĂȘve dĂ©taillĂ© ci-dessus ou d’un autre dans De secrĂštes injustices, oĂč Owen en personne vient rendre visite Ă  son traducteur

DerriĂšre la colline est lui aussi honorĂ© de la prĂ©sence du poĂšte. Nigel Parsons est en effet envoyĂ© en convalescence Ă  l’hĂŽpital Craiglockhart Ă  Édimbourg, oĂč il croise Wilfred Owen, qui se montre curieux Ă  propos de Nicholas Parry. Nigel, sous l’identitĂ© de William, dit malgrĂ© tout Ă©crire lui aussi de la poĂ©sie, et soumet Before going Ă  l’analyse du jeune officier. Nigel retourne au front aprĂšs Craiglockhart et son bataillon est dĂ©signĂ© pour enterrer les victimes du passage du canal Sambre Oise au cimetiĂšre d’Ors. Il reconnaĂźt le cadavre de Wilfred Owen.

Dans le recueil L’architecte du dĂ©sastre, la derniĂšre nouvelle prenant place dans la partie des « Temps poreux » est narrĂ©e par BarthĂ©lemy Dussert. « À la recherche de Wilfred » est le rĂ©cit d’un voyage de l’inspecteur Ă  Bordeaux, ville oĂč Wilfred Owen a enseignĂ© l’anglais :

Des traces. Je suis venu chercher les traces d’un errant, Ă  travers l’espace et le temps. Celles de l’autre Wilfred, qui se voulait poĂšte sans l’ĂȘtre encore. Ce Wilfred qui ne se voulait pas soldat mais le deviendra. Quant Ă  y travailler, il n’y faut plus songer. La traduction des poĂšmes n’avance pas. Me retient la crainte d’annexer une voix, de la dĂ©naturer. M’obsĂšde le scrupule fou de tout connaĂźtre avant de passer Ă  l’action. M’intimide la certitude que quelqu’un, partout, regarde par-dessus mon Ă©paule[5].

Cette quĂȘte du tourmentĂ© inspecteur bruxellois laisse Ă  nouveau penser Ă  une substitution entre le hĂ©ros et son auteur. Le policier s’assume ici uniquement Ă©crivain et traducteur, son mĂ©tier n’apparaissant Ă  aucun moment. La nouvelle s’achĂšve sur une note positive : une main inconnue ferme un volet, le soir tombe. VoilĂ  le vers fĂ©tiche de l’inspecteur illustrĂ© par hasard dans cette ville oĂč il veut retrouver partout la prĂ©sence d’Owen, qui lui Ă©chappe.

Intertextualité

Au-delĂ  de l’évocation du jeune poĂšte britannique dans ses aventures passĂ©es et ses quelques apparitions comme protagoniste, Wilfred Owen est Ă©normĂ©ment prĂ©sent par « ses Ă©crits » et cela surtout dans la trilogie initiale. Dans ManiĂšre Noire, chaque chapitre est prĂ©cĂ©dĂ© d’un ou plusieurs vers qui explicitent son contenu ou appuient sur un fait Ă  venir dans celui-ci. Par exemple, au chapitre deux, considĂ©rons les vers d’accroche :

Then one sprang up, and stared With piteous recognition in his eyes

Alors l’un d’eux bondit et me lança Un regard fixe oĂč se lisaient reconnaissance et pitiĂ©[6].

Dans ce chapitre, Dussert visionne une vidĂ©o oĂč apparaĂźt un ancien braqueur et tueur de policiers, AndrĂ© Maghin, prĂ©tendument dĂ©cĂ©dĂ© des annĂ©es plus tĂŽt. L’inspecteur est fortement impressionnĂ© par le regard que lance l’homme Ă  la camĂ©ra, comme s’il lui Ă©tait destinĂ©. Ainsi, le regard prĂ©sent dans les vers en tĂȘte de chapitre prĂ©figure le regard de Maghin, qui va marquer l’inspecteur et figurer le dĂ©but de l’étrange complicitĂ©, la reconnaissance entre le chasseur et sa proie:

Dans le regard de cet homme, il y avait eu de la terreur mais aussi, en mĂȘme temps, le premier signe d’une reconnaissance, comme si lui Ă©tait apparue soudain, en pleine lumiĂšre, l’évidence d’une rĂ©alitĂ© incontournable et tragique. Pourtant, je me trompais sans doute. Car c’était moi qu’il avait regardĂ© ainsi, par-delĂ  le temps et la distance. Moi et moi seul[7].

Les occurrences de vers d’Owen dans le premier roman de Hanotte sont Ă©galement trĂšs prĂ©sentes Ă  divers moments lorsqu’une situation incite Dussert Ă  les Ă©voquer. La premiĂšre occurrence de ce genre est d’ailleurs celle du vers problĂ©matique Ă  traduire. Roulant vers Bruxelles dans l’obscuritĂ© tombante, Dussert se rappelle le vers « And each slow dusk, a drawing-down of blinds ». Ensuite, c’est lorsqu’il observe la crypte Place des Martyrs, envahie de touristes asiatiques, et qu’il remarque un jeune garçon mangeant des frites adossĂ© Ă  un pilier, que lui reviennent ces lignes :

Out there we walked quite friendly up to Death Sat down and ate beside him, cool and bland


Là-bas, bons amis, nous sommes allés au-devant de la Mort, Nous sommes assis et avons cassé la croûte avec elle, à la bonne franquette[8]


Ces situations sont courantes dans ce premier roman, et ne se reproduiront plus dans le second, si ce n’est en ce qui concerne le vers du titre, au moment de la rupture avec Aline.

Dans De SecrĂštes Injustices, le titre mĂȘme provient d’une traduction faite par Hanotte d’un vers d’Owen. Il se retrouve en exergue du roman:

So secretly, like wrongs hushed-up, they went. They were not ours: We never heard to which front these were sent

Ainsi, telles de secrĂštes injustices, ils s’en allĂšrent. Ils n’étaient pas des nĂŽtres : Jamais nous n’avons su quel front les attendait.

Extrait de The Send-Off, les Adieux[9]

Nigel Parsons

Le poĂšte fictif Nigel Parsons, de son nom de plume Nicholas Parry, remplace en quelque sorte Owen dans DerriĂšre La Colline. Pour le titre d’abord : lĂ  oĂč Owen fournissait celui de De secrĂštes injustices, Parsons fournit celui-ci. On apprend, en effet, qu’il a Ă©crit Behind The Hill. On retrouve Ă©galement ses vers en exergue de chaque partie du roman, et l’on est tĂ©moin de leur Ă©laboration, Ă©tant donnĂ© qu’ici, l’auteur est personnage central du roman. Comme Dussert rattachait des vers d’Owen Ă  des situations vĂ©cues, Parsons attache ses propres mots Ă  ce qu’il vit, par exemple lors d’un bombardement :

When the very lights crackle in the sky My heart remembers the bonfires you made Alone in the brambles, whose flames burned so high


Quand les Ă©clairantes crĂ©pitent dans le ciel Mon cƓur se souvient des feux de joie que tu faisais Seule dans les ronces, dont les flammes brĂ»laient si haut
[10]

Ce qui se retrouve ici offre donc la possibilitĂ© de remonter au processus de crĂ©ation du vers, ce que l’on n’avait pas avec Owen. Le traducteur de ces lignes signalĂ© en note de bas de page n’est autre que Dussert lui-mĂȘme. L’inspecteur est donc prĂ©sent dans le roman en tant que traducteur de Parry, et est impliquĂ© dans l’affaire du changement d’identitĂ© de celui-ci au vu de l’appendice du livre. S’y trouvent en effet deux lettres, la premiĂšre de Jacqueline Salter, datant de 1996, la seconde de Willem Pussemiers, chef de laboratoire Ă  la police judiciaire de Bruxelles, personnage dont le lecteur a pu faire la connaissance dans les deux premiers volumes. À travers ces Ă©crits, il est sous-entendu que Dussert a fait des recherches sur Nicholas Parry et a pressenti qu’il a survĂ©cu Ă  la guerre sous le nom de William Salter. DerriĂšre la colline peut donc bien ĂȘtre considĂ©rĂ© comme la continuation des deux ouvrages prĂ©cĂ©dents : le passage au premier plan des prĂ©occupations personnelles de Dussert concernant le premier conflit mondial et la poĂ©sie de cette Ă©poque, s’opĂšre, et relĂšgue la dimension d’énigme, qu’elle soit policiĂšre ou non, au second plan.

Le rĂ©alisme va jusqu’à postuler des poĂšmes perdus dans le corpus Ă©ditĂ© de Nicholas Parry. Ainsi, Talk of angels, dont une note en bas de page renseigne la traduction, À propos d’anges, et le statut de poĂšme perdu.

Le narrateur de DerriĂšre la colline Ă©tant Nigel Parsons, le texte se veut conçu comme une traduction de l’anglais. Xavier Hanotte s’interdit donc d’utiliser certaines expressions françaises qui n’auraient pas d’équivalent dans cette langue. Il est aussi intĂ©ressant d’observer en quoi cela influence la typographie habituelle du texte, qui est bien dans la langue de MoliĂšre. Lorsqu’un personnage parle le français, comme Jacqueline Caubert par exemple, ses mots vont ĂȘtre transcrits en italiques, comme le seraient des expressions anglaises dans un texte français. Tous les dialogues entre Jacqueline et Nigel sont donc Ă  l’origine en français.

Hanotte fait Ă©galement Ă©tat de phrases Ă©crites en phonĂ©tique pour que les soldats anglais puissent plus facilement communiquer avec les Français : Lay zohm peuve dor-meer seur ler plongshay. La suivante est de Parsons. MalgrĂ© le tragique, elle prĂȘte Ă  sourire : Say lah gayre ! Il existait en effet Ă  l’époque des lexiques Ă  l’usage des soldats expatriĂ©s, oĂč des mots usuels Ă©taient donnĂ©s dans une traduction phonĂ©tique, comme il est donnĂ© de voir Ă  Ypres au musĂ©e In Flanders Field. S’y trouve exposĂ© le manuel What a British soldier wants to say in French and how to pronounce it, an English-French booklet for the use of the Expeditionary Forces, dans lequel par exemple le mot “petit” se trouve traduit phonĂ©tiquement en “pet-tee”, ou “latrine” en “lat-reen”.

La Grande Guerre

L'Ɠuvre de Xavier Hanotte et la figure de Wilfred Owen ne peuvent ĂȘtre abordĂ©s sans s’intĂ©resser de prĂšs au premier grand conflit du XXe siĂšcle. D’abord liĂ©e au poĂšte dans les premiers romans, la PremiĂšre Guerre mondiale est ensuite envisagĂ©e pour elle-mĂȘme et traitĂ©e sous d’autres aspects qui ont touchĂ© l’écrivain. Ses personnages Ă©voluent sur des champs de bataille aujourd’hui cĂ©lĂšbres, faisant l’expĂ©rience du feu. Nigel connaĂźt les assauts meurtriers de la Somme, Pierre Lambert Ă©volue Ă  proximitĂ© de la ville martyre d’Ypres
 Ces pĂ©ripĂ©ties sont aussi l’occasion pour Xavier Hanotte de s’intĂ©resser Ă  l’engagement et Ă  la commĂ©moration, trĂšs importante et marquante Ă  ses yeux. Lorsque la PremiĂšre Guerre mondiale sert de cadre aux rĂ©cits d’Hanotte, il est question de divers Ă©pisodes du conflit, tantĂŽt tristement cĂ©lĂšbres ou plus discrets pour la postĂ©ritĂ©, mais toujours fondĂ©s sur des faits authentiques. Cette toile de fond historique conjuguĂ©e Ă  certains dĂ©tails concernant la vie quotidienne des soldats crĂ©e un univers prenant pour le lecteur qui s’intĂ©resse Ă  cette Ă©poque et oĂč viennent se greffer des aventures fictionnelles qui ne s’en trouvent que plus consistantes.

La Somme de Nigel

La bataille de la Somme a dĂ©butĂ© le 1er juillet 1916 par une offensive destinĂ©e Ă  rompre le front allemand en Picardie pour se saisir des nƓuds de communications ennemis, ainsi qu’à repousser l’armĂ©e du Kaiser jusqu'Ă  Arras. Mais ce qui s’est passĂ© « s’apparente beaucoup moins Ă  une bataille au sens traditionnel du terme qu’à un assaut conduit en plusieurs vagues et livrĂ© contre un camp retranchĂ©[11] ». Au terme de cette premiĂšre journĂ©e, les pertes britanniques sur l’ensemble du front de la Somme sont catastrophiques : un cinquiĂšme des effectifs a perdu la vie. Suivent des vagues d’assauts successifs destinĂ©s Ă  grignoter les positions ennemies. La deuxiĂšme position allemande est prise le 14 juillet. Les assauts menĂ©s par la suite sont l’occasion de l’entrĂ©e en scĂšne des premiers chars de la Grande Guerre. La deuxiĂšme bataille de la Somme a dĂ©butĂ©. Les lignes allemandes tombent les unes aprĂšs les autres jusque novembre, quand les intempĂ©ries automnales forcent le commandement alliĂ© Ă  mettre fin aux opĂ©rations.

C’est dans cette derniĂšre pĂ©riode qu’a lieu l’attaque de Thiepval, dont il est question dans DerriĂšre la colline. On suit, durant tout le livre, le soldat Nigel Parsons et ses amis, ce qui permet Ă  l’auteur d’aborder des thĂšmes rĂ©currents de la littĂ©rature de cette Ă©poque (les bombardements, la mort, la peur, la boue
) avec la richesse de la vision d’un soldat Ă©tranger au sol qu’il foule. On peut donc retrouver dans l’histoire des traits propres Ă  l’histoire anglaise, telles les circonstances de l’engagement des soldats et le chemin qu’ils suivent avant d’arriver au front. On observe Ă©galement leurs contacts avec la population locale, comme le fermier Caubert qui vit sur l’argent que lui donnent les troupes pour avoir un abri oĂč se loger et de quoi se nourrir. Lieu important du roman, le monument de Thiepval porte aujourd’hui le souvenir de ces Ă©vĂ©nements. Hanotte lui consacre un poĂšme dans PoussiĂšres d’histoires et bribes de voyage, Thiepval Memorial.

Dans une nouvelle de L’architecte du dĂ©sastre, La finale du capitaine Thorpe, il est question du dĂ©but des Ă©vĂ©nements, Ă  savoir l’attaque de Montauban le . L’originalitĂ© de la charge qui se prĂ©pare est dans la maniĂšre de lancer l’assaut : les hommes doivent marquer des buts, Ă  savoir envoyer des ballons de football dans les tranchĂ©es ennemies. Le capitaine Nevill, jeune commandant de compagnie, Ă©quipe chacune de ses quatre compagnies d’un ballon. Avançant la balle au pied vers la localitĂ© aux mains des Allemands, la premiĂšre section Ă  envoyer son ballon dans la tranchĂ©e ennemie gagnerait une livre. MalgrĂ© les lourdes pertes subies lors de l’assaut, les Anglais atteignent leur objectif. Mais ils doivent compter au nombre des victimes le courageux capitaine Nevill.

Le champ de bataille de la Somme reste trĂšs emblĂ©matique pour les Britanniques, comme « le plus grand dĂ©sastre militaire du XXe siĂšcle, et mĂȘme le plus grand dĂ©sastre de toute leur histoire militaire[12] ». Avec ses pertes catastrophiques, la bataille de la Somme « marque la fin d’une Ă©poque Ă  jamais disparue, celle de l’optimisme vivifiant de la sociĂ©tĂ© britannique[13] ».

Wilfred Owen ou les derniers jours

Lorsque Wilfred Owen trouve la mort prĂšs d’Ors en France, l’armĂ©e allemande est en dĂ©route. RepoussĂ©e par les forces alliĂ©es, auxquelles se sont rajoutĂ©s les AmĂ©ricains, elle recule vers la frontiĂšre belge. De rudes combats engagĂ©s sur les riviĂšres et les canaux de la rĂ©gion de la Sambre font encore de nombreuses victimes, dont le poĂšte, au point que l’on craint que la guerre s’enlise. Mais l’Allemagne, qui est le seul belligĂ©rant encore en lice du cĂŽtĂ© ennemi, se dĂ©sorganise : des mutineries Ă©clatent, le Kaiser a quittĂ© Berlin pour Spa oĂč il espĂšre pouvoir compter sur le soutien de l’armĂ©e, mais est contraint d’abdiquer. L’Allemagne devient une rĂ©publique en date du . Deux jours plus tard, l’armistice est signĂ© entre les reprĂ©sentants français et allemands Ă  Rethondes, en forĂȘt de CompiĂšgne.

Ces Ă©vĂ©nements sont abordĂ©s par Hanotte uniquement Ă  travers Owen. Dans ManiĂšre noire, lorsque Dussert traduit un passage de sa correspondance, ou lors du rĂȘve de l’inspecteur au chapitre douze. Le songe commence juste avant la derniĂšre charge du poĂšte et prend fin pendant son dĂ©roulement. À la toute fin du roman, un parallĂšle s’établit entre la guerre et une situation pĂ©rilleuse, lorsque Dussert part apprĂ©hender Maghin et reçoit des coups de feu. Il entend alors une voix intĂ©rieure lui ordonnant « 105, down ! », « 105, Ă  terre ! », comme il l’avait entendu dans son rĂȘve au moment de l’assaut[14]. Dans le second ouvrage de la trilogie, Owen vient Ă©galement apporter quelques fragments de boue des tranchĂ©es toujours coincĂ©s dans ses semelles lorsqu’il rend visite Ă  l’inspecteur Dussert .

Ypres, hier et aujourd'hui

DĂ©but , les forces en prĂ©sence livrent une vĂ©ritable course Ă  la mer. Les AlliĂ©s tentent d’empĂȘcher les Allemands d’accĂ©der Ă  la Manche. RescapĂ©es du siĂšge d'Anvers, les troupes belges se retranchent sur l’Yser, oĂč elles sont rejointes par le British Expeditionary Force. Des troupes françaises sont aussi prĂ©sentes et tiennent avec les Britanniques les collines qui entourent la ville d’Ypres. Mais elles sont reprises par les Allemands qui attaquent la ville le . La premiĂšre bataille d’Ypres commence. Elle dure jusqu’au , quand l’approche de l’hiver et l’épuisement met fin Ă  ce premier Ă©pisode et marque le dĂ©but de la guerre des tranchĂ©es dans la rĂ©gion. Entretemps, les Allemands n’auront cessĂ© de bombarder la ville pour empĂȘcher les Anglais de s’y rĂ©fugier. Les deux camps dont les tranchĂ©es sont relativement proches s’accordent tacitement des trĂȘves, dont la plus cĂ©lĂšbre est la trĂȘve de NoĂ«l 1914. Mais le conflit se poursuit et les belligĂ©rants redeviennent offensifs. Le , vers 17h, la premiĂšre attaque aux gaz est lancĂ©e par les Allemands prĂšs de Steenstraete, thĂ©Ăątre de la mission de Metzger dans « L’architecte du dĂ©sastre ». L’un des protagonistes de Un casque sur le trottoir a lui Ă©tĂ© victime directement de ces attaques. Dans cette nouvelle, Harry, un Anglais en poste Ă  HaĂŻfa en Palestine, a toujours les sĂ©quelles d’une inhalation de gaz subie devant Ypres en 1918. Lorsqu’à la fin du rĂ©cit, des malfaiteurs lancent des bombes lacrymogĂšnes pendant une embuscade, il dĂ©cĂšde d’une crise cardiaque, probablement effrayĂ© par la vue des fumĂ©es s’échappant des projectiles. Durant cette seconde bataille d’Ypres, qui dure jusque fin mai, alors que les troupes sont Ă  court d’hommes et de munitions, la ville reste aux mains des Britanniques, mais elle est en ruines.

En 1917, les Anglais ont pour but de percer le saillant d’Ypres, nom donnĂ© au tracĂ© formĂ© par les tranchĂ©es, pour attaquer les bases navales allemandes d’Ostende et Zeebrugge. Le , ils dĂ©clenchent les hostilitĂ©s en faisant exploser, Ă  l’aide de mines souterraines, les lignes allemandes Ă  Messine. Au lieu de profiter de cette percĂ©e, ils s’en tiennent au plan initial qui Ă©tait d’attaquer uniquement en juillet. Le 16 de ce mois, ils commencent Ă  bombarder les positions ennemies autour d’Ypres, qui tiennent bon. Le , l’infanterie sort des tranchĂ©es et attaque. C’est le dĂ©but de la troisiĂšme bataille d’Ypres ou bataille de Passchendaele. Elle se rĂ©vĂšle ĂȘtre un vĂ©ritable dĂ©sastre : dans des conditions particuliĂšrement mauvaises dues Ă  l’humiditĂ© exceptionnelle de l’étĂ© 1917, les troupes s’enlisent et ne parviennent au bout d’incessantes tentatives qu’à gagner dix kilomĂštres sur leur objectif final. Le , alors que le froid mettait fin aux hostilitĂ©s, les Britanniques avaient perdu 250 000 hommes. Au printemps 1918, le peu de terrain qui avait Ă©tĂ© gagnĂ© est repris en quelques jours.

« I died in hell. They called it Passchendaele ». Cette phrase du poĂšte anglais Siegfried Sassoon reproduite dans le musĂ©e In Flanders Field d’Ypres rĂ©sume Ă  elle seule l’horreur des Ă©vĂ©nements vĂ©cus par l’armĂ©e anglaise dans la rĂ©gion. La ville et ses environs sont devenus un lieu majeur de mĂ©moire pour les Britanniques. Churchill lui-mĂȘme a dĂ©clarĂ© qu’il n’existait pas de lieu plus sacrĂ© pour la race anglaise dans le monde. Un tiers de toutes les victimes anglaises de la PremiĂšre Guerre mondiale a en effet trouvĂ© la mort sur le front d’Ypres. Comme tĂ©moignage de ces pertes, les cimetiĂšres entretenus par la Commonwealth War Graves Commission mais aussi la porte de Menin, immense monument accueillant les noms des soldats portĂ©s disparus.

Dans De secrĂštes injustices, les parties inter chapitres en italiques reprĂ©sentent un travail de mĂ©moire de Dussert : il se rend rĂ©guliĂšrement au cimetiĂšre des Remparts d’Ypres pour y noter des noms et consulter le registre. Il tente ensuite de donner une vie Ă  ces morts en racontant briĂšvement leur existence dans les tranchĂ©es. Ces noms n’ont certainement pas Ă©tĂ© choisis au hasard : en effet, ils permettent d’étaler un panel trĂšs divers de personnalitĂ©s, dont certaines sont Ă©troitement liĂ©es avec la situation de l’Angleterre prĂ©cisĂ©ment. Le premier, Edward, « comme sept rois d’Angleterre », Angel, est un Maori et vient d’Australie, une colonie britannique. Hanotte aborde par lĂ  le sujet des soldats « importĂ©s » dans le conflit. Ensuite vient un militaire de carriĂšre Ă©cossais, un rĂ©serviste de la cavalerie persuadĂ© que la guerre durera au plus quelques mois, puis un infirmier australien, qui a rencontrĂ© le jeune Maori. Ensuite un jardinier de mĂ©tier, qui se plait Ă  imaginer quelles fleurs il planterait dans un cimetiĂšre de guerre, suivi d’un officier et enfin d’un soldat au nom inconnu, « a soldier of the great war known unto god », celui-lĂ  mĂȘme qui avait Ă©tĂ© secouru par le brancardier australien. Il ne parvient pas Ă  se rappeler comment il s’appelle et tente de le retrouver en lisant la mer de noms qui s’étale sur le mĂ©morial de la porte de Menin.

Les visites de Dussert au cimetiĂšre des Remparts sont le prĂ©texte Ă  une nouvelle rĂ©cente de notre auteur, Comment j’ai rencontrĂ© Xavier Hanotte. NarrĂ©e et signĂ©e par BarthĂ©lemy Dussert, elle prĂ©sente sa rencontre avec l’écrivain au hasard de l’un de ses passages dans ce lieu peu frĂ©quentĂ©. Entre les deux hommes, une complicitĂ© se fait jour, et l’inspecteur dĂ©voile son projet Ă  Hanotte :

- En plus de la traduction, j'ai un autre projet. Un peu fou...

- Les seuls projets qui vaillent la peine.

- Sans doute. Mais en deux mots, à partir des pierres tombales et des données qui figurent dans le registre, j'essaie de réinventer un morceau de vie à tous ces gens. Par la fiction. Quelques pages pour chacun d'entre eux. Ils sont 193... »

Il eut l'air de soupeser mes paroles, plissa les yeux.

« L'idée est belle. Et les cimetiÚres britanniques ressemblent à des livres. Toutes ces stÚles blanches...

- Oui, approuvai-je. Il y a de ça. De quoi tenter l'écriture.

- Précisément.

- Précisément ? m'étonnai-je.

- Mon projet... Vous avez mis le doigt dessus.

- Écrire sur les cimetiùres ?

- Britanniques, oui. Un petit essai. Pour comprendre ma propre fascination. Qui n'a rien de morbide, bien au contraire - je ne dois pas vous en convaincre. Mais pour ce projet prĂ©cis, je n'ai toujours pas trouvĂ© d'Ă©diteur. En fin de compte, je me servirai peut-ĂȘtre de tout cela dans un roman. Sous ce rapport, votre dĂ©marche m'intrigue. Elle a quelque chose de trĂšs... romanesque. »

La derniĂšre rĂ©plique de l’extrait, attribuĂ©e Ă  Xavier Hanotte, nous renvoie Ă  son propre travail d’écrivain. Cette rencontre imaginaire est prĂ©sentĂ©e comme ayant pu avoir lieu avant la rĂ©daction de De secrĂštes injustices, voire ManiĂšre noire, et en avoir Ă©tĂ© dans une certaine mesure l’inspiratrice.

La porte de Menin est indubitablement le second lieu de la ville d’Ypres ayant fortement marquĂ© l’auteur. Il lui consacre un poĂšme dans son recueil PoussiĂšre d’histoires et bribes de voyages, intitulĂ© simplement Porte de Menin. Le paragraphe introductif prĂ©sente ce lieu comme « l’entrĂ©e d’un sas », image qu’Hanotte emploiera souvent lorsqu’il parle des lieux de mĂ©moire :

La porte de Menin, c’est l’entrĂ©e d’un sas. On ne sait jamais quel temps est Ă  l’autre bout. La porte de Menin, c’est aussi un gigantesque rĂ©pertoire oĂč manquent les tĂ©lĂ©phones – quelques matricules tentent bien, en vain, de donner le change. La porte de Menin, c’est encore une tour de Babel qui dure parce qu’on a vu moins grand. Et parce que messieurs Jones, Desrosiers, Singh, MacLean et O’Brien n’ont pas attendu la mort pour se comprendre – et parfois se dĂ©tester. La porte de Menin, enfin, c’est un lieu Ă©trange oĂč la mĂ©moire gueule plus fort que le monde, l’espace de cent vingt secondes, sur un air de trompette[15].

Il s’agit de la sonnerie aux morts, le Last Post, jouĂ© tous les soirs Ă  20h, sous l’arche briĂšvement coupĂ©e Ă  la circulation, par les pompiers de la ville. L’écrivain met aussi l’accent sur la disparitĂ© des soldats anglais tombĂ©s en Flandre, en citant consĂ©cutivement un patronyme qu’on devine anglais, puis canadien, indien, Ă©cossais et finalement irlandais.

Mons, histoire et légende

Au dĂ©but du conflit, l’invasion de la Belgique depuis la rĂ©gion d’Aix-la-Chapelle se fait mĂ©thodiquement. Deux armĂ©es allemandes assiĂšgent les forts de LiĂšge dĂšs le . Retenus plusieurs jours par l'armĂ©e belge de campagne, les Allemands prennent Bruxelles le 20 et divisent ensuite leurs forces. L'une va assiĂ©ger la place forte d'Anvers (ce qui va durer un mois), l'autre prend la direction de la Sambre, oĂč elle va se heurter Ă  Mons aux hommes de la British Expeditionary Force constituĂ©e d’une division de cavalerie et de quatre divisions d’infanterie. Les Britanniques sont des soldats de mĂ©tiers, dont la plupart ont dĂ©jĂ  fait la guerre des Boers. Ils ont donc conscience des rĂ©alitĂ©s de la situation et de la nĂ©cessitĂ© de creuser des tranchĂ©es pour se protĂ©ger des tirs de fusils Ă  rĂ©pĂ©tition. AidĂ©s par la nature du terrain, ils parviennent Ă  tenir en respect les Allemands jusqu’à la tombĂ©e de la nuit. Cette journĂ©e du aura coĂ»tĂ© Ă  l’Allemagne 5 000 hommes, contre 1 600 tuĂ©s, blessĂ©s et disparus du cĂŽtĂ© anglais, au dĂ©part infĂ©rieur en nombre. Mais la dĂ©faite des Français sur la Sambre quelques jours plus tĂŽt force la British Expeditionary Force Ă  battre en retraite.

Dans Sur la place, seconde nouvelle de L’architecte du dĂ©sastre, un vieux soldat, Eddie, se retrouve en 1914 dans une ville a priori inconnue. En observant les lieux, il identifie plusieurs Ă©lĂ©ments Ă  ce qui lui est familier dans son pays. Il remarque l’église, qui « Ă©voquait vaguement le Guildhall ou les Inns of Court ». « Guildhall » est le nom britannique donnĂ© aux maisons communales, alors que les « Inns of Court », ou « auberges de la cour », sont des institutions londoniennes de formation pour prĂ©parer les futurs avocats au barreau. Un petit garçon de l’autre cĂŽtĂ© de la place Ă©voque Ă  Eddie un « aprĂšs-midi de Sunday School », c'est-Ă -dire de catĂ©chisme dans l’Église protestante. Il est Ă©galement fait rĂ©fĂ©rence aux « King’s Regulations », ensemble de rĂšgles rĂ©gissant l’armĂ©e anglaise, lorsqu’il est remarquĂ© qu’un jeune lieutenant ne porte pas la moustache, et Ă  l’acadĂ©mie de Sandhurst, prestigieux lieu de formation des officiers outre-Manche.

Le lieutenant rĂ©vĂšle aux hommes qu’ils se trouvent Ă  Mons, en Belgique. L’un d’eux s’étonne qu’on y parle le français :

Pourtant, poursuivit le sergent, les gens parlent français dans le coin. Je le sais bien : avant d’entrer Ă  l’armĂ©e, j’étais garçon d’hĂŽtel Ă  Kensington et
 - Bien sĂ»r sergent. Bien sĂ»r, vous avez raison. Mais vous devez savoir qu’en Belgique c’est comme au pays de Galles : deux langues coexistent. Ici, c’est le français. Pour le flamand, nous verrons ça plus tard quand nous aurons torchĂ© ces maudits Jerries : ça se parle plus au nord. Enfin, je crois
 » Il se tourna vers Eddie. « Vous devez connaĂźtre, Walton : si je ne m’abuse, c’est la langue des Boers[16]. »

Nos divergences linguistiques sont donc comparĂ©es Ă  une situation en Grande-Bretagne, celle du Pays de Galles, oĂč le gallois Ă©tait largement parlĂ© dans la population. Le lieutenant interpelle ensuite Eddie Walton au sujet de la Seconde Guerre des Boers. L’ñge du soldat laisse penser qu’il a pu la connaĂźtre : il s’agit de deux conflits de la fin du XIXe opposant les britanniques aux colons nĂ©erlandais en Afrique du Sud.

Les faits de Mons sont indirectement Ă©voquĂ©s dans DerriĂšre la colline par un certain Eddie. Au lecteur la libertĂ© de l’identifier Ă  Walton. Ils ont comme point commun d’ĂȘtre soldats de mĂ©tier et d’avoir fait la guerre des Boers, mais ce fait est significatif du dĂ©but de la Grande Guerre dans les rangs anglais, les engagĂ©s volontaires n’étant pas encore montĂ©s au front. Dans le roman, Eddie insiste d’ailleurs sur l’expĂ©rience que lui et ses camarades de la premiĂšre heure avaient. Il insiste sur l’incroyable cadence de tirs qu’ils pouvaient tenir :

On marchait sur les douilles, et ça schlinguait la cordite Ă  ne plus savoir respirer. Mais on avait beau remettre des clips dans nos chargeurs et les vider aussi sec, il en arrivait toujours, des Jerries. À la longue, on avait l’impression de descendre les mĂȘmes, toujours les mĂȘmes. Fallait les tuer deux fois. ParaĂźt qu’ils ont cru qu’on avait des mitrailleuses[17]


Alors que les Britanniques battent en retraite, Eddie est blessĂ© et tente de fuir. Se croyant condamnĂ© par les bombardements qui approchent, il se couche sur le dos et attend. L’épisode bascule alors dans le fantastique. Le ciel se dĂ©chire et une armĂ©e d’anges armĂ©s d’épĂ©es de feu en descend. Cette histoire est issue d’une lĂ©gende qui courait Ă  l’époque Ă  propos des Ă©vĂ©nements du , lorsque les Allemands avaient pris l’avantage de la bataille de Mons. Les anges apparaissent devant Nigel Parsons Ă  la fin du roman lorsqu’il quitte le Monstre.

Le réalisme magique

Le rĂ©alisme magique est souvent prĂ©sent dans les Ă©crits de notre auteur, non seulement dans la structure du roman Les lieux communs, mais Ă©galement Ă  diverses occasions pouvant se regrouper par types, selon qu’il se manifestent Ă  travers des songes ou dans certains lieux. L’analyse des occurrences permet d’interprĂ©ter l’usage du rĂ©alisme magique chez Hanotte.

Les lieux communs

Un poĂšme de PoussiĂšres d’histoires et bribes de voyages exprime toute la dualitĂ© qui fait le roman Les lieux communs, Bellewaerde Park :

De grands enfants kaki

Prennent les toboggans

Et ce n’est qu’un grand cri

De joie qui se répand.

Allons tirer aux pipes

Dans les baraques foraines

Et cirer la moustache

Du grand lion de bois.

Sur un vieil air de fifre

Lançons les carrousels

Et mangeons les beignets

Chauds Ă  la baĂŻonnette.

MĂȘme les vieux sergents

Roulent en patinette

Et notre lieutenant

Aboie la tombola.

Les capotes accrochent

Les barres des tourniquets.

Ne nous pressons pas trop,

Les places sont gratuites.

Sur un coup de sifflet

Nous formerons les rangs

Puis derriÚre la chaussée

Nous irons nous coucher

Sur les pelouses vertes

OĂč ne manque vraiment

Qu’un beau ballon de cuir.


(Pour matches sous la lune[18].)

Bellewaerde, il y a bien longtemps tĂ©moin des atrocitĂ©s de la guerre, et aujourd’hui parc d’attraction grand public. Dans le poĂšme, prĂ©sent et passĂ© s’entremĂȘlent comme dans le quatriĂšme roman de Xavier Hanotte. Deux dimensions temporelles sont en effet en parallĂšle : l’une Ă  travers un petit garçon, Serge, se rendant avec sa tante au parc d’attraction Bellewaerde de nos jours, l’autre Ă  travers Pierre Lambert, soldat canadien faisant route vers la localitĂ© de Bellewaerde, au front, prĂšs d’Ypres, en 1915. Le rĂ©alisme magique est prĂ©sent lorsque les deux dimensions se rejoignent : le jeune Serge livrĂ© Ă  lui-mĂȘme dans le parc croise Ă  plusieurs reprises un vieux monsieur avec une pelle, qui dit chercher quelque chose. Mais le petit garçon semble ĂȘtre le seul Ă  le voir. Sur le chemin du retour, son bus s’arrĂȘte sous la porte de Menin, Ă  cause du Last Post. À cette occasion, la circulation est interrompue quelques minutes, comme le raconte le chauffeur. Un autre bus croise le leur, un bus Ă  impĂ©riale vert, oĂč se trouve le vieil homme. À la fin du roman, une coupure de journal : un touriste allemand a trouvĂ© dans le parc d’attraction une vieille pelle de la guerre, et en grattant un peu, un cadavre : celui que Pierre Lambert avait promis de retrouver, un compagnon mort lorsqu’un obus a Ă©crasĂ© l’abri oĂč il se trouvait.

On pourrait penser que le vieil homme est le soldat revenu sur les lieux des annĂ©es plus tard, mais une aura de mystĂšre flotte autour de lui. Il appelle le petit garçon par son prĂ©nom alors qu’il le rencontre pour la premiĂšre fois, veut lui donner sa casquette mais dit qu’il ne peut le faire, comme s’ils appartenaient Ă  deux mondes diffĂ©rents et ne pouvaient interagir concrĂštement. Le bus dans lequel Pierre Lambert repart a des phares bleus, comme ceux des bus pendant la guerre :

Sur la grand-route, depuis quelques minutes, grondent des moteurs, rÎdent les lueurs bleues de phares occultés[19].

Et tout d’un coup, Ă  l’entrĂ©e de la porte – je l’ai pas vu tout de suite Ă  cause des phares bleus – arrive un drĂŽle de bus[20].

Dans les deux extraits ci-dessus, le premier est du narrateur Pierre Lambert, et le second a pour voix le jeune Serge.

Les rĂȘves de l'inspecteur Dussert

La premiĂšre occurrence de rĂ©alisme magique chez Hanotte se trouve dans son premier roman, ManiĂšre noire. Sans transition aucune, le chapitre douze commence en pleine guerre, le narrateur qui dit « je » nous est inconnu, alors que le rĂ©cit Ă©tait jusqu’ici pris en charge par Dussert Ă  notre Ă©poque. Le nouveau plan de l’action est en France, sur le front prĂšs du canal de la Sambre. Le narrateur rencontre le caporal Wilfred Owen, qui lui a fait lire l’un de ses poĂšmes. Ils montent Ă  l’assaut ensemble, Ă  Ors, lĂ  oĂč le lecteur a dĂ©jĂ  appris prĂ©cĂ©demment qu’Owen s’était fait tuer en 1918. Et en effet, sa mort est contĂ©e.

Le retour Ă  la rĂ©alitĂ© semble s’effectuer aprĂšs l’explosion. Mais ce qui Ă©tait un rĂȘve de Dussert se poursuit encore, avant que celui-ci ne se rĂ©veille violemment en tombant de son lit. Le portrait d’Owen posĂ© sur la table de chevet et que l’inspecteur a emmenĂ© dans sa chute trouble le caractĂšre purement onirique de l’épisode :

Le lieutenant Owen me souriait toujours par-delĂ  le temps. Il ne me regardait pas bien en face. DĂ©jĂ  saisi par les tĂ©nĂšbres de l’arriĂšre-plan, son visage pris de trois quarts Ă©tait celui d’un homme sur le point de partir. À croire qu’il venait de se retourner, comme pour prendre une derniĂšre fois congĂ© – ou m’inviter Ă  le suivre[21].

Le passage est Ă©crit comme Ă©tant dans la parfaite continuitĂ© de ce qui se passe dans le rĂȘve : Owen vient tout juste de pĂ©rir dans l’explosion, et invite du regard celui qui le suivait, le narrateur inconnu s’identifiant dĂšs lors Ă  l’inspecteur, encore suspendu entre le rĂȘve et la rĂ©alitĂ©.

Dans De secrĂštes injustices, un « rĂȘve » aussi troublant perturbe le narrateur. Owen en personne vient le voir chez lui, prend un verre et discute des traductions que l’inspecteur fait de ses poĂšmes. Mais ici, le statut de rĂȘve de l’épisode n’est pas explicitĂ©. Dussert dort lorsqu’il entend la sonnette de la porte d’entrĂ©e, mais il se lĂšve et enfile son peignoir avant d’aller ouvrir. Lorsqu’Owen repart, l’inspecteur retourne se coucher. En outre, l’uniforme du poĂšte est couvert de dĂ©chirures, comme s’il s’agissait de lui directement aprĂšs le bombardement qui lui coĂ»ta la vie.

Les monuments aux morts

Dans De secrĂštes injustices, l’inspecteur Dussert se rend rĂ©guliĂšrement au cimetiĂšre des Remparts Ă  Ypres pour chercher des noms sur les tombes. À partir de ceux-ci et des informations qu’il trouve dans le registre, il Ă©crit Ă  propos de ces hommes, d’oĂč ils viennent, ce qu’ils pouvaient penser, comment ils seraient morts
 Ces textes sont intercalĂ©s entre les chapitres du rĂ©cit, sous forme de chapitres en italiques dont l’en-tĂȘte est le grade et le nom du mort, ainsi que la lettre et le chiffre qui dĂ©terminent l’emplacement de la tombe. La derniĂšre de ces parties s’intitule « A soldier of the great war known unto god », c'est-Ă -dire qu’il s’agit d’un soldat non identifiĂ© ou disparu. Alors que les autres parties tentaient de raconter le passĂ© des dĂ©cĂ©dĂ©s, ici c’est le prĂ©sent de notre Ă©poque qui est contĂ©. Le soldat sans nom essaie de retrouver ses souvenirs, de retrouver comment il s’appelle, car son nom se trouve sur la porte de Menin, au milieu de milliers d’autres. Avec son voisin lui aussi non identifiĂ©, ils vont chaque nuit Ă  tour de rĂŽle lire les noms du monument, pour retrouver les leurs.

Dans DerriĂšre la colline, c’est le prĂ©sent qui s’invite dans le passĂ©. AprĂšs un assaut d’oĂč il sort dĂ©sorientĂ©, le hĂ©ros narrateur, Nigel Parsons, se retrouve sous un Ă©difice oĂč sont gravĂ©s des noms. C’est le monument de Thiepval, qui sera Ă©difiĂ© aprĂšs le conflit, Ă  la mĂ©moire des soldats tombĂ©s dans la rĂ©gion. Sous le monument se trouvent des compagnons de Nigel, dont William. Silencieux, ils entretiennent un feu. Personne ne parle, personne ne semble savoir que faire lĂ , sinon attendre. En lisant les noms, Nigel remarque le sien et celui de William. Lorsqu’il part chercher du bois, il se retrouve Ă  l’église du village, oĂč il rencontre des anges. Mais il s’en dĂ©tourne, s’enfuit vers le monument, baptisĂ© le Monstre, et dans sa course, traverse un cimetiĂšre, est surpris par un bombardement
 il reprend connaissance dans le trou d’obus oĂč il s’était rĂ©fugiĂ© avec William avant que tout ne dĂ©rape. Son compagnon est mort.

Un casque sur le trottoir fait allusion Ă  un autre monument en mĂ©moire des victimes anglaises de 14-18, situĂ© place Poelaert Ă  Bruxelles. Le narrateur, Archie, soldat Ă©cossais n’ayant pas fait la premiĂšre mais la DeuxiĂšme Guerre mondiale, y est reprĂ©sentĂ©, ou du moins son sosie :

Sans doute, c'est bien moi, la tĂȘte penchĂ©e avec cet air de contempler le bout de mes chaussures comme si elles Ă©taient mal cirĂ©es. Oui, c'est bien moi. Mais voilĂ , sous la longue capote, on voit juste les bandes molletiĂšres. Pas mon kilt. Me voilĂ  donc Anglais pour l'Ă©ternitĂ©... Quelle horreur[22] !

Dans cet extrait transparaĂźt le nationalisme Ă©cossais, qui Ă©tait affirmĂ© plus haut lorsque le narrateur se plaint de la dĂ©cision anglaise de modifier la bande dessinĂ©e originale d’HergĂ© dans laquelle est narrĂ© un Ă©pisode vĂ©cu du soldat lorsqu’il Ă©tait en poste Ă  HaĂŻfa. Les Britanniques auraient justement voulu Ă©viter toute allusion Ă  leur mandat en Palestine, et le lieu des Ă©vĂ©nements n’aurait plus Ă©tĂ© identifiĂ© dans la derniĂšre version :

Durant quelques minutes, une sourde colÚre m'a remué les tripes. Supprimé à la demande des Anglais ! Ces lopettes ! Là, sur le moment, je me serais bien vu à Bannockburn, une hache à la main[22]...

La bataille de Bannockburn, en 1314, est un Ă©pisode cĂ©lĂšbre de la guerre d’indĂ©pendance menĂ©e par les Écossais.

Les lieux chargés d'histoire

Dans L’architecte du dĂ©sastre, dans le premier rĂ©cit des Temps poreux, partie dont le titre nous fait dĂ©jĂ  deviner la probable prĂ©sence de rĂ©alisme magique, les dimensions temporelles vont fusionner tout Ă  fait et donner naissance Ă  un nouvel Ă©pisode des aventures de l’inspecteur Dussert, « PassĂ© le pont ». Un indice est d’ailleurs prĂ©sent faire pressentir au lecteur attentif la prĂ©sence de rĂ©alisme magique : le rĂ©cit est dĂ©diĂ© par Xavier Hanotte Ă  Hubert Lampo, dont il a traduit plusieurs ouvrages.

Dans ce roman court, Dussert et sa collĂšgue Trientje planquent au niveau d’un pont, le « Verbrande Brug », sur base des indications d’un informateur qui a renseignĂ© la visite, dans le cafĂ© attenant, d’un trafiquant d’armes. Le nom de la place du village, « Korporaal TrĂ©signies », fait rĂ©fĂ©rence Ă  un Ă©pisode de la premiĂšre guerre mondiale : un caporal belge, LĂ©on TrĂ©signies, a traversĂ© Ă  la nage pour actionner la manivelle du pont et le baisser de maniĂšre Ă  faire passer ses camarades en fuite. L’homme est tombĂ© sous le feu allemand. En quelques lignes, Hanotte raconte l’anecdote telle qu’elle a pu se dĂ©rouler, abandonnant le « je » pour une narration omnisciente. Le paragraphe oĂč Dussert redevient narrateur commence par « Je m’éveillai en sursaut ». Une fois de plus, une Ă©chappĂ©e dans le passĂ© peut ĂȘtre perçue par le lecteur comme un rĂȘve du policier.

Les deux inspecteurs remarquent aux abords du pont un homme Ă©trange en pardessus. Lorsque celui-ci rentre dans le cafĂ© le plus proche, ils dĂ©cident de le suivre. Mais Ă  leur entrĂ©e dans l’établissement, ils se retrouvent seuls avec le patron. IntriguĂ©, BarthĂ©lemy sort alors que la sonnerie du pont retentit annonçant une manƓuvre destinĂ©e sans doute Ă  permettre le passage d’un bateau. Alors que le tablier redescend, de l’autre cĂŽtĂ© du canal, un homme semble s’affairer derriĂšre un muret. Lorsqu’il se relĂšve, Dussert reconnaĂźt l’homme au pardessus. Mais saisi d’un trouble, il ne traverse pas le pont pour le retrouver. Il interroge le cafetier qui lui parle d’un certain LĂ©on, client rĂ©gulier qui vient lĂ  la nuit, pour cause d’insomnies.

Les Ă©vĂ©nements se prĂ©cipitent ensuite : les inspecteurs aperçoivent leur suspect qui saute dans son vĂ©hicule et tente de leur Ă©chapper. Mais il se retrouve surpris par une brusque manƓuvre du pont Ă  nouveau annoncĂ©e par la sonnerie et sans qu’aucun bateau ne passe. Dans la poursuite Ă  pied qui s’ensuit, BarthĂ©lemy Dussert perd son arme et se retrouve Ă  la merci du malfaiteur. Mais des coups de feu claquent, blessant celui-ci. Trientje a juste le temps de tirer pour l’empĂȘcher de rĂ©cupĂ©rer son pistolet. Les autres dĂ©tonations ne venaient pas d’elle. L’expertise du laboratoire de police judiciaire date ces balles de 1914, d’une arme rĂšglementaire de l’infanterie belge. Pour achever le tableau, notre hĂ©ros apprend sur la sĂ©pulture du caporal TrĂ©signies que son prĂ©nom Ă©tait LĂ©on. L’omniprĂ©sence de l’homme sur les lieux de son exploit passĂ© avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© pressentie dans un poĂšme personnel de Xavier Hanotte, intitulĂ© Verbrande Brug :

Le vent s’en fiche

Il se choisit

Un alcool fort

Pour les oublis.

Dehors pourtant

Plus seul encore

LĂ©on manie

La manivelle.

Le pont descend

Tout doucement

Son carrĂ© d’ombre

Sur les eaux sombres[23]

Une fois encore, les sentiments ressentis par BarthĂ©lemy Dussert sur le papier viennent directement du vĂ©cu de l’auteur lui-mĂȘme. Un autre poĂšme, Le capitaine JoĂŁo Bento, a pour conclusion la prĂ©sence, des annĂ©es aprĂšs les faits, de l’esprit d’un soldat, lĂ  oĂč aujourd’hui s’alignent les stĂšles blanches :

Depuis ce jour tu erres

Sous les cieux gris-vert

MĂȘme si tu n’en peux plus

Et cries leurs noms perdus

Ton Ă©ternel fardeau

Capitaine JoĂŁo Bento[24]

Dans la seconde nouvelle des Temps poreux, « PrĂšs des fleuves de Babylone », une rencontre inattendue Ă  la toute fin de l’épisode donne au rĂ©cit rĂ©aliste une touche d’invraisemblance. Il est fait rĂ©fĂ©rence au passĂ© grĂące au narrateur, un soldat anglais en poste en Irak, qui emmĂšne ses hommes dans un cimetiĂšre de la premiĂšre guerre. Mais en le quittant, il croit apercevoir sur la route devant son char un couple, entiĂšrement nu, la peau laiteuse. Un de ses hommes dit ensuite avoir Ă©crasĂ© un serpent. Il s’agit donc d’une quasi rencontre onirique avec Adam et Ève, en un lieu considĂ©rĂ© comme celui oĂč se situait le jardin d’Eden.

La fusion des temps

Il apparaĂźt Ă  travers tous ces exemples que le rĂ©alisme magique chez Xavier Hanotte naĂźt systĂ©matiquement d’une rencontre entre deux dimensions temporelles, toutes deux rĂ©elles, l’une d’elles Ă©tant enracinĂ©e historiquement : la guerre, mais celles-ci ne pourraient rationnellement pas se rencontrer. Ces interactions se passent, Ă  moins qu’il ne s’agisse des songes de l’inspecteur Dussert, dans des lieux porteurs de mĂ©moire, ou qui sont appelĂ©s Ă  le devenir, comme c’est le cas dans DerriĂšre la colline pour le « Monstre » de Thiepval.

Le grand trait commun, rĂ©vĂ©lant l’un des principaux intĂ©rĂȘts de l’auteur, est qu’il s’agit systĂ©matiquement, sauf dans PrĂšs des fleuves de Babylone, de rĂ©fĂ©rences Ă  la PremiĂšre Guerre mondiale, conflit particuliĂšrement marquant qui s’est construit en quelque sorte ses propres lĂ©gendes. La bravoure du caporal TrĂ©signies, le sort funeste d’un jeune poĂšte talentueux tombĂ© quelques jours avant la paix, les monceaux de cadavres enterrĂ©s dans la terre des Flandre, sous ce qui est aujourd’hui un parc d’attraction
 Ce cĂŽtĂ© mythique de l’évĂ©nement Ă©loignĂ© dans le temps renvoie aux idĂ©es d’Hubert Lampo, qui donnait toute son importance Ă  l’inconscient collectif dans la notion de rĂ©alisme magique. Chez Hanotte, le but est moins de se reconstruire soi-mĂȘme, que de rappeler, Ă  travers ces Ă©vocations dĂ©calĂ©es et poĂ©tiques du passĂ©, que celui-ci n’est jamais loin et qu’il existe Ă  son encontre un devoir de mĂ©moire incarnĂ© notamment dans les dĂ©marches de l’inspecteur Dussert.

La « British touch »

ƒufs au bacon et Daarjeeling

Ours Toujours se dĂ©marque totalement du reste de la production hanottienne, du moins au premier abord. En effet, Ă  tous ces romans fortement marquĂ©s par la guerre et faisant de nombreuses rĂ©fĂ©rences Ă  l’Angleterre Ă  travers les protagonistes, s’oppose cette fable dont les hĂ©ros sont trois ours civilisĂ©s, parquĂ©s dans une rĂ©serve naturelle, qui plus est française. Et pourtant, Ă  y voir de plus prĂšs, nos ours bien lĂ©chĂ©s ne sont pas vierges de toute allusion Ă  l’Angleterre. Surtout l’un d’eux, Adalbert, qui collectionne les traits que l’on prĂȘterait facilement Ă  un gentleman britannique. StĂ©rĂ©otypes, certes, mais bel et bien identifiables. Cet ursidĂ© est le seul de la taniĂšre Ă  boire rĂ©guliĂšrement du thĂ©, et pas n’importe lequel, puisqu’il affectionne le darjeeling, du nom d’une ville indienne et donc ancienne colonie de l’Empire de sa trĂšs gracieuse MajestĂ©. Le lecteur apprend aussi rapidement que son petit dĂ©jeuner est bien Ă©loignĂ© de celui d’un continental, se composant d’Ɠufs frits et de bacon. Lorsqu’Adalbert traĂźne la patte dans sa taniĂšre, ce n’est pas sans style : vĂȘtu d’un peignoir de soie, il a toujours Ă  la bouche un prĂ©cieux fume-cigarettes en ivoire. L’animal est aussi pudique, rechignant Ă  se dĂ©couvrir un poil en public, ce qui est assez gĂȘnant pour un ours devant faire croire aux touristes que son passe-temps favori est de batifoler dans les hautes herbes et de gratter les troncs d’arbres Ă  la recherche de miel. Ce qu’il aime, lui, c’est le jardinage. Et enfin, Adalbert est dit « soucieux des bonnes maniĂšres » autant qu’il paraĂźt prĂ©cieux dans son comportement.

Ce portrait est chargĂ© de stĂ©rĂ©otypes qui brossent les grands traits du caractĂšre anglais tel qu’il est perçu chez nous. Il montre une certaine façon de se comporter, certaines habitudes alimentaires, et le tout avec humour. Cet humour qui, lui aussi, est indissociable de l’image que nous renvoie la culture anglaise.

Humour Ă  l'Anglaise

Le ton dont use Xavier Hanotte dans ses romans n’est jamais exempt d’humour, mĂȘme dans les situations les plus dramatiques, comme en tĂ©moigne par exemple cet extrait de PoussiĂšres d’histoires et bribes de voyages Ă  propos des soldats canadiens ayant combattu Ă  Beaumont-Hamel :

(
) les volontaires sentaient le poisson. Pas Ă©tonnant, quand on traverse l’Atlantique Ă  bord d’un thonier de St John’s. Autre production locale : le bois. Ils auraient donc pu sentir le sapin[25].

Cette capacitĂ© de mettre Ă  distance la rĂ©alitĂ© quelle qu’elle soit par un trait d’esprit, de verser dans l’absurde mĂȘme Ă  partir du dramatique, fait songer Ă  l’idĂ©e que l’on se fait gĂ©nĂ©ralement de l’humour anglais. L’origine du mot « humour » et son sens actuel sont d’ailleurs liĂ©s Ă  l’histoire littĂ©raire anglaise.

Savoir-vivre

Le dĂ©calage et l’autodĂ©rision qui est propre Ă  l’humour dit anglais s’expriment Ă©galement chez Hanotte dans la maniĂšre dont il use sciemment des idĂ©es reçues sur les Britanniques et leurs habitudes. Ainsi, aucun roman n’est exempt d’une scĂšne de dĂ©gustation de thĂ©, plus ou moins poussĂ©e dans la prĂ©ciositĂ©. À la collation virile entre frĂšres d’armes et sous les feux d’une mitrailleuse ennemie, dans Les lieux communs, succĂšde une calme dĂ©gustation toute raffinĂ©e dans L’architecte du dĂ©sastre. La derniĂšre nouvelle consacrĂ©e aux temps enfuis est en effet marquĂ©e par son ambiance « british ». Le capitaine Thorpe s’est engagĂ© avec son majordome, Hawtorne, et celui-ci vient toujours lui apporter son thĂ© alors que l’heure de l’assaut approche :

Important, la tasse. Important aussi, la soucoupe. Les quarts en mĂ©tal vous brĂ»laient les lĂšvres et gĂątaient irrĂ©mĂ©diablement le goĂ»t du darjeeling. MĂȘme Ă©brĂ©chĂ©e, la porcelaine prĂ©sentait l’immense avantage de sauvegarder ce petit plaisir, cette minuscule oasis de domesticitĂ© qu’il faisait bon retrouver, fĂ»t-ce quelques secondes, Ă  l’orĂ©e d’une journĂ©e comme celle-ci[26].

Madame Thorpe est d’ailleurs indisposĂ©e de l’absence de son majordome, qui faisait de dĂ©licieux muffins
 mais avec ses amies, elle a maintenant de quoi s’occuper : ces dames tricotent gants et Ă©charpes pour les soldats.

Tout l’épisode est en fait imprĂ©gnĂ© d’une vision stĂ©rĂ©otypĂ©e du caractĂšre anglais : un savoir vivre et une politesse omniprĂ©sente jusqu’à l’évocation de banalitĂ©s malgrĂ© l’imminence d’évĂ©nements gravissimes, et un flegme Ă  toute Ă©preuve. Les images connotĂ©es ne manquent pas en ce qui concerne le hĂ©ros : il boit son thĂ© servi par un domestique qui l’a suivi au front, il dĂ©nonce ensuite la mauvaise Ă©ducation des Allemands lorsqu’un peu de poussiĂšre provoquĂ©e par une explosion tombe dans sa tasse, ou reste indiffĂ©remment sous les Ă©clats qui se perdent pour se comporter de la maniĂšre que son grade d’officier lui impose.

Le physique lui-mĂȘme des personnages est typĂ©, mais les descriptions concernant les protagonistes Ă©tant peu nombreuses, c’est dans le dĂ©tail qu’il faut chercher le clin d’Ɠil. Une moustache parfaitement entretenue fait l’officier, et ce d’abord chez Wilfred Owen :

Pas un poil ne dĂ©passait de la moustache finement taillĂ©e. Impeccable, comme toujours. Parfois, les autres officiers s’étonnaient que le fils d’un chef de gare pĂ»t afficher une telle Ă©lĂ©gance de dandy. Et en effet, il n’y manquait rien, pas mĂȘme l’ironie glacĂ©e du sourire[27].

À cet exemple de prĂ©ciositĂ© masculine succĂšde la simplicitĂ© d’une femme, en la personne de Dorothy Maceachran, amour déçu du hĂ©ros du roman court « L’architecte du dĂ©sastre ». La jeune femme n’est pas particuliĂšrement jolie, et fait preuve d’étourderie, due Ă  sa timiditĂ©. NĂ©anmoins, sa rĂ©serve et son bon sens lorsque Metzger la taquine sont preuves d’un flegme tout Ă  son honneur. Le dĂ©tail ici invoquĂ© est le goĂ»t des lĂšvres de Dottie, « un goĂ»t de gingembre, de sucre et de sel mĂȘlĂ©. Celui des biscuits Ă©cossais. » DĂ©tail Ă  ce point marquant pour l’auteur qu’il a donnĂ© son nom Ă  la rĂ©Ă©dition du rĂ©cit, rĂ©vĂ©lant toute l’importance de l’épisode de Coventry. Celui-ci ne totalise en effet que peu de pages par rapport au reste de la narration, dĂ©crivant la mission de Metzger et son dĂ©nouement. « L’architecte du dĂ©sastre », histoire d’un bĂątisseur pris malgrĂ© lui comme alibis d’une destruction, devient le roman d’une rencontre Ă©phĂ©mĂšre dans un pays pluvieux, rencontre qui hante toujours le hĂ©ros. Ce glissement est perceptible par l’ajout dans Un goĂ»t de biscuit au gingembre de l’épilogue mettant en scĂšne le supposĂ© frĂšre de la jeune Ă©cossaise.

Main verte

Autre image que l’on peut avoir de l’Angleterre, celle des pelouses rigoureusement entretenues, des plates-bandes de fleurs magnifiquement agencĂ©es et des bois d’apparence sauvage laissant deviner la prĂ©sence d’un vieil Ă©difice gothique. Au XVIIIe siĂšcle, le royaume se prend d’un vĂ©ritable engouement pour le paysagisme, qui va dĂ©boucher sur la crĂ©ation du jardin Ă  l’anglaise. Celui-ci s’oppose au jardin classique français et Ă  son souci de gĂ©omĂ©trie. Il ambitionne de recrĂ©er la nature de maniĂšre sauvage, ce qui pourrait ĂȘtre vu comme une rĂ©action Ă  l’industrialisation. Les ambiances particuliĂšres de ces espaces ont beaucoup inspirĂ© les artistes, peintres, Ă©crivains et poĂštes. Quoi d’étonnant dĂšs lors que ce soit Ă  Holland Park, en composant des vers fleuris, que Nigel Parsons rencontre le jardinier William Salter :

In Holland Park the garden flows

With white gardenias in a row.

We are the groundskeepers
[28]


Cette amitiĂ© va permettre au poĂšte d’acquĂ©rir la main verte. Sa carriĂšre de jardinier commence bien avant son Ă©change d’identitĂ© avec Salter. DĂšs son engagement, il se fait passer pour pratiquant une telle profession, de sorte Ă  demeurer simple soldat et non officier comme son mĂ©tier de professeur le lui aurait permis. Ensuite, c’est dans un cimetiĂšre en France, alors qu’ils sĂ©journent Ă  la ferme des Caubert, que Parsons reçoit son premier cours de jardinage de son camarade. Traçant des sillons Ă  la pointe de sa baĂŻonnette, il plante quelques fleurs dans ce lieu austĂšre oĂč dĂ©jĂ  des soldats de leur bataillon reposent. AprĂšs la guerre, c’est bien dans des cimetiĂšres que Parsons/Salter exerce son art, pour le compte de la Commission impĂ©riale des tombes de guerre, la Commonwealth War Graves Commission.

Les pierres blanches des cimetiĂšres de guerre britanniques deviennent pages blanches, et inspiration pour le romancier, grĂące Ă  la richesse de leurs inscriptions et Ă  l’atmosphĂšre propice qui rĂšgne autour d’elles. Dans cette optique, le travail de jardinage, occupation commune Ă  plusieurs autres personnages, est la plupart du temps associĂ© dans les livres de Hanotte aux lieux de mĂ©moire de l’armĂ©e anglaise.

Dans De secrĂštes injustices, l’un des soldats dont l’histoire occupe les parties inter chapitres, Gordon, est imaginĂ© par Dussert comme un jardinier de mĂ©tier creusant des tranchĂ©es, mais imaginant ce qu’il planterait aprĂšs la guerre dans les cimetiĂšres. Au-delĂ  d’un simple travail d’entretien des parterres et autres pelouses, les jardiniers hanottiens veillent sur le repos des morts et entretiennent leur mĂ©moire, en s’assurant que jamais leurs lieux d’ancrage ne soient laissĂ©s Ă  l’abandon.

De maniĂšre plus anecdotique, Pierre Lambert, l’un des narrateurs de Les lieux communs, Ă©tait architecte et paysagiste. Quant Ă  l’un des ours philosophe d’Ours toujours, Adalbert, qui est sans conteste le plus anglais des trois, promĂšne sa nostalgie dans un carrĂ© de simples qu’il entretient Ă  l’extĂ©rieur de sa taniĂšre.

De Gosford Park Ă  Gosford Street

Les rĂ©fĂ©rences culturelles faites Ă  l’Angleterre par Hanotte dans ses textes ne se limitent pas Ă  Owen. Principalement dans la trilogie initiale, il cite Ă  plusieurs reprises de cĂ©lĂšbres auteurs anglophones et leurs Ă©crits, au hasard des circonstances de la narration ou des Ă©tats d’ñme des protagonistes. Il aborde Ă©galement l’art pictural Ă  travers William Turner qui contribue Ă  titrer le premier roman. Le cinĂ©ma est lui aussi discrĂštement mis Ă  contribution dans le roman court « L’architecte du dĂ©sastre », qui cache derriĂšre son personnage fĂ©tiche une actrice Ă©cossaise connue, plus prĂ©cisĂ©ment dans le rĂŽle qui est le sien dans le film Gosford Park de Robert Altman.

Lorsqu’il arrive Ă  Coventry, un crachin dĂ©sagrĂ©able incite Metzger Ă  rejoindre directement son hĂŽtel, le King’s Head. Il est accueilli par une jeune femme quelque peu maladroite. Cette rencontre sous la pluie prĂ©sente de frappantes similitudes avec la premiĂšre scĂšne du film de Robert Altman, Gosford Park. Cette production amĂ©ricaine de 2002 a pour but de nous montrer la riche sociĂ©tĂ© anglaise des annĂ©es trente Ă  travers le regard de ses domestiques. L’intrigue a pour cadre un somptueux manoir oĂč une brillante compagnie est rĂ©unie pour une partie de chasse, troublĂ©e par l’assassinat du maĂźtre de maison. Le rĂŽle qui nous intĂ©resse ici est celui d’une jeune domestique, Mary Maceachran, tenu par l’actrice Ă©cossaise Kelly Mac Donald. Tout, de sa gaucherie Ă  son accent en passant par son physique, semble prouver que Xavier Hanotte s’est directement inspirĂ© de ce personnage pour construire celui de Dottie Maceachran, avec qui Metzger entretient une relation platonique pendant son sĂ©jour Ă  Coventry.

La premiĂšre scĂšne du film nous montre Mary Maceachran montant en voiture Ă  la suite de sa maĂźtresse, sous une pluie battante, en prĂ©sence d’un majordome assez directif. Celui-ci rappelle l’employĂ© de l’hĂŽtel qui rĂ©primande gentiment Dottie pour avoir oubliĂ© d’amener un parapluie. L’ensemble du film montre une jeune femme gauche mais soigneuse, prĂ©occupĂ©e par sa tĂąche, discrĂšte mais fine mouche. Elle seule parviendra Ă  rĂ©soudre l’énigme du meurtre. Ce caractĂšre se retrouve sous la plume de Xavier Hanotte : « [
] c’était une fille comme cela : indĂ©pendante, obstinĂ©e, souvent distraite mais toujours prĂȘte Ă  faire ce qu’il fallait faire[29] ». Clin d’Ɠil pour mettre le lecteur sur la voie ? Dottie habite Gosford Street.

De secrĂštes injustices

So secretly like wrongs hushed-up, they went.
They are not ours:
We never heard to which front these were sent.

Wilfred Owen, The Send-Off

[Ainsi, telles de secrĂštes injustices, ils s'en allĂšrent.
Ils n'Ă©taient pas des nĂŽtres:
Jamais nous n'avons su quel front les attendait.]

Son livre De secrĂštes injustices (titre inspirĂ© d'un poĂšme d'Owen), a ceci d'exceptionnel qu'il fouille le passĂ© de son pays jusqu'Ă  faire de la bataille de la Lys (23-), la clef d'une Ă©nigme policiĂšre qui se dĂ©noue Ă  la fin du XXe siĂšcle, impliquant en quelque sorte les soldats wallons de plusieurs rĂ©giments des chasseurs ardennais de et la reddition sans combattre de la 4e Division flamande, en mĂȘme temps que le massacre de dizaines de civils innocents dans le village flamand de Vinkt selon des processus qui font directement penser au mĂȘme mĂ©canisme que celui des massacres dĂ©crits dans les atrocitĂ©s allemandes en (la fausse croyance sincĂšre dans l'existence de francs-tireurs).

Une scÚne sur la tragédie wallo-flamande

La 4e Division fut relevĂ©e ce par la 1re Division des chasseurs ardennais, une troupe d'Ă©lite qui infligea Ă  l'agresseur allemand des pertes considĂ©rables, notamment dans le village de Vinkt. Les Allemands dĂ©cimĂ©s de ce rĂ©giment (la moitiĂ© de pertes en blessĂ©s et tuĂ©s), crut comme en 1914 que des francs-tireurs avaient tirĂ© dans leur dos. Du coup ce village flamand (dĂ©fendu par des troupes wallonnes), se vit accuser par les Allemands de contenir des francs-tireurs et 80 hommes, femmes et enfants furent passĂ©s par les armes. Le livre de Xavier Hanotte, intitulĂ© De secrĂštes injustices met en scĂšne de maniĂšre assez extraordinaire un de ces soldats capturĂ©s comme prisonniers de guerre selon les Conventions de GenĂšve (plus tard, les soldats wallons demeurĂšrent prisonniers en Allemagne, alors que la grande majoritĂ© des flamands Ă©taient libĂ©rĂ©s). Le soldat wallon est emmenĂ© par des soldats allemands sur les lieux mĂȘme de l'exĂ©cution (crime de guerre) des civils flamands (innocents bien sĂ»r). L'un des Flamands lui crie alors quelque chose en flamand que ce soldat wallon ne comprend pas, quelques instants avant que les balles allemandes ne fauchent le villageois, une rĂ©flexion dĂ©sespĂ©rĂ©e, au bord de la mort, qui n'est pas nĂ©cessairement un reproche, mais dont on ne saura jamais la teneur. Cette scĂšne au cƓur d'un trĂšs bon roman de cet Ă©crivain wallon selon la revue Toudi synthĂ©tise la question nationale en Belgique en un fulgurant instantanĂ©: il s'agit d'une tragĂ©die au cƓur de l'Europe[30].

Autres thĂšmes

Le livre embrasse aussi la problématique du négationnisme, la description de policiers « humains », le contact simple à Bruxelles entre Flamands et Wallons ou francophones, l'amour humain, le rapport entre hommes et femmes aujourd'hui qui réalise, sur le plan professionnel, une égalité de fait. Il s'écrit également dans la mémoire anglaise des boucheries de 1914-1918 (in Flanders' field), évoque le fameux Last Post de la Porte de Menin à Ypres, passionne de bout en bout comme un vrai roman policier écrit avec beaucoup d'humour.

Notes et références

  1. Séminaire de littérature Paul Hurtmans
  2. De secrĂštes injustices p. 29
  3. ManiĂšre noire p. 524
  4. ManiĂšre noire p. 394
  5. L'architecte du désastre p. 173
  6. ManiĂšre noire p. 33
  7. ManiĂšre noire p. 51
  8. ManiĂšre noire p. 73
  9. Le chapitre 13 de ManiĂšre noire utilise le premier vers comme exergue
  10. DerriĂšre la colline p. 115-6
  11. Gerd Krumeichet Stéphane Audoin-Rouzeau, « Les batailles de la Grande Guerre », Encyclopédie de la Grande Guerre, Paris, Bayard, 2004, p. 306
  12. KEEGAN John, La PremiĂšre Guerre mondiale, Perrin, Paris, 2003, p. 369
  13. KEEGAN John, La PremiĂšre Guerre mondiale, Paris, Perrin, 2003, p. 370
  14. ManiĂšre noire p. 406
  15. PoussiĂšres d'histoire et bribes de voyage p. 15
  16. L'architecte du désastre p. 91
  17. DerriĂšre la colline p. 177
  18. PoussiĂšres d'histoires et bribes de voyages p. 48-49
  19. Les lieux communs p. 195
  20. Les lieux communs p. 197
  21. ManiĂšre Noire p. 412
  22. Un casque sur le trottoir p. 9
  23. PoussiĂšre d'histoires et bribes de voyages p. 53
  24. PoussiĂšres d'histoires et bribes de voyages p. 68-69
  25. PoussiĂšres d'histoires et bribes de voyages p. 14
  26. L'architecte du désastre p. 95
  27. ManiĂšre noire p. 395
  28. DerriĂšre la colline p. 45
  29. L'architecte du désatre p. 65

Voir aussi

Traductions par Xavier Hanotte

  • Wilfred Owen, Et chaque lent crĂ©puscule..., poĂšmes et correspondance, traduction de Xavier Hanotte, Bordeaux, Le Castor astral, 2001; Ă©d. revue et complĂ©tĂ©e, 2012.    

ƒuvres de Xavier Hanotte (roman, nouvelles, poĂ©sie, thĂ©Ăątre)

  • ManiĂšre noire, roman, Paris, Belfond, 1995, prix Gironde-Nouvelles-Ecritures 1996.
  • De secrĂštes injustices, roman, Paris, Belfond, 1998.
  • DerriĂšre la colline, roman, Paris, Belfond, 2000.
  • Les lieux communs, roman, Paris, Belfond, 2002, prix Charles Plisnier
  • PoussiĂšres d'histoire et bribes de voyage, 1984-2003. PoĂšmes sans dates et considĂ©rations datĂ©es, Bordeaux, Le Castor Astral 2003.
  • Un casque sur le trottoir, nouvelle, dans Collectif, DrĂŽles de plumes. 11 nouvelles de Tintin au pays du roi des Belges, prĂ©face d’Erik Orsenna, s.l. [Bruxelles], Moulinsart, 2003, p. 121-136.    
  • Ours toujours, roman, Paris, Belfond, 2005.
  • L'Architecte du dĂ©sastre, nouvelles, Paris, Belfond, 2005.
  • Un goĂ»t de biscuit au gingembre, roman bref, illustrations de Claude Renard, s.l. [Tournai], Estuaire 2006 (collection Carnets littĂ©raires); [version illustrĂ©e et retouchĂ©e, augmentĂ©e d'un Ă©pilogue inĂ©dit, de L'Architecte du dĂ©sastre, roman bref Ă©ponyme du recueil paru en 2005 chez Belfond].
  • Le couteau de Jenufa, roman, Paris, Belfond, 2008.
  • Des feux fragiles dans la nuit qui vient, roman, Paris, Belfond, 2010.
  • La Nuit d'Ors, fantaisie dramatique, Le Castor Astral, 2012.
  • Soit dit entre nous... je suis un ours, illustrĂ© par Muriel Logist, Le Castor Astral 2012 (coll.« Escales des lettres » dirigĂ©e par Francis Dannemark), 94 pp.
  • 1914-1918. Les anges de Mons, [nouvelle graphique], dessins de Claude Renard, textes de Xavier Hanotte, Mons, Fondation Mons 2015 Éditions [sic], 2013, 80 pp. (ISBN 978-2-9601403-0-9)    
  • Du vent, roman, Paris, Belfond, 2016  (ISBN 9782714458261).

Essais par Xavier Hanotte

  • CrĂ©ation et traduction, dans Christian Libens (textes Ă©ditĂ©s par, avec la coll. de Nathalie Ryelandt), Écrire et traduire, Bruxelles, Éditions Luc Pire/Parlement de la CommunautĂ© française de Belgique, 2000, p. 157-169.    
  • Guerre et poĂ©sie en littĂ©rature anglaise (1914-1945). Un bref panorama en traductions, communication prĂ©sentĂ©e par Xavier Hanotte Ă  la sĂ©ance mensuelle du de l’AcadĂ©mie royale de langue et de littĂ©rature françaises de Belgique [en ligne sur le site de l’AcadĂ©mie royale de langue et de littĂ©rature françaises de Belgique], <www.arllfb.be/ebibliotheque/communications/hanotte13062015.pdf>, consultĂ© le .     

Entretiens, interviews et prises de parole de Xavier Hanotte 

  • « La littĂ©rature de 14-18 en Belgique : Entretien avec Didier ComĂšs, Xavier Hanotte et Raoul Servais, rĂ©alisĂ© par Pierre Schoentjes avec la collaboration de Griet Theeten », in Textyles. Revue des lettres belges de langue française, no 32-33, 2007, p. 177-195.
  • Table ronde rĂ©unissant G. Bienne, D. Daeninckx, R. Grenier, J. Rouaud, X. Hanotte, J.-M. Turine, P. Schoentjes and C. TrĂ©visan, dans Schoentjes Pierre (Ă©d., avec la coll. de Greet Theeten), La Grande Guerre, un siĂšcle de fictions romanesques. Actes du colloque 13-, UniversitĂ© de Gand – In Flanders Fields Museum, Ypres, GenĂšve, Droz, 2008 (Romanica Gandensia, XXXVI), p. 400-435.    

Sur Xavier Hanotte

  • A.-R. Hermetet, « L’inspecteur de la mĂ©moire : ManiĂšre noire et De secrĂštes injustices de Xavier Hanotte », in Nord’, n° 38, , p. 37-44.
  • Jean-François GrĂ©goire et M.-P. Jadin, « L’univers romanesque de Xavier Hanotte », in Indications. La revue des romans, 58e a., n° 5, , p. 4-16.
  • Eric Bousmar, La littĂ©rature comme moyen de connaissance: temps vĂ©cu et temps historique dans « De secrĂštes injustices » de Xavier Hanotte. Un point de vue d’historien, dans S. Klimis et L. Van Eynde (Ă©d.), LittĂ©rature et savoir(s), Bruxelles, 2002 (Publications des FacultĂ©s universitaires Saint-Louis, vol. 93), p. 337-351. Article en ligne sur le site Academia.edu, consultĂ© le .
  • Xavier Dusausoit, Â« L’esprit des lieux chez Xavier Hanotte ou les ailes du souvenir », dans Textyles. Revue des lettres belges de langue française, no 21, 2002, p. 95-100.
  • L. D'Hulst, « Les jeux de la mĂ©moire traductive en littĂ©rature belge: l'exemple de Xavier Hanotte », dans À partir de Venise. HĂ©ritages, passages, horizons : cinquante ans de l'AILC, Venise, UniversitĂ  ça'Foscari, 2007, p. 456-468.
  • Virginie Renard, « La mĂ©moire de la Grande Guerre dans la littĂ©rature contemporaine : les romans de Xavier Hanotte en comparaison », in Textyles. Revue des lettres belges de langue française, no 32-33, 2007, p. 143-162.
  • Griet Theeten, « Les lieux de mĂ©moire de la Grande Guerre chez Xavier Hanotte : vers la construction de l’identitĂ© », in Textyles. Revue des lettres belges de langue française, no 32-33, 2007, p. 163-176 (utile mais Ă  nuancer).
  • M. FrĂ©dĂ©ric, « L’écriture de l’évĂ©nement chez Le ClĂ©zio, Rouaud et Hanotte », dans Pierre Schoentjes (Ă©d., avec la coll. de Griet Theeten), La Grande Guerre, un siĂšcle de fictions romanesques, GenĂšve, Droz, 2008, p. 291-302 (trĂšs succinct).
  • Joseph Duhamel, Xavier Hanotte. Les doubles, Luce Wilkin, 2010.
  • Joseph Duhamel, « Photographie et rĂ©alisme magique chez Xavier Hanotte », dans Textyles. Revue des lettres belges de langue française, no 43, 2013, p. 109-114.
  • Eric Bousmar, La Grande Guerre, enjeu littĂ©raire et mĂ©moriel dans l’Ɠuvre de Xavier Hanotte de 1995 Ă  nos jours, dans La bataille de Charleroi, 100 ans aprĂšs. Actes de colloque, Charlerloi, 22 et , Bruxelles, AcadĂ©mie royale de Belgique, 2014 (AcadĂ©mie royale de Belgique. MĂ©moires de la Classe des Lettres, collection in-8°, IVe sĂ©rie, tome VII), p. 291-307. (ISBN 978-2-8031-0449-9). Article en ligne sur le site Academia.edu, consultĂ© le .

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.